C O U R D ' A P P E L D ' O R L É A N S
CHAMBRE SOCIALE - A -
Section 2
PRUD'HOMMES
Exp +GROSSES le 23 MARS 2023 à
la SARL ORVA-VACCARO & ASSOCIES
la SELARL 2BMP
XA
ARRÊT du : 23 MARS 2023
MINUTE N° : - 23
N° RG 21/00796 - N° Portalis DBVN-V-B7F-GKJP
DÉCISION DE PREMIÈRE INSTANCE : CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE TOURS en date du 25 Février 2021 - Section : INDUSTRIE
APPELANTE :
S.A.S.U. BOUYGUES ENERGIES & SERVICES prise en son établissement de [Adresse 5], lui-même pris en la personne de son représentant légal, domicilié en
cette qualité audit établissement
[Adresse 1]
[Localité 2]
représentée par Me François VACCARO de la SARL ORVA-VACCARO & ASSOCIES, avocat au barreau de TOURS
ET
INTIMÉ :
Monsieur [X] [N]
né le 16 Février 1967 à [Localité 8]
[Adresse 3]
[Localité 10]
représenté par Me Philippe BARON de la SELARL 2BMP, avocat au barreau de TOURS
Ordonnance de clôture : 5 janvier 2023
Audience publique du 24 Janvier 2023 tenue par Monsieur Xavier AUGIRON, Conseiller, et ce, en l'absence d'opposition des parties, assisté lors des débats de Mme Karine DUPONT, Greffier,
Après délibéré au cours duquel Monsieur Xavier AUGIRON, Conseiller a rendu compte des débats à la Cour composée de :
Madame Laurence DUVALLET, présidente de chambre, présidente de la collégialité,
Monsieur Xavier AUGIRON, conseiller,
Madame Anabelle BRASSAT-LAPEYRIERE, conseiller,
Puis le 23 Mars 2023, Madame Laurence Duvallet, présidente de Chambre, présidente de la collégialité, assistée de Mme Karine DUPONT, Greffier a rendu l'arrêt par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
FAITS ET PROCÉDURE
M.[X] [N] a été engagé par la société ETDE, devenue la société Bouygues Energies & Services (SASU), selon contrat à durée indéterminée compter du 14 juin 2004, en qualité de monteur réseaux électriques confirmé.
Après avoir, par lettre recommandée avec accusé de réception du 8 décembre 2017, convoqué M.[N] à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 19 décembre 2017, la société Bouygues Energies & Services lui a notifié par lettre recommandée avec accusé de réception du 8 janvier 2018 son licenciement pour cause réelle et sérieuse, invoquant divers motifs.
Par requête enregistrée au greffe le 16 octobre 2018, M.[N] a saisi le conseil de prud'hommes de Tours pour contester son licenciement et obtenir le paiement d'une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Par jugement du 25 février 2021, le conseil de prud'hommes de Tours a :
- Dit que licenciement de M.[N] par la société Bouygues Energies & Services est dépourvu de cause réelle et sérieuse,
- Condamné la société Bouygues Energies & Services à payer à M.[N] lasomme de 25 000 euros pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- Condamné la société Bouygues Energies & Services à payer à M.[N] la somme de 1200 euros au titre de ses frais irrépétibles et débouté de ce dernier de sa propre demande à ce titre,
- Débouté les parties du surplus de ses prétentions,
- Condamné la société Bouygues Energies & Services aux dépens.
La société Bouygues Energies & Services a relevé appel du jugement par déclaration notifiée par voie électronique le 11 mars 2021 au greffe de la cour d'appel.
PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Vu les dernières conclusions enregistrées au greffe le 18 mai 2021, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé détaillé des prétentions et moyens présentés conformément à l'article 455 du code de procédure civile, aux termes desquelles la société Bouygues Energies & Services demande à la cour de :
- Infirmer le jugement dont appel
- Statuant à nouveau,
- Débouter M.[N] de l'ensemble de ses demandes
- Condamner M.[N] à verser à la société Bouygues Energies & Services la somme de 4000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile
Vu les dernières conclusions enregistrées au greffe le 15 juillet 2021, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé détaillé des prétentions et moyens présentés conformément à l'article 455 du code de procédure civile, aux termes desquelles M.[N] demande à la cour de :
- Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse
- Recevoir M.[N] en son appel incident et le déclarer bien fondé,
- En conséquence, condamner la société Bouygues Energies & Services au paiement de la somme de 35 000 euros au titre de l'indemnité résultant du licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- Condamner la société Bouygues Energies & Services aux entiers dépens qui comprendront les frais éventuels d'exécution et au paiement d'une somme de 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 5 janvier 2023.
