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27/06/2023 | FRANCE | N°19/01333

France | France, Cour d'appel d'Orléans, Chambre sécurité sociale, 27 juin 2023, 19/01333


COUR D'APPEL D'ORLÉANS



CHAMBRE DES AFFAIRES DE SÉCURITÉ SOCIALE







GROSSE à :

SELAS ELEXIA ASSOCIES

SELARL FELIPE LLAMAS

SELEURL CALLON

CPAM DE LA NIEVRE

EXPÉDITION à :

[F] [V]

SA [11]

[14]

MINISTRE DE L'AGRICULTURE ET DE L'ALIMENTATION

Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de NEVERS





ARRÊT du : 27 JUIN 2023



Minute n°



N° RG 19/01333 - N° Portalis DBVN-V-B7D-F5GC



Décision de première instance : Trib

unal des Affaires de Sécurité Sociale de NEVERS en date du 2 Décembre 2016



ENTRE



APPELANTE :



Madame [F] [V]

[Adresse 2]

[Localité 15]



Représentée par Me Martine GONCALVES de la SELAS ELEXIA ASSOCIE...

COUR D'APPEL D'ORLÉANS

CHAMBRE DES AFFAIRES DE SÉCURITÉ SOCIALE

GROSSE à :

SELAS ELEXIA ASSOCIES

SELARL FELIPE LLAMAS

SELEURL CALLON

CPAM DE LA NIEVRE

EXPÉDITION à :

[F] [V]

SA [11]

[14]

MINISTRE DE L'AGRICULTURE ET DE L'ALIMENTATION

Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de NEVERS

ARRÊT du : 27 JUIN 2023

Minute n°

N° RG 19/01333 - N° Portalis DBVN-V-B7D-F5GC

Décision de première instance : Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de NEVERS en date du 2 Décembre 2016

ENTRE

APPELANTE :

Madame [F] [V]

[Adresse 2]

[Localité 15]

Représentée par Me Martine GONCALVES de la SELAS ELEXIA ASSOCIES, avocat au barreau de NEVERS

D'UNE PART,

ET

INTIMÉES :

CPAM DE LA NIEVRE

[Adresse 3]

[Localité 15]

Représentée par Mme [I] [A], en vertu d'un pouvoir spécial

SA [11]

[Adresse 4]

[Localité 6]

Représentée par Me Jean-Eric CALLON de la SELEURL CALLON Avocat & Conseil, avocat au barreau de PARIS

[14]

[Adresse 1]

[Adresse 8]

[Localité 10]

Représentée par Me Clémence PERIA de la SELARL FELIPE LLAMAS, avocat au barreau de DIJON

PARTIE AVISÉE :

MINISTRE DE L'AGRICULTURE ET DE L'ALIMENTATION

[Adresse 7]

[Localité 5]

Non comparant, ni représenté

D'AUTRE PART,

COMPOSITION DE LA COUR

Lors des débats et du délibéré :

Madame Nathalie LAUER, Président de chambre,

Madame Anabelle BRASSAT-LAPEYRIERE, Conseiller,

Monsieur Laurent SOUSA, Conseiller.

Greffier :

Monsieur Alexis DOUET, Greffier lors des débats et du prononcé de l'arrêt.

DÉBATS :

A l'audience publique le 28 FEVRIER 2023.

ARRÊT :

- Contradictoire, en dernier ressort.

- Prononcé le 27 JUIN 2023, après prorogation du délibéré, par mise à la disposition des parties au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2ème alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Madame Nathalie LAUER, Président de chambre, et Monsieur Alexis DOUET, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

* * * * *

Par jugement du 2 décembre 2016, le tribunal des affaires de sécurité sociale de la Nièvre a :

- déclaré le jugement commun et opposable à la société [11],

- débouté les défendeurs de leur contestation relative au caractère professionnel de la maladie de Mme [V],

- débouté Mme [V] de sa demande de reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur,

- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,

- dit n'y avoir pas lieu à application de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par lettre recommandée avec avis de réception du 3 février 2017, Mme [V] a interjeté appel de ce jugement en ce qu'il l'a déboutée de sa demande tendant à voir reconnaître la faute inexcusable de son employeur et à le voir condamner à lui réparer le préjudice subi à ce titre.

Par arrêt avant-dire droit du 8 juin 2021, auquel il est expressément référé pour l'exposé détaillé des faits et de la procédure, la Cour a :

- prdonné la saisine du comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles de la région [Localité 16] - Centre Val de Loire, lequel aura pour mission de dire s'il existe un lien direct et essentiel entre la maladie déclarée par Mme [F] [V] et l'activité professionnelle exercée par celle-ci au sein de la [13] aux droits de laquelle vient désormais la [14],

- dit que ce comité devra rendre son avis motivé dans le délai prévu à l'article D. 461-35 du Code de la sécurité sociale et l'adresser au greffe de la Cour ainsi qu'à chacune des parties, lesquelles seront reconvoquées après réception de cet avis,

- réservé les dépens et les demandes fondées sur l'article 700 du Code de procédure civile.

Le comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles de la région centre Val de Loire a rendu son avis le 23 septembre 2022.

