La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

11/04/2023 | FRANCE | N°20/02564

France | France, Cour d'appel d'Orléans, Chambre sécurité sociale, 11 avril 2023, 20/02564


COUR D'APPEL D'ORLÉANS



CHAMBRE DES AFFAIRES DE SÉCURITÉ SOCIALE







GROSSE à :

SAS [7]

CPAM D'INDRE ET LOIRE

EXPÉDITION à :

MINISTRE CHARGÉ DE LA SÉCURITÉ SOCIALE

Pôle social du Tribunal judiciaire de TOURS





ARRÊT DU : 11 AVRIL 2023



Minute n°170/2023



N° RG 20/02564 - N° Portalis DBVN-V-B7E-GIDY



Décision de première instance : Pôle social du Tribunal judiciaire de TOURS en date du 9 Novembre 2020



ENTRE



APP

ELANTE :



SAS [7]

[Adresse 4]

[Localité 5]



Représentée par Mme [V] [G], juriste, en vertu d'un pouvoir spécial





D'UNE PART,



ET



INTIMÉE :



CPAM D'INDRE ET LOIRE

[Adresse 2]

[Localité 3]


...

COUR D'APPEL D'ORLÉANS

CHAMBRE DES AFFAIRES DE SÉCURITÉ SOCIALE

GROSSE à :

SAS [7]

CPAM D'INDRE ET LOIRE

EXPÉDITION à :

MINISTRE CHARGÉ DE LA SÉCURITÉ SOCIALE

Pôle social du Tribunal judiciaire de TOURS

ARRÊT DU : 11 AVRIL 2023

Minute n°170/2023

N° RG 20/02564 - N° Portalis DBVN-V-B7E-GIDY

Décision de première instance : Pôle social du Tribunal judiciaire de TOURS en date du 9 Novembre 2020

ENTRE

APPELANTE :

SAS [7]

[Adresse 4]

[Localité 5]

Représentée par Mme [V] [G], juriste, en vertu d'un pouvoir spécial

D'UNE PART,

ET

INTIMÉE :

CPAM D'INDRE ET LOIRE

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Mme [I] [T], en vertu d'un pouvoir spécial

PARTIE AVISÉE :

MONSIEUR LE MINISTRE CHARGÉ DE LA SÉCURITÉ SOCIALE

[Adresse 1]

[Localité 6]

Non comparant, ni représenté

D'AUTRE PART,

COMPOSITION DE LA COUR

Lors des débats :

En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 6 DECEMBRE 2022, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Carole CHEGARAY, Président de chambre, chargé du rapport.

Lors du délibéré :

Madame Carole CHEGARAY, Président de chambre,

Madame Anabelle BRASSAT-LAPEYRIERE, Conseiller,

Monsieur Laurent SOUSA, Conseiller.

Greffier :

Monsieur Alexis DOUET, Greffier lors des débats et du prononcé de l'arrêt.

DÉBATS :

A l'audience publique le 6 DECEMBRE 2022.

ARRÊT :

- Contradictoire, en dernier ressort.

- Prononcé le 11 AVRIL 2023, après prorogation du délibéré, par mise à la disposition des parties au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2ème alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- Signé par Madame Carole CHEGARAY, Président de chambre et Monsieur Alexis DOUET, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le Magistrat signataire.

* * * * *

Selon déclaration établie par la société [7] le 6 février 2019, M. [C] [K], salarié intérimaire de cette société, en mission au sein de l'entreprise utilisatrice en qualité de plombier chauffagiste, a été victime d'un accident le 5 février 2019 dans les circonstances suivantes : 'Selon les dires de l'intérimaire : en serrant un raccord acier avec une clef à griffe, j'ai ressenti une douleur au bras'.

Le certificat médical initial du 5 février 2019 fait état d'un 'traumatisme épaule droite'.

Cet accident a été pris en charge par la caisse primaire d'assurance maladie d'Indre et Loire au titre de la législation sur les risques professionnels, selon décision notifiée à l'employeur le 20 février 2019.

La société [7] a contesté cette décision devant la commission de recours amiable de la caisse qui, lors de sa séance du 27 août 2019, a rejeté sa contestation et lui a déclaré opposable la décision de prise en charge au titre de la législation professionnelle de l'accident du 5 février 2019.

Par requête du 15 octobre 2019, la société [7] a saisi le Pôle social du tribunal de grande instance de Tours en contestation de la décision rendue par la commission de recours amiable. Le tribunal de grande instance est devenu le tribunal judiciaire à compter du 1er janvier 2020.

Par jugement du 9 novembre 2020 notifié le même jour, le Pôle social du tribunal judiciaire de Tours a :

- débouté la SAS [7] du recours formé à l'encontre de la décision de la commission de recours amiable du 27 août 2019,

- déclaré opposable à la SAS [7] la décision de prise en charge de l'accident du travail de M. [C] [K] en date du 5 février 2019,

- condamné la SAS [7] aux entiers dépens.

Suivant déclaration du 7 décembre 2020, la SAS [7] a interjeté appel de ce jugement.

Dans ses conclusions visées par le greffe le 6 décembre 2022 et soutenues oralement à l'audience du même jour, la SAS [7] demande à la Cour de :

Vu les articles L. 142-1 et suivants du Code de la sécurité sociale,

- déclarer recevable et bien fondé le recours de la société [7],

A titre principal,

Vu les articles L. 411-1 et R. 441-11 et suivants du Code de la sécurité sociale, dans leur rédaction applicable à l'espèce,

- constater que la matérialité du fait accidentel qui serait survenu le 5 février 2019 à M. [K] n'est pas établie,

- constater que la présomption d'imputabilité ne s'appliquait pas en l'espèce,

- constater que la prise en charge ne pouvait intervenir d'emblée, sans qu'une enquête ne soit diligentée,

- constater, en tout état de cause, que la caisse primaire n'a pas respecté le principe du contradictoire préalablement à la prise de décision sur le caractère professionnel de l'accident de M. [K] et ce, en violation des dispositions des articles R. 441-11 et suivants du Code de la sécurité sociale,

En conséquence,

- dire et juger que la décision de la caisse primaire de prendre en charge au titre de la législation professionnelle l'accident du travail déclaré par M. [K] comme étant survenu le 5 février 2019, est inopposable à la concluante,

A titre subsidiaire,

Vu l'article L. 411-1 du Code de la sécurité sociale,

- constater que la caisse primaire ne rapporte pas la preuve d'une continuité de symptômes, de soins et d'arrêts suite à l'accident de M. [K],

En conséquence,

- dire et juger que les arrêts de travail pour lesquels la caisse primaire ne rapporte pas la preuve d'une continuité de soins et de symptômes doivent être déclarés inopposables à la concluante,

- infirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de l'Indre et Loire le 9 novembre 2020 en toutes ses dispositions,

- débouter la caisse primaire d'assurance maladie d'Indre et Loire de toutes ses demandes, fins et conclusions dirigées contre la société [7].

Dans ses conclusions visées par le greffe le 6 décembre 2022 et soutenues oralement à l'audience du même jour, la caisse primaire d'assurance maladie d'Indre et Loire demande à la Cour de :

- débouter la société [7] de l'ensemble de ses demandes,

- confirmer la décision entreprise,

- confirmer la prise en charge, au titre de la législation professionnelle, de l'accident dont a été victime M. [C] [K] le 5 février 2019 et son opposabilité à l'égard de la société [7],

- condamner la société [7] à verser à la caisse primaire d'assurance maladie d'Indre et Loire la somme de 800 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

En application de l'article 455 du Code de procédure civile, il est renvoyé aux écritures des parties pour un plus ample exposé des faits et moyens développés au soutien de leurs prétentions respectives.

MOTIFS

Sur la prise en charge de l'accident du 5 février 2019 au titre de la législation sur les risques professionnels :

L'article L. 411-1 du Code de la sécurité sociale dispose qu' 'est considéré comme accident du travail, quelle qu'en soit la cause, l'accident survenu par le fait ou à l'occasion du travail à toute personne salariée ou travaillant, à quelque titre ou en quelque lieu que ce soit, pour un ou plusieurs employeurs ou chefs d'entreprise'.

Il résulte de ces dispositions une présomption d'existence d'un accident du travail lorsque les faits se déroulent sur le lieu du travail et pendant le travail. Il appartient au salarié, ou à la caisse en cas de contestation d'une décision de prise en charge par l'employeur, d'apporter la preuve de l'existence de cet accident, qui doit consister notamment en un événement précis et soudain ayant entraîné une lésion corporelle, condition préalable pour qu'il puisse bénéficier alors de la présomption d'imputabilité. En cas d'absence de témoin, un faisceau d'indices résultant de présomptions graves, précises et concordantes peut suffire à établir la preuve de l'accident. Cette présomption d'imputabilité peut être renversée si la caisse ou l'employeur apporte la preuve que le travail n'a eu aucune incidence sur la survenance de l'accident, sachant que l'existence d'un état pathologique antérieur ne saurait en elle-même être suffisante pour priver la victime de la présomption d'imputabilité.

L'article R. 441-10 alinéa 1 du Code de la sécurité sociale prévoit que la caisse dispose d'un délai de trente jours à compter de la date à laquelle elle a reçu la déclaration d'accident et le certificat médical initial pour statuer sur le caractère professionnel de l'accident.

L'article R. 441-11-III du même code dispose : 'en cas de réserves motivées de la part de l'employeur ou si elle l'estime nécessaire, la caisse envoie avant décision à l'employeur et à la victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle un questionnaire portant sur les circonstances ou la cause de l'accident ou de la maladie ou procède à une enquête auprès des intéressés. Une enquête est obligatoire en cas de décès'.

En l'espèce, selon la déclaration d'accident du travail établie le 6 février 2019 par Mme [D], responsable d'agence, M. [K] a déclaré avoir été victime d'un accident la veille, 5 février 2019, sur son lieu de travail habituel, à 9h30, alors que ses horaires de travail étaient ce jour-là '8h-11h45' et '13h15 - 17h', dans les circonstances suivantes : 'en serrant un raccord acier avec une clef à griffe, j'ai ressenti une douleur au bras', le siège et la nature des lésions indiquées consistant en 'douleurs' au 'bras droit'. La déclaration mentionne deux premières personnes avisées, à savoir un autre intérimaire et le chef de chantier. L'employeur de M. [K] a lui-même été prévenu le jour même des faits à 16h20.

L'employeur n'a émis aucune réserve ni sur la déclaration d'accident du travail complétée par ses soins, ni aux termes d'un éventuel courrier d'accompagnement.

L'examen de cette déclaration fait ainsi apparaître que M. [K] a été blessé aux temps et lieu du travail, sa lésion au bras droit résultant d'un fait soudain, lequel peut être un geste banal -en l'espèce le fait de serrer un raccord acier. L'accident du travail est ainsi caractérisé. A cet égard, il convient de relever, à l'instar de la caisse, que la douleur est apparue soudainement au cours du travail, de manière datée et précise, et non de manière progressive comme le prétend l'appelante.

Si aucun témoin n'est mentionné, la victime a avisé deux personnes du fait accidentel et de sa lésion et son employeur a lui-même été prévenu le jour même des faits à 16h20. A ce propos, le fait que le salarié ait continué son travail tout au long de la journée ne permet pas d'exclure la matérialité de l'accident survenu le matin, les douleurs pouvant s'être intensifiées au cours de la poursuite de l'activité professionnelle, étant précisé que l'allégation de l'employeur selon laquelle l'intéressé a pu travailler ans aucune difficulté pendant plusieurs heures ne ressort d'aucune pièce.

Le certificat médical initial du 5 février 2019, jour de l'accident, fait état d'un 'traumatisme épaule droite', corroborant ainsi la lésion décrite dans la déclaration d'accident du travail, à savoir 'une douleur au bras', le bras étant constitué du segment du membre supérieur compris entre l'épaule et le coude, de sorte qu'il ne peut être retenu que le certificat médical initial ne corrobore pas le siège des lésions de la déclaration d'accident du travail comme le prétend la société [7].

La caisse ayant établi que M. [K] s'est blessé au temps et au lieu de travail, un fait soudain lui ayant causé une lésion médicalement constatée le jour même, la présomption d'imputabilité s'applique.

Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, la matérialité de l'accident est suffisamment établie et la caisse, en l'absence de réserves de l'employeur, a pu prendre cet accident en charge d'emblée, sans avoir à mener une instruction dans le délai de trente jours, la prise en charge étant intervenue 15 jours après les faits. Il en résulte que le principe du contradictoire n'a pas été violé, contrairement à ce que soutient l'appelante.

L'employeur qui, pour écarter la présomption d'imputabilité, invoque un état pathologique antérieur, n'en rapporte pas la preuve, en l'absence de tout élément à cet égard.

En conséquence, il convient de confirmer le jugement entrepris qui a déclaré opposable à la société [7] la décision de prise en charge de l'accident au titre de la législation professionnelle.