MOTIFS DE LA DÉCISION
- Sur le licenciement pour cause réelle et sérieuse
Il résulte de l'article L.1232-1 du code du travail que tout licenciement pour motif personnel est justifié par une cause réelle et sérieuse.
Le motif inhérent à la personne du salarié doit reposer sur des faits objectifs, matériellement vérifiables et qui lui sont imputables.
L'article L.1235-1 du code du travail prévoit qu'en cas de litige, le juge, à qui il appartient d'apprécier le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties. Si un doute subsiste, il profite au salarié.
La société Bouygues Energies & Services soutient que le salarié ne produit aucun élément de preuve à l'appui de son argumentation alors qu'il ne conteste pas, dans un courrier du 23 mars 2018, les faits qui lui sont reprochés dans la lettre de licenciement, de sorte que, au visa des articles 1235-1 et 1221-1 du code du travail et de l'article 9 du code de procédure civile, le conseil de prud'hommes a inversé la charge de la preuve et fait peser sur l'employeur la charge d'une preuve impossible, celle de justifier la fausseté des explications données par M.[N].
- Sur les faits du 7 novembre 2017
Il est reproché dans la lettre de licenciement à M.[N], qui circonscrit les termes du litige, d'avoir, le 7 novembre 2017, déclaré un déplacement entre [Localité 10]-Nord et [Localité 6], siège de l'établissement de la société Bouygues Energies & Services, entre 10 et 20 kms alors que ce déplacement relevait d'une distance comprise entre 0 à 10 kms.
M.[N] a déclaré à son employeur, comme il le rappelle dans son courrier du 23 mars 2018 : " je me suis peut-être trompé ", mais le relevé Mappy produit par celui-ci établit bien que la distance est supérieure à 10 kilomètres.
La société Bouygues Energies & Services fait état d'une autre irrégularité sur un trajet du 14 novembre 2017 entre [Localité 7] et [Localité 6], qui n'est pas visé dans la lettre de licenciement.
Ce grief n'est donc pas établi.
- Sur les faits du 9 novembre 2017 ;
Il est reproché dans la lettre de licenciement à M.[N] d'avoir embauché à 8 heures et d'avoir quitté le chantier à 10 heures, comme il en a prévenu sa responsable, Mme [W], tout en déclarant 4 heures de travail au lieu de 2.
La société Bouygues Energies & Services affirme dans ses écritures que M.[N] a déclaré 7h50 de travail ce jour-là ; cependant, la lettre de licenciement indiquait bien 4 heures.
Dans son courrier du 23 mars 2018, comme dans ses écritures, M.[N] souligne qu'il embauchait à 7 heures, rappelant que le temps de trajet entre [Localité 6] et [Localité 9] est de 45 à 60 minutes, qu'il a prévenu Mme [W] à 10 heures qu'il quitterait le chantier à 11 heures en raison de l'hospitalisation de son fils et qu'il a effectivement quitté le chantier à 11 heures pour ne pas laisser son collègue seul.
Le relevé Mappy produit par l'employeur établit un trajet de 31 minutes pour rejoindre le village de [Localité 9] à partir du siège de l'établissement, étant précisé que M.[N] utilisait un véhicule de l'entreprise ; la société Bouygues Energies & Services reconnaît que les collaborateurs doivent être sur le chantier à 8 heures ; la cour en déduit que le départ de l'entreprise s'est effectué au maximum à 7h30.
S'agissant de l'heure exacte de départ de M.[N] du chantier, aucune pièce n'est produite de part et d'autre et notamment pas d'attestation de Mme [W] que celui-ci a contactée.
Il y a lieu néanmoins lieu de tenir compte du temps de trajet de retour, de sorte que la durée du travail aura été d'au moins trois heures même si M.[N] a quitté le chantier à 10 heures, et non de deux.
Le doute sur les horaires exacts de M.[N] ce matin-là devant profiter au salarié, il y a lieu d'écarter ce grief, au vu de des explications données par les deux parties.
- Sur les faits du 14 novembre 2017
Il est reproché à M.[N] dans la lettre de licenciement d'avoir été absent le 14 novembre 2017 entre 13h30 et 16 heures sur un chantier du centre commercial Leclerc à [Localité 7] alors que sa présence était nécessaire au déroulage de câbles et qu'il a déclaré 7h50 de travail pour cette journée, alors que ce chantier nécessitait 4 heures de travail seulement.
Dans son courrier du 23 mars 2018 et dans ses écritures, M.[N] affirme d'une part, que l'équipe a travaillé jusqu'à 12h30 pour terminer le déroulage en raison d'intempéries qui a rendu ce travail plus long, de sorte que le travail devait reprendre à 14 heures seulement et que le temps a été passé l'après-midi à ranger le chantier puis, à partir de 16 heures, de retour au centre de [Localité 6], à préparer le chantier du lendemain.
La société Bouygues Energies & Services ne produit aucun élément pour justifier l'absence de M.[N] cet après-midi-là, pas plus d'ailleurs que M.[N] pour justifier de sa présence.
Aucun élément produit de part et d'autre ne permettant en tout état de cause d'établir que ce dernier se soit soustrait à tout travail l'après-midi du 14 novembre 2017, ce grief sera écarté.
- Sur les faits du 17 novembre 2017
La lettre de licenciement mentionne que M.[N] devait réaliser un enrobé sur un chantier à [Localité 7], puis à [Localité 9], qu'il est parti à 9 heures de [Localité 6] et qu'il est revenu vers 16 heures en déclarant 7 heures de travail, alors que ces opérations ne nécessitaient pas plus de 4 heures de travail.
M.[N] réplique dans son courrier du 23 mars 2018, repris dans ses écritures, qu'il était allé préalablement chercher de l'enrobé à [Localité 10]-Nord et qu'il y avait de l'attente, avant de rejoindre le chantier de [Localité 7], puis de retourner chez Loxam à [Localité 10]-Nord chercher une mini-pelle de location avant de se rendre sur le chantier de [Localité 9], sur lequel il est arrivé à 13h30 pour une rapide pause déjeuner, exécuter les travaux et ramener la mini-pelle sur le chantier de [Localité 7] sur demande de Mme [W].
La société Bouygues Energies & Services ne conteste pas la nécessité d'approvisionner le chantier en matériau, ni celle de louer une mini-pelle, ni encore de la ramener à [Localité 7].
M.[N] produit un extrait Mappy mentionnant un trajet de 45 minutes entre [Localité 10]-Nord et [Localité 9], et la société Bouygues Energies & Services un trajet de 31 minutes pour le retour.
Compte tenu de l'ensemble des opérations nécessaires à ces deux chantiers, et aux déplacements qu'ils impliquaient entre [Localité 6], [Localité 10]-Nord, [Localité 9] et [Localité 7], la possibilité de les effectuer dans un temps de 4 heures apparaît irréaliste.
Au vu des éléments apportés par les deux parties, il y a lieu d'écarter ce grief.
- Sur les faits du 22 novembre 2017
M.[N] aurait quitté son poste en milieu d'après-midi.
M.[N] reconnaît cette absence, qu'il explique, dans son courrier du 13 mars 2018, par son emploi du temps ce jour-là, nécessitant, entre autres, d'emmener un collègue de travail chez le médecin après qu'il s'est bloqué le dos.
La société Bouygues Energies & Services relève l'absence de preuve apportée par M.[N] à ses dires et relève que le livret d'accueil prévention et sécurité impose l'intervention du seul Samu ou des pompiers en cas d'accident du travail.
La cour relève que ce n'est pas le fait d'avoir emmené un collègue chez le médecin qui est reproché à M.[N] dans la lettre de licenciement, mais d'avoir été absent.
Au vu des éléments du dossier de chacune des parties, il n'est pas établi que cette absence soit injustifiée.
Ce grief sera dès lors écarté.
- Sur le fait afférent au non-renouvellement de la carte de chauffeur
L'employeur se serait aperçu de ce que la carte de chauffeur de M.[N] aurait été périmée depuis plus de deux ans, au mépris des dispositions du règlement européen applicable en l'espèce et que la responsabilité de ce renouvellement pèserait sur le chauffