COUR D'APPEL D'ORLÉANS
C H A M B R E C I V I L E
GROSSES + EXPÉDITIONS : le 25/05/2023
la SCP LAVAL CROZE CARPE
la SCP GUILLAUMA - PESME - JENVRIN
ARRÊT du : 25 MAI 2023
N° : - : N° RG 20/01440 - N° Portalis DBVN-V-B7E-GFYD
DÉCISION ENTREPRISE : Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP d'ORLEANS en date du 24 Juin 2020
PARTIES EN CAUSE
APPELANTS :- Timbre fiscal dématérialisé N°: 1265 2563 8716 5045
Madame [O] [D] épouse [S]
née le [Date naissance 1] 1956 à [Localité 11]
[Adresse 2]
[Localité 7]
Monsieur [W] [S]
né le [Date naissance 5] 1956 à [Localité 12]
[Adresse 2]
[Localité 7]
représentés par Me Philippe CROZE de la SCP LAVAL CROZE CARPE, avocat au barreau d'ORLEANS
D'UNE PART
INTIMÉS : - Timbre fiscal dématérialisé N°: 1265 2563 5329 2354
Monsieur [I] [T]
né le [Date naissance 6] 1950 à [Localité 8]
[Adresse 3]
[Localité 7]
Madame [C] [U] épouse [T]
née le [Date naissance 4] 1948 à [Localité 13]
[Adresse 3]
[Localité 7]
représentée par Me Christophe PESME de la SCP GUILLAUMA - PESME - JENVRIN, avocat au barreau d'ORLEANS
D'AUTRE PART
DÉCLARATION D'APPEL en date du :30 Juillet 2020
ORDONNANCE DE CLÔTURE du : 06 février 2023
COMPOSITION DE LA COUR
Lors des débats, du délibéré :
Madame Anne-Lise COLLOMP, Président de chambre,
Monsieur Laurent SOUSA, Conseiller,
Madame Laure Aimée GRUA, Magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles.
Greffier :
Madame Karine DUPONT, Greffier lors des débats.
Madame Fatima HAJBI, Greffier lors du prononcé.
DÉBATS :
A l'audience publique du 03 AVRIL 2023, à laquelle ont été entendus Monsieur Laurent SOUSA, Conseiller, en son rapport et les avocats des parties en leurs plaidoiries.
ARRÊT :
Prononcé le 25 MAI 2023 par mise à la disposition des parties au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.
FAITS ET PROCÉDURE
M. et Mme [S] sont propriétaires d'une maison d'habitation, située [Adresse 2], jouxtant la remise de M. et Mme [T], les bâtiments étant perpendiculaires et présentant une toiture imbriquée.
En 2015, M. et Mme [T] ont fait procéder à des travaux de surélévation et de modification de la pente de la toiture de leur remise attenante au mur mitoyen.
Invoquant une violation de leur droit de propriété, M. et Mme [S] ont sollicité une expertise judiciaire, laquelle a été ordonnée en référé le 6 novembre 2015 et confiée à M. [R] qui a déposé son rapport le 29 novembre 2016.
M. et Mme [S] ont ensuite fait assigner M. et Mme [T] devant le tribunal de grande instance d'Orléans aux fins de remise en état antérieur de leur toiture.
Par jugement du 24 juin 2020, le tribunal judiciaire d'Orléans a':
- déclaré M. et Mme [S] recevables en leurs demandes dirigées contre M. et Mme [T]';
- débouté M. et Mme [S] de leurs demandes';
- débouté M. et Mme [T] de leurs demandes reconventionnelles';
- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire';
- laissé à chaque partie la charge des frais exposés au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile';
- laissé à chaque partie la charge des frais exposés au titre des dépens mais dit que les frais d'expertise seront partagés par moitié entre les parties au litige.
Par déclaration du 30 juillet 2020, M. et Mme [S] ont interjeté appel du jugement en ce qu'il les a déboutés de leurs demandes.