Sur la continuité des symptômes et des soins :

L'article L. 411-1 du Code de la sécurité sociale édicte une présomption d'imputabilité au travail de l'accident survenu au temps et sur le lieu du travail qui s'étend aux lésions apparues à la suite de l'accident du travail pendant toute la durée de l'incapacité de travail précédant soit la guérison complète, soit la consolidation de l'état de la victime.

Cette présomption s'applique non seulement aux lésions qui se manifestent immédiatement ou dans un temps très voisin de l'accident mais également à leur complication ainsi qu'à l'état pathologique antérieur aggravé par l'accident du travail.

Il appartient à l'employeur dans ses rapports avec la caisse dès lors que le caractère professionnel de l'accident est établi de prouver que les lésions invoquées et les soins et arrêts de travail prescrits à ce titre ne sont pas imputables à l'accident et qu'ils sont sans lien avec le travail.

En l'espèce, la caisse primaire d'assurance maladie d'Indre et Loire verse aux débats les certificats médicaux suivants :

- certificat initial du 5 février 2019, 'traumatisme épaule droite', arrêt de travail jusqu'au 19 février 2019 inclus,

- certificat de prolongation du 19 février 2019, 'épaule droite douloureuse', arrêt de travail jusqu'au 5 mars 2019 inclus,

- certificat de prolongation du 4 mars 2019, 'épaule droite douloureuse', arrêt de travail jusqu'au 31 mars 2019 inclus,

- certificat de prolongation du 1er avril 2019, 'épaule droite douloureuse', arrêt jusqu'au 3 mai 2019 inclus,

- certificat de prolongation du 2 mai 2019, 'épaule droite douloureuse (infiltration faite / demande IRM)', arrêt jusqu'au 31 mai 2019 inclus,

- certificat de prolongation du 31 mai 2019 'épaule droite douloureuse post traumatique', arrêt jusqu'au 30 juin 2019 inclus,

- certificat de prolongation du 1er juillet 2019 'épaule droite douloureuse. Atrthroscanner + avis thérapeutique', arrêt jusqu'au 31 juillet 2019 inclus,

- certificat de prolongation du 25 juillet 2019 'tendinopathie inflammatoire sus épineux épaule droite', arrêt jusqu'au 1er septembre 2019 inclus,

- certificat de prolongation du 28 août 2019, 'épaule droite douloureuse ; kiné', soins jusqu'au 15 décembre 2019,

ce dont il résulte que M. [K] s'est vu prescrire de manière ininterrompue des soins et arrêts de travail du 5 février 2019 au 15 décembre 2019.

Enfin, la caisse justifie avoir versé à M. [K] de manière continue des indemnités journalières du 6 février au 1er septembre 2019.

La continuité des symptômes -ayant justifié un arrêt de travail ininterrompu jusqu'au 1er septembre 2019 puis une poursuite des soins ininterrompue jusqu'au 15 décembre 2019- étant ainsi suffisamment établie, il s'ensuit que la présomption d'imputabilité a vocation à s'appliquer depuis la date de l'accident initial du 5 février 2019 jusqu'au 15 décembre 2019.

La société [7] qui fait valoir que la durée des arrêts de travail prescrits à M. [K] est disproportionnée et excessive au regard des lésions initiales, n'apporte aucun élément de nature à fonder ses allégations ni à établir que les conséquences de l'accident sont à relier à un état pathologique antérieur évoluant pour son propre compte.

La société [7] sera donc déboutée de sa demande subsdiaire tendant à ce que la prise en charge des arrêts de travail prescrits à M. [K] au titre de l'accident du 5 février 2019 lui soit déclarée inopposable.

Sur les autres demandes :

La société [7], qui succombe, supportera la charge des dépens d'appel.

Compte tenu des circonstances de l'espèce, il apparaît équitable de laisser à la charge de la caisse primaire d'assurance maladie les frais irrépétibles qu'elle a exposés à l'occasion de l'instance.

PAR CES MOTIFS:

Confirme le jugement du 9 novembre 2020 du Pôle social du tribunal judiciaire du Tours en toutes ses dispositions ;

Déboute la SAS [7] de l'ensemble de ses demandes ;

Condamne la SAS [7] aux dépens d'appel ;

Déboute la caisse primaire d'assurance maladie d'Indre et Loire de sa demande au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Orléans
Formation : Chambre sécurité sociale
Numéro d'arrêt : 20/02564
Date de la décision : 11/04/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-04-11;20.02564 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award