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25/05/2023 | FRANCE | N°20/01407

France | France, Cour d'appel d'Orléans, Chambre civile, 25 mai 2023, 20/01407


COUR D'APPEL D'ORLÉANS



C H A M B R E C I V I L E



GROSSES + EXPÉDITIONS : le 25/05/2023

Me Johan HERVOIS

la SCP LAVAL - FIRKOWSKI

ARRÊT du : 25 MAI 2023



N° : - N° RG :20/01407 - N° Portalis DBVN-V-B7E-GFVW



DÉCISION ENTREPRISE : Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de Blois en date du 04 Juin 2020



PARTIES EN CAUSE



APPELANTES :- Timbre fiscal dématérialisé N°: 1265 5678 2856



G.I.E. MONCEAU ASSURANCES DOMMAGES immatriculé au RCS de BLOIS sous le n°

488 099 367, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 4]



S.A.S. EURALPHA ...

COUR D'APPEL D'ORLÉANS

C H A M B R E C I V I L E

GROSSES + EXPÉDITIONS : le 25/05/2023

Me Johan HERVOIS

la SCP LAVAL - FIRKOWSKI

ARRÊT du : 25 MAI 2023

N° : - N° RG :20/01407 - N° Portalis DBVN-V-B7E-GFVW

DÉCISION ENTREPRISE : Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de Blois en date du 04 Juin 2020

PARTIES EN CAUSE

APPELANTES :- Timbre fiscal dématérialisé N°: 1265 5678 2856

G.I.E. MONCEAU ASSURANCES DOMMAGES immatriculé au RCS de BLOIS sous le n° 488 099 367, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 4]

S.A.S. EURALPHA ASSURANCES immatriculée au RCS de VESOUL sous le n° 348 966 631, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 3]

[Localité 6]

représentés par Me Johan HERVOIS, avocat postulant au barreau d'ORLEANS et par Me PHELIP de la SELURL PHELIP, avocat plaidant au barreau de PARIS

D'UNE PART

INTIMÉS : - Timbre fiscal dématérialisé N°: 1265 2550 5711 1618

S.A. SNCF RESEAU inscrite au RCS de BOBIGNY sous le n° 412 280 737, prise en la personne de son président en exercice dûment habilité à cet effet et domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Localité 7]

représentée par Me Joanna FIRKOWSKI de la SCP LAVAL - FIRKOWSKI, avocat postulant au barreau d'ORLEANS et par Me Alexandre LABETOULE du cabinet CLL Avocats, avocat plaidant au barreau de PARIS

Monsieur [M] [P]

[Adresse 5]

[Localité 8]

n'ayant pas constitué avocat

D'AUTRE PART

DÉCLARATION D'APPEL en date du : 27 Juillet 2020.

ORDONNANCE DE CLÔTURE du : 06 février 2023

COMPOSITION DE LA COUR

Lors des débats :

En l'absence d'opposition des parties ou de leurs représentants :

Madame Anne-Lise COLLOMP, Président de chambre,

Madame Laure- Aimée GRUA, Magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles ont entendu les avocats des parties en leurs plaidoiries, avec leur accord, par application de l'article 786 et 907 du code de procédure civile.

Après délibéré au cours duquel Madame Anne-Lise COLLOMP, Président de chambre et Madame Laure- Aimée GRUA, Magistrat honoraire, ont rendu compte à la collégialité des débats à la Cour composée de:

Madame Anne-Lise COLLOMP, Président de chambre,

Madame Florence CHOUVIN-GALLIARD, Conseiller,

Madame Laure- Aimée GRUA, Magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles

Greffier :

Madame Karine DUPONT, Greffier lors des débats

Madame Fatima HAJBI, Greffier et du prononcé.

DÉBATS :

A l'audience publique du 03 Avril 2023 , à laquelle ont été entendus Madame Anne-Lise COLLOMP, Président de chambre, en son rapport et les avocats des parties en leurs plaidoiries.

Prononcé le 25 MAI 2023 par mise à la disposition des parties au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

FAITS ET PROCEDURE

Le 27 septembre 2009, M. [M] [P], assuré par la société Monceau Assurances dommages, était locataire d'une propriété située à [Localité 8] (27) jouxtant un talus ferroviaire longeant une voie ferrée désafectée. A l'occasion d'opérations de débroussaillage, il a allumé un feu qui s'est propagé le long du talus ferroviaire, constitué notamment de résidus de matériaux de combustion d'anciennes locomotives.

L'établissement public industriel et commercial (EPIC) SNCF RESEAU (ci-après la SNCF), propriétaire du talus ferroviaire, a saisi, par requête enregistrée le 7 octobre 2014, le tribunal administratif de Rouen aux fins de voir dire et juger M. [P] et les sociétés Euralpha assurances et Monceau générale assurances solidairement responsables des dommages causés par l'incendie provoqué par M. [P] le 27 septembre 2009 sur l'emprise ferroviaire, et condamnés au paiement d'une somme de 119 011,48 euros en réparation du préjudice subi.

La société Monceau assurances dommages est intervenue volontairement à la procédure.

Par ordonnance du 17 novembre 2015, le tribunal administratif de Rouen a constaté le désistement de la SNCF de sa requête.

Par requête enregistrée le 1er décembre 2014, le préfet de l'Eure a déféré au tribunal administratif de Rouen, comme prévenu d'une contravention de grande voirie, M. [M] [P].

Par décision du 6 octobre 2015, le tribunal administratif de Rouen a :

- dit n'y avoir lieu à statuer sur l'action publique en raison de la prescription,

- condamné M. [P] à verser à la SNCF une somme de 118 348,44 euros.

Par acte d'huissier en date du 5 janvier 2017, l'EPIC SNCF RESEAU a assigné la société Monceau assurances dommages, dont le siège social est situé à Vendôme (41), devant le tribunal de grande instance de Blois aux fins de lui voir déclarer opposable le jugement rendu le 15 septembre 2015 par le tribunal administratif de Rouen.

Après jugement avant-dire droit du 20 septembre 2018, l'EPIC SNCF RESEAU a assigné M. [P] et la société Euralpha assurances en intervention forcée devant le tribunal de grande instance de Blois.

Par jugement en date du 4 juin 2020, le tribunal judiciaire de Blois a statué comme suit :

Rejette la fin de non-recevoir tirée de la prescription fondée sur l'artic1e 2224

du Code civil,

Rejette la fin de non-recevoir tirée de la prescription fondée sur l'article L.

114-1 du Code des assurances,

Déclare opposable au GIE MONCEAU ASSURANCES DOMMAGES la

décision n° 1404257 rendue par le Tribunal administratif de Rouen le 15 septembre 2015,

Condamne le GIE MONCEAU ASSURANCES DOMMAGES à verser à l'EPIC

SNCF RESEAU la somme de 118 348,44 euros,

Rejette toute autre demande,

Ordonne l'exécution provisoire de la présente décision,

Condamne le GIE MONCEAU ASSURANCES DOMMAGES à verser à l'EPlC SNCF RESEAU une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,

Rejette la demande formée par le GIE MONCEAU ASSURANCES DOMMAGES sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,

Condamné le GIE MONCEAU ASSURANCES DOMMAGES aux dépens,

Autorise les avocats de la cause à recouvrer directement ceux des dépens dont ils auraient fait l'avance sans avoir reçu provision.

Le 27 juillet 2020, la société Monceau assurances dommages et la société Euralpha assurances ont interjeté appel de ce jugement.

La déclaration d'appel a été signifée à M. [P] [M] par acte d'huissier en date du 1er octobre 2020, selon les modalités de l'article 659 du code de procédure civile, un procès-verbal de recherches infructueuses ayant été établi.

La cour statuant en dernier ressort, le présent arrêt sera rendu par défaut à son égard.

Par conclusions signifiées par voie électronique le 4 juillet 2022, la société Monceau assurances dommages et la société Euralpha assurances demandent à la cour de :

- infirmer le jugement du 4 juin 2020 en ce qu'il a :

- Rejeté la fin de non-recevoir tiree de la prescription fondee sur l'article 2224 du code civil,

- Rejeté la fin de non-recevoir fondee sur l'article L. 114-1 du code des assurances,

- Declaré opposable au GIE MONCEAU ASSURANCES DOMMAGES la decision n°1404257 rendue par le Tribunal administratif de Rouen le 15 septembre 2015,

- Condamné le GIE MONCEAU ASSURANCES DOMMAGES à verser à SNCF RESEAU la somme de 118348,44 euros,

- Condamné le GIE MONCEAU ASSURANCES DOMMAGES à verser à SNCF RESEAU la somme de 1500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procedure civile,

- Condamné le GIE MONCEAU ASSURANCES DOMMAGES aux dépens,

- Rejeté les demandes présentées par le GIE MONCEAU ASSURANCES DOMMAGES et la SAS EURALPHA ASSURANCES tendant à ce qu'il soit dit et jugé que SNCF RESEAU était irrecevable et mal fondée en ses demandes, à ce qu'il soit constaté que l'action de SNCF RESEAU était prescrite en application de l'article 2224 du code civil et de l'article L. 114-1 du code des assurances, à ce qu'il soit constaté très subsidiairement que les dommages avaient pour origine exclusive des fautes de SNCF RESEAU, à ce que soit constaté à titre infiniment subsidiaire le caractère injustifié et en tout cas excessif des sommes réclamées, à ce que SCNF RESEAU soit condamné à verser au GIE MONCEAU ASSURANCES DOMMAGES et à la SAS EURALPHA ASSURANCES une somme de 3000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et à ce que SNCF RESEAU soit condamné aux entiers dépens de l'instance dont distraction au profit de Maitre HARLICOT GUELE en application de l'article 699 dudit code,

- Autorisé les avocats de la cause à recouvrer directement ceux des dépens dont ils auraient fait l'avance sans avoir reçu provision

- Ordonné l'exécution provisoire du jugement entrepris.

- En conséquence constater que l'action de l'EPIC SNCF RESEAU est prescrite en application de l'article 2224 du Code civil de sorte que les demandes de l'EPIC seront rejetées comme étant irrecevables.

- Très subsidiairement, constater que les dommages ont pour origine exclusive des fautes de l'EPIC SNCF RESEAU de sorte que les demandes de l'EPIC seront rejetées comme étant mal fondées.

- A titre infiniment subsidiaire constater le caractère injustifié des sommes réclamées et en tout cas leur caractère excessif.

- Condamner l'EPIC SNCF RESEAU au paiement d'une indemnité de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance dont distraction au profit de Maître HERVOIS en application de l'article 699 dudit Code.

Par conclusions en date du 23 janvier 2023, la société SNCF RESEAU demande à la cour de :

- rejeter les conclusions du GIE MONCEAU ASSURANCES DOMMAGES et de la société EURALPHA ASSURANCES ;

- confirmer, en toutes ses dispositions, le jugement rendu le 4 juin 2020 par le tribunal judiciaire de Blois ;

- condamner in solidum le GIE MONCEAU ASSURANCES DOMMAGES et la société EURALPHA ASSURANCES à verser à SNCF RESEAU la somme de 4 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

MOTIFS

Sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action

La société Monceau assurances dommages et la société Euralpha assurances font valoir en premier lieu que les demandes formées par la société SNCF RESEAU à leur encontre sont irrecevables car prescrites en application du délai quinquennal prévu par l'article 2224 du code civil, comme ayant été introduite le 5 janvier 2017, donc plus de 7 ans après la survenance du sinistre, le 27 septembre 2009.

Elles font valoir :

- que le tribunal a jugé à tort que la prescription n'était pas acquise au motif que le domaine public serait imprescriptible, alors que la voie ferrée étant abandonnée, elle n'est plus affectée à l'usage du public ou à un service public et ne remplit donc plus les critères de la domanialité publique de sorte qu'il n'est pas démontré que cet ouvrage ferait partie du domaine public de la société SNCF RESEAU.

- qu'en tout état de cause, à supposer même que tel soit le cas, l'imprescriptibilité du domaine public concerne la propriété des biens et non les actions en dérivant.

*****

Il est constant que l'action de la victime contre l'assureur de responsabilité, qui trouve son fondement dans le droit de la victime à réparation de son préjudice, se prescrit par le même délai que son action contre le responsable (2ème civ 13 septembre 2007 Bull n°214 ; Civ. 2ème 25 octobre 2007 pourvoi n°06-19.276).

Le délai de prescription applicable à l'action de la société SNCF RESEAU contre l'assureur de M. [P] est donc le même que celui applicable à l'action de la société SNCF RESEAU contre le responsable du sinistre, M. [P].

En application de l'article L. 3111-1 du code général de la propriété des personnes publiques :

'Les biens des personnes publiques mentionnées à l'article L.1 qui relèvent du domaine public sont inaliénables et imprescriptibles'.

Il est constant que la prescription de l'action publique en matière de contravention de grande voirie ne s'applique pas, en raison de l'imprescriptibilité du domaine public, à la réparation des dommages causés au domaine public (voir par exemple CE 2 novembre 1966 société Poléna n° 65445 ; CE 23 mai 20023, n° 237634).

Contrairement à ce que soutiennent la société Monceau assurances dommages et la société Euralpha assurances, l'imprescriptibilité du domaine public ne concerne donc pas la seule propriété des biens mais également les actions en réparation des dommages causés aux biens du domaine public, qu'elles soient exercées devant le juge administratif dans le cadre de l'action domaniale en réparation du préjudice causé au domaine public en cas de contravention de grande voirie, ou dans le cadre d'une action en responsabilité devant le juge judiciaire.

Les dispositions de l'article 2224 du code civil, en ce qu'elles prévoient une prescription quinquennale, ne sont dès lors pas applicables aux actions en réparation des dommages causés au domaine public.

La société Monceau assurances dommages et la société Euralpha assurances soutiennent que le talus sur lequel est survenu l'incendie n'appartient pas au domaine public, dans la mesure où la voie ferrée est abandonnée, et n'est donc plus affectée à l'usage du public ou à un service public, de sorte qu'elle ne remplit plus les critères de la domanialité publique.

Toutefois, en application de l'article L.2111-15 du code général de la propriété des personnes publiques :

'Le domaine public ferroviaire est constitué des biens immobiliers appartenant à une personne publique mentionnée à l'article L. 1, non compris dans l'emprise des biens mentionnés à l'article L. 2111-14 et affectés exclusivement aux services de transports publics guidés le long de leurs parcours en site propre'.

Il est constant que les talus jouxtant les voies ferrées constituent des dépendances du domaine public ferroviaire (CE 23 mai 2003, n°237634).

Il n'est pas contesté en l'espèce que la voie ferrée en cause était désaffectée.

Toutefois, ce seul fait est insusceptible, à défaut d'une décision de déclassement, de permettre de considérer qu'il ne fait plus partie du domaine public, en considération des dispositons de l'article L.2141-1 du Code général de la propriété des personnes publiques qui dispose que :

'Un bien d'une personne publique mentionnée à l'article L. 1, qui n'est plus affecté à un service public ou à l'usage direct du public, ne fait plus partie du domaine public à compter de l'intervention de l'acte administratif constatant son déclassement'.

En l'absence de tout acte de déclassement, dont il n'est nullement justifié en l'espèce, la seule circonstance que la voie ferrée et le talus adjacent n'étaient plus affectés au service public n'a pu avoir pour effet de faire sortir ce bien du domaine public, ainsi que l'a d'ailleurs jugé le Conseil d'Etat dans un cas similaire (CE, 12 février 2012, n°338059).

Il en résulte que le talus en cause doit être considéré comme faisant partie du domaine public.

La prescription de l'action publique ne s'appliquant pas, en raison de l'imprescriptibilité du domaine public, à la réparation des dommages causés au domaine public, la fin de non-recevoir tirée de la prescription quinquennale de l'article 2224 du code civil a été à bon droit écartée par le premier juge.

Sur l'absence de responsabilité de M. [P]

La société Monceau assurances dommages et la société Euralpha assurances font valoir que l'action de la société SNCF RESEAU est en tout état de cause mal fondée, en ce que, contrairement à ce qu'a retenu le premier juge, le jugement rendu par le tribunal administratif de Rouen suite au déféré du Préfet n'est pas opposable à la société d'assurances Monceau Assurances Dommages, dans la mesure où elle n'était pas partie à cette procédure.

Elle ajoute qu'elle n'a pas pu intervenir volontairement à cette instance puisqu'il est constant que l'assureur ne peut intervenir volontairement à une instance devant le juge administratif dès lors que l'appréciation de sa garantie ne relève pas de l'appréciation des juridictions de l'ordre administratif. Elle fait valoir que si, dans le cadre d'un recours en plein contentieux, un assureur est susceptible d'intervenir à l'instance devant le Tribunal administratif, tel n'est pas le cas dans le cadre d'un déféré du Préfet au titre d'une contravention de grande voirie.

Ils en déduisent qu'il appartient donc à la juridiction judiciaire de procéder à une nouvelle appréciatiion de la responsabilité de M. [P] et de statuer sur la faute exonératoire de la société SNCF RESEAU, point sur lequel le tribunal administratif n'a pas eu l'occasion de se pencher. La société SNCF RESEAU répond qu'au contraire, il est de jurisprudence constante que la décision judiciaire qui constate la responsabilité de l'assuré, est opposable à l'assureur lorsque la victime exerce contre lui son action directe, la circonstance que l'assureur n'ait pas été partie au procès étant indifférente. Il importe peu à cet égard que la décision statuant sur la responsabilité soit rendue par le juge judiciaire ou par le juge administratif.

Elle ajoute qu'en tout état de cause, la société Monceau Assurances Dommages est intervenue volontairement à la première procédure initiée par la SNCF devant le tribunal administratif de Rouen dont elle s'est ensuite désistée, et qu'elle avait la possibilité d'intervenir volontairement à cette seconde instance.

******

En 'application de l'article L. 124-3, alinéa 1, du code des assurances :

'Le tiers lésé dispose d'un droit d'action directe à l'encontre de l'assureur garantissant la responsabilité civile de la personne responsable. '

Il est constant que la décision judiciaire, condamnant l'assuré en raison de sa responsabilité, constitue pour l'assureur de cette responsabilité la réalisation, tant dans son principe que dans son étendue, du risque couvert et lui est, dès lors, opposable (1ère Civ 12 juin 1968 n°66-11.076 et n°65-14.399 Bull n°170) sous la seule réserve du cas de fraude de l'assuré (1ère Civ 15 mars 1988 n°86-15.783 Bull n°74 ; 3ème Civ 18 février 2016 n°14-29.200).

Cette règle est applicable que la dette de responsabilité de l'assuré résulte d'une décision du juge judiciaire ou du juge administratif (3ème Civ 19 février 1992 n°90-13.015 Bull n°47).

Il en résulte que l'assureur ne peut plus contester sa garantie qu'au regard de la nature du sinistre et des stipulations du contrat d'assurance (1ère civ 26 avril 1972 n°71-10.779 Bull n°110 ; 3ème Civ 19 février 1992 précitée ; Civ 1ère 20 octobre 2014 n°13-23.506 Bull n°177).

En l'espèce, par jugement du 6 octobre 2015, le tribunal administratif de Rouen, devant lequel M. [P] a été déféré comme prévenu d'une contravention de grande voirie, a déclaré prescrite l'action publique, mais a statué sur l'action dite 'domaniale', qui vise à réparer les dommages subis.

Il a retenu que M. [P] était à l'origine de l'incendie ayant affecté le talus de la voie ferrée, constituant une dépendance du domaine public ferroviaire, et l'a condamné à réparer les dommages causés au domaine public à hauteur de 118 348,44 euros.

Il s'agit bien là d'une déclaration de responsabilité, à l'origine donc d'une dette de responsabilité pour M. [P], peu important à cet égard que la responsabilité de M. [P] ait été reconnue dans le cadre d'une action fondée sur une contravention de grande voirie, qui prévoit un régime de responsabilité objective, sans faute, dont le contrevenant ne peut s'exonérer qu'en rapportant la preuve que le dommage est imputable, de façon exclusive, à un cas de force majeure ou une faute de l'administration assimilable à un cas de force majeure, de sorte qu'une faute simple de l'administration ne constitue pas une cause exonératoire. Le tribunal administratif a considéré qu'aucune cause exonératoire n'était caractérisée en l'espèce, de sorte que M. [P] a été condamné au paiement de dommages et intérêts visant à réparer le préjudice résultant de l'incendie du 27 septembre 2009.

Il en résulte que cette décision, qui condamne M. [P] à réparer les dommages causés au domaine public par l'incendie qu'il a provoqué, constitue pour l'assureur de M. [P] la réalisation, tant dans son principe que dans son étendue, du risque couvert et lui est, dès lors, opposable quand bien même il n'était pas partie à cette procédure.

Le jugement sera en conséquence confirmé en ce qu'il a retenu qu'il n'appartient pas à la présente juridiction de procéder à une nouvelle appréciation de la responsabilité de M. [P].

En tout état de cause et à titre surabondant, il sera relevé que la société Monceau assurances dommages et la société Euralpha assurances se contentent d'affirmer que 'M. [P] n'a agi qu'afin de pallier une carence de l'EPIC SNCF RESEAU' sans que cette allégation ne soit corroborée par les pièces produites, à l'exception des explications données par M. [P] qui ne sauraient suffire à rapporter la preuve des faits allégués. Les éléments produits ne permettent donc pas de caractériser une faute de la victime susceptible d'exonérer en tout ou partie M. [P] de la responsabilité qu'il encourt pour avoir provoqué un incendie sur le domaine public.

Sur les sommes réclamées

La société Monceau assurances dommages et la société Euralpha assurances contestent le montant des sommes allouées à la société SNCF RESEAU, qu'elles estiment injustifiées et à tout le moins excessives.

Force est en premier lieu de relever que la décision du tribunal administratif de Rouen en date du 6 octobre 2015, condamnant l'assuré en raison de sa responsabilité, constitue pour l'assureur de cette responsabilité la réalisation, non pas seulement dans son principe mais également dans son étendue, du risque couvert et lui est, dès lors, opposable, de sorte que la société Monceau assurances dommages et la société Euralpha assurances ne sont pas fondées à contester le montant des sommes allouées.

Force est en tout état de cause de constater que, si la pièce n°13 est en effet un décompte établi par la société SNCF RESEAU, qui ne saurait à lui seul justifier les sommes dont elle demande réparation, elle produit également par ailleurs un courrier de la société GBM en date du 27 juin 2014 dans lequel elle confirme être intervenue suite à l'incendie de 2009 et avoir dû déprogrammer les chantiers en cours pour procéder à cette intervention et indique que les prestations commandées ont fait l'objet d'une facture à hauteur de 110 668,35 euros (pièce n°14), somme qui a été réglée (pièce n°17). Elle sollicite par ailleurs l'indemnisation de ses propres dépenses :

- 2442,45 euros au titre des dépenses de mobilisation et d'intervention du personnel;

- 5900,56 euros au titre des charges de structure.

Si la société Monceau assurances dommages et la société Euralpha assurances soutiennent que la facture de la société GBM correspond à des travaux effectués sur 51 mètres alors que seule une longueur de 18 à 20 mètres a été impactée par l'incendie, elles ne produisent pour en justifier qu'un courrier du technicien commis par la société LA COMTOISE qui ne saurait suffire à rapporter la preuve de leurs allégations à ce titre, étant précisé que si la SNCF a accepté dans un cadre amiable de réduire sa demande d'indemnisation, il ne s'agit nullement d'une renonciation définitive à solliciter le paiement de la somme de 119 011 euros ainsi qu'elle l'indique elle-même dans son mail du 18 septembre 2014.

En conséquence, le jugement sera confirmé en ce qu'il a condamné la société Monceau Assurances dommages à verser à la société SNCF RESEAU une somme de 118 348,44 euros.

Sur les demandes accessoires

Les circonstances de la cause justifient de condamner in solidum la société Monceau assurances dommages et la société Euralpha assurances à payer à la société SNCF RESEAU une somme de 2000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

La société Monceau assurances dommages et la société Euralpha assurances seront tenues aux dépens de la procédure d'appel.

PAR CES MOTIFS

Statuant par mise à disposition au greffe, publiquement, par défaut et en dernier ressort,

CONFIRME en ses dispositions critiquées le jugement entrepris,

Y ajoutant :

CONDAMNE in solidum les société Monceau Assurances Dommages et EURALPHA ASSURANCES à verser à la société SNCF RESEAU la somme de 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE in solidum les société Monceau Assurances Dommages et EURALPHA ASSURANCES aux dépens de la procédure d'appel.

Arrêt signé par Madame Anne-Lise COLLOMP, Président de Chambre et Mme Fatima HAJBI, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Orléans
Formation : Chambre civile
Numéro d'arrêt : 20/01407
Date de la décision : 25/05/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-05-25;20.01407 ?
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