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10/05/2023 | FRANCE | N°22/02244

France | France, Cour d'appel d'Orléans, Chambre des urgences, 10 mai 2023, 22/02244


COUR D'APPEL D'ORLÉANS







CHAMBRE DES URGENCES





COPIES EXECUTOIRES + EXPÉDITIONS :

SELARL CASADEI-JUNG

SARL ORVA-VACCARO & ASSOCIES

ARRÊT du 10 MAI 2023



n° : 155/23 RG 22/02244

n° Portalis DBVN-V-B7G-GUZQ



DÉCISION DE PREMIÈRE INSTANCE : Jugement, Tribunal Judiciaire de BLOIS en date du 26 août 2022, RG 21/00030, n° Portalis DBYB-W-B7F-DYFR, minute n° 22/000449 ;



PARTIES EN CAUSE



APPELANTE : timbre fiscal dématérialisé n° : 1265279204797667




COMMUNE de [Localité 11], prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié ès qualités au siège sis

[Adresse 1]



représentée par Me Emmanuel POTIER de l...

COUR D'APPEL D'ORLÉANS

CHAMBRE DES URGENCES

COPIES EXECUTOIRES + EXPÉDITIONS :

SELARL CASADEI-JUNG

SARL ORVA-VACCARO & ASSOCIES

ARRÊT du 10 MAI 2023

n° : 155/23 RG 22/02244

n° Portalis DBVN-V-B7G-GUZQ

DÉCISION DE PREMIÈRE INSTANCE : Jugement, Tribunal Judiciaire de BLOIS en date du 26 août 2022, RG 21/00030, n° Portalis DBYB-W-B7F-DYFR, minute n° 22/000449 ;

PARTIES EN CAUSE

APPELANTE : timbre fiscal dématérialisé n° : 1265279204797667

COMMUNE de [Localité 11], prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié ès qualités au siège sis

[Adresse 1]

représentée par Me Emmanuel POTIER de la SELARL CASADEI-JUNG, avocats au barreau d'ORLÉANS

INTIMÉ : timbre fiscal dématérialisé n°: 1265280643052654

Monsieur [H] [S]

[Adresse 2]

représenté par Me François VACCARO de la SARL ORVA-VACCARO & ASSOCIÉS, avocats au barreau de TOURS

' Déclaration d'appel en date du 27 septembre 2022

' Ordonnance de clôture du 22 février 2023

Lors des débats, à l'audience publique du 29 mars 2023, Monsieur Michel Louis BLANC, Président de Chambre, a entendu les avocats des parties, avec leur accord, par application des articles 786 et 910 du code de procédure civile ;

Lors du délibéré :

Monsieur Michel BLANC, président de chambre,

Monsieur Yannick GRESSOT, conseiller

Madame Laure Aimée GRUA, conseiller

Greffier : Madame Mireille LAVRUT, faisant fonction de greffier lors des débats et du prononcé par mise à disposition au greffe ;

Arrêt : prononcé le 3 mai 2023 et prorogé au 10 mai 2023 par mise à la disposition au greffe, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

[H] [S] est propriétaire des parcelles cadastrées section A n° [Cadastre 3],[Cadastre 4],[Cadastre 5], [Cadastre 6],[Cadastre 7] et [Cadastre 8] de la commune de [Localité 11].

Se prévalant de délibérations du conseil municipal en dates des 9 novembre 1843 et 9 novembre 1883 comportant tableaux de classement des chemins ruraux, la commune de [Localité 11], par dénonciation d'un procès-verbal de constat avec sommation du 23 novembre 2017, mettait en demeure [H] [S] de laisser le libre accès à un chemin rural n° 26,dit de [Localité 10] à [Localité 15] ou de [Localité 15] à [Localité 13], traversant sa propriété.

Par acte en date du 18 juillet 2018, la commune de [Localité 11] assignait devant le tribunal d'instance de Blois [H] [S] aux fins de bornage entre le chemin rural et sa propriété.

Par jugement avant-dire droit en date du 24 octobre 2018, le tribunal d'instance de Blois ordonnait une mesure d'expertise, commettant pour y procéder [F] [B], géomètre expert, lequel déposait son rapport le 19 octobre 2020.

Par jugement en date du 26 août 2022, le tribunal judiciaire de Blois déclarait [H] [S] propriétaire, par prescription acquisitive trentenaire, du tronçon du chemin rural n° 26 situé entre le croisement avec le chemin rural n° 40 et le croisement avec le ruisseau du [Localité 14] dans la commune de [Localité 11], déboutait cette dernière de sa demande en bornage, ordonnait la publication du jugement au service de publicité foncière, disait que chaque partie devra supporter par moitié les frais de modification du cadastre outre les frais éventuels d'établissement préalable d'un document d'arpentage conforme à la réalité, déboutait les parties de leurs demandes plus amples ou contraires en ce compris celles formulées en application de l'article 700 du code de procédure civile et condamnait la commune de [Localité 11] aux dépens, incluant les frais d'expertise.

Par une déclaration déposée au greffe le 27 septembre 2022, la commune de [Localité 11] interjetait appel de ce jugement.

Par ses dernières conclusions en date du 2 février 2023, elle formule un dispositif demandant à voir la cour « déclarer recevable l'appel ('), infirmer le jugement sauf en ce qu'il a débouté M. [S] de ses demandes au titre des frais irrépétibles », de débouter [H] [S] de toutes ses demandes, d'entériner le projet de délimitation proposé par l'expert, de partager les dépens et d'ordonner le partage des frais de bornage conformément aux dispositions de l'article 646 du Code civil, et de lui allouer en outre la somme de 5000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Par ses dernières conclusions, [H] [S] demande à la cour de déclarer irrecevable et en tout état de cause mal fondée la commune de [Localité 11] en son appel, de confirmer la décision dont appel en toutes ses dispositions et en tant que de besoin de débouter la commune de [Localité 11] de

ses demandes ; il réclame le paiement de la somme de 8000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture était rendue le 22 février 2023.

SUR QUOI :

Attendu que [H] [S] invoque l'irrecevabilité de l'appel de la commune de [Localité 11], expliquant que le dispositif des conclusions de cette dernière ne mentionne pas qu'elle demande à la cour de statuer à nouveau ;

Que la demande d'infirmation est cependant clairement formulée ;

Que l'appel doit donc être déclaré recevable ;

Attendu, s'agissant de la demande de bornage de chemin rural 26, que le premier juge, rappelant les dispositions de l'article 646 du Code civil, a relevé que la commune de [Localité 11] demandait la fixation du tracé et des limites de la portion de ce chemin, expertisé selon la proposition recommandée par l'expert géomètre, et que [H] [S], qui s'y opposait, demandait que soit reconnu son droit de propriété sur ledit chemin, affirmant l'avoir acquis par voie de prescription acquisitive ;

Que [H] [S] avait donc formé en ce sens une demande reconventionnelle qui a été accueillie ;

Attendu que la partie appelante précise que le chemin n'est contesté qu'entre le point A et le point Z, indiquant que le tracé du chemin a disparu sur le tronçon du milieu ;

Qu'elle indique que [H] [S] se prévaut d'un échange intervenu il y a plus de 40 ans contre un autre chemin, lequel ne correspond pas aux constatations, précisant que l'expert l'écarte ;

Qu'elle en conclut que l'acquisition par prescription n'est pas établie ;

Attendu que la commune de [Localité 11] prétend, ce qui est d'ailleurs exact, qu'on peut prescrire sur un chemin rural ;

Qu'elle ajoute que cette prescription peut s'exercer seulement sur un tronçon cohérent, et, de ce fait, invoque une erreur de droit de la part du premier juge puisque le chemin s'arrête et reprend quelques dizaines de mètres plus loin ;

Qu'elle estime que [H] [S] n'aurait fait aucun acte de possession réel, puisqu'il ne démontrerait pas qu'il aurait coupé des arbres et qu'il aurait, d'une manière générale entretenu le terrain comme un véritable propriétaire, alors qu'elle-même aurait fait différents actes concurrents de ceux de [H] [S], prétendant que les actes faits par ce dernier sont équivoques alors que les siens ne le seraient pas ;

Attendu que la commune invoque des témoignages d'habitants qui déclarent avoir emprunté aisément et de façon habituelle le chemin litigieux pour circuler, puisqu'un chemin rural peut être utilisé pour la circulation publique, et reproche au tribunal d'avoir méconnu les pièces du dossier en écartant les

attestations qu'elle produisait au motif, erroné selon elle, qu'elles n'établissaient pas la réalité du tracé du chemin, la fréquence du passage des attestants, l'affectation à l'usage public du chemin et son entretien par la commune ;

Qu'il n'en demeure cependant pas moins que les différentes attestations, qui mentionnent que leurs auteurs ont pour habitude de se promener en forêt, mais sans constituer aucun renseignement relativement à l'assiette exacte du ou des chemins qu'ils empruntent, sont totalement dépourvues d'efficacité pour prouver l'appartenance de ce chemin d'une part et son tracé exact d'autre part, alors qu'il n'est pas contesté que le chemin litigieux a en partie disparu ;

Qu'à titre d'exemple, le témoignage de [N] [C], qui déclare emprunter fréquemment un chemin dans la forêt du [Adresse 9], et qui explique que « depuis un certain temps l'accès du chemin rural numéro 26 traverse du ruisseau du [Localité 14] des [Localité 12] à [Localité 13] sur [Localité 15] n'est plus praticable et dommageable », ajoutant que « ce chemin est couvert de branches de sapin, troncs d'arbres et une chaise métallique empêchant volontairement la pratique sur ce chemin », ne comporte qu'une description physique des lieux, sans comporter le moindre indice de nature à étayer la thèse de l'une l'autre des parties ;

Que c'est à juste titre que le premier juge a considéré que les différents témoignages apportés, quelle que soit leur sincérité, ne constituent pas une preuve en faveur de la partie appelante ;

Que c'est également à juste titre que la juridiction du premier degré a considéré que le témoignage d'[I] [U], ancien employé communal, et qui déclare avoir entretenu « le chemin rural CR 26 » est dépourvu de caractère probant puisqu'il contredit les déclarations de la mairie et ne permet pas d'établir que l'entretien portait effectivement sur la portion du chemin litigieuse ;

Attendu que la partie intimée verse à la procédure un carnet de suivi établi par son grand-père, lequel mentionnait minutieusement l'ensemble des actes qu'il effectuait sur le terrain ;

Que la commune de [Localité 11] conteste la valeur probante de ce document ;

Que ce document ancien, et extrait d'archives de famille, ne peut manifestement pas avoir été falsifié pour les besoins d'une cause qui n'était pas encore d'actualité ;

Que l'on ne voit cependant pas comment les extraits des carnets d'exploitation forestière de la famille [S] (pièce 7) pourraient voir leur authenticité contestée ;

Attendu que, dans le cadre d'une usucapion concernant un chemin, ce n'est pas à l'état de ce chemin qu'il y a lieu de s'attacher, mais à son utilisation par celui qui agit pendant une certaine durée comme s'il en était le véritable propriétaire ;

Que le fait que des tiers empruntent ce chemin comme s'il s'agissait d'une voie publique n'ôte rien au caractère paisible, au caractère public et au caractère non équivoque de la possession ;

Attendu que l'expert judiciaire mentionne (page 29 de son rapport) que les signes de possession présentés au paragraphe 3.2 « sont suffisants », avant de faire état d'un enrésinement vieux de 45 ans, et de préciser que l'inventaire est incomplet quant aux souches, mais est exhaustif quant aux arbres encore debout, et qu'il serait utile dans le cadre d'une démarche judiciaire de prescription acquisitive reconnue ;

Qu'il relève en particulier, dans le paragraphe 3.2 que les parties ne contestent pas l'existence chemin rural entre les points qu'elle nomme A et Z mais que le tracé reste à établir car seule une partie est

visible, celle entre le point de départ A, une intersection avec la première allée transversale que l'on

appellera « Grande Allée », précisant que de ce point, il faut emprunter des allées privées pour arriver ensuite à un cheminement plus petit en largeur, environ 1 mètre, entre l'Allée et le pont au-dessus du ruisseau au point d'arrivée Z, et d'indiquer que « entre ces deux tronçons, il n'y a pas de trace réelle de possession d'un tracé de chemin » ;

Que ce technicien, afin de demeurer dans son rôle, ce qui l'honore, prend la précaution de laisser le soin aux parties d'analyser le plan figurant à la page 25, reconnaissant qu'il est sommaire et que le calage est peu précis, mais demeure formel sur le fait que la zone coloriée en rouge correspond à une « éclaircie futaie résineuse » et la zone bleue une « éclaircie futaie feuillue » ;

Qu'une telle constatation étaye la thèse de [H] [S] selon laquelle la prescription trentenaire serait établie par la présence des arbres ;

Attendu par ailleurs que le géomètre expert qui avait été missionné par la commune le 14 mars 2018 a considéré que « l'emprise devient confuse au fur et à mesure que l'on avance » (pièce 6) ;

Attendu qu'un autre élément déterminant réside dans l'impossibilité de la commune de déterminer avec précision l'assiette du chemin qu'elle revendique, étant observé que l'expert judiciaire lui-même n'est pas parvenu puisqu'il propose, dans le cadre de l'action en bornage, trois tracés différents ;

Attendu que de tels éléments sont suffisants pour établir que [H] [S] apporte la preuve de la prescription acquisitive ;

Attendu qu'il y a lieu de confirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris ;

Attendu qu'il n'y a donc pas lieu d'ordonner le bornage sollicité par la partie appelante ;

Attendu qu'il serait inéquitable de laisser à la charge de [H] [S] l'intégralité des sommes qu'il a dû exposer du fait de la présente procédure ;

Qu'il y a lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et de lui allouer à ce titre la somme de 4000 € ;

PAR CES MOTIFS :

Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

Déclare recevable en son appel la Commune de [Localité 11] ;

Confirme en toutes ses dispositions le jugement entrepris,

Y ajoutant,

Condamne la Commune de [Localité 11] à payer à [H] [S] la somme de 4000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la Commune de [Localité 11] aux dépens.

Arrêt signé par Monsieur Michel Louis BLANC, président de chambre, et Madame Mireille LAVRUT, faisant fonction de greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire ;

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Orléans
Formation : Chambre des urgences
Numéro d'arrêt : 22/02244
Date de la décision : 10/05/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-05-10;22.02244 ?
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