Suivant conclusions récapitulatives notifiées par voie électronique le 28 juillet 2022, M. et Mme [S] demandent de':
- les dire recevables et bien fondés en leur appel et y faisant droit,
- infirmer ledit jugement en ce qu'il les a déboutés de leurs demandes';
Statuant à nouveau,
- dire et juger que M. et Mme [T] ont violé leur droit de propriété et leur propriété';
- dire et juger que M. et Mme [T] ont engagé leur responsabilité délictuelle au sens de l'article 1240 du code civil';
En conséquence,
- condamner M. et Mme [T] à leur payer les sommes de 5'000'€ au titre des travaux de remise en l'état antérieur de leur toiture, et 5'000'€ à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral subi';
- rejeter toutes fins, moyens et conclusions contraires';
- confirmer ledit jugement pour le surplus';
- débouter M. et Mme [T] de leur appel incident et de l'intégralité de leurs demandes reconventionnelles';
- condamner M. et Mme [T] à leur payer une somme de 5'000'€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens qui comprendront non seulement les honoraires de l'expert judiciaire, mais également le coût des deux constats de Maître [F], huissier de justice à [Localité 9], dont distraction au profit de Maître Croze, de la SCP Laval Croze Carpe, avocat aux offres de droit.
Suivant conclusions récapitulatives notifiées par voie électronique le 14 octobre 2022, M. et Mme [T] demandent de':
- les recevoir en leur appel incident et le déclarer bien fondé';
Y faisant droit,
- infirmer le jugement en ce qu'il les a déboutés de leurs demandes reconventionnelles à l'encontre de M. et Mme [S]';
Statuant à nouveau,
- les dire recevables et bien fondés en leurs demandes';
- dire et juger que l'exercice par les époux [S] de leur droit de propriété a dégénéré en abus qui leur a causé un préjudice';
- condamner M. et Mme [S] à leur payer une somme de 5'000'€ à titre de dommages et intérêts en réparation de leur préjudice moral consécutif à la résistance abusive de leurs voisins';
- condamner M. et Mme [S] à leur payer une somme de 5'391,76'€ correspondant à la moitié du coût des travaux réalisés';
- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté M. et Mme [S] de leur demande de condamnation solidaire';
- confirmer le jugement en ce qu'il a partagé par moitié les frais d'expertise judiciaire';
- débouter M. et Mme [S] de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions';
- condamner M. et Mme [S] à leur payer une somme de 4'000'€ au titre des frais irrépétibles non compris dans les dépens en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
Pour un plus ample exposé des faits et des moyens des parties, il convient de se reporter à leurs dernières conclusions récapitulatives.
MOTIFS
Sur la demande de remise en état de la toiture de M. et Mme [S]
M. et Mme [S] soutiennent que M. et Mme [T] ont modifié leur toiture ainsi que le rapport d'expertise judiciaire l'a établi, et ont ainsi porté atteinte à le leur droit de propriété'; qu'ils sont bien fondés à voir condamner les intimés à leur payer la somme de 5'000'€ correspondant au coût des travaux de remise en état tels qu'évalués par l'expert judiciaire'; que la toiture des intimés recouvrait leur propre toiture'; qu'ils étaient en droit de refuser que les travaux de leurs voisins affectent leur propriété'; qu'ils n'avaient pas à supporter le coût des travaux effectués par leurs voisins'; que M. et Mme [T] n'ont jamais été bénéficiaires d'un permis de construire dont l'obtention était nécessaire puisque les travaux litigieux ne pouvaient reposer sur une seule déclaration préalable de travaux'; que le chéneau en zinc réalisé par leurs voisins est particulièrement bruyant entraînant une gêne très importante lorsqu'il pleut, puisque celui-ci a l'effet d'un tambour situé à proximité immédiate d'une chambre et à moins de 3 mètres de la 2e chambre à l'étage.
M. et Mme [T] répliquent qu'il ressort du rapport d'expertise que les époux [S] les ont autorisés à procéder à une surélévation de la toiture de la remise de 40'cm'; qu'ils ont réalisé, à leurs frais, des travaux qui auraient dû être effectués et mis à la charge pour partie des époux [S]'; que ces travaux n'ont causé aucun préjudice aux époux [S], ni matériel ni financier et ont permis de conserver l'esthétique de leur propriété'; que le faîtage de la toiture de la remise ne pénètre pas de plus de l'épaisseur du mur mitoyen dans la propriété voisine, le charpentier ayant procédé au retrait de la poutre au ras du mur sans causer le moindre dommage aux existants'; qu'il ne ressort nullement du rapport d'expertise que les travaux litigieux auraient augmenté la largeur du chéneau puisqu'ils ont précisément procédé à son ajout pour remédier aux infiltrations affectant leur toiture'; que les époux [S] ayant donné leur accord à la surélévation, il est parfaitement incompréhensible qu'ils sollicitent une remise en état de la toiture dans son état antérieur'; que seule une déclaration préalable de travaux est exigée lors de la modification de l'aspect extérieur d'un bâtiment type rénovation de façade, de toiture, ou changement de menuiseries et les travaux réalisés correspondent à la déclaration préalable régularisée'; que les premiers juges ont, à bon droit, considéré que la solution consistant à remettre la toiture de M. et Mme [S] dans son état antérieur n'est pas souhaitable puisqu'elle maintiendrait une superposition des ouvrages, alors que les travaux litigieux, rendus nécessaires par l'état de la toiture et la charpente, ont permis de supprimer cette superposition, ne souffrent d'aucun désordre et apportent, de manière incontestable, une amélioration à la propriété des époux [S].
