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25/05/2023 | FRANCE | N°20/01315

France | France, Cour d'appel d'Orléans, Chambre civile, 25 mai 2023, 20/01315


COUR D'APPEL D'ORLÉANS



C H A M B R E C I V I L E





GROSSES + EXPÉDITIONS : le 25/05/2023

Me Nelly GALLIER

la SELARL CABINET AUDREY HAMELIN

la SCP LAVAL - FIRKOWSKI

la SELARL CABINET GENDRE & ASSOCIES



ARRÊT du : 25 MAI 2023



N° : - N° RG : 20/01315 - N° Portalis DBVN-V-B7E-GFOM



DÉCISION ENTREPRISE : Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de BLOIS en date du 04 Juin 2020



PARTIES EN CAUSE



APPELANTS :- Timbre fiscal dématérialisé N°: 1265256

768511136



Monsieur [L] [C]

né le 23 Juillet 1982 à [Localité 14] (PORTUGAL)

[Adresse 1]

[Localité 5]



Madame [U] [G] épouse [N]

née le 03 Décembre 1986 à [Localité...

COUR D'APPEL D'ORLÉANS

C H A M B R E C I V I L E

GROSSES + EXPÉDITIONS : le 25/05/2023

Me Nelly GALLIER

la SELARL CABINET AUDREY HAMELIN

la SCP LAVAL - FIRKOWSKI

la SELARL CABINET GENDRE & ASSOCIES

ARRÊT du : 25 MAI 2023

N° : - N° RG : 20/01315 - N° Portalis DBVN-V-B7E-GFOM

DÉCISION ENTREPRISE : Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de BLOIS en date du 04 Juin 2020

PARTIES EN CAUSE

APPELANTS :- Timbre fiscal dématérialisé N°: 1265256768511136

Monsieur [L] [C]

né le 23 Juillet 1982 à [Localité 14] (PORTUGAL)

[Adresse 1]

[Localité 5]

Madame [U] [G] épouse [N]

née le 03 Décembre 1986 à [Localité 13]

[Adresse 1]

[Localité 5]

représentés par Me Nelly GALLIER, avocat au barreau de BLOIS

ayant pour avocat plaidant Me Christian QUINET, avocat au barreau de BLOIS,

D'UNE PART

INTIMÉS : - Timbre fiscal dématérialisé N°: 1265257085945382

Monsieur [V] [I]

né le 05 Septembre 1958 à [Localité 15]

[Adresse 11]

[Localité 6]

représenté par Me Audrey HAMELIN de la SELARL CABINET AUDREY HAMELIN, avocat au barreau de BLOIS

- Timbre fiscal dématérialisé N°: 1265254316719639

Monsieur [L] [S] [E] [D]

né le 23 Septembre 1971 à [Localité 13]

[Adresse 2]

[Localité 7]

Madame [M] [K] [T] [F] épouse [D]

née le 17 Mars 1970 à [Localité 9]

[Adresse 2]

[Localité 7]

représentés par Me Olivier LAVAL de la SCP LAVAL - FIRKOWSKI, avocat au barreau d'ORLEANS

ayant pour avocat plaidant Me Hervé GUETTARD de la SCP CALENGE-GUETTARD-MICOU-DURAND, avocat au barreau de BLOIS,

- Timbre fiscal dématérialisé N°: 1265254357078526

S.E.L.A.R.L. d'architecture [D] inscrite au RCS de ROMORANTIN-LANTENAY sous le n° 448 477 026, prise en la personne de son représentant légal domicilé en cette qualité audit siège

[Adresse 8]

[Localité 5]

représentée par Me Olivier LAVAL de la SCP LAVAL - FIRKOWSKI, avocat au barreau d'ORLEANS

ayant pour avocat plaidant Me Martine MEUNIER de la SELARL CM&B 'COTTEREAU-MEUNIER-BARDON-SONNET- ET ASSOCIES, avocat au barreau de TOURS,

- Timbre fiscal dématérialisé N°: 1265253719827617

Compagnie d'assurance SMABTP 37 es qualité d'assureur de la SARL [Y] [J], immatriculée au RCS de PARIS sous le n°D775684764

[Adresse 3]

[Localité 4]

représentée par Me Nicolas GENDRE de la SELARL CABINET GENDRE & ASSOCIES, avocat au barreau de TOURS

Madame [H] [W] épouse [I]

née le 10 Mars 1961 à [Localité 10]

[Adresse 12]

[Localité 6]

n'ayant pas constitué avocat

D'AUTRE PART

DÉCLARATION D'APPEL en date du : 17 Juillet 2020.

ORDONNANCE DE CLÔTURE du : 6 février 2023

COMPOSITION DE LA COUR

Lors des débats :

En l'absence d'opposition des parties ou de leurs représentants :

Madame Anne-Lise COLLOMP, Président de chambre,

Madame Laure- Aimée GRUA, Magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles ont entendu les avocats des parties en leurs plaidoiries, avec leur accord, par application de l'article 786 et 907 du code de procédure civile.

Après délibéré au cours duquel Madame Anne-Lise COLLOMP, Président de chambre et Madame Laure- Aimée GRUA, Magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles, ont rendu compte à la collégialité des débats à la Cour composée de:

Madame Anne-Lise COLLOMP, Président de chambre,

Madame Florence CHOUVIN-GALLIARD, Conseiller,

Madame Laure- Aimée GRUA, Magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles

Greffier :

Madame Karine DUPONT, Greffier lors des débats

Madame Fatima HAJBI, Greffier lors du prononcé.

DÉBATS :

A l'audience publique du 03 Avril 2023 , à laquelle ont été entendus Madame Anne-Lise COLLOMP, Président de chambre, en son rapport et les avocats des parties en leurs plaidoiries.

Prononcé le 25 MAI 2023 par mise à la disposition des parties au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

FAITS ET PROCEDURE

La maison d'habitation située [Adresse 1] (41) a été vendue successivement :

- par M. et Mme [L] [D] et [M] [F] (ci-après M. et Mme [D]) à M. [V] [I] et Mme [H] [W] (ci-après M. et Mme [I]) selon acte authentique du 17 décembre 2003, précédé d'un compromis de vente du 26 juillet 2003 ;

- puis par M. et Mme [I] à M. [C] [L] et Mme [G] [U], son épouse (ci-après M. et Mme [N]) par acte authentique du 28 septembre 2007, précédé d'un compromis de vente du 4 juillet 2007.

Des fissures étant apparues sur les maçonneries de l'angle nord-ouest de la maison après la signature du compromis de vente entre M. et Mme [D] et M. et Mme [I], M. et Mme [D] ont, sur les conseils de la société [D], gérée par le père de [L] [D], et avec l'accord de M. et Mme [I], commandé et financé des travaux de reprise en sous-oeuvre à la société [J] [Y], qui ont été réalisés en janvier 2004, après la signature de l'acte authentique de vente.

La société [J] [Y], assurée auprès de la société SMABTP, a été placée en liquidation judiciaire.

De nouvelles fissures sont apparues postérieurement à ces travaux et M. et Mme [I] ont saisi courant 2006 leur assureur de protection juridique, la MACIF Loir Bretagne, qui a commis un technicien, le cabinet [R], pour réaliser des investigations techniques.

M. et Mme [I] ayant décidé de vendre leur bien, a été annexé à l'acte de vente authentique conclu entre M. et Mme [I] et M. et Mme [N], qui désignait la maison vendue comme 'un pavillon d'habitation en mauvais état, avec plan d'eau et parc', les documents relatifs aux travaux réalisés par la société [J] [Y], et un rapport en date du 20 mai 2006 établi par le cabinet [R] mandaté par l'assureur de M. et Mme [I].

M. et Mme [N] ayant constaté après l'acquisition de la maison l'aggravation des fissures, ils ont assigné en référé par acte du 24 septembre 2009 M. et Mme [I], ainsi que M. et Mme [D], la société [D], et la société SMABTP, assureur de la société [J] [Y], afin de voir ordonner une mesure d'expertise.

Par ordonnance du 8 décembre 2009, une mesure d'expertise a été ordonnée.

M. [A], désigné par ordonnance de remplacement du 23 mai 2014, a déposé son rapport le 28 juillet 2017.

Par actes d'huissier des 11 et 18 août 2017 et 28 septembre 2017, M. et Mme [N] ont fait assigner devant le tribunal de grande instance de Blois M. [I] et Mme [W], la société [D], M. et Mme [D], la SMABTP en qualité d'assureur de la société [J] [Y] en indemnisation de leurs préjudices.

Par jugement du 4 juin 2020, le tribunal judiciaire de Blois :

- DECLARE recevables les demandes de Monsieur [L] [C] et Mme [G] ;

- CONSTATE qu'aucune demande fondée sur les vices cachés ne figure dans le dispositif de l'assignation de Monsieur [L] [C] et de Madame [U] [G] ;

- DEBOUTE Monsieur [L] [C] et Madame [U]

[G] de leur demande dirigée contre Monsieur [V] [I] et de Madame [H] [W] fondée sur la réticence dolosive;

- DEBOUTE Monsieur [L] [C] et Madame [U] [G] de leur demande dirigée contre Monsieur [L] [D] et Madame [M] [F] fondée sur la garantie décennale ;

- DEBOUTE Monsieur [L] [C] et Madame [U] [G] de leur demande dirigée contre la SARL [D] ;

- DEBOUTE Monsieur [L] [C] et Madame [U]

[G] de leur demande dirigée contre la SMABTP ;

- CONDAMNE solidairementMonsieur [L] [C] et Madame [U] [G] à payer à Monsieur [V] [I] la somme de 1.500,00 euros au titre des dispositions de Particle 700 du Code de procédure civile;

- CONDAMNE solidairement Monsieur [L] [C] et

Madame [U] [G] à payer à Monsieur [L] [D] et Madame [M] [F] la somme totale de 1.500,00 euros au titre des dispositions de l'article 700 du cde de procédure civile ;

- CONDAMNE solidairement Monsieur [L] [C] et Madame [U] [G] à payer à la SARL [D] la somme de 1.000,00 euros au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- CONDAMNE solidairement Monsieur [L] [C] et Madame [U] [G] à payer à la SMABTP la somme de 1.000,00 euros au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile;

- CONDAMNE solidairement Monsieur [L] [C] et Madame [U] [G] aux entiers dépens comprenant ceux de la procédure de référé et de l'expertîse judiciaire ;

- AUTORISE les avocats de la cause à recouvrer directement ceux des dépens dont ils auraient fait Pavance sans avoir reçu provision ;

- DIT n'y avoir lieu à exécution provisoire.

Le 17 juillet 2020, M. et Mme [N] ont interjeté appel de cette décision, en visant expressément l'ensemble de ses dispositions.

Cette déclaration d'appel a été signifiée à Mme [W] par acte d'huissier du 21 septembre 2020, selon les modalités de l'article 656 du code de procédure civile. Elle n'a pas constituée avocat. La présente décision étant rendue en dernier ressort, elle sera rendue par défaut à son égard.

Par conclusions déposées le 29 mars 2022, M. et Mme [N] demandent à la cour de :

- Infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions.

En conséquence,

- Condamner solidairement les époux [I] au visa des dispositions des articles 1641, 1643, 1137 et 1792 du Code Civil, les époux [D] au visa des dispositions des articles 1792 du Code Civil, la SARL [D] et la SMABTP sur le fondement des dispositions des articles 1792 et suivants du Code Civil, à verser aux époux [C] - [G] les sommes de 193.490,83 € au titre des travaux de reprises.

- Condamner les mêmes à leur verser la somme de 67.200,00 € au titre de leur préjudice de jouissance et moral.

- Constater que les époux [C] - [G] ont été victimes de réticence dolosive des époux [I].

- En conséquence, condamner ces derniers au visa des dispositions de l'article 1137 du Code Civil à leur verser la somme de 50.000,00 € à titre de dommages et intérêts.

- Débouter les époux [I], les époux [D], la SARL [D] et la SMABTP de toutes leurs demandes, fins et conclusions.

- Condamner solidairement les intimés à verser aux époux [N]

[O] - [G] la somme de 6.000,00 € au titre de l'article 700 du C.P.C. ainsi qu'aux entiers dépens de première instance qui comprendront les frais d'expertise et d'appel dont distraction au profit de Maître N. GALLIER, Avocat.

Par conclusions du 10 décembre 2020, M. et Mme [D] demandent à la cour de :

- Constater que les concluants n'ont pas vendu après achèvement un ouvrage

qu'ils ont construit ou fait construire.

- Déclarer mal fonde l'appel interjeté par les époux [N] et confirmer

purement et simplement le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Blois le 4 juin 2020,

- Débouter les epoux [N] de l'ensemble de leurs demandes.

En tout etat de cause,

- Condamner la SMABTP, en sa qualité de l'assureur de la societe [Y], à garantir les concluants de toutes condamnations qui seraient prononcées à leur encontre et ce tant en principal, interêts, frais et accessoires.

