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12/06/2023 | FRANCE | N°20/01429

France | France, Cour d'appel d'Orléans, Chambre civile, 12 juin 2023, 20/01429


COUR D'APPEL D'ORLÉANS



C H A M B R E C I V I L E





GROSSES + EXPÉDITIONS : le 12/06/2023

la SCP LAVISSE BOUAMRIRENE GAFTONIUC

la SELARL PINCHAUX-DOULET



ARRÊT du : 12 JUIN 2023



N° : - N° RG : 20/01429 - N° Portalis DBVN-V-B7E-GFXM



DÉCISION ENTREPRISE : Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP d'[Localité 8] en date du 09 Juillet 2020



PARTIES EN CAUSE



APPELANTS :- Timbre fiscal dématérialisé N°: 1265253770708870



Monsieur [H] [B]

© le [Date naissance 5] 1997 à [Localité 8]

[Adresse 6]

[Localité 7]



Monsieur [C] [B]

né le [Date naissance 4] 1970 à [Localité 8]

[Adresse 6]

[Localité 7]



Madame [N] ...

COUR D'APPEL D'ORLÉANS

C H A M B R E C I V I L E

GROSSES + EXPÉDITIONS : le 12/06/2023

la SCP LAVISSE BOUAMRIRENE GAFTONIUC

la SELARL PINCHAUX-DOULET

ARRÊT du : 12 JUIN 2023

N° : - N° RG : 20/01429 - N° Portalis DBVN-V-B7E-GFXM

DÉCISION ENTREPRISE : Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP d'[Localité 8] en date du 09 Juillet 2020

PARTIES EN CAUSE

APPELANTS :- Timbre fiscal dématérialisé N°: 1265253770708870

Monsieur [H] [B]

né le [Date naissance 5] 1997 à [Localité 8]

[Adresse 6]

[Localité 7]

Monsieur [C] [B]

né le [Date naissance 4] 1970 à [Localité 8]

[Adresse 6]

[Localité 7]

Madame [N] [R] épouse [B]

née le [Date naissance 3] 1970 à [Localité 8]

[Adresse 6]

[Localité 7]

représentés par Me Pascal LAVISSE de la SCP LAVISSE BOUAMRIRENE GAFTONIUC, avocat au barreau d'ORLEANS substituée par Me Hayette ET TOUMI, avocat au barreau d'ORLEANS

D'UNE PART

INTIMÉ : - Timbre fiscal dématérialisé N°: 1265253734048593

Monsieur [L] [W]

né le [Date naissance 2] 1998 à [Localité 8]

[Adresse 1]

[Localité 8]

représenté par Me Sophie PINCHAUX-DOULET de la SELARL PINCHAUX-DOULET, avocat au barreau d'ORLEANS

D'AUTRE PART

DÉCLARATION D'APPEL en date du : 29 Juillet 2020.

ORDONNANCE DE CLÔTURE du : 06 Février 2023

COMPOSITION DE LA COUR

Lors des débats, affaire plaidée sans opposition des avocats à l'audience publique du 04 Avril 2023, à 14 heures, devant Madame Laure-Aimée GRUA, magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles en vertu de l'ordonnance N° 92/2020, Magistrat Rapporteur, par application de l'article 786 et 910 alinéa 1 du Code de Procédure Civile.

Lors du délibéré :

Madame Anne-Lise COLLOMP, Président de chambre,

Monsieur Laurent SOUSA, Conseiller,

Madame Laure Aimée GRUA, Magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles

Greffier :

Madame Fatima HAJBI, Greffier lors des débats et du prononcé.

ARRÊT :

L'arrêt qui devait initialement être prononcé le 06 juin 2023 a été prorogé au 12 juin 2023,

Prononcé le 12 JUIN 2023 par mise à la disposition des parties au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

FAITS ET PROCÉDURE

Après avoir été agressé dans la rue à trois reprises par un même individu masqué lui ayant dérobé, un téléphone portable, une montre et de la menue monnaie, entre 10 décembre 2015 et le 3 avril 2015, M. [L] [W], âgé de 18 ans, identifiera son agresseur le 1er juillet 2016 comme étant M. [H] [B], âgé de 19 ans, ce qu'il confirmera sur présentation par les services de police d'une planche photographique anonymisée et après un tapissage derrière une glace sans tain.