L'article 544 du code civil dispose que «'la propriété est le droit de jouir et disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu'on n'en fasse pas un usage prohibé par les lois ou par les règlements'».
L'article 1382 du code civil dans sa version antérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance n°'2016-131 du 10 février 2016, applicable en l'espèce au regard de la date du fait dommageable, dispose': «'Tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer'».
Il incombe à M. et Mme [S] d'établir l'existence d'une faute, d'un préjudice et d'un lien de causalité entre la faute et le dommage.
Le rapport d'expertise judiciaire relate les faits suivants':
«'Ces deux propriétés appartenaient à la même personne, comme on le constate dans l'acte de succession de Mme [G], le 29 janvier 1948, mais aucune servitude ne concernait le raccordement des toitures.
Le mur de séparation des deux propriétés est mitoyen (sur une hauteur de 4'm et sur une longueur de 26'm) et, sur ce mur, s'appuient': côté Sud-ouest, la façade arrière de la maison de M. et Mme [S], et, côté Nord-est, le pignon d'une grange de M. et Mme [T].
Les deux couvertures étaient donc perpendiculaires, et la toiture de M. et Mme [T] débordait sur celle de M. et Mme [S] jusqu'à ce que les rampants Nord et Sud de la grange de M. et Mme [T] s'appuient sur le rampant Est de la maison de M. et Mme [S] recouvert en petites tuiles de pays.
Lors de la construction de la grange de M. [T] en 1870, la couverture était en ardoises, ce matériau autorisant des pentes plus faibles, ce qui était nécessaire particulièrement sur le rampant Sud-est.
Mais, en 1990, M. [T] a fait refaire la couverture de sa grange en petites tuiles de pays, pour qu'elle soit homogène avec les constructions environnantes. Cependant la pente du rampant Sud-est était alors largement insuffisante, si bien que, d'une part, la mousse a envahi la couverture de la grange et, d'autre part, l'eau pluviale s'est infiltrée et a détérioré sa charpente. Les photos remises par Maître Croze par lettre du 29 février 2016, et jointes en annexe, montrent la vétusté de la couverture, et notamment des solins, seulement 15 ans après sa remise en état, ce qui explique les nouveaux travaux de réfection prévus par M. [T] en 2014.
Mais, à la demande orale de l'Architecte des Bâtiments de France (le bâtiment étant dans le périmètre de protection de l'église de [Localité 10] inscrite sur la liste des monuments historiques), il a souhaité faire refaire la couverture en conservant des petites tuiles de pays et donc il lui fallait augmenter la pente des rampants pour se rapprocher des pentes réglementaires. Pour ce faire, il a demandé à M. [S] l'autorisation de surélever son faîtage d'un mètre. M. [S] ayant limité son accord à une surélévation de 40'cm par lettre du 12 mars 2014, M. [T] a fait surélever par M. [B], sur sa parcelle, les deux pignons de sa grange dont le pignon Sud-ouest en surélevant le mur mitoyen, et ainsi augmenter les pentes des deux rampants.
Mais, il a alors supprimé la surface de couverture qui recouvrait celle de M. [S]. Ce dernier s'est alors plaint de la modification de sa toiture'».
Par courrier en date du 25 février 2014, M. et Mme [T] ont exposé à M. et Mme [S] leur projet de travaux sur la toiture de leur remise comme suit':
«'Exposé du problème':
Notre remise, construite vers 1870, a la particularité d'avoir sa toiture imbriquée dans la vôtre, le faîtage pénétrant de plus de l'épaisseur du mur mitoyen, dans votre maison.
La toiture présente une très faible pente, elle était à l'origine couverte de grandes ardoises, qui du fait de leur vétusté ont été remplacées par des tuiles de pays en 1990, les tuiles ayant été choisies pour des raisons de cohérence esthétique, et comme l'avait indiqué l'architecte des bâtiments de France.