Par conclusions soutenues oralement à l'audience du 28 février 2023, Mme [V] invite la Cour à :

Avant-dire droit :

- annuler l'avis rendu par le CRRMP du Centre Val de Loire du 23 septembre 2022, en désignant au besoin un nouveau CRRMP avec pour mission de dire s'il existe un lien direct et essentiel entre la maladie de Mme [V] et l'activité professionnelle qu'elle a exercée au sein de la [14],

Sur le fond :

- infirmer le jugement rendu par le tribunal des affaires de sécurité sociale de la Nièvre le 2 décembre 2016,

Statuant à nouveau,

- dire et juger Mme [F] [V] recevable et bien fondée en ses demandes,

En conséquence,

- ordonner, en application de l'article L. 452-2 du Code de la sécurité sociale, la majoration maximum de la rente,

- condamner la [12] à payer et porter à Mme [F] [V] une somme de 30 000 euros en réparation du préjudice moral subi du fait de la faute inexcusable dont elle a été victime,

- condamner la [12] à payer et porter à Mme [F] [V] une somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamner la [12] aux entiers dépens.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 23 février 2023 et soutenues oralement à l'audience, la [14] prie la Cour de :

- réformer le jugement rendu en première instance en ce qu'il a rejeté la contestation formulée sur l'absence de caractère professionnel de la maladie de Mme [V],

- le confirmer en ce qu'il a jugé l'absence de toute faute inexcusable de l'employeur,

A titre principal :

- juger l'absence de tout caractère professionnel de la maladie de Mme [V] en application de l'avis rendu par le second CRRMP en date du 23 septembre 2022,

A titre subsidiaire :

- juger que la [14] n'a commis aucune faute inexcusable,

En conséquence,

- débouter Mme [V] de l'intégralité de ses demandes,

- condamner Mme [V] à verser à la concluante la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- la condamner aux entiers dépens.

Par conclusions parvenues au greffe de la Cour le 16 février 2023, soutenues oralement à l'audience, la société [11] prie la Cour de :

Vu les articles L. 452-1 et suivants du Code de la sécurité sociale,

- confirmer le jugement en date du 2 décembre 2016 du tribunal des affaires de sécurité sociale de la Nièvre en ce qu'il a débouté Mme [V] de sa demande de faute inexcusable de l'employeur et de ses demandes d'indemnisation,

- infirmer le jugement en date du 2 décembre 2016 du tribunal des affaires de sécurité sociale de la Nièvre en ce qu'il a reconnu le caractère professionnel de la maladie de Mme [V],

- débouter Mme [F] [V] de l'intégralité de ses demandes,

- condamner Mme [V] au paiement d'une somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.

Pour l'exposé détaillé des moyens des parties et ainsi que le permet l'article 455 du Code de procédure civile, il est expressément référé à leurs écritures susvisées.

L'affaire a été rappelée à l'audience du 28 février 2023.

SUR CE, LA COUR

Le caractère professionnel de la maladie et la demande d'annulation de l'avis du comité régional de reconnaissance de maladie professionnelle du 23 septembre 2022

Au fondement de l'article L. 411-1 du Code de la sécurité sociale et de la jurisprudence de la Cour de cassation retenant que l'employeur peut soutenir, en défense à l'action en reconnaissance de la faute inexcusable introduite par la victime que la maladie n'a pas d'origine professionnelle, la [14] poursuit l'infirmation du jugement déféré en ce qu'il a retenu le caractère professionnel de la maladie de Mme [V]. Elle fait valoir que les arrêts de travail de celle-ci en 2010 et 2011 ont été établis par son médecin traitant en dehors de toute législation professionnelle ; que les pièces médicales ne mentionnent pas une éventuelle problématique de harcèlement moral, ce qu'a confirmé la juridiction du travail, ces accusations n'étant corroborées par aucun élément objectif et précis. Elle ajoute que l'exercice de toute activité professionnelle conduit à lui seul à générer des contraintes, du stress ou des difficultés relationnelles. Ainsi, selon elle, s'il est certain que Mme [V] a connu une situation de mal-être au travail, il n'existe pas pour autant, en la cause, des éléments matériellement établis, qui pris dans leur ensemble, laissent présumer l'existence d'un harcèlement moral.

Contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges, elle rappelle que si la jurisprudence de la Cour de cassation affirme l'opposabilité à l'employeur d'une décision de prise en charge d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle en l'absence de contestation dans le délai de deux mois, l'imputabilité dudit accident/maladie peut être remise en cause par l'employeur dans le cadre d'une action en recherche de faute inexcusable.

Sur le fond, elle se prévaut de l'avis du 23 septembre 2022 du second CRRMP, sollicité par la Cour, établissant l'absence de tout lien entre la pathologie déclarée par Mme [V] et son activité professionnelle.

En réplique à la demande de nullité de cet avis formée par Mme [V], elle rappelle que la nullité n'est encourue que si un texte le prévoit expressément, ce qui n'est pas le cas des articles L. 461-1 alinéa 8 et D. 461-30 du Code de la sécurité sociale. Elle ajoute que les arrêts de Cour d'appel invoqués par Mme [V] ne sont pas transposables en la cause. Elle affirme que l'avis contesté par celle-ci répond tant qaux dispositions légales et réglementaires qu'au prescrit de l'arrêt avant dire droit de sorte qu'il ne saurait encourir de nullité. Selon elle, les considérations de droit et de fait sont clairement énumérées aux termes de cet avis dès lors que l'on y trouve la fonction occupée par Mme [V], la maladie, l'agent en cause mais également l'ensemble des documents et des auditions ayant fondé la décision du comité. En outre, cet avis s'appuie sur l'entièreté du dossier ainsi que sur une liste exhaustive et détaillée des pièces prises en compte.