Placé en garde à vue le 19 septembre 2016, M. [H] [B] niera les faits. Le domicile de ses parents sera perquisitionné.

A la fin de la confrontation organisée le même jour, M. [L] [W] déclarera, 'je ne suis plus sûr de sa participation'.

La procédure s'est terminée par un classement sans suite par le procureur de la république, M. [L] [W] ayant fait l'objet d'un rappel à la loi pour dénonciation de délit ayant entraîné des recherches inutiles.

Par acte d'huissier de justice délivré le 28 janvier 2019, M. [H] [B] et ses parents, M. [C] [B] et Mme [N] [B], ont assigné M. [L] [W] en paiement à :

- M. [H] [B] de dommages-intérêts de 4 000 euros au titre de son préjudice moral et 1 000 euros au titre de son préjudice financier,

- M. [C] [B] et Mme [N] [B] de dommages-intérêts de 2 500 euros au titre de leur préjudice moral,

- tous les demandeurs d'une indemnité de procédure.

Par jugement rendu le 9 juillet 2020, le tribunal judiciaire d'Orléans a :

- débouté M. [H] [B], M. [C] [B] et Mme [N] [B] de l'ensemble de leurs demandes,

- condamné les mêmes à verser à M. [L] [W] une indemnité de procédure de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné les mêmes aux dépens.

Il retenait que M. [L] [W] ayant fait l'objet d'un rappel à la loi pour dénonciation d'un délit ayant entraîné des recherches inutiles, il ne s'agit pas d'une dénonciation calomnieuse ; les mesures de garde à vue, de perquisition, de prise d'empreintes digitales et l'inscription au fichier de traitement des antécédents judiciaires ont été décidées par les enquêteurs sur lesquels M. [L] [W] n'a aucun pouvoir ; sa mauvaise foi n'est pas démontrée et il considérait que les conditions d'application de l'article 1240 du code civil n'étaient pas réunies.

Par déclaration du 29 juillet 2020, M. [H] [B], M. [C] [B] et Mme [N] [B] ont relevé appel de cette décision.

Les parties ont conclu. L'ordonnance de clôture est intervenue le 6 février 2023.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Les dernières conclusions, remises les 27 octobre 2022 par les appelants, 19 janvier 2021 par l'intimé, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé de leurs moyens et prétentions, peuvent se résumer ainsi qu'il suit.

M. [H] [B], M. [C] [B] et Mme [N] [B], les consorts [B], demandent, au visa des articles 536 du code de procédure civile, R. 211-3-24 du code de l'organisation judiciaire et 1240 du code civil, de :

- Infirmer le jugement en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau,

- Constater que le montant de leurs demandes devant le tribunal judiciaire était supérieur au taux de ressort d'appel,

- Constater que le tribunal a commis une erreur en qualifiant la décision du 9.07.2020 de jugement en dernier ressort,

En conséquence,

- Déclarer leur appel recevable et bien fondé,

- Rejeter toutes demandes, conclusions et tous moyens contraires,

- Dire et juger que [L] [W] en dénonçant de façon mensongère [H] [B] aux autorités de police, a commis une faute civile engageant sa responsabilité envers lui et les propriétaires de l'immeuble perquisitionné,

- Dire et juger que le comportement de [L] [W] a causé directement un préjudice moral et matériel à [H] [B],

En conséquence,

- Condamner [L] [W] à payer à :

- [H] [B] les sommes de 4 000 euros en réparation du préjudice moral, 500 euros à raison des propos contenus dans les conclusions, 1 000 euros en réparation du préjudice financier,

- M. et Mme [B] la somme de 2 500 euros de dommages intérêts au titre de leur préjudice moral,

- Condamner [L] [W] à payer aux requérants [B] la somme de 3 750 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamner le même aux entiers dépens de 1ère instance et d'appel.

M. [W] demande de :

Au principal,

- dire l'appel irrecevable,

Subsidiairement sur le fond,

- confirmer la décision,

En tout état de cause,

- condamner les consorts [B] à lui verser la somme de 3 750 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et les condamner aux dépens d'appel.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la recevabilité de l'appel

Pour soutenir l'irrecevabilité de l'appel, l'intimé se prévaut de l'article R. 222-4 du code de l'organisation judiciaire fixant le taux du dernier ressort à 4000 euros, la compétence et le taux du ressort étant déterminés, en présence de plusieurs défendeurs ne pouvant exciper d'un titre commun, en application des articles 35 et 36 du code de procédure civile, par la plus élevée d'entre les demandes, laquelle s'élève à 4 000 euros.

Cependant, l'article R. 211-3 du code de l'organisation judiciaire, dans sa version en vigueur du 5 juin 2008 au 1er janvier 2020, s'énonce comme suit en son alinéa 2,

'Lorsqu'il est appelé à connaître, en matière civile, d'une action personnelle ou mobilière portant sur une demande dont le montant est inférieur ou égal à la somme de 4 000 euros, le tribunal de grande instance statue en dernier ressort'.

L'article 35 alinéa 2 du code de procédure civile, en vigueur depuis le 1er janvier 1976, dispose que, 'Lorsque les prétentions réunies sont fondées sur les mêmes faits ou sont connexes, la compétence et le taux du ressort sont déterminés par la valeur totale de ces prétentions'.

Les prétentions réunies des consorts [B] étant fondées sur les mêmes faits, à savoir, la dénonciation de [H] [B], sa garde à vue et la perquisition au domicile de ses parents, en application de ces dispositions réunies, la valeur totale de leurs prétentions est supérieure à 4 000 euros, l'assignation du 28 janvier 2019 ayant été délivrée pour obtenir le paiement à M. [H] [B] de dommages-intérêts de 4 000 euros au titre de son préjudice moral et 1 000 euros au titre de son préjudice financier et à M. [C] [B] et Mme [N] [B] de dommages-intérêts de 2 500 euros au titre de leur préjudice moral. En conséquence, l'appel du jugement est recevable.

Sur le fond

M. [H] [B] fait plaider qu'il a été mis en cause dans une procédure visant des faits d'extorsion et de tentative d'extorsion sur dénonciation formelle de M. [L] [W], qui a indiqué aux services de police qu'il a reconnu dans le tramway celui qui l'a agressé à trois reprises ; c'est sur la base de cette dénonciation qu'il a été arrêté, subi une garde à vue et que le domicile de ses parents a fait l'objet d'une perquisition ; lors de la confrontation, il a indiqué qu'il connaissait l'intimé, et réciproquement, puisqu'ils avaient fréquenté les mêmes cercles d'amis et les mêmes lieux ; après avoir maintenu ses accusations, celui-ci est revenu sur ses déclarations, reconnaissant n'être pas sûr qu'il soit d'auteur des extorsions. Il indique que l'intimé le connaissait parfaitement avant la commission des faits d'extorsion et a soutenu le contraire, l'a dénoncé en sachant qu'il n'était pas l'auteur des faits, la dénonciation mensongère étant caractérisée. Il soutient que l'intimé a été sanctionné d'un rappel à la loi, mode alternatif aux poursuites, la dénonciation mensongère constituant une faute civile ouvrant droit à réparation.

M. [W] répond que le rappel à la loi n'a pas de caractère incriminant et ne prouve pas l'existence d'une infraction ou même de la culpabilité de l'auteur présumé ; la dénonciation mensongère n'est ni constituée ni reconnue ; le rappel à la loi est dépourvu de l'autorité de chose jugée ; la faute pénale n'est pas retenue et la preuve de la faute civile n'est pas rapportée. Il relève que les appelants ne prouvent pas leur préjudice.

Le rappel à la loi auquel a procédé le procureur de la république en application de l'article 41-1 du code de procédure pénale, applicable à l'époque des faits, n'est pas un acte juridictionnel et n'a pas autorité de chose jugée à l'égard du juge civil.

En dehors de toute action pénale, la victime d'une dénonciation calomnieuse peut choisir de demander réparation de son préjudice au tribunal civil sur le fondement de l'article 1240, anciennement 1382, du Code civil. Elle doit alors prouver, conformément aux règles d'application de cet article, l'existence d'une faute du dénonciateur, d'un préjudice et d'un lien de causalité entre les deux.

Cependant, par un arrêt du 25 mars 2020 (Cass. 1re civ., 25 mars 2020, n° 19-11.554), la Cour de cassation a jugé que, en dehors des cas visés par les articles 91, 472 et 516 du code de procédure pénale, la dénonciation, auprès de l'autorité judiciaire, de faits de nature à être sanctionnés pénalement, fussent-ils inexacts, ne peut être considérée comme fautive, et qu'il n'en va autrement que s'il est établi que son auteur avait connaissance de l'inexactitude des faits dénoncés, le délit de dénonciation calomnieuse, prévu et réprimé à l'article 226-10 du code pénal, étant alors caractérisé.

Entendu le 11 février 2015 par les services de police, suite à sa première agression, M. [L] [W] a déclaré, 'Je ne l'avais jamais vu'... 'L'individu est type caucasien, âgé de 16-18ans, mesure 1m85, de corpulence maigre ou normale'. 'Je n'ai pas vu son visage, il le masquait avec son écharpe et sa capuche. Je serai incapable de le reconnaître si vous me le présentiez.' 'Il parle bien français'.

Entendu le 30 mars 2015, après l'agression du 27 mars, il a déclaré, 'cet homme a les yeux foncés et des sourcils clairs, je pense qu'il doit être châtain clair'. 'Je vous informe que je ne suis pas en mesure de le reconnaître formellement'.

Entendu le 4 juin 2015, suite à l'agression du 3 juin, alors qu'il était en compagnie de [U] [A], auquel l'agresseur a rendu son Ipad, après le lui avoir pris, il a déclaré 'Il est mince, voire maigre, il parle avec un accent dit 'racaille'. 'Il m'a interpellé personnellement et directement. Je l'ai immédiatement reconnu à sa morphologie, comme étant mon précédent agresseur'. 'Je ne le connais pas, je ne pourrais pas le reconnaître sur photographie seulement sa stature'. [U] [A] déclarait le 10 juin, 'Il parlait français, fort comme un gitan'... 'Je ne pourrais pas reconnaître son visage, juste sa stature'

Le 18 juin 2016, M. [L] [W] a prétendu reconnaître son agresseur dans le tram, appelé son père et le lui a désigné, le père ayant suivi l'individu jusqu'à son domicile, a relevé le nom figurant sur la boîte aux lettres et s'est rendu au commissariat de police.

Le 12 septembre 2016, au commissariat, M. [L] [W] reconnaît M. [H] [B] sur une planche photographique.

M. [H] [B] est placé en garde à vue le 19 septembre 2016 à 8h50. Entendu à 10h35, il a déclaré connaître M. [W] depuis deux ans, pour être une fréquentation d'un ancien bon copain. Il a précisé que fin 2015, au Mac Donald du centre ville d'[Localité 8], il s'était fait taper par un gars de la bande qu'il fréquentait, précisant que celui-ci ne l'avait jamais touché ni verbalement agressé ;

- A la question de savoir si [L] [W] l'a vu au Mac Donald après les trois plaintes déposées, il a répondu, 'Oui, il m'a bien vu, et je le croise souvent, il habite à deux minutes de chez moi et il circule à scooter marron... Nous nous croisons mais ne nous saluons pas, au moins une à deux fois par mois, je passe devant le lycée St Charles où [L] a ses camarades, il me voit' ;

- A la question, [L] dit qu'il ne vous connaissait pas avant l'épisode du tramway mi juin 2016, puisqu'il avise son père qui vous suit jusqu'à votre domicile et relève le nom [B] sur la boîte aux lettres. Selon vous, comment est-ce possible ' 'Non, c'est impossible, il me connaît très bien, mon nom et mon visage, il sait à quoi je ressemble, nous nous sommes croisés à plusieurs reprises en ville'... 'Selon moi, il y a peut-être une explication, mes parents sont allés voir les parents de [D] car suite à la bagarre au Mac Donald fin 2015, ils se sont rencontrés pour faire cesser les violences. Les parents de [D] ont, lors de cette explication, fait allusion à un vol de téléphone portable sur la personne de [L] [W], j'étais présent, ils semblaient dire que j'étais l'auteur, ce qui a été démenti après examen de mon emploi du temps au lycée [X] [O] Brzeska'.

Entendu le 19 septembre 2016, en présence de [H] [B], [L] [W] a confirmé ses déclarations, indiquant l'avoir reconnu dans le tramway un an et un mois plus tard et ne le connaître que de vue, mais reconnaissant savoir ses nom et prénom. - A la question, si vous le connaissiez et que vous le croisiez car vous demeurez le même quartier, pourquoi n'être venu nous le dire un an et un mois plus tard ' Il a répondu, 'J'ai eu des soupçons sur [H] [B] qui se sont confirmés au fil des mois et à la troisième extorsion où il m'a parlé de l'embrouille au Mac Donald où il était avec sa copine. Je suis formel c'est bien lui mon agresseur, je reconnais sa silhouette, son visage, son regard me revient, son intonation, son phrasé sont bien correspondant à ce que j'ai entendu lors des remises des objets sous la menace,

- A la question, vous comprenez lors de l'extorsion n°3 que c'est [B] suite à l'incident du Mac Donald, pourquoi n'est-ce pas mentionné dans la plainte ' Réponse, 'Sur le coup, j'avais peur, je maintiens mes plaintes',

- A la question posée par [H] [B] de savoir pourquoi il serait arrivé à leur faire remettre leurs biens sous la menace, alors qu'il était en compagnie de [U] [A], qui n'est pas du genre à se laisser impressionner ' [H] [B] a déclaré, 'Je ne voulais pas me battre'. 'Maintenant, je ne suis pas sûr que ce soit [B] [H] qui ait commis les extorsions. Je ne suis pas sûr de sa participation'.

Il ressort de ces déclarations que [L] [W] connaissait [H] [B] depuis plusieurs années, pour habiter le même quartier et avoir eu [D] [I] comme ami commun ; qu'ils se croisaient régulièrement, [H] [B] prétendant même s'être fait taper, fin 2015, donc postérieurement aux agressions dénoncées, par un gars de la bande de [L] [W], lequel ne l'a jamais touché ni agressé.

En dénonçant [H] [B] aux autorités de police le 18 juin 2016, soit plus d'un an après la dernière agression ayant eu lieu le 3 juin 2015, [L] [W] connaissait l'inexactitude des faits dénoncés, puisqu'il avait déclaré lors de la première agression n'avoir pas vu son visage, n'être pas en mesure de le reconnaître lors de la seconde et de la troisième agression, mais a pourtant déclaré le reconnaître formellement plus d'un an après, alors qu'entre-temps il l'avait croisé à plusieurs reprises. La faute commise par lui doit donc être reconnue, le jugement étant infirmé, étant précisé, au surplus que le commissariat ayant demandé au lycée de le renseigner quant aux absences de [H] [B] le jour des trois faits d'extorsion, il est apparu, réponse du proviseur, pièce intimé n°2, que si lors du premier, il n'avait pas cours, lors du second, il était présent en cours, en stage en entreprise lors du 3ème.

[H] [B] prétend avoir subi un préjudice moral du fait d'avoir été arrêté par les services de police, placé en garde à vue pendant plusieurs heures, subi une fouille corporelle complète, été obligé de se déshabiller, subi une perquisition, des prélèvements pour inscription au fichier national des empreintes génétiques, une prise d'empreintes digitales pour inscription au fichier automatisé des empreintes digitales et avoir été inscrit au fichier du traitement des antécédents judiciaires, alors qu'il n'avait jamais eu affaire aux services de police. Il soutient que si l'existence de tous ces fichiers a été validée par la Commission européenne des droits de l'Homme ou le Conseil constitutionnel, il n'en demeure pas moins que son inscription dans ces fichiers demeurera de nombreuses années, sans raison. Il ajoute, en réponse à l'intimé, que si se défendre en justice est légitime, il est illégitime de traiter son adversaire de 'petit caïd' et de mentir effrontément.

[L] [W] relève que l'appelant ne verse au débat aucune pièce pour étayer ses demandes au titre du préjudice moral et du préjudice matériel. Il fait valoir que son procès-verbal d'audition fait apparaître une personnalité fermement assise qui ne s'est pas laissée déstabiliser par le questionnement des policiers ; l'empreinte génétique destinée au fichier de traitement automatique, accessible uniquement aux autorités de police et judiciaires, ne porte pas préjudice à l'appelant, d'autant que quelques semaines après la confrontation, ayant oui dire alors qu'il se trouvait en discothèque que [H] [B] voudrait le taper, il a été forcé de demander à son père de venir le chercher et qu'au printemps 2019, au volant d'un véhicule, [H] [B] a tenté de forcer le passage piéton sur lequel il était engagé, démontrant ainsi qu'il était 'animé d'un sentiment de vengeance particulièrement mal placé qui n'a rien à voir avec une erreur judiciaire mais plutôt avec celle d'un petit caïd, particulièrement opportuniste, voulant se faire passer pour une oie blanche'.

Il est certain que le fait pour un jeune âgé de 19 ans, n'ayant jamais eu affaire aux services de police, de faire l'objet d'une garde à vue pendant une durée de 7h60 mn, déclenchant ainsi toute la procédure inhérente à cette situation, à savoir, fouille corporelle complète, déshabillage, perquisition, prélèvements pour inscription au fichier national des empreintes génétiques, prise d'empreintes digitales pour inscription au fichier automatisé des empreintes digitales et inscription au fichier du traitement des antécédents judiciaires crée un préjudice moral causé par l'atteinte à sa réputation et à sa considération.

Ce préjudice ayant été causé par la faute commise par [L] [W] qui l'a dénoncé pour des faits qu'il savait inexact, il convient de le condamner à lui verser des dommages-intérêts d'un montant de 2 000 euros.

M. [B] sollicite également une somme de 500 euros à titre de dommages et intérêts en raison de l'abus de droit commis par M. [W] dans le cadre de cette procédure, celui-ci mentant effrontément et l'ayant traité de 'petit caïd' dans ses conclusions. Toutefois, il appartient à la juridiction saisie d'apprécier, en fonction des éléments de preuve produits, la véracité des allégations de l'une et de l'autre des parties, chacune contestant la version de l'autre, et il n'apparaît pas que les propos tenus par M. [S] dans ses conclusions soient constitutifs d'un abus dans son droit de se défendre en justice. La demande de M. [B] à ce titre sera rejetée.

Il ne peut non plus être fait droit à la demande de réparation d'un préjudice matériel prétendument constitué par l'impassibilité d'honorer un entretien d'embauche le jour de la garde à vue puisqu'il n'en est pas justifié.

M. [L] [W], par dénonciation de faits inexacts a causé un préjudice moral à M. [C] [B] et Mme [N] [B], dont le domicile a été perquisitionné, au vu et au su de tout leur voisinage, ce qui constitue une atteinte à leur honneur.

Il sera condamné à leur verser des dommages-intérêts de 1 000 euros.

Il convient de condamner M. [L] [W] qui succombe au paiement des entiers dépens de première instance et d'appel et à verser M. [H] [B], M. [C] [B] et Mme [N] [B] une indemnité de procédure de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civil.

PAR CES MOTIFS

Statuant contradictoirement, par mise à disposition au greffe ;

DÉCLARE M. [H] [B], M. [C] [B] et Mme [N] [B] recevables en leur appel ;

INFIRME le jugement ;

Statuant à nouveau ;

RECONNAÎT la faute commise par M. [L] [W] ;

LE CONDAMNE à payer des dommages-intérêts de :

- 2 000 euros à M. [H] [B] au titre de son préjudice moral ;

- 1 000 euros à M. [C] [B] et Mme [N] [B] au titre de leur préjudice moral ;

REJETTE les demandes plus amples ou contraires ;

CONDAMNE M. [L] [W] au paiement des entiers dépens de première instance et d'appel et à verser M. [H] [B], M. [C] [B] et Mme [N] [B] une indemnité de procédure de 2 500 euros.

Arrêt signé par Madame Anne-Lise COLLOMP, Président à la Cour d'Appel d'ORLEANS et Madame Fatima HAJBI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Orléans
Formation : Chambre civile
Numéro d'arrêt : 20/01429
Date de la décision : 12/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-12;20.01429 ?
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