Dans la disposition actuelle, environ 50'% des eaux de pluie du versant Est de votre toiture se déversent par le travers sur notre toiture, provoquant la dégradation rapide des tuiles, et des infiltrations qui pourrissent les pannes (à remplacer) malgré la présence d'un feutre bitumineux.
Solution proposée':
En remontant le faîtage du toit de la remise de 1 mètre, la pente devient suffisante pour un bon écoulement des eaux de pluie, la noue entre nos deux toitures, serait agrandie par la suppression de l'emprise totale dans le mur mitoyen, un chéneau de 20'cm en zinc serait ainsi créé sur la totalité de la noue entre les deux toitures, sa largeur évitant ainsi son obstruction par des végétaux. L'ensemble des travaux étant à notre charge. [...]
Je vous ai exprimé notre volonté d'entreprendre au plus vite ces travaux, la chute de la panne faîtière pouvant provoquer des dommages importants à nos deux toitures, votre réponse rapide permettra de mettre nos deux toitures en sécurité avant la fin de l'année'».
Par courrier en date du 12 mars 2014, M. et Mme [S] ont donné leur accord à ces travaux en ces termes':
«'nous vous confirmons accepter de surélever votre mur de 400'mm + 10, +0'mm par rapport à la hauteur du faîtage existant, sa position restant inchangée.
L'étanchéité et la récupération des eaux de pluie seront assurées par un chéneau de dimension suffisante et en pente de chaque côté. La reprise de notre toiture sera exécutée avec des tuiles neuves et de même marque «'Firmin'»'».
Il résulte de ces échanges que M. et Mme [S] ont accepté la suppression de l'emprise totale de la toiture de la remise dans le mur mitoyen et la pose d'un chéneau en zinc sur la totalité de la noue entre les deux toitures, c'est-à-dire sur le lieu de rencontre des deux toitures servant à canaliser les eaux de ruissellement.
L'expert judiciaire a d'ailleurs relevé qu'il était indifférent quant à la suppression du débord de la toiture de la remise que M. et Mme [S] n'aient accepté qu'une surélévation de 40'cm':
«'En pratique, nous ne voyons pas pourquoi M. [S] a accepté une surélévation du faîtage à 40'cm et refusé une surélévation de 100'cm': dans les deux cas, M. [T] devait supprimer la partie de sa toiture débordant sur celle de M. [S], et c'est cela qui imposait une modification de la toiture de ce dernier, alors que la surélévation elle-même se traitait intégralement sur la propriété de M. [T]. En résumé, quelle que soit la hauteur de surélévation du faîtage de la grange de M. [T], les travaux entraînaient la suppression de la partie de toiture de la grange qui débordait sur la toiture de M. [S], et c'était le seul impact qui le concernait. Par contre, l'avantage, c'est que désormais, l'ancien débordement de la toiture de M. [T] sur celle de M. [S] est presque entièrement supprimé'».
«'Malgré notre demande du paragraphe 2, page 10, M. [S] n'a pas expliqué les raisons de son refus d'une surélévation du faîtage d'un mètre. En effet, d'une part, cette hauteur était nécessaire pour respecter les pentes minimum fixées par le DTU, aussi bien pour la grange de M. [T] que pour le débord sur sa toiture, d'autre part, que la surélévation ait 40'cm ou 1'm, il fallait modifier la toiture de M. [S], soit en reconstituant un débord plus ou moins large, soit en supprimant complètement le débord et en reconstituant la couverture de M. [S] dans le plan de son rampant Nord-est, comme l'a finalement fait M. [T].
En résumé, quelle que soit la hauteur de surélévation du faîtage de la grange de M. [T], les travaux étaient nécessaires pour respecter la réglementation technique et étaient sur le principe les mêmes quelle que soit la solution choisie'».
Il convient en tout état de cause de relever que la surélévation de la remise située sur la parcelle de M. et Mme [T], ne portait nullement atteinte au droit de propriété de M. et Mme [S], de sorte que l'accord de ces derniers n'était pas nécessaire pour fixer la nouvelle hauteur du faîtage de la remise, mais seulement pour la suppression de l'emprise de la toiture de la remise sur le mur mitoyen.
Les travaux réalisés ont fait l'objet d'une déclaration préalable auprès de la mairie de [Localité 10] qui n'y a pas formé opposition. Ainsi, que l'expert judiciaire l'a relevé, ces travaux n'étaient pas soumis à une demande de permis de construire, de sorte qu'aucune faute ne peut être retenue à ce titre à l'encontre de M. et Mme [T].
S'agissant de l'exécution de ces travaux, l'expert judiciaire a indiqué':
«'En conséquence, le rehaussement du pignon Sud-ouest de M. [T] a bien été réalisé exclusivement sur sa parcelle, mais il a nécessité la suppression du débord de sa couverture sur celle de M. [S] et a donc modifié l'impact de ses raccordements sur la toiture de M. [S] (notamment les deux noues), d'autant plus que certaines prescriptions du DTU concernant les petites tuiles n'ont pas été respectées': notamment les doublis sur les dernières rangées de tuiles ont été oubliés, le chéneau est trop large, les raccordements des noues fermées sur les gouttières sont sources d'infiltrations.
Mais, a contrario, la suppression de la partie de la couverture de M. [T] qui débordait sur celle de M. [S] supprimera tout risque d'infiltration dû aux solins et à la vétusté de la couverture, donc source de dégâts des eaux'».
S'il n'est pas contestable que M. et Mme [T] ont exécuté le rehaussement du faîtage de leur remise sur leur parcelle, les travaux ont également modifié la toiture de la maison d'habitation de M. et Mme [S]. Ces derniers avaient donné leur accord pour la suppression du débord de la toiture de la remise sur leur propre toiture, de sorte qu'ils ne peuvent revenir sur cet accord et exiger la remise en état antérieur de la toiture de leur voisin.
En revanche, les travaux effectués sur la toiture de la maison d'habitation de M. et Mme [S] présentent des défauts de planéité, de doublis et un chéneau de 40'cm trop large alors que M. et Mme [T] ne leur avaient exposé qu'un projet portant sur un chéneau de 20'cm de large. Ces défauts d'exécution constituent une faute de M. et Mme [T] causant une atteinte à la propriété de leur voisin et un préjudice lié au risque d'infiltration et au bruit causé par les précipitations sur le chéneau en zinc trop large.
En conséquence, M. et Mme [T] doivent indemniser M. et Mme [S] du préjudice ainsi causé. L'expert judiciaire a décrit les travaux de reprise dans son rapport':
«'Il convient de refaire les doublis en petites tuiles en terre cuite au droit du chéneau et des noues pour supprimer les défauts de planimétrie.
Les noues ont été faites à noquets cachés (ou noues fermées), c'est-à-dire que, au droit des noues, les tuiles recouvrent intégralement la bande de zinc comme le montre la figure 14 du DTU 40.23. Ce système a l'avantage d'être plus esthétique, mais présente le gros inconvénient de rendre pratiquement impossible le nettoyage de la noue qui se remplit de mousse, ce qui conduit à des siphonnages et donc des infiltrations.
[']
Indépendamment de la mise aux normes des couvertures, mais pour améliorer la séparation des deux propriétés, nous préconisons de refaire le pignon Sud-ouest de la grange de M. [T] en arasant la partie du mur de 40 à 50'cm d'épaisseur au-dessus du mur mitoyen (soit à 4 m du sol) et de remonter une tête de pignon triangulaire (de 1,75'm de haut) en parpaings de 15'cm d'épaisseur, ce qui permettrait de reconstituer le rampant arrière de la couverture de M. [S] dans son plan et de positionner le chéneau zinc sur la partie restante du mur mitoyen (40 à 50'cm de large, moins les 15'cm de mur en parpaings, soit sur les 25 à 35'cm restants)'».
L'expert judiciaire a estimé ces travaux de reprise à la somme de 5'000 euros, à laquelle M. et Mme [T] seront donc condamnés au paiement au profit de M. et Mme [S]. Ces derniers ont dû subir les tracas et engager des démarches pour faire valoir leurs droits, ce qui leur a causé un préjudice moral qui sera intégralement réparé par l'allocation de la somme de 500 euros à la charge de M. et Mme [T].
Le jugement sera donc infirmé en ce qu'il a débouté M. et Mme [S] de leurs demandes.
Sur les demandes indemnitaires de M. et Mme [T]
Les intimés soutiennent que les époux [S] ont, sans motif légitime et sérieux, résisté à leurs demandes tendant à leur permettre de réaliser, à leurs frais, les travaux nécessaires'; que les conclusions du rapport d'expertise permettent de caractériser l'abus par les demandeurs de leur droit de propriété'; qu'ils ont subi un préjudice moral suite au comportement néfaste de leurs voisins et à la procédure en référé, au fond puis en appel, qu'ils ont initié dans le simple but de leur nuire'; que les époux [S] seront condamnés au paiement d'une somme de 5'000'€ à titre de dommages et intérêts en réparation de leur préjudice lié à leur résistance abusive'; que ces travaux n'étaient donc pas de simples travaux d'amélioration à la charge de celui qui entendait les entreprendre, mais bien des travaux nécessaires compte-tenu de l'importance des désordres et des infiltrations d'eau'; qu'ils ont ainsi fait diligenter des travaux visant à surélever sur leur parcelle les deux pignons de leur grange en surélevant le mur mitoyen, et ainsi augmenter les pentes des deux rampants afin de pallier les problématiques d'infiltration'; que ces travaux qui profitent aux propriétaires mitoyens ont été réalisés exclusivement à leur charge pour un montant de 10'783,52'€'; que les époux [S] ayant bénéficié de travaux sans en assumer le coût, devront leur verser une somme de 5'391,76'€ correspondant à la moitié du coût des travaux réalisés, à défaut de quoi ils auront bénéficié d'un enrichissement sans cause.
Il appartient à M. et Mme [T] d'établir que M. et Mme [S] ont commis une faute leur ayant causé un préjudice, s'agissant de leur demande de dommages et intérêts pour résistance abusive.
Or, ainsi qu'il a été précédemment relaté, les travaux de rehaussement de la remise ont bien été exécutés par M. et Mme [T] nonobstant le défaut d'accord de leurs voisins sur un rehaussement supérieur à 40'cm. En outre, ce sont les travaux réalisés par M. et Mme [T] qui ont causé un préjudice à M. et Mme [S]. En conséquence, il n'est pas établi que M. et Mme [S] ont commis une faute ayant créé un préjudice à M. et Mme [T] de sorte que la demande de dommages et intérêts pour résistance abusive sera rejetée et le jugement sera confirmé de ce chef.
S'agissant du partage du coût des travaux, il convient de rappeler qu'ils portaient sur le rehaussement du faîtage de la remise de M. et Mme [T], lequel a conduit à supprimer le débord de couverture sur la maison voisine. M. et Mme [S] ne sont pas à l'origine de ces travaux et n'en ont ni choisi le prix ni la nature des prestations. En outre, il n'est pas établi que la maison de M. et Mme [S] subissait des infiltrations d'eau en raison de l'état de la toiture de la remise.
Il n'est nullement établi que la suppression du débord de couverture sur la maison de M. et Mme [S] constitue un enrichissement sans cause de ces derniers, alors qu'il était rendu nécessaire par la mise en conformité de la pente de la couverture de la remise, et que ces travaux ont également permis à M. et Mme [T] d'éviter l'engagement de leur responsabilité en cas d'infiltrations d'eau par leur toiture sur la propriété voisine.
S'agissant du mur mitoyen rehaussé par M. et Mme [T], il convient de rappeler qu'aux termes de l'article 658 du code civil, tout copropriétaire peut faire exhausser le mur mitoyen, mais il doit payer seul la dépense de l'exhaussement et les réparations d'entretien au-dessus de la hauteur de la clôture commune. La mitoyenneté du mur pignon ne permet donc pas plus à M. et Mme [T] de recouvrer la moitié du coût des travaux de toiture à l'encontre de M. et Mme [S].
M. et Mme [T] seront donc déboutés de leur demande de paiement de la moitié du coût des travaux. Le jugement sera donc confirmé sur ce point.
Sur les dispositions accessoires
Le jugement sera confirmé en ses chefs statuant sur les dépens et les frais irrépétibles. Il convient par ailleurs de condamner M. et Mme [T] aux dépens d'appel, étant précisé que les dépens ne peuvent comporter le coût de constats d'huissier de justice établis à la demande d'une partie, et de faire application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile au profit d'une partie.
Il n'y a pas lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS,
Statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
INFIRME le jugement en ce qu'il a débouté M. et Mme [S] de leurs demandes';
LE CONFIRME pour le surplus des chefs critiqués';
STATUANT À NOUVEAU sur le chef infirmé':
CONDAMNE M. et Mme [T] à payer à M. et Mme [S] la somme de 5'000 euros au titre des travaux de reprise et la somme de 500 euros au titre du préjudice moral';
Y AJOUTANT':
DIT n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile';
CONDAMNE M. et Mme [T] aux entiers dépens d'appel';
DIT que Maître Croze pourra recouvrer directement contre la partie condamnée ceux des dépens dont il a fait l'avance sans en avoir reçu provision.
Arrêt signé par Madame Anne-Lise COLLOMP, Président de Chambre et Madame Fatima HAJBI, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT