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13/04/2023 | FRANCE | N°20/01106

France | France, Cour d'appel d'Orléans, Chambre civile, 13 avril 2023, 20/01106


COUR D'APPEL D'ORLÉANS



C H A M B R E C I V I L E





GROSSES + EXPÉDITIONS : le 13/04/2023

la SELARL AVOCAT LOIRE CONSEIL

la SELARL LEROY AVOCATS

la SELARL AVOCAT LOIRE CONSEIL



ARRÊT du : 13 AVRIL 2023



N° : - : N° RG 20/01106 - N° Portalis DBVN-V-B7E-GE7G





DÉCISION ENTREPRISE : Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP d'OLEANS en date du 20 Mai 2020



PARTIES EN CAUSE



APPELANTS :- Timbre fiscal dématérialisé N°: 1265255927392611


r>Monsieur [Z] [W]

né le 16 Novembre 1973 à [Localité 3]

[Adresse 4]

[Adresse 4]



comparant en personne, assisté de Me Eric GRASSIN de la SELARL AVOCAT LOIRE CONSEIL, avocat au ba...

COUR D'APPEL D'ORLÉANS

C H A M B R E C I V I L E

GROSSES + EXPÉDITIONS : le 13/04/2023

la SELARL AVOCAT LOIRE CONSEIL

la SELARL LEROY AVOCATS

la SELARL AVOCAT LOIRE CONSEIL

ARRÊT du : 13 AVRIL 2023

N° : - : N° RG 20/01106 - N° Portalis DBVN-V-B7E-GE7G

DÉCISION ENTREPRISE : Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP d'OLEANS en date du 20 Mai 2020

PARTIES EN CAUSE

APPELANTS :- Timbre fiscal dématérialisé N°: 1265255927392611

Monsieur [Z] [W]

né le 16 Novembre 1973 à [Localité 3]

[Adresse 4]

[Adresse 4]

comparant en personne, assisté de Me Eric GRASSIN de la SELARL AVOCAT LOIRE CONSEIL, avocat au barreau d'ORLEANS

Madame [N] [J] épouse [W]

née le 15 Décembre 1972 à [Localité 6]

[Adresse 4]

[Adresse 4]

représentée par Me Eric GRASSIN de la SELARL AVOCAT LOIRE CONSEIL, avocat au barreau d'ORLEANS

D'UNE PART

INTIMÉES : - Timbre fiscal dématérialisé N°: 1265256023587220

S.A.S. SOLOGNE ET LOIRE HABITAT exerçant sous l'enseigne MAISONS PHENIX, immatriculé au RCS d'Orléans sous le numéro B 390446 862, agissant poursuites et diligences de son représentant légal, domicilié en cette qualité audit siège,

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représentée par Me DIENG substituant Me Marie-Odile COTEL de la SELARL LEROY AVOCATS, avocat au barreau d'ORLEANS

- Timbre fiscal dématérialisé N°: 1265256459299192

La société ABEILLE IARD & SANTE anciennement dénommée AVIVA ASSURANCES, immatriculé au RCS de Nanterre sous le numéro B 306 522 665 prise en la personne de son représentant légal,

[Adresse 1]

[Adresse 1]

ayant pour avocat postulant Me Delphine COUSSEAU du barreau d'ORLEANS et pour avocat plaidant Me David GIBEAULT de la SELARL SAUPHAR GIBEAULT FELDMAN du barreau de PARIS,

D'AUTRE PART

DÉCLARATION D'APPEL en date du :25 Juin 2020

ORDONNANCE DE CLÔTURE du : 03 janvier 2023

COMPOSITION DE LA COUR

Lors des débats, du délibéré :

Madame Anne-Lise COLLOMP, Président de chambre,

Monsieur Laurent SOUSA, Conseiller,

Madame Laure Aimée GRUA, Magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles.

Greffier :

Madame Fatima HAJBI, Greffier lors des débats et du prononcé.

DÉBATS :

A l'audience publique du 06 MARS 2023, à laquelle ont été entendus Madame Anne-Lise COLLOMP, Président de Chambre, en son rapport et les avocats des parties en leurs plaidoiries.

ARRÊT :

Prononcé le 13 AVRIL 2023 par mise à la disposition des parties au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

FAITS ET PROCEDURE

Selon contrat de construction de maison individuelle en date du 2 décembre 2011, M. et Mme [W] ont confié à la société Sologne et Loire Habitat, exploitant sous l'enseigne 'MAISONS PHENIX', la construction d'une maison d'habitation située à [Localité 5].

La réception des travaux est intervenue le 25 octobre 2012.

Postérieurement à la réception, M. et Mme [W] ont constaté l'apparition de divers désordres.

Ces désordres ayant persisté malgré l'intervention de la société Sologne et Loire Habitat dans le cadre d'un protocole d'accord intervenu le 17 juillet 2013, M. et Mme [W] ont fait assigner cette société devant le juge des référés du tribunal de grande instance d'Orléans, par acte d'huissier en date du 22 octobre 2013, pour obtenir la désignation d'un expert. La société Sologne et Loire Habitat a appelé en la cause son assureur, la société AVIVA ASSURANCES.

Par ordonnance du 13 décembre 2013, le juge des référés a ordonné une expertise.

L'expert a déposé son rapport le 3 novembre 2014.

Par actes d'huissier des 5 et 6 mars 2015, M. et Mme [W] ont assigné la société SOLOGNE ET LOIRE HABITAT et son assureur, la société AVIVA Assurances, devant le tribunal de grande instance d'Orléans.

Par jugement du 15 mai 2019, le tribunal de grande instance d'Orléans a:

- jugé que la société Sologne et Loire Habitat engage sa responsabilité civile décennale en raison des dommages subis par M. et Mme [W] dans la construction de leur immeuble situé à [Adresse 4];

- condamné la société Sologne et Loire Habitat à payer à M. et Mme [W] la somme de 15 196,80 euros TTC au titre des dommages subis ;

- condamné la compagnie AVIVA Assurances à garantir la société SOLOGNE ET LOIRE HABITAT au titre de sa garantie n°73628520 couvrant sa responsabilité civile décennale,

- rejeté toute autre demande,

- condamné la société SOLOGNE ET LOIRE HABITAT à payer à M. et Mme [W] la somme de 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné la société SOLOGNE ET LOIRE HABITAT aux dépens comprenant les frais d'expertise judiciare, dont distraction au profit de la SCI AVOCAT LOIRE CONSEIL,

- prononcé l'exécution provisoire.

Par conclusions signifiées le 14 août 2020, M. et Mme [W] demandent à la cour d'appel de :

- recevoir Monsieur et Madame [W] en leur appel, et les en déclarer bien fondés,

Y faisant droit,

· infirmer le jugement entrepris en ce que la Société SOLOGNE ET LOIRE HABITAT est condamnée à payer à Monsieur et Madame [W] la somme de 15.196,80 euros T.T.C. au titre des préjudices subis,

· infirmer le jugement entrepris en ce que toutes les autres demandes présentées par Monsieur et Madame [W] sont rejetées,

Statuant à nouveau :

·condamner la SAS SOLOGNE ET LOIRE HABITAT avec la garantie de la

compagnie AVIVA ASSURANCES, en sa qualité d'assureur de cette dernière, en

conformité avec les dispositions du permis de construire, et du contrat de construction de maison individuelle, les travaux de démolition et de reconstruction de la maison sise à [Adresse 4], et ce dans un délai de 12 mois à compter de la signification du jugement à intervenir, sous astreinte de 5.000 € par mois de retard passé ce délai.

· ordonner que la Cour d'Appel d'ORLEANS se réservera la liquidation de l'astreinte.

· condamner la SAS SOLOGNE ET LOIRE HABITAT et son assureur AVIVA

ASSURANCES à payer à Monsieur et Madame [W] la somme de

40.000,00 € à titre provisionnel à valoir sur leur préjudice définitif.

Par conclusions signifiées le 18 novembre 2020, la société SOLOGNE ET LOIRE HABITAT demande à la cour de :

À titre liminaire,

- Juger que la nouvelle dénomination de la société AVIVA ASSURANCES est désormais la société ABEILLE IARD & SANTE ;

- Déclarer mal fondé l'appel interjeté par Monsieur et Madame [W] ;

En conséquence,

- Confirmer le jugement du 20 mai 2020 ;

- Débouter les époux [W] de l'intégralité de leurs demandes ;

SUBSIDIAIREMENT,

- Juger que la démolition et la reconstruction de l'ouvrage n'est pas justifiée, en l'absence de de toute proportionnalité entre la gravité des désordres et les non-conformités affectant l'ouvrage ;

- Juger que le coût de la démolition et de la reconstruction de l'ouvrage n'est pas déterminé par les époux [W] ;

- Juger que l'aménagement du couloir et des toilettes pour l'accès à une personne handicapé a été réservé par le maître de l'ouvrage, la responsabilité de société SLH et, partant, celle de la société ABEILLE IARD ET SANTE anciennement AVIVA ASSURANCES, ne pouvant pas, dès lors, être recherchée à ce titre ;

- Juger que l'expert judiciaire limite le coût de la reprise des désordres aux sommes de 5 896,80 euros TTC pour la reprise de la rampe et de 7 200,00 euros TTC pour la mise en conformité des WC et du couloir aux normes handicapés ;

- Juger qu'aucune condamnation sous astreinte ne pourra être prononcée à l'encontre de la société ABEILLE IARD ET SANTE anciennement AVIVA ASSURANCES ;

En conséquence,

- Débouter les époux [W] du surplus de leurs demandes formées à l'encontre de la société ABEILLE IARD ET SANTE anciennement AVIVA ASSURANCES.et notamment de leur demande de démolition et de reconstruction de l'immeuble, de condamnation au versement d'une provision à hauteur de 40.000 euros ;

- Débouter la société SOLOGNE LOIRE HABITAT de sa demande en garantie formée à l'encontre de la société la société ABEILLE IARD ET SANTE anciennement AVIVA ASSURANCES ;

EN TOUTE HYPOTHÈSE,

- Dire et juger que la société ABEILLE IARD ET SANTE anciennement AVIVA ASSURANCES est en droit d'opposer les termes et limites de la police souscrite, notamment les plafonds et franchises prévues aux conditions particulières ;

- Condamner solidairement les époux [W] à régler à la société ABEILLE IARD ET SANTE anciennement AVIVA ASSURANCES la somme de 2 000,00 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- Condamner tout succombant aux entiers dépens, dont distraction au profit de Maitre Delphine COUSSEAU, avocat au Barreau d'Orléans, dans les termes de l'article 699 du Code de procédure civile.

Par conclusions signifiées le 2 janvier 2023, la société ABEILLE IARD et SANTE demande à la cour de :

À titre liminaire,

- Juger que la nouvelle dénomination de la société AVIVA ASSURANCES est désormais la société ABEILLE IARD & SANTE ;

- Déclarer mal fondé l'appel interjeté par Monsieur et Madame [W] ;

En conséquence,

- Confirmer le jugement du 20 mai 2020 ;

- Débouter les époux [W] de l'intégralité de leurs demandes ;

SUBSIDIAIREMENT,

- Juger que la démolition et la reconstruction de l'ouvrage n'est pas justifiée, en l'absence de de toute proportionnalité entre la gravité des désordres et les non-conformités affectant l'ouvrage ;

- Juger que le coût de la démolition et de la reconstruction de l'ouvrage n'est pas déterminé par les époux [W] ;

- Juger que l'aménagement du couloir et des toilettes pour l'accès à une personne handicapé a été réservé par le maître de l'ouvrage, la responsabilité de société SLH et, partant, celle de la société ABEILLE IARD ET SANTE anciennement AVIVA ASSURANCES, ne pouvant pas, dès lors, être recherchée à ce titre ;

- Juger que l'expert judiciaire limite le coût de la reprise des désordres aux sommes de 5 896,80 euros TTC pour la reprise de la rampe et de 7 200,00 euros TTC pour la mise en conformité des WC et du couloir aux normes handicapés ;

- Juger qu'aucune condamnation sous astreinte ne pourra être prononcée à l'encontre de la société ABEILLE IARD ET SANTE anciennement AVIVA ASSURANCES ;

En conséquence,

- Débouter les époux [W] du surplus de leurs demandes formées à l'encontre de la société ABEILLE IARD ET SANTE anciennement AVIVA ASSURANCES.et notamment de leur demande de démolition et de reconstruction de l'immeuble, de condamnation au versement d'une provision à hauteur de 40.000 euros ;

- Débouter la société SOLOGNE LOIRE HABITAT de sa demande en garantie formée à l'encontre de la société la société ABEILLE IARD ET SANTE anciennement AVIVA ASSURANCES ;

EN TOUTE HYPOTHÈSE,

- Dire et juger que la société ABEILLE IARD ET SANTE anciennement AVIVA ASSURANCES est en droit d'opposer les termes et limites de la police souscrite, notamment les plafonds et franchises prévues aux conditions particulières ;

- Condamner solidairement les époux [W] à régler à la société ABEILLE IARD ET SANTE anciennement AVIVA ASSURANCES la somme de 2 000,00 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- Condamner tout succombant aux entiers dépens, dont distraction au profit de Maitre Delphine COUSSEAU, avocat au Barreau d'Orléans, dans les termes de l'article 699 du Code de procédure civile.

Il convient de renvoyer aux conclusions des parties pour un plus ample exposé de leurs moyens.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 3 janvier 2023.

L'audience de plaidoirie a eu lieu le 6 mars 2023.

MOTIFS

Sur la demande de démolition/ reconstruction de la maison

La société Sologne et Loire Habitat a été déclarée responsable, en première instance, d'une erreur d'implantation altimétrique de la maison, et de l'inadaptation du couloir et des toilettes aux normes handicapés, et condamnée à réparer le préjudice en résultant sous forme de dommages et intérêts, M. et Mme [W] ayant été débouté de leur demande de démolition et reconstruction de la maison.

A hauteur d'appel, M. et Mme [W] demandent la réformation du jugement en ce qu'il leur a alloué des dommages et intérêts et la condamnation de la société Sologne et Loire Habitat à démolir et reconstruire leur maison, sous astreinte.

Ils font valoir au soutien de leur demande que l'expert a relevé :

- une implantation altimétrique non conforme au permis de construire et aux documents contractuels

- une inadaptation des toilettes et du couloir à un fauteuil handicapé.

Ils estiment que les travaux réparatoires de reprise ne sont pas de nature à permettre une réparation intégrale de leur préjudice dans la mesure où la préconisation de modification de la rampe d'accès au garage, qui affecte le domaine public et notamment le trottoir situé devant chez eux, contrevient aux conditions posées par le Maire de la commune de [Localité 5], ainsi qu'il résulte du courrier de la mairie en date du 9 février 2015. Le principe de proportionnalité, qui impose de rechercher si des solutions alternatives à la démolition sont envisageables, ne saurait interdire la démolition lorsque la nature des désordres impose la démolition, ce qui est le cas selon eux en l'espèce.

Ils ajoutent que le défaut de conception du pavillon entraîne un manque de ventilation du sous-sol et partant un excès d'humidité, qui a pour conséquence le développement de moisissures empêchant de jouir paisiblement du sous-sol.

La société Sologne et Loire habitat s'oppose à cette demande. Elle estime que l'expert a soumis son projet de modification de la pente d'accès au garage à la mairie, qui a fixé les conditions de son acceptation, lesquelles ont été ensuite prises en compte par l'expert dans ses préconisations. Elle estime que les travaux de reprise proposés par l'expert sont conformes aux prescriptions de la commune. Elle ajoute que la démolition doit rester exceptionnelle et être proportionnée à la gravité des désordres et non conformités affectant l'ouvrage et qu'elle serait en l'espèce totalement disproportionnée.

********

En l'espèce, l'erreur d'implantation altimétrique de la maison, implantée 50 cm plus bas que sur les plans du permis de construire, et l'inadaptation du couloir et des toilettes ont été constatés par l'expert et qualifiés par le tribunal de dommages de nature décennale engageant la responsabilité de la société Sologne Loire et Habitat.

Le principe de la responsabilité de la société Sologne et Loire Habitat n'est pas remis en cause à hauteur d'appel. Les parties sont en revanche en désaccord sur les modalités de la réparation.

En application de l'article 1184, aL.2 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 :

' (...) La partie envers laquelle l'engagement n'a point été exécuté, a le choix ou de forcer l'autre à l'exécution de la convention lorsqu'elle est possible, ou d'en demander la résolution avec dommages et intérêts'.

Le créancier a droit à ce que ce qui avait été convenu soit exécuté dans son intégralité et conformément aux prévisions contractuelles, de sorte qu'en cas de non conformité, il a le choix d'obliger l'autre à l'exécution lorsqu'elle est possible, ou de solliciter des dommages et intérêts.

Il est constant, en particulier, qu'une erreur d'implantation altimétrique par rapport aux stipulations contractuelles est de nature à justifier une réparation en nature par le biais d'une mesure de démolition/reconstruction, si elle est possible, quand bien même cette non-conformité n'en affecterait pas l'habitabilité et la solidité ainsi que l'a encore récemment rappelé la Cour de cassation (3ème Civ 12 avril 2018, n°17-26.906; 3ème Civ 11 mai 2005 Bull n°103 ; 3ème Civ 6 mai 2009 Bull n°99 ; 3ème Civ 17 septembre 2014 n°12-24.612).

M. et Mme [W] sollicitent la démolition de la maison, seule mesure selon eux de nature à réparer intégralement leur préjudice.

La société SOLOGNE ET LOIRE HABITAT s'y oppose, en soutenant qu'une telle mesure serait disproportionnée en considération des travaux préconisés pour remédier aux désordres.

Si les dispositions de l'article 1121 du code civil, dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 10 février 2016, qui permettent de refuser l'exécution forcée 's'il existe une disproportion manifeste entre son coût pour le débiteur et son intérêt pour le créancier'; ne sont pas applicables au présent litige, il n'en demeure pas moins que le juge doit apprécier la proportionnalité de la mesure de démolition demandée, en considération notamment de la gravité des non-conformités et désordres invoqués, de la possibilité d'y remédier par des travaux appropriés et de leurs conséquences ou non dommageables (3ème Civ 17 novembre 2021 n°20-17.218)

En l'espèce, l'expert a relevé :

- une implantation altimétrique non conforme au permis de construire et aux documents contractuels ;

- une inadaptation des toilettes et du couloir à un fauteuil handicapé.

S'agissant du second point, il est possible de remédier à la non-conformité tenant à l'accessibilité des toilettes et du couloir en effectuant les travaux préconisés par l'expert, qu'il chiffre à 7200 euros TTC.

S'agissant de l'erreur d'implantation altimétrique, qui est non négligeable puisqu'elle atteint 50 cm selon l'expert, il n'est pas soutenu qu'elle pourrait quant à elle être modifiée et rendue conforme aux prévisions contractuelles autrement que par la mesure de démolition et reconstruction sollicitée par M. et Mme [W].

En revanche, l'expert préconise des travaux destinés à remédier à l'incidence dommageable de cette erreur d'implantation sur la rampe d'accès au garage au sous-sol, dont la pente est trop importante comme étant de 23% en l'état actuel de la situation, pente qui ne permet pas selon l'expert l'accès aux véhicules dans des conditions de sécurité suffisantes.

L'expert explique en page 14 de son rapport qu'il n'y a pas de norme pour une rampe extérieure d'accès au sous-sol d'un pavillon, mais qu'en revanche, tant la circulaire du 3 mars 1975 relative aux parcs de stationnement couverts, que la norme NF P91-120 d'avril 1996, prévoient que la pente des rampes ne doit pas dépasser 16 à 18 % et que pour les rampes extérieures, il faut tenir compte des conditions climatiques locales. Il précise que ces deux textes précisent qu'avant de déboucher sur le domaine public, une plate-forme de 4 mètres doit être aménagée avec une pente maximum de 5%.

Il préconise pour remédier aux conséquences de ce désordre les travaux suitants : 'reprofilage de la rampe sur toute la longueur et particulièrement à son niveau supérieur en raccordement avec la voirie publique afin de réduire la pente moyenne pour que celle-ci, actuellement de 23%, puisse être ramenée au plus près de 18%'.

Ces travaux sont évalués à la somme de 5 896,80 euros.

Il joint au rapport d'expertise :

- un plan de projet d'accès au sous-sol (annexe 1 /P1)

- une lettre de la mairie de [Localité 5], en date du 23 juillet 2014, adressée à la sociéré Phenix, qui indique : 'Je vous confirme que la commune vous autorise à effectuer les travaux conformément à notre entretien. Je vous réitère les conditions suivantes, à savoir : maintien d'une partie trottoir de 1,50 m de large avec une pente vers la rue, puis une pente de 5% jusqu'à la limite de propriété de M. [W]'.

M. et Mme [W] soutiennent que les travaux envisagés par l'expert ne respectent pas les préconisations de la commune, de sorte qu'elle n'a pas donné son accord à la réalisation des travaux préconisés.

Ils versent aux débats :

- un courrier de la mairie du 9 février 2015, qui indique 'Je vous confirme que le plan concernant les travaux à effectuer sur le domaine public devant votre propriété ne sont pas conformes aux prescriptions exigées dans mon courrier du 23 juillet 2014. Les conditions d'acceptation des travaux étaient les suivantes 'maintien d'une partie de trottoir de 1,50 m de large avec pente vers la rue, puis pente à 5% jusqu'à la limite de propriété de M. [W]. Aucune autorisation de travaux ne sera donnée par la commune si ces prescriptions ne sont pas respectées' ;

- un courrier du maire de la commune, en date du 18 juin 2020, qui écrit :

'Vous nous avez contactés pour avoir notre position concernant la proposition du cabinet Hugues Leroy (annexe 1/P1).

A la lecture du plan proposé, les conditions d'acceptation édictées dans le courrier du 23 juillet 2014, pui, à nouveau, dans celui du 9 février 2015, soit le maintien d'une partie de trottoir de 1,50 m de la rge avec une pente vers la rue, puis une pente à 5% jusqu'à la limite de propriété de M. [Z] [W], ne sont pas respectées.

En conséquence, nous ne vous autorisons pas à effectuer les travaux tels qu'ils sont indiqués sur le plan fourni par le cabinet Leroy'.

Il résulte de ce dernier courrier que la commune ne donne pas son accord sur les travaux envisagés par l'expert dans son rapport, non conformes selon elles aux conditions qu'elle a posées.

Il convient en effet de constater que le plan figurant en annexe 1/P1 du rapport d'expertise prévoit une pente de 5% sur toute la largeur du trottoir sans respecter une bande de trottoir de 1,50 m comme exigé par la commune.

Le projet de rampe d'accès prévu par le rapport d'expertise ne répond donc pas aux exigences de la Commune de [Localité 5], dont l'autorisation est nécessaire puisque les travaux préconisés affectent le domaine public.

Il en résulte qu'il n'est pas justifié de la possibilité de réaliser des travaux permettant l'obtention d'une rampe d'accès au garage dont la pente en permette l'accès dans des conditions de sécurité suffisantes. Il sera surabondamment ajouté que cet accès est d'autant plus important en l'espèce que M. et Mme [W] ont un enfant handicapé.

En conséquence, il n'est pas démontré qu'une solution alternative à la démolition et reconstruction de la maison est possible pour remédier aux conséquences de l'erreur d'implantation altimétrique et qu'une telle mesure serait hors de proportion avec l'intérêt que représenterait une telle mesure pour M. et Mme [W], qui sont légitimement en droit de pouvoir jouir normalement de leur garage et doivent pouvoir y accéder dans des conditions de sécurité et d'accessibilité normales.

Il convient donc d''ordonner la démolition et reconstruction de l'ouvrage, les opérations devant être commencées, sauf meilleur accord des parties, dans un délai de 8 mois à compter de la signification du présent arrêt et achevées dans un délai de 18 mois à compter du début des travaux.

Compte tenu des contraintes qu'impliquent pour l'une et l'autre des parties la mise en oeuvre de cette décision, il convient d'inviter les parties à s'entendre sur les modalités de son exécution sans qu'il y ait lieu, en l'état, d'assortir cette condamnation d'une astreinte.

Sur la demande de provision

M. et Mme [W] sollicitent la condamnation de la société SOLOGNE ET LOIRE HABITAT et de la société AVIVA ASSURANCES à leur verser une somme de 40 000 euros à titre d'indemnité provisionnelle.

Ils font valoir qu'ils devront pendant les travaux déménager et louer un logement dans l'attente de la reconstruction, tout en continuant à rembourser les mensualités de leur crédit.

Ils estiment que leur préjudice de jouissance ne saurait être évalué à une somme inférieure à 1000 euros par mois, mais qu'ils ne peuvent aujourd'hui fixer précisément leur préjudice dans la mesure où il ne pourra être défini qu'à l'issue des travaux ordonnés. Ils sollicitent une provision de 40 000 euros à valoir sur l'indemnisation de leur préjudice définitif.

Il est constant que la mesure de démolition et reconstruction ordonnée contraindra M. et Mme [W] à déménager et à se loger ailleurs pendant le temps des travaux.

Le principe de réparation intégrale du préjudice justifie qu'ils soient indemnisés à ce titre.

La société AVIVA Assurance relève le caractère indéterminée de leur demande, et rappelle qque le juge ne peut rejeter une demande non chiffrée en réparation de désordres de construction, sans être tenu d'inviter préalablement les parties à quantifier cette demande.

Toutefois, la demande de M. et Mme [W] est chiffrée puisqu'ils réclament une somme de 40 000 euros.

Compte tenu du temps qui a été nécessaire à la construction de la maison (chantier ouvert le 10 avril 2012, réception des travaux le 25 octobre 2012) de l'ordre de 6 à 7 mois, auquel il faut ajouter le temps nécessaire à sa démolition, il convient de considérer que M. et Mme [W] devront, pendant un délai d'au moins 12 mois, supporter les frais d'un logement de substitution. Ils devront également supporter le coût d'un déménagement et d'un emménagement. Il convient de leur allouer une indemnité provisionnelle, qui sera fixée à 18 000 euros en réparation de ces préjudices.

Lla société SOLOGNE ET LOIRE HABITAT, dont les manquements sont à l'origine du préjudice de M. et Mme [W], sera condamnée au paiement de cette somme.

Sur la garantie de la société ABEILLE IARD ET SANTE

Au terme de la décision de première instance, dont l'infirmation n'est pas demandée sur ce point, la société SOLOGNE ET LOIRE HABITAT a été déclarée responsable sur le fondement de la responsabilité décennale de l'erreur d'implantation et de l'inadaptation du couloir et des toilettes.

Il résulte des documents contractuels produits que la société SOLOGNE ET LOIRE HABITAT était assurée, depuis le 1er janvier 2004, par la société AVIVA, aux droits de la quelle vient la société ABEILLE IARD ET SANTE, en particulier pour la responsabilité civile décennale, ce qu'elle ne conteste pas.

La société ABEILLE IARD ET SANTE sera donc condamnée à garantir la société SOLOGNE ET LOIRE HABITAT, dans le respect des dispositions contractuelles concernant notamment les franchises et plafonds de garantie.

Il sera donc fait droit aux demandes en paiement de M. et Mme [W] à l'égard de la société ABEILLE IARD ET SANTE, en application de l'article L124-3 du code des assurances.

Sur les demandes accessoires

La société SOLOGNE ET LOIRE HABITAT et la société ABEILLE IARD ET SANTE seront tenues aux dépens de la procédure d'appel.

Leurs demandes fondées sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile seront rejetées.

PAR CES MOTIFS

Statuant par mise à disposition au greffe, contradictoirement et en dernier ressort,

INFIRME le jugement entrepris en ce qu'il condamne la société SOLOGNE ET LOIRE HABITAT à payer à M. et Mme [W] la somme de 15 196,80 euros TTC au titre des dommages subis et rejette toute autre demande des parties ;

Statuant à nouveau et y ajoutant :

CONDAMNE la société SOLOGNE ET LOIRE HABITAT à démolir et à reconstruire conformément aux dispositions du permis de construire et des stipulations contractuelles, la maison située [Adresse 4], les opérations devant être commencées, sauf meilleur accord des parties, dans un délai maximum de 8 mois à compter de la signitifcation du présent arrêt et achevées dans un délai maximum de 18 mois à compter du début des travaux ;

DIT n'y avoir lieu d'assortir cette condamnation d'une astreinte ;

CONDAMNE in solidum la société SOLOGNE ET LOIRE HABITAT et son assureur la société ABEILLE IARD ET SANTE à payer à M. et Mme [W] une indemnité provisionnelle de 18 000 euros à valoir sur l'indemnisation de leur préjudice ;

CONDAMNE la société ABEILLE IARD ET SANTE à garantir la société SOLOGNE ET LOIRE HABITAT des condamnations mises à sa charge, dans les termes et limites de la police d'assurance souscrite ;

REJETTE les demandes de la société Sologne Loire et habitat et de la société Abeiller Iard et santé fondées sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE in solidum la société SOLOGNE ET LOIRE HABITAT et la société ABEILLE IARD ET SANTE aux dépens de la procédure d'appel.

Arrêt signé par Madame Anne-Lise COLLOMP, Président de Chambre et Madame Fatima HAJBI, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Orléans
Formation : Chambre civile
Numéro d'arrêt : 20/01106
Date de la décision : 13/04/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-04-13;20.01106 ?
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