- Condamner les époux [N] ou tout succombant à payer aux concluants une indemnité de procédure de 4000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,

- Condamner solidairement les époux [N] et tout succombant aux entiers dépens lesquels comprendront ceux afférents à l'ordonnance de référé du 8 décembre 2009 et à l'expertise judiciaire.

Par conclusions déposées le 31 janvier 2022, la société d'architecture [D] demande à la cour de :

À titre principal :

- Déclarer mal fondé l'appel interjeté par les époux [N] et confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

- Débouter les époux [N] de leurs demandes.

À titre subsidiaire :

- Déclarer irrecevables chacune des demandes présentées par M. et Mme [N] sans distinction de leur fondement juridique ;

- Débouter les demandeurs de l'ensemble de leurs conclusions dirigées contre la SELARL [D] ;

Subsidiairement,

Vu l'article 1240 du code civil,

- Condamner la SMABTP, assureur de la SARL [Y], à garantir intégralement la concluante de toute condamnation qui pourrait être prononcée à son encontre ;

En tout état de cause :

- Rejeter les demandes formulées au titre de la taxe d'aménagement et du préjudice de jouissance ;

- Condamner M. [N] et Mme [G] ou tous succombants à payer une somme de 3.000 € à la SELARL [D] par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamner les mêmes et tous succombants aux entiers dépens en ce compris les frais d'expertise.

Par conclusions déposées le 11 janvier 2023, M. [I] [V] demande à la cour de :

- Confirmer le jugement rendu par le Tribunal Judiciaire de BLOIS en toutes ses dispositions en ce qu'elles concernent les demandes formulées à l'encontre de Monsieur [I].

Y ajoutant,

- Condamner les époux [N] au versement d'une somme de 3.000 euros en application des dispositions de l'article 700 et aux entiers dépens de l'instance dont distraction au profit de la SELARL Audrey HAMELIN.

A titre subsidiaire

- Débouter les époux [N] de leurs demandes assises sur le fondement des dispositions de l'article 1792 du code civil en ce qu'elles sont dirigées à l'encontre de Monsieur [I]

- Dire n'y avoir lieu à condamnation in solidum de Monsieur [I] avec tout autre succombant

- Condamner les époux [N] au versement d'une somme de 3.000 euros en application des dispositions de l'article 700 et aux entiers dépens de l'instance dont distraction au profit de la SELARL Audrey HAMELIN

A titre infiniment subsidiaire,

- Réduire les demandes des époux [N] à de plus justes proportions

- Limiter la condamnation de Monsieur [I] à un pourcentage de responsabilité dans les désordres ne pouvant être supérieur à 5%

- Condamner toute partie succombante au versement à Monsieur [I] d'une somme de 3.000 euros en application des dispositions de l'article 700 et aux entiers dépens de l'instance dont distraction au profit de la SELARL Audrey HAMELIN.

Par conclusions déposées le 14 décembre 2020, la SMABTP 37 demande à la cour de:

- Confirmer le jugement du Tribunal judiciaire de Blois du 04 juin 2020, en ce qu'il a

- Débouté Monsieur [L] [C] et Madame [U] [G] de leurs demandes dirigées à l'encontre de la SMABTP-Condamné solidairement Monsieur [L] [C] et Madame [U] [G] à payer à la SMABTP la somme de 1 000 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure civile

- Condamné solidairement Monsieur [L] [C] et Madame [U] [G] aux entiers dépens comprenant ceux de la procédure de référé et de l'expertise judiciaire.

En conséquence,

- Débouter toutes les demandes, fins et conclusions plus amples ou contraires de toutes les parties en ce qu'elles sont dirigées à l'encontre de la SMABTP.

Subsidiairement :

- Dire et juger que toutes les parties engagent leur responsabilité dans la survenance des désordres et des préjudices consécutifs.

- Dire et juger qu'en raison du partage de responsabilité indéniable entre tous les intervenants, savoir la SARL [D], Monsieur et Madame [D], Monsieur et Madame [I] et les requérants Monsieur [N] et Madame [G] eux-mêmes, la SMABTP ne pourrait être condamnée au paiement d'une somme tous préjudices confondus qui serait supérieure à 10 %.

- Dire et juger que le coût des travaux de reprise doit s'évaluer à la somme maximale de 154 886.30 euros.

- Ramener le préjudice de jouissance allégué à de plus justes proportions.

En tout état de cause,

- Faire application des franchises contractuelles de la SMABTP sur les sommes auxquelles elle serait condamnée, savoir :

- une franchise sur le volet matériel correspondant à 10% du montant des dommages avec un minimum de 20 franchises (2620 euros) de référence et un maximum de 200 franchises de référence (26 200 euros)

- une franchise sur le volet immatériel correspondant à 6 franchises de référence (789 euros)

- Condamner Monsieur [N] et Madame [G] ou toute partie succombant au paiement d'une somme de 5 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, outre aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître Flora OLIVEREAU, membre associé de la Selarl Cabinet GENDRE et associés.

MOTIFS

I - Sur les responsabiltiés encourues

1 - Sur les demandes dirigées contre M. [I] et Mme [W]

1-1 - Sur le fondement de la garantie des vices cachés

M. et Mme [N] fondent en premier lieu leur demande sur la garantie des vices cachés et sur le dol. Ils font valoir que le rapport du Cabinet [R] du 20 mai 2006 qui a été annexé à l'acte de vente mentionne qu'il avait été remédié à la plupart des fissures et que les fissures apparues courant octobre 2003 n'évoluaient pas et ne s'aggravaient pas, ce qui s'est avéré inexact, et qu'a été communiqué en cours de procédure un croquis qui est différent de celui annexé à l'acte de vente et qui révèle l'existence et l'ampleur desdites fissures. Ils indiquent qu'ils n'ont eu connaissance ni de ce croquis, ni du courrier du cabinet [R] du 2 novembre 2006 qui faisait suite au déplacement de ce technicien le 26 octobre, ni du compte-rendu qu'il a rédigé le 26 décembre 2006, alors que s'ils avaient eu connaissance de ces documents, ils n'auraient jamais acheté cette maison qui ne cesse de se dégrader. Ils soutiennent que les vendeurs avaient connaissance du vice et se sont abstenus de les en informer. Ils font valoir que s'ils avaient eu connaissance de l'ampleur du vice, ils n'auraient pas acheté l'immeuble.

M. [I] répond qu'il n'y a aucun vice caché dans la mesure où l'évolution des fissures n'a pas été dissimulée à M. et Mme [N] puisqu'elle était apparente et décelable, qu'ils étaient informés par les pièces annexées à l'acte de vente de l'éventualité d'une dégradation et de l'existence de litiges.

Il souligne en effet que M. et Mme [N], qui étaient en possession du croquis de l'état des fissures établi en mai 2006 par le Cabinet [R], étaient en mesure de constater par eux-mêmes, lorsqu'ils ont visité la maison avant de l'acheter, que les fissures s'étaient aggravées depuis mai 2006 de sorte que l'évolution des fissures était apparente au jour de la vente et qu'ils ont pu de visu s'en apercevoir, d'autant que M. [N] exerce la profession de maçon de sorte qu'il était en mesure de constater que la situation s'était aggravée, quand bien même le croquis établi en décembre 2006 ne lui avait pas été remis.

Il ajoute que le rapport [R] annexé à l'acte de vente évoquait une aggravation des fissures puisqu'il n'excluait pas que le bâtiment continue à évoluer.

Il soutient encore que les acquéreurs étaient parfaitement informés que des réunions d'expertise avaient eu lieu après le mois de mai 2006 puisque le compromis de vente stipule que 'l'immeuble objet des présente fait l'objet de litiges tels que rappelé en annexe et dans les conditions particulières, ce dont l'acquéreur déclare faire son affaire personnelle'.

Il fait valoir, sur le fondement du dol, s'agissant du reproche qui leur est fait de ne pas avoir fourni au jour de la vente le croquis établi par M. [R] en décembre 2006 et les comptes-rendus de ses visites des mois d'octobre et décembre 2006, qu'il n'était pas en possession de ces documents, qui avaient été adressés par le cabinet [R] à son assureur qui l'avait mandaté et que ces documents ont été communiqués à son avocat à la suite de la réunion d'expertise du 8 juin 2010. Il soutient qu'il n'était pas non plus en possession du rapport du Cabinet Cabaret établi à la demande de la SMABTP, assureur de la société [Y]. Il expose que M. et Mme [N] ont été informés du fait que la maison était 'en mauvais état' et qu'un extrait de la convention conclue avec M. et Mme [D] concernant la réalisation des travaux par la société [Y] à la suite de l'apparition de fissures leur a été communiqué, ce qui prouve qu'ils ont au contraire été informés.

********

Aux termes de l'article 1641 du code civil, le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus.

Aux termes de l'aticle 1642 du code civil, le vendeur n'est pas tenu des vices apparents et dont l'acheteur a pu se convaincre lui-même.

Le vice apparent est celui qui apparaît après une vérification élémentaire. L'acheteur profane d'un immeuble n'est pas tenu de procéder à des investigations pour pallier l'absence d'information donné par le vendeur (3ème Civ 25 octobre 2006 n°05-17.115) ni de se faire assister par un homme de l'art (3ème civ 3 mai 1989 Bull n°101 ; 3ème Civ 4 février 2004 bull n°23), il doit se livrer à un examen normalement attentif de la chose. L'existence d'un vice caché est caractérisée lorsque l'acquéreur n'a pas pu, au terme d'un examen normalement attentif de la chose, avoir connaissance du vice dans son ampleur et dans ses conséquences, ainsi que l'a jugé la Cour de cassation s'agissant par exemple de fissures (3ème Civ 5 juillet 2011, n°10-25.626).

En l'espèce, il n'est pas contesté que la maison vendue était, au moment de la vente, affectée de fissures, dont le caractère visible n'est pas discuté puisqu'un technicien en a établi un croquis, d'abord en mai 2006 puis en décembre 2006, de sorte que ces fissures étaient apparentes. Il n'est ni soutenu ni démontré qu'elles auraient été dissimulées avant la vente, de sorte que M. et Mme [N] ont pu les voir, d'autant que leur attention a été attirée sur ce point par :

- la mention dans l'acte de vente d'une maison en 'mauvais état',

- l'annexion à l'acte de vente de l'accord passé par M. Et Mme [I] et M. et Mme [D] concernant la réalisation de travaux pour palier à l'apparition de fissures en 2003 ;

- l'annexion du rapport du cabinet [R] du 20 mai 2006 mentionnant l'existence de fissures,

- la mention dans le compromis de litiges en cours.

En conséquence, ces fissures étaient apparentes pour les acquéreurs, quand bien même le schéma des fissures établi en décembre 2006 par le Cabinet [R] ne leur a pas été remis. Il sera de surcroît souligné que M. [N], qui est maçon, ne prétend pas ne pas avoir vu les fissures existantes au moment de la vente.

Toutefois, le vice caché invoqué par M. et Mme [N] ne porte pas sur l'existence des fissures, mais sur leur caractère évolutif et leur ampleur, qui leur ont été selon eux cachés.

L'existence d'un vice caché peut être en effet caractérisée lorsque l'acquéreur n'a pas pu, au terme d'un examen normalement attentif de la chose, avoir connaissance du vice dans son ampleur et dans ses conséquences. Il convient dès lors de rechercher si M. et Mme [N] ont pu avoir, au moment de la vente, connaissance du vice affectant la maison dans son ampleur et dans ses conséquences.

Il est exact qu'a été annexé à l'acte de vente le rapport établi par le cabinet [R], mandaté par l'assureur protection juridique de M. et Mme [I], la MACIF, le 20 mai 2006, en raison de l'apparition de fissures à la suite de l'achat de la maison. Ce technicien a constaté que :

' Le relevé joint montre un réseau de fissures qui, après établissement et comparatif avec le constat d'huissier, s'avère être le même que les fissures qui existaient au moment de l'achat. Il n'existe qu'une seule exception, la fissure repérée (B), en façade ouest, qui de toute évidence s'est accentuée depuis la reprise en sous-oeuvre. Sur le pignon nord, les fissures en pignon ont été rebouchées avec du silicone, ce qui empêche d'apprécier tout mouvenment éventuel. A l'intérieur, il existe quelques microfissures, mais ces dernières existaient déjà au moment des travaux. Seules les deux micro-fissures reprérés (C) en façade est semblent évoluer, mais de toute évidence, faiblement, puisqu'elles ne sont à ce jour que de 0,1 à 0,8 mm de large. Enfin, la fenêtre dont le sociétaire fait état (fenêtre de séjour) est dans l'état où elle se situait au moment de la vente. Elle n'a fait l'objet d'aucun traitement technique'.

Ce technicien, s'agissant des responsabilités encourues, indique :

'- garantie décennale : cette garantie ne saurait être activée, car à ce jour les fissures ne semblent pas évolutives, et les quelques fissures qui sont réappaues n'ont pas de caractère décennal.

- responsabilité civile du vendeur : il convient de prouver que le bâtiment évolue malgré la reprise en sous-oeuvre qui aurait pu être menée de manière trop légère et succincte. A ce jour, je n'ai pas d'éléments suffisamment précis pour pouvoir prouver à l'adversaire que le bâtiment continue à évoluer. Bien au contraire, je me suis aperçu que le long du pignon nord, une tranchée avait été réalisée, qui accumulait les eaux en pied de pignon. Dans ces conditions, on peut de manière quasi-certaine attribuer l'éventuel mouvement complémentaire du pignon à la présence d'eau en quantité importante en pied de cet ouvrage. Le société étant responsable de la création de cette tranchée, il lui appartient avant toute chose de la compbler, et d'éviter que les eaux s'accumulent comme c'est le cas actuellement sur cet angle. M. [I] sur place m'a confirmé son accord pour entreprendre ces travaux. Lorsque le rebouchage de la tranchée et la remise en profilage du terrain auront été réalisés, il conviendra d'apprécier la situation :

- soit ce remblai aura suffi à supprimer les mouvements et le dossier pourra être classé ;

- soit le bâtiment continue à évoluer. Nous pourrons alors imaginer une mise en cause de l'adversaire, qui ne pourra pas cette fois nous reprocher la création de la tranchée.

(...)'.

M. et Mme [N] soutiennent que ce rapport ne leur a pas permis d'avoir connaissance du caractère évolutif de ces fissures, alors que M. et Mme [I] en avaient connaissance puisque ce même technicien est intervenu postérieurement.

Le Cabinet [R] est en effet de nouveau intervenu, à la demande de la MACIF, en octobre, novembre et décembre 2006.

Dans un courrier du 3 novembre 2006 adressé à la MACIF, il écrit :

'Dans le dossier cité en référence, je vous confirme mon déplacement du 26 octobre 2006. J'ai rencontré sur place M. [I].

Par rapport à mon expertise du 17 mai 2006, j'ai constaté une aggravation très importante, et en particulier dans l'angle qui avait fait l'objet d'une reprise en sous-oeuvre.

De nouvelles fissures sont apparues par ailleurs sur l'angle opposé, ce qui n'est pas anormal au regard de la période estivale 2006 relativement sévère.

D'après M. [I], l'accentuation de la fissuration sur la partie reprise en sous oeuvre remonte à l'été, au mois d'août 2006.

Dans ces conditions, je pense que nous pouvons procéder à la mise en cause du précédent propriétaire, en lui demandant de bien vouloir prévenir son maçon et son assureur'

M. [I] soutient qu'il n'a pas eu connaissance de ce compte-rendu du 3 novembre 2006, qui a été adressé par le cabinet [R] à la MACIF qui l'avait mandaté.

Il verse aux débats une attestation du Cabinet [R] confirmant qu'il n'a pas adressé ce document, ni le compte-rendu du de la réunion contradictoire qu'il a organisée le 11 décembre 2006, à M. [I].

Toutefois, il convient de relever que la rapport établi le 20 mai 2006 par le cabinet [R] a été communiqué à M. [I] non pas par le cabinet [R] mais par la MACIF, par un courrier du 5 juin 2006 annexé à l'acte de vente, de sorte que le fait que le cabinet [R] atteste n'avoir pas communiqué ce document à M. [I] ne permet pas d'en déduire que M. et Mme [I] n'en ont pas eu connaissance, ces éléments ayant pu leur être communiqués par leur assureur, la MACIF.

Mais en tout état de cause, quand bien même il n'aurait pas eu connaissance avant 2010 comme il l'affirme des documents établis en octobre, novembre et décembre 2006 par le Cabinet [R], il résulte des éléments du dossier que M. et Mme [I] avaient parfaitement connaissance au moment de la vente du caractère fortement évolutif des fissures puisque M. [I] avait lui-même alerté son assureur sur l'évolution importante des fissures depuis le mois d'août 2006 et avait été associé aux investigations du cabinet [R], entre octobre et décembre 2006.

Pourtant, alors que l'état de la maison s'est visiblement fortement dégradé à compter du mois d'août 2006 et que de nouvelles investigations ont eu lieu après cette date, c'est le rapport établi en mai 2006 qui a été annexé à l'acte de vente, à défaut de tout élément postérieur.

Or ce document contenait des informations qui étaient, à la date de la vente, obsolètes et ne réflétait pas l'état exact de la maison et des investigations au moment de la vente, puisque le technicien avait en mai 2006 constaté que les fissures avaient peu évolué et s'interrogeait sur leur caractère évolutif ou non, caractère évolutif qui était au contraire parfaitement établi, dans son principe et dans son ampleur, lors de la vente à M. et Mme [N]. Aucun élément ne permet de penser que M. et Mme [N] ont été informés qu'il ne s'agissait pas là du dernier état des investigations techniques conduites, à supposer même que M. et Mme [I] n'aient pas été en mesure de leur communiquer de document plus récent.

Si le compromis de vente fait état de 'litiges en cours', cette seule mention, qui au demeurant n'a pas été reprise dans l'acte authentique, sans aucune précision sur les litiges dont M. et Mme [N] ont été informés, ne suffit pas à établir que M. et Mme [N] ont été informés par M. et Mme [I] des éléments les plus récents relatifs à l'état de cette maison, du caractère évolutif des fissures et de la dégradation importante de l'état de la maison durant l'année qui a précédé la vente.

De même, le fait qu'ait été annexé à l'acte de vente l'accord conclu entre M. et Mme [I] et M. et Mme [D] concernant la réalisation des travaux par la société [Y] pour remédier à l'apparition de fissures en 2003 ne pouvait renseigner M. et Mme [N] sur le caractère évolutif des désordres affectant la maison en 2007.

Enfin, la profession de maçon exercé par M. [N] ne lui permettait pas, sans mener des investigations appronfondies qu'il n'appartient pas à l'acquéreur de conduire à ce stade, d'avoir connaissance de l'ampleur et des conséquences des désordres affectant la maison.

Il en résulte que la maison était affectée lors de sa vente d'un vice dont l'ampleur et les conséquences, pourtant connus des vendeurs, n'a pas été porté à la connaissance des acquéreurs, qui ont certes pu constater la présence de fissures mais n'ont pas été informés par les vendeurs de l'ampleur du phénomène et de ses conséquences, de nature à affecter la solidité de la maison et à la rendre impropre à l'usage auquel elle était destinée.

La connaissance par M. et Mme [I] de ces éléments d'information justifie la non application de la clause de non garantie des vices cachés prévue dans l'acte, de sorte qu'ils doivent répondre du préjudice en résultant pour l'acquéreur, en application de l'article 1645 du code civil. 1-2 Sur le fondement de la réticence dolosive

M. et Mme [N] soutiennent encore qu'ils ont été victimes de réticence dolosive des époux [I].

En application de l'article 1116 du code civil dans sa rédaction applicable à la cause :

'Le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les manoeuvres pratiquées par l'une des parties sont telles, qu'il est évident que, sans ces manoeuvres, l'autre partie n'aurait pas contractée.

Il ne se présume pas, et doit être prouvé'.

Il est constant que le dol peut être constitué par le silence d'une partie dissimulant à son cocontractant un fait qui, s'il avait été connu de lui, l'aurait empêche de contracter.

En considération des éléments ci-dessus exposés et contrairement à ce qu'a retenu le tribunal, il est établi que M. et Mme [I] ont, lors de la vente, passé sous silence des informations concernant le caractère gravement évolutif des fissures, la dégradation importante constatée depuis le mois d'août 2006 et les investifations en cours pour en déterminer l'origine, informations qu'ils ne pouvaient ignorer et qui étaient de nature à dissuader M. et Mme [N] d'acquérir ce bien.

Ils ont en effet dissimulé à M. et Mme [N] des informations déterminantes concernant l'état de la maison, la seule mention 'maison en mauvais état', en raison de son imprécision, ne permettant pas de considérer que M. et Mme [N] ont acheté la maison en toute connaissance de cause, pas plus que l'annexion à l'acte du rapport de mai 2006, qui ne reflétait pas l'état actuel de la maison, de la convention conclue avec les époux [D] concernant la réalisation des travaux par la société [Y] ou encore de la mention dans le compris de 'litiges en cours' sans autre précision, ces éléments ne pouvant suppléer l'absence d'information sur le caractère fortement évolutif des désordres au cours de l'année précédant la vente et sur la gravité des désordres affectant cette maison.

La réticence dolosive de M. et Mme [I] est donc caractérisée.

2 - Sur la responsabilité de la société [J] [Y], assurée par la société SMABTP

M. et Mme [N] soutiennent en second lieu que la société [Y], qui a réalisé des travaux en janvier 2004, a la qualité de constructeur en application de l'article 1792-1-1° du code civil, que pèse sur elle une présomption de responsabilité, et qu'il résulte clairement des constatations de l'expert judiciaire que les travaux réalisés par la société [Y] ont engendré un poids supplémentaire apporté par le béton, ce qui a entraîné un tassement à l'origine de l'aggravation et de l'ampleur des désordres. Ils estiment que les travaux réalisés ont ainsi une nature décennale et entrent dans le champ d'application des dispositions des articles 1792 et suivants du code civil.

La société SMABTP, assureur décennal de la société [Y], soutient que:

- la société [Y] a réalisé des travaux sur existant, travaux qui ne sont pas constitutifs d'un ouvrage puisqu'ils ont uniquement consisté en la substitution de terres par un volume de béton ;

- les désordres ne sont pas imputables aux travaux réalisés par la société [Y] mais à la nature du sol et à l'aménagement des combles ; L'expert estime également que les fuites d'eau du réseau EP ont participé à la matérialité du désordre de l'angle nord-ouest. Elle estime que les fissures actuelles ne sont que l'aggravation des fissures apparues en octobre 2003 avant l'intervention de la société [Y].

* sur la notion d'ouvrage

Selon facture du 29 janvier 2004, la société [J] [Y] a effectué les travaux suivants : 'reprise en sous-oeuvre de fondation compris terrassement et coulage de gros béton', pour un motnant de 2036,13 euros HT.

Le fait que les travaux aient été effectués sur une maison existante ne suffit pas à exclure la mise en oeuvre de la garantie décennale, laquelle est applicable si les travaux réalisés sont assimilables à des travaux de construction d'un ouvrage.

Il est constant que des travaux confortatifs de reprise de l'existant peuvent être assimilés à des travaux de construction d'un ouvrage (3ème Civ 13 décembre 2011 n°11-10.014). Tel est notamment le cas de travaux de reprise de fondations, notamment par apport de béton coulé en sous-oeuvre.

Il convient en conséquence de retenir que les travaux réalisés par la société [Y] sont assimiables à des travaux de construction d'un ouvrage.

* sur l'imputabilité des dommages aux travaux réalisés par la société [Y]

Il convient de relever que la mise en oeuvre de la garantie décennale suppose que soit rapportée la preuve que les désordres procèdent des travaux de construction réalisés par le constructeur dont la responsabilité est recherchée.

Il ne suffit donc pas que les travaux aient une nature décennale, encore faut-il qu'il soit établi qu'ils sont à l'origine des désordres invoqués.

L'expert judiciaire impute la survenance des désordres à une pluralité de facteurs :

- la nature du sol, qui n'est pas tout-à-fait de même nature entre la façade avant et arrière, a un taux d'humidité différent sous les fondations et subit différemment les périodes de sécheresse et d'humidité, ce dont il résulte un tassement différentiel entre la façade avant et la façade arrière ;

- la sécheresse, ce type de terrain argileux étant très sentible aux variations hydriques, en raison des phénomènes de retrait-gonflement des argiles ;

- la fosse septique fuyarde : le fait d'avoir de l'eau venant de la fosse septeque amplifie le phénomène de gonflement de l'argile sur l'arrière du bâtiment ;

- le réseau d'eaux pluviales fuyard ;

- l'existence d'une tranchée le long du pignon nord et une cuvette sur l'angle nord-ouest ;

- la réalisation de travaux d'aménagement de l'étage alors que la maison a été conçue pour n'avoir qu'un rez-de-chaussée. Les fondations actuelles ne sont pas suffisantes pour reprendre les charges supplémentaires de l'aménagement de comble lorsqu'il y a saturation en eau de l'argile ; la portance du sol est trop faible ;

- les travaux de reprise par la société [Y] dans l'angle nord-ouest.

S'agissant de ce dernier point, l'expert judiciaire est d'avis que :

'Il y a un tassement qui s'apparente à du fluage du fait du poids supplémentaire apporté par le béton lors de la reprise en sous-oeuvre en janvier 2004. Ce tassement est également à mettre en liaison avec des pluies intensives et durables et les fuites du réseau EP actuel. De plus, le fait qu'il y ait eu une tranchée creusée le long du pignon a permis à l'eau de stagner et d'imbiber l'argile sous la fondation, ce qui a créé ce phénomène de fluage supplémentaire. Le choix d'un massif sous les fondations a entraîné un phénomène de fluage et d'enfonceement. Ce sinistre consécutif à l'intervention de la société [Y] a été signalé à la SMABTP en 2009".

Il en résulte que les travaux réalisés par la société [Y] dans l'angle nord-ouest ont contribué, en raison du poids supplémentaire apporté par le béton, au phénomène de tassement constaté dans cet angle et à la fissuration de l'immeuble dans sa partie nord-ouest. Il en résulte une atteinte à la solidité de l'immeuble.

Le fait que les phénomènes de fissuration aient commencé antérieurement à l'intervention de la société [Y] n'est pas, en soi, de nature à exclure le rôle causal de ces travaux dans la survenance des désordres postérieurs. Il a en effet été démontré que les travaux réalisés par la société [Y] ont contribué à la survenance des désordres, nonobstant l'existence d'autres facteurs expliquant que le phénomène de fissuration ait commencé antérieurement à son intervention.

En considération de ces éléments, il convient de retenir que les travaux réalisés par la société [Y], localisés dans l'angle nord-ouest de la maison, sont à l'origine des désodres affectant la maison dans une proportion qu'il convient de fixer à 20%.

La SMABTP soutient M. [N] a acquis le bien immobilier en connaissance de cause, qu'il connaissait l'existence des fissures et avait les connaissances pour s'enquérir des pathologies du bien avant son acquisition, de sorte qu'un partage de responsabilité doit être prononcé.

Toutefois, ainsi que précédemment exposé, si M. et Mme [N] ont pu en effet voir les fissures, ils ne pouvaient, sans procéder à des investigations auxquelles il ne leur appartenait pas de procéder, connaître l'ampleur et les conséquences des désordres affectant la maison de sorte qu'ils n'ont pas commis de faute exonératoire de responsabilité.

3 - Sur la responsabilité du cabinet d'architecte [D]

M. et Mme [N] soutiennent encore que la responsabilité de la société [D] est engagée en sa qualité de maître d'oeuvre. Ils font valoir que M. [D], gérant de la société [D], a confié à un bureau d'étude une mission normalisée de type GO + G52 et qu'il a contacté la société [Y] et décidé de procéder à une reprise en sous-oeuvre de l'angle nord-ouest de la construction par approfondissement des fondations existantes. C'est lui qui a défini en concertation avec la société [Y] la nature et l'ampleur des travaux nécessaires pour remédier aux désordres.

La société [D] conteste la qualité de maître d'oeuvre qui lui est attribuée. Elle fait valoir qu'aucun contrat de maîtrise d'oeuvre n'a été conclu, ni aucune mission prédéfinie. Elle indique qu'elle a commandé l'étude SOLEN et l'a communiquée à la société [Y] mais n'a donné aucune instruction à la sociétéTOURNY, son intervention s'étant arrêtée avec la transmission du rapport à la société [Y], de sorte que les travaux réalisés l'ont été en rapport direct entre l'entreprise et le maître d'ouvrage.

Il convient de constater en effet que la facture de la société [J] [Y] a été établie au nom de [L] [D], propriétaire de la maison, et ne fait nulle référence à une quelconque intervention de la société [D]. Le fait que cette société ait commandé une étude de sol et l'ait communiquée à cette société ne suffit pas à établir qu'elle a été chargée, par M. et Mme [D], d'une fonction de maîtrise d'oeuvre dans la réalisation des travaux confiés à la société [Y].

Au demeurant, l'acte de vente de M. et Mme [D] à M. et Mme [I], qui prévoit la réalisation de ces travaux, ne mentionne nullement l'intervention d'un maître d'oeuvre puisqu'il est au contraire précisé que 'les vendeurs' ont contacté l'entreprise [Y] qui s'est enggée à réaliser les travaux (...).

Il est ainsi établi que M. et Mme [D] ont eux-mêmes commandé les travaux à la société [Y] et en ont planifié l'exécution de sorte que la société [D] ne saurait se voir reconnaître la qualité de maître d'oeuvre.

La demande de M. et Mme [N], en ce qu'elle est dirigée contre la société [D], sera rejetée.

4 - Sur la responsabilité de M. et Mme [D]

M. et Mme [N] sollicitent la condamnation de M. et Mme [D], au visa de l'article 1792 du code civil.

M. et Mme [D] estiment qu'ils ne peuvent être assimilés à un constructeur au sens de l'article 1792-1 du code civil.

C'est par de justes motifs que la cour adopte que M. et Mme [N] ont été déboutés de leurs demandes à leur encontre.

II - Sur l'indemnisation du préjudice

1 - Les travaux de remise en état

M. et Mme [N] sollicitent le paiement d'une somme de 195 055,22 euros correspondant à :

- travaux de consolidation des fondations préconisés par l'expert : 185 156,22 euros;

- taxe d'aménagement : 10 399 euros.

L'expert judiciaire estime en effet que des travaux de reprise en sous-oeuvre sont nécessaires pour remédier aux désordres, et préconise la création d'une ceinture de longrine en périphérie de l'habitation reposant sur des micros pieux ancrés à environ 4 mètres de profondeur, qu'il évalue à la somme de 110 937,64 euros, auxquels s'ajoutent les travaux de remise en état de la maison.

La société SMABTP fait valoir que les prix sont surestimés selon l'économiste de la construction qu'elle a missionné, qui a estimé le coût des travaux réparatoires à la somme de 154 886,30 euros.

Toutefois, elle verse aux débats le rapport établi par M. [B] intitulé 'économie de la construction', qui se contente de corriger le chiffrage proposé par l'expert pour remplacer les montants proposés par des montants qu'il estime 'plus en adéquation avec les prix du marché actuel' sans que cette assertion ne soit justifiée par aucune pièce.

En conséquence, à défaut de tous éléments justifiant que les travaux pourraient effectivement être réalisés à ce prix, il convient de retenir le chiffrage proposé par l'expert judiciaire sur la base de devis estimatifs.

Les éléments produits, à savoir une simulation de taxe d'aménagement, sont en revanche insuffisants à justifier que les travaux réparatoires préconisés par l'expert nécessiteront le paiement d'une taxe d'aménagement.

M. et Mme [N] seront déboutés de leur demande à ce titre.

Il convient en conséquence de condamner in solidum M. et Mme [I] et la SMABTP au paiement d'une somme de 185 156,22 euros correspondant au coût des travaux nécessaires pour remédier aux désordres.

2 - Le préjudice de jouissance et moral

M. et Mme [N] sollicitent l'indemnisation de leur préjudice de jouissance à hauteur de 67 200 euros. Ils font valoir que leur habitation est insalubre au point que chaque hiver ils sont contraints de se séparer de leurs enfants qu'ils confient à leurs parents, l'air et l'humidité pénétrant à l'intérieur de l'habitation, et subissent la crainte permanente que leur maison s'effondre eu égard à l'ampleur du phénomène qui ne cesse de s'aggraver et pour cause, puisqu'une partie de la façade s'est effondrée récemment. Ils ajoutent que Mme [N] a consulté un psychologue et voit son état de santé se dégrader, et que l'aspect de la maison préjudicie à l'activité professionnelle de M. [N].

L'expert judiciaire a en effet estimé leur préjudice de jouissance sur la base de 600 euros par mois, correspondant au coût d'une location d'un pavillon avec étage à [Localité 5] d'environ 100 mètres carrés, pendant 98 mois outre 14 mois pendant la durée des travaux, soit un total de 67 200 euros.

En l'espèce, il résulte du rapport d'expertise judiciaire, ainsi que du rapport établi par le Cabinet MAYNARD, que Mme [N] s'est plainte de nouvelles fissures en octobre 2008. Toutefois, aucun élément ne permet de corroborer le caractère inhabitable de la maison à compter de cette date. En revanche, l'expert judiciaire indique que depusi 2014, les fissures s'aggravent constamment. Il en résulte que le préjudice de jouissance a évolué pour s'aggraver au fil des années. Les photographies annexées au rapport démontrent en effet que la maison était fortement impactée par les fissures, y compris à l'intérieur.

Pour autant, M. et Mme [N] ne prouvent nullement avoir dû confier leurs enfants à des tiers, et le certificat médical produit par Mme [N] ne permet pas d'imputer aux désordres affectant la maison les troubles réactionnels dont elle souffre.

M. [N] ne prouve pas davantage que l'état de la maison a eu un impact sur son activité professionnelle.

En conséquence, il convient de leur allouer une somme de 10 000 euros afin de réparer le préjudice moral et de jouissance qu'ils subissent depuis le mois d'octobre 2008, date à laquelle sont apparues de nouvelles fissures.

3 - Sur la demande en paiement d'une somme de 50 000 euros à titre de dommages et intérêts pour réticence dolosive

Dans le dispositif de leurs conclusions, M. et Mme [N] demandent à la cour de :

- constater qu'ils ont été victimes de réticence dolosive des époux [I]

- en conséquence, les condamer à leur verser une somme de 50 000 euros à titre de dommages et intérêts.

Toutefois, ils ne font valoir aucun moyen au soutien de cette demande et ne justifient pas d'un préjudice distinct de celui qui a été précédemment réparé.

Ils seront en conséquence déboutés de leur demande à ce titre.

IV - Sur la garantie de la SMABTP

La SMABTP, en sa qualité d'assureur de la société [Y], sera en conséquence condamnée à indemniser le préjudice de M. et Mme [N] in solidum avec M. et Mme [I], leurs fautes respectives contribuant à la réalisation d'un même préjudice.

Elle soutient qu'elle est en droit d'opposer le montant des franchises :

- une franchise sur le voloet matériel correspondant à 10% du montant des dommages avec un minimum de 20 franchises (2620 euros) de référence et maximum de 200 franchises de référence (26300 euros) ;

- une franchise sur le volet immatériel correspondant à 6 franchises de référence (789 euros).

Toutefois, il n'est pas justifié, faute de production de la police d'assurance, des franchises ainsi invoquées, de leur montant et de leur opposabilité.

Cette demande ne peut en conséquence être accueillie, sauf à préciser que sa garantie sera dûe conformément aux stipulations de la police d'assurance.

V - Sur la contribution à la dette

La SMABTP estime qu'en raison du partage de responsabilité entre tous les intervenants, sa part de responsabiltié ne pourrait être supérieure à 10%.

M. [I] demande quant à lui à la cour de limiter sa part de responsabilité à 5%

Si M. [I] et Mme [W] et la société SMABTP, qui ont contribué à la survenance du préjudice de M. et Mme [N], sont condamnés in solidum à l'égard de M. et Mme [N], ils supporteront, dans leurs rapports entre eux, les condamnations prononcées à leur encontre à hauteur de 80% pour M. [I] et Mme [W] et de 20% pour la société SMABTP.

VI - Sur les demandes accessoires

M. [I], Mme [W] et la société SMABTP seront tenus in solidum aux dépens de l'instance, en ce compris les frais de l'expertise judiciare.

Les circonstances de la cause justifient de condamner in solidum M. [I] et la SMABTP à payer à M. et Mme [N] une somme de 4000 euros à M. et Mme [N] et de rejeter les autres demandes à ce titre.

PAR CES MOTIFS

Statuant par mise à dispotion au greffe, publiquement, par défaut et en dernier ressort,

INFIRME en toutes ses dispositions critiquées le jugement entrepris,

Statuant à nouveau et y ajoutant :

CONDAMNE in solidum M. [I], Mme [W] et la société SMABTP en qualité d'assureur de la société [J] [Y], à payer à M. et Mme [N] les sommes de :

- 185 156,22 euros en réparation de leur préjudice matériel ;

- 10 000 euros en réparation de leur préjudice moral et de jouissance ;

REJETTE les demandes de M. et Mme [N] à l'égard de la société [D] et de M. et Mme [D] ;

REJETTE la demande de M. et Mme [N] en paiement par M. et Mme [I] d'une somme de 50 000 euros pour réticence abusive ;

DIT que dans leurs rapports entre eux, M. [I] et Mme [W] supporteront 80% des condamnations prononcées à leur encontre et la société SMABTP 20% ;

DIT n'y avoir lieu de faire application des franchises contractuelles de la SMABTP, sauf à dire que sa garantie sera due conformément aux stipulations du contrat d'assurance ;

CONDAMNE in solidum la société SMABTP, M. [I] et Mme [W] à payer à M. et Mme [N] une somme de 4000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE in solidum la société SMABTP, M. [I] et Mme [W] aux dépens de première instance et d'appel, en ce compris les frais d'expertise, et accorde à Maître GALLIER, avocat, le droit prévu par l'article 699 du code de procédure civile.

Arrêt signé par Madame Anne-Lise COLLOMP, Président de Chambre et Mme Fatima HAJBI, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Orléans
Formation : Chambre civile
Numéro d'arrêt : 20/01315
Date de la décision : 25/05/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-05-25;20.01315 ?
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