Mme [V] conclut à la confirmation du jugement en ce qu'il a retenu le caractère professionnel de sa maladie. En outre, elle demande à la Cour d'annuler l'avis du CRRMP du 23 septembre 2022. À l'appui de cette demande, Mme [V] fait valoir que, contrairement aux dispositions des articles L. 461-1 alinéa 8 et D. 461-30 alinéa 6, cet avis n'est pas motivé de sorte que la Cour pourra, en tant que de besoin, désigner un nouveau CRRMP. Subsidiairement, elle considère que celui-ci est dépourvu de toute pertinence. Elle se fonde sur des arrêts de Cour d'appel qui ont retenu que, conformément au guide méthodologique pour les CRRMP, l'avis doit expliciter 'le raisonnement et les arguments ayant permis aux membres du CRRMP d'établir ou non l'existence d'un lien de causalité entre la maladie déclarée et l'activité professionnelle de l'intéressé'.

Elle ajoute que, même si dans le cadre réservé à la motivation, il est indiqué que le comité en a pris connaissance, il n'a pas été tenu compte de l'avis motivé du médecin du travail, non coché dans la liste, et ce en méconnaissance des dispositions de l'article D. 461-29 3° du Code de la sécurité sociale.

Or, elle souligne que cet avis était indispensable en l'espèce puisque la médecine du travail a largement été sollicitée dans la résolution du contexte très conflictuel vécu par certains salariés de la Mutualité, y compris elle-même.

Pour comparaison des éléments de motivation, elle se réfère à un avis du CRRMP de [Localité 10] du 24 septembre 2012, particulièrement détaillé quant à lui dans sa motivation, et rendu après audition des parties.

Elle rappelle que la décision de la CPAM de prise en charge de la maladie d'origine professionnelle n'a jamais été contestée par l'employeur avant que celui-ci ne voit sa responsabilité recherchée au titre de la faute inexcusable.

La société [11] développe la même argumentation que son assurée.

Appréciation de la Cour

Selon l'article L. 461-1, alinéa 3 et 5 du Code de la sécurité sociale le caractère professionnel d'une maladie non désignée dans un tableau, ne peut être reconnu qu'après avis d'un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles, de sorte que saisi d'une contestation de l'employeur, en défense à l'action en reconnaissance de sa faute inexcusable, quant au caractère professionnel de la maladie de son ancien salarié sur le fondement de l'article L. 461-1, alinéa 3 et 5, du Code de la sécurité sociale, le juge doit recueillir au préalable l'avis d'un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles, ainsi que l'a d'ailleurs jugé la Cour de cassation (Civ. 2ème 21 septembre 2017, pourvoi n° 16-18.088).

Le juge ne peut statuer sans avoir recueilli l'avis d'un autre comité régional, même si la caisse a suivi l'avis d'un comité régional alors que la maladie n'était pas désignée dans un tableau des maladies professionnelles (Civ. 16 décembre 2011, pourvoi n° 10-26.075)

Il résulte de l'article L. 461-1 alinéa 8 du Code de la sécurité sociale que les pathologies psychiques peuvent être reconnues comme maladie d'origine professionnelle par la caisse primaire d'assurance-maladie après avis motivé d'un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles.

Selon l'article D. 461-30 de ce même code, l'ensemble du dossier est rapporté devant le comité par le médecin-conseil qui a examiné la victime qui a statué sur son taux d'incapacité permanente, ou par un médecin-conseil habilité à cet effet par le médecin-conseil régional. Le comité peut entendre l'ingénieur-conseil chef du service de prévention de la caisse d'assurance retraite et de la santé au travail ou l'ingénieur-conseil qu'il désigne pour le représenter, et la victime et l'employeur, s'il estime nécessaire.

Aucune de ces dispositions n'assortit de nullité leur non-respect. Mme [V] sera donc déboutée de sa demande de nullité de l'avis du comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles rendues le 23 septembre 2022.

Conformément à l'obligation que lui impose la jurisprudence ci-dessus rappelée, la Cour, par un arrêt avant dire droit du 8 juin 2021, a sollicité l'avis d'un second comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles qui a été rendu le 23 septembre 2022.

Il est un fait que dans le cadre des 'éléments dont le CRRMP a pris connaissance', la case relative à 'l'avis motivé du ou des médecins du travail' n'est pas cochée même si au paragraphe 'motivation de l'avis du comité' il est indiqué que le comité a pris connaissance de l'avis du médecin du travail. Le texte même de l'avis du comité ne permet pas davantage d'établir que cet avis a été sollicité. La Cour se trouve donc dans la plus totale incapacité de déterminer si tel a bien été le cas.

L'avis de ce comité est rédigé de la manière suivante :

'Compte tenu des éléments médicaux administratifs présents au dossier, après avoir pris connaissance de l'avis du médecin du travail, le comité ne retient pas l'existence d'un lien de causalité direct et essentiel entre la pathologie déclarée et les activités professionnelles exercées par l'assurée'.

Si le juge ne peut statuer sur le caractère professionnel d'une maladie non prévue au tableau des maladies professionnelles qu'après avoir recueilli l'avis d'un second comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles, il n'en demeure pas moins que l'avis de ce second comité ne s'impose pas à lui et qu'il conserve son pouvoir d'appréciation quant au lien entre l'affection et l'activité professionnelle (Civ. 2ème, 12 octobre 2017, pourvoi n° 16-23.043).

Or, force est de constater que cet avis, réduit à sa plus simple expression, ne permet pas à la Cour de déterminer les éléments pertinents, de fait et de droit, qui ont conduit le second comité à exclure le lien entre l'affection de Mme [V] et son activité professionnelle alors que l'ensemble des éléments du dossier convergent pour démontrer le contraire, même si initialement les arrêts de travail ont été établis par son médecin traitant en dehors de toute législation professionnelle.

Il en va en premier lieu de l'avis du premier comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles (pièce n° 19 de Mme [V]) motivé comme suit :

'Considérant les documents médicaux administratifs figurant au dossier de Mme [V] [F] ;

considérant son curriculum laboris qui permet de retenir le fait que l'intéressé travaille comme hôtesse d'accueil dans un cabinet dentaire le 5 avril 2006 ;

considérant les antécédents de l'intéressée (plusieurs interventions chirurgicales à visée "esthétique" avec notamment une gastroplastie en 1999 ;

considérant les données anammnésiques qui permettent de retenir :

une première visite auprès du médecin du travail le 28 septembre 2009, date de première constatation médicale de la pathologie justifiant l'instruction de ce dossier avec décision d'une "inaptitude temporaire au poste" avec une seconde visite en novembre 2009 ;

la prescription d'un arrêt de travail du 7 février 2010 au 21 avril 2010 avec une reprise du travail au même poste ;

la prescription d'un deuxième arrêt de travail du 21 mai 2010 au 20 août 2010 toujours en rapport avec la même pathologie avec une visite de reprise en août 2010 conclue par une inaptitude au poste ;

la prescription d'un troisième arrêt de travail du 13 novembre 2010 au 30 novembre 2010 ;

la prescription d'un quatrième arrêt de travail du 30 juin 2011 au 27 novembre 2011 avant reprise du travail dans le cadre d'un mi-temps thérapeutique du 28 novembre au 15 décembre 2011 après visite de reprise auprès du médecin du travail ;

la prescription d'un dernier arrêt de travail depuis le 16 novembre 2011 chez une patiente qui a consulté à deux reprises à son initiative le médecin du travail et qui bénéficie d'une prise en charge spécialisée associant un traitement médical (Effexor et Xanax), une séance de relaxation par semaine, un suivi par une psychologue une fois tous les 15 jours et une consultation en psychiatrie une fois par mois pour un syndrome anxiodépressif d'épuisement réactionnel à des problèmes professionnels, avec des manifestations exacerbées depuis octobre 2010 suite à son élection au poste de secrétaire du CHSCT ;

considérant l'avis formulé par le médecin du travail ;

considérant le rapport d'enquête faisant état :

- d'une note précisant que l'intéressé doit rester à son poste 8h15 par jour ;

- d'une procédure auprès de l'inspection du travail et auprès des prud'hommes ;

- d'une médiation avec l'employeur avec une réunion prévue à laquelle l'intéressé ne s'est pas rendue ;

- d'une discrimination de la part de sa hiérarchie et de ses collègues ;

considérant l'avis de l'ingénieur du service prévention de la Carsat ;

considérant les déclarations faites le 24 septembre par Mme [V] ainsi que les pièces médicales remises par elle ;

considérant les déclarations faites le 24 septembre 2012 par Mme [J], directrice des ressources humaines de la [14], représentant l'employeur de Mme [V] ;

Il apparaît en conclusion que l'existence d'un lien direct et essentiel entre la pathologie présentée par Mme [V] [F] (syndrome anxiodépressif d'épuisement réactionnel lié aux problèmes professionnels) déclaré comme maladie professionnelle hors tableau le 30 janvier 2012 sur la foi du certificat médical rédigé le 12 janvier 2012 et ses activités professionnelles exercées dans son dernier emploi depuis le 5 avril 2006 peut être retenue'.

La motivation détaillée de ce premier avis est à rapprocher de l'absence de toute motivation du second avis excluant lui le lien entre la pathologie et l'activité professionnelle.

Le premier avis a pris en compte la constatation médicale objective d'un syndrome anxiodépressif d'épuisement réactionnel lié aux problèmes professionnels, le lien de cause à effet résultant des termes mêmes de ce constat.

Il en résulte également que les troubles ont été majorés par l'accès de Mme [V] à des fonctions au sein du CHSCT. Ce sont donc de nouvelles fonctions au sein de l'entreprise qui ont conduit à la majoration des troubles, ce qui ne peut que renforcer le lien de causalité entre la maladie et l'activité professionnelle.

Ce lien de causalité est en outre corroboré par les nombreux procès-verbaux du CHSCT qui figurent parmi les pièces produites par Mme [V] qui seront étudiées dans le détail au titre de la faute inexcusable reprochée par celle-ci à son employeur, même si la Cour estime devoir rappeler d'emblée que l'existence de ce lien de causalité n'établit pas en lui-même la faute inexcusable de l'employeur.

Enfin, dans ses écritures, la [14] reconnaît elle-même que Mme [V] a connu une situation de mal-être au travail. Il est donc inopérant, au regard de la prise en charge de la maladie de Mme [V] au titre de la législation professionnelle, que les faits de harcèlement moral n'aient pas été retenus par la juridiction du travail.

La Cour disposant d'éléments précis et circonstanciés établissant le lien entre la pathologie et l'activité professionnelle, il n'y a pas lieu de désigner un troisième comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles.

Le jugement déféré sera donc confirmé de ce chef.

La faute inexcusable de l'employeur

Soutenant que celui-ci a manqué à son obligation de sécurité de résultat, Mme [V] poursuit l'infirmation du jugement déféré en ce qu'il l'a déboutée de sa demande en reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur. À l'appui, elle fait valoir qu'elle a vu ses conditions de travail se dégrader en raison de comportement irrespectueux et injurieux dont elle a pu être victime de la part de ses collègues et auxquels la direction n'a apporté aucune réponse.

Elle indique que cette situation l'a même amenée à déposer deux mains courantes les 2 novembre 2010 et 30 mars 2011 (pièces n° 38 et 39) ; que devant l'inertie de son employeur, elle a été amenée à saisir l'inspection du travail, d'ailleurs directement intervenue auprès de ce dernier (pièce n° 83).

Elle ajoute, outre les reproches incessants et rappels à l'ordre (pièces n° 39 bis à 41, pièces n° 61, 62 et 63), qu'elle s'est également vue restreinte dans l'exercice de ses fonctions comme en atteste une cliente (pièces n° 45 et 46) et, de manière générale, qu'elle a été victime d'un processus d'isolement et de déstabilisation, ce qui l'a conduite à dénoncer l'absence d'information ou de convocation à certaines formations et réunions alors qu'elle était en arrêt maladie (pièces n° 85 à 89).

Elle dit avoir été l'objet, outre multiples erreurs sur ses bulletins de salaire (pièces n° 67 à 70 et 73 à 77) de demandes de justification inconsidérées (pièces n° 64 à 66), l'acharnement de la Mutualité à son égard allant jusqu'à un dépôt de plainte pour fausse attestation (pièce 42), toutefois classée sans suite (pièces n° 43 et 44). Elle souligne que ces erreurs multiples ont conduit l'organisme social à lui notifier un indu de prestations, ce qui n'a pas été sans la placer dans de grandes difficultés financières (pièces n° 71 et 72).

Elle se réfère aux différents comptes rendus de réunions du CHSCT évoquant les problèmes de harcèlement moral dénoncés dans l'entreprise (pièces n° 23 à 34) et dont elle n'a pas été la seule victime. Elle prétend que l'employeur a nié cette situation en concluant à de simples difficultés relationnelles entre personnel. Elle conteste formellement que son caractère soit à l'origine des difficultés.

Elle affirme que ces difficultés ont gravement altéré son état de santé et ont conduit à de nombreux arrêts maladie prescrits par son psychiatre et à la prise en charge de ceux-ci au titre de la législation professionnelle, ce que n'a jamais contesté par son employeur de sorte qu'il est définitivement établi qu'il existe un lien direct entre son état de santé et son emploi au sein de la Mutualité. Elle souligne qu'elle a d'ailleurs été reconnue travailleur handicapé à compter du 11 juin 2013 et ce jusqu'au 31 mai 2023 et classée en invalidité en raison de l'existence d'un taux de 40 % à la suite précisément du 'syndrome anxio-dépressif d'épuisement réactionnel lié aux problèmes professionnels'. Elle en infère que l'employeur ne saurait prétendre avoir satisfait à son obligation de sécurité de résultat.

Elle rappelle que, selon la Cour de cassation, l'exigence de conscience du danger ne vise pas une connaissance effective de la situation créée, mais la conscience que l'employeur devait ou aurait normalement dû avoir de ce danger (Soc. 23 novembre 2000, pourvoi n° 99-12.034) ; qu'en outre, celui-ci doit remplir les obligations que lui imposent des articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du Code du travail.

Elle soutient que eu égard aux différents éléments d'alerte, la Mutualité ne pouvait ignorer le risque qu'elle encourait pour avoir d'ores et déjà signalé des faits de harcèlement dès le début de l'année 2009 dont l'inspection du travail a elle-même été avisée.

Elle rappelle que l'employeur doit prendre toutes les mesures de prévention nécessaires alors qu'en l'espèce, il n'a strictement rien fait à la suite de la dénonciation des faits de harcèlement moral concernant les agissements de l'une de ses collègues à son égard.

Elle souligne d'une part que si à la fin de l'année 2010, une mesure de médiation a été initiée au sein de l'entreprise, celle-ci n'a pas été de nature à mettre un terme à la situation et d'autre part que la mesure n'a jamais pu aboutir pour ce qui la concerne dans la mesure où elle était en arrêt maladie durant les réunions de médiation. Or, elle précise que si les réunions s'étaient tenues à l'extérieur de la Mutualité, ce qu'a refusé le directeur, elle se serait déplacée bien qu'étant en arrêt maladie.

Elle conclut que la faute inexcusable de l'employeur est parfaitement caractérisée dès lors qu'il est tenu à une obligation de sécurité de résultat concernant la santé de ses salariés et qu'en l'espèce il avait été parfaitement informé de ses souffrances sans avoir été capable de prendre les mesures nécessaires pour y mettre un terme.

Elle réplique par ailleurs que l'absence de harcèlement moral en tant que telle n'est pas de nature à faire nécessairement échec au manquement de l'employeur à son obligation de sécurité de résultat, la Cour de cassation rappelant que l'obligation de prévention des risques professionnels est distincte de la prohibition des agissements de harcèlement moral et ne se confond pas avec elle (Soc. 6 décembre 2017, pourvoi n° 16-10.885 et 27 novembre 2019, pourvoi n° 18-10.551).

À l'intimée qui invoque l'arrêt de la Cour d'appel de Bourges qui a exclu les faits de harcèlement moral, elle oppose l'autonomie des contentieux du droit du travail et de la sécurité sociale. Elle en déduit que la décision ainsi rendue par la juridiction sociale ne s'impose nullement à la présente juridiction.

La [14] conclut à la confirmation du jugement de ce chef. Elle expose que les conditions légales et jurisprudentielles permettant de retenir la faute inexcusable de l'employeur ne sont pas réunies en l'espèce. Elle se fonde à cet égard sur l'arrêt de la Cour d'appel de Bourges, qui, statuant sur le bien-fondé du licenciement de Mme [V], n'a pas retenu les faits de harcèlement moral à son endroit et a souligné les mesures de médiation mises en 'uvre par la Mutualité pour prévenir une situation collective difficile du fait de la fusion de deux structures. Elle considère que Mme [V], qui en supporte la charge, ne démontre pas la conscience du danger encouru par elle qu'avait ou aurait dû avoir l'employeur, étant exclu que les courriers écrits par elle-même dont certains ne lui ont peut-être jamais été adressés, puissent apporter une telle preuve. Elle estime par ailleurs avoir parfaitement satisfait à son obligation de sécurité vis-à-vis de sa salariée ainsi qu'à son obligation de prévention des risques.

La société [11] développe la même argumentation que son assurée.

Appréciation de la Cour

Il résulte des articles L. 452-1 du Code de la sécurité sociale, L. 4121-1 et L. 4121-2 du Code du travail que le manquement à l'obligation légale de sécurité et de protection de la santé à laquelle l'employeur est tenu envers le travailleur a le caractère d'une faute inexcusable lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était soumis le travailleur et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver (Civ. 2ème, 8 octobre 2020, pourvoi n° 18-25.021 ; Civ. 2ème, octobre 2020, pourvoi n° 18-26.677).

Il est indifférent que la faute inexcusable commise par l'employeur ait été la cause déterminante de la maladie survenue au salarié mais il suffit qu'elle en soit une cause nécessaire pour que la responsabilité de l'employeur soit engagée, alors même que d'autres fautes auraient concouru au dommage (Cass. Ass. Plen, 24 juin 2005, pourvoi n° 03-30.038).

Il est de jurisprudence constante qu'il appartient au salarié de rapporter la preuve que l'employeur avait conscience du danger auquel il était exposé et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver (Civ. 2ème, 8 juillet 2004, pourvoi n° 02-30.984, Bull II n° 394 ; Civ. 2ème, 22 mars 2005, pourvoi n° 03-20.044, Bull II n° 74). Cette preuve n'est pas rapportée lorsque les circonstances de l'accident dont il a été victime sont indéterminées. (Soc., 11 avril 2002, pourvoi n° 00-16.535).

Il convient de rappeler en préambule que la seule prise en charge de la maladie au titre de la législation professionnelle ne suffit pas à établir en soi que l'employeur a manqué à son obligation de sécurité de résultat et que la faute inexcusable, dont le salarié doit rapporter la preuve, ne saurait donc être déduite de la seule existence de ce dommage.

En l'espèce, pour démontrer que son employeur a manqué à son obligation de sécurité de résultat, Mme [V] verse aux débats les pièces suivantes :

- deux mains courantes respectivement datées du 2 novembre 2010 et du 30 mars 2011 aux termes desquelles, elle s'est plainte de difficultés relationnelles avec deux de ses collègues dont elle dit s'être ouverte à son directeur et dont il lui aurait déclaré ne pas tenir compte pour la première, difficultés relationnelles réaffirmées dans la seconde, et dont elle aurait fait part à l'inspecteur du travail afin de composer un dossier à l'encontre de Mme [Y], coordinatrice de la [13], et de sa direction pour harcèlement moral. Dans la seconde main courante, elle a précisé qu'un autre membre du comité d'entreprise avait été insulté par Mme [Y],

- un courrier d'un inspecteur du travail du 24 novembre 2010 disant faire suite aux multiples rendez-vous à son bureau et au contrôle du 16 octobre 2010 dans les locaux de la [13] en présence du directeur et indiquant que rappel a été fait à l'employeur de son obligation d'évaluation des risques professionnels, y compris les risques psychosociaux, et de mise en 'uvre d'une démarche de prévention. Ce courrier indique également avoir rappelé à M. [O], qui est le directeur de la mutualité française bourguignonne, l'obligation posée à l'article R. 4614-5 du Code du travail d'informer le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail des observations relatives à l'hygiène et à la sécurité contenues dans les courriers de l'inspection du travail,

- une attestation de Mme [U] indiquant qu'elle a accompagné son ami au cabinet dentaire mutualiste de [Localité 15] et que si les intéressés étaient reçus de manière très agréable par Mme [V] à l'accueil, il régnait au cabinet dentaire une ambiance très pesante. Ce témoin précise en substance qu'une dénommée Mme [L] intervenait de manière intempestive et que Mme [V], en l'absence du dentiste, ne pouvait plus donner de rendez-vous et devait contacter par téléphone une autre personne. Mme [U] fait également part de son incompréhension puisqu'auparavant Mme [V] 'le faisait volontiers',

- une attestation de Mme [Z] [P] disant avoir été convoquée dans le bureau de Mme [L] 'afin que celle-ci me profère des menaces et du chantage en interdisant formellement d'adresser la parole à Mme [V] [F]'. Le témoin ajoute qu'alors qu'elle devait passer par Mme [V] pour obtenir les clés des praticiens absents ou quelques renseignements autres relatifs aux travaux en cours avec les praticiens, "elle a clairement stipulé qu'elle pourrait mettre un terme, le cas échéant à la collaboration avec mon employeur (et conjoint), M. [Z]',

- des courriels (pièces n° 85 à 89) par lesquels Mme [V] se plaint de ne pas avoir reçu de réponse à des demandes de formation ou d'avoir été conviée à des réunions, certains précisant toutefois qu'elle se trouve en arrêt maladie au moment où elle les adresse,

- un courrier adressé au directeur le 30 novembre 2010 par lequel Mme [V] apporte réponse à un rappel concernant l'utilisation des bons de délégation dans lequel elle affirme, en substance, qu'elle a rempli sa délégation une fois ses tâches accomplies ; en réponse au reproche qu'elle dit avoir subi, elle précise également qu'étant en arrêt de travail, elle n'a pas pu participer à la médiation ; elle conclut être fatiguée de devoir toujours se justifier alors qu'elle est en arrêt de travail et dit adresser copie de ce courrier ainsi que de celui de l'employeur à l'inspecteur du travail, son avocate et aux membres du CHSCT,

- un courrier adressé le 25 février 2011 à la [13] en la personne de Mme [T] où elle se justifie sur différents points, se plaint d'être 'mise au placard', et demande à son employeur de faire le nécessaire afin de créer un meilleur climat au service dentaire,

- un courrier adressé le 1er mars 2011, à la même personne que le courrier précédent, où elle dénonce un problème d'aération du cabinet dentaire ainsi que des difficultés subies avec ses supérieurs, dont l'une tiendrait des propos diffamatoires à l'encontre de ses collègues et demande à son employeur de faire cesser de tels agissements,

- un courrier de la [13] adressé à Mme [V] le 1er mars 2010 faisant rappel du règlement intérieur définissant les modalités de justification des absences pour maladie ou accident et reprochant à Mme [V] de ne pas les avoir respectés, ce comportement étant susceptible de sanction disciplinaire,

- la réponse adressée par Mme [V] à ce courrier le 22 mars 2010 et un certificat d'un médecin en justificatif du respect de la procédure applicable dans le cadre de l'hospitalisation de Mme [V] du 7 février au soir au 14 février 2010,

- des échanges relatifs à la restitution des clés suite au licenciement de Mme [V] du 14 janvier 2014,

- un dépôt de plainte daté du 19 mai 2011 à l'encontre de Mme [V] à raison d'une attestation produite par celle-ci dans le cadre d'un contentieux opposant la [13] à l'une de ses anciennes salariées,

- le procès-verbal d'audition de Mme [V] suite à ce dépôt de plainte,

- des échanges avec l'employeur relatif à un trop-perçu réclamé par la caisse primaire d'assurance maladie,

- différents courriers adressés à l'employeur et à un syndicat entre le 22 février 2012 et le 11 novembre 2012 dans lesquels Mme [V] réitère ses préoccupations,

- différents procès-verbaux du CHSCT relatant que certains salariés subissent un stress au travail, certains s'estimant victimes de harcèlement moral, cette problématique ayant été mise à l'ordre du jour par le directeur suite à des situations individuelles difficiles ; sont également abordés la mise en place d'une médiation et les documents d'évaluation des risques, la gestion des risques psychosociaux, un comité de pilotage ayant été mis en place à cet égard ; certains témoignent en outre d'échanges vifs entre Mme [V] et le directeur.

La Cour relève en préambule qu'il ne se déduit nullement de ces différentes pièces que Mme [V] a été restreinte dans l'exercice de ses fonctions et encore moins qu'elle a fait l'objet d'un processus d'isolement et de déstabilisation ou d'isolement.

Les demandes de justification relèvent du pouvoir de direction de l'employeur et Mme [V], qui produit trois pièces à cet égard, ne justifie en rien de leur caractère inconsidéré, pas plus qu'elle ne justifie autrement que par son propre ressenti que les erreurs commises sur ses bulletins de salaire , au demeurant reconnues et rectifiées par le service du personnel, relèveraient d'une tentative délibérée de l'employeur de la déstabiliser. De même, celui-ci était-il en droit d'estimer que son témoignage, produit dans le cadre d'une instance prud'homale l'opposant à une autre de ses salariés, avait la nature d'une fausse attestation et de déposer plainte à cet égard, sans que cette démarche ne puisse s'analyser non plus en une volonté de la déstabiliser.

Par ailleurs, il ne peut qu'être rappelé que Mme [V] a connu des périodes régulières d'arrêt de travail à compter du 7 février 2010. Ainsi, le fait qu'elle n'ait pas été convoquée à certaines réunions ou formations durant ces arrêts ne peut relever non plus de stratégie délibérée de l'employeur de l'isoler.

Enfin une attestation subjective et isolée d'un tiers ne constitue pas une preuve objective que Mme [V] ait fait l'objet d'un processus d'isolement et de déstabilisation. D'ailleurs, il doit être rappelé que les faits de harcèlement moral dont elle se plaignait devant la juridiction prud'homale n'ont pas été retenues par cette dernière.

Il reste que Mme [V] produit de nombreux courriers adressés à son employeur et à l'inspection du travail pour leur faire part de son ressenti de la situation de travail. Il s'en infère que l'employeur avait conscience du mal-être au travail éprouvé par la salariée. Reste à déterminer si celui-ci a pris les mesures nécessaires pour l'en préserver, ce que conteste Mme [V].

Consciente de ce mal-être qu'elle impute à des conflits individuels entre salariés, au mois de novembre 2009, ainsi qu'il en résulte des procès-verbaux du comité d'hygiène et de sécurité au travail versés aux débats, la [14] a initié un projet de création d'un groupe de pilotage sur la souffrance au travail. Le médecin du travail était d'ailleurs présent lors de la réunion de ce comité le 19 novembre 2009.

Surtout, quelles que soient les raisons invoquées par Mme [V] pour ne pas s'être rendue à l'entretien individuel qui la concernait, une mesure de médiation a été mise en place. La médiatrice atteste avoir reçu en entretiens individuels huit salariés et avoir dû donner un autre rendez-vous à Mme [V] qui avait annulé le premier (pièce n° 48 de l'intimée). La médiatrice indique avoir pu obtenir deux médiations. La preuve est donc faite que ce type de mesure pouvait être de nature à pacifier les conflits individuels entre salariés. Mme [V] ne peut donc prétendre que l'employeur n'a pris aucune mesure de nature à la prévenir du syndrome anxiodépressif d'épuisement réactionnel lié aux problèmes professionnels dont elle est atteinte.

Enfin, avant de prononcer son licenciement pour inaptitude, la [14], par courrier du 25 octobre 2013 a tout d'abord proposé à Mme [V] un poste d'assistante dentaire à [Localité 9] dont elle aurait assuré la prise en charge financière. Ce poste a été jugé compatible avec son état de santé par le médecin du travail (pièce n° 10 de l'intimée). Cette proposition a été refusée par l'intéressée.

Mme [V] s'est ensuite vue proposer un poste d'hôtesse d'accueil au centre optique de [Localité 15]. Il n'est pas contesté que ce poste avait l'avantage de la préserver de tout contact avec les salariés avec lesquels elle éprouvait des difficultés et de ne pas lui imposer de mobilité géographique, contrairement à la première proposition. Néanmoins, cette offre a également été refusée par l'intéressé.

Il s'ensuit que l'employeur, conscient de la souffrance au travail éprouvée par Mme [V] a pris les mesures nécessaires dans le but de l'en préserver, celles-ci s'étant trouvé infructueuses du seul fait de l'intéressée. Il n'a donc pas commis de faute inexcusable.

Le jugement déféré sera donc confirmé de ce chef et en ce qu'il a rejeté les demandes indemnitaires subséquentes de Mme [V].

Les dispositions accessoires

Le sens du présent arrêt conduit à confirmer le jugement en ses dispositions accessoires.

Succombant en sa demande de reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur, Mme [V] doit être déboutée de sa demande au titre de l'article 700 du Code de procédure civile. L'équité ne commande pas de faire application desdites dispositions au bénéfice des autres parties qui seront donc également déboutées de cette demande.

De son côté, la contestation de la [14] de l'origine professionnelle de la maladie de Mme [V] est également rejetée.

En conséquence, chaque partie conservera la charge de ses dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS:

Statuant par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

Vu l'arrêt avant dire droit du 8 juin 2021,

Vu l'avis du comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles de la région Centre Val de Loire du 23 septembre 2022,

Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 2 décembre 2016 par le tribunal des affaires de sécurité sociale de la Nièvre ;

Et, y ajoutant,

Rejette la demande de désignation d'un troisième comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles ;

Rejette les demandes respectives au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

Laisse à chaque partie la charge de ses dépens d'appel.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Orléans
Formation : Chambre sécurité sociale
Numéro d'arrêt : 19/01333
Date de la décision : 27/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-27;19.01333 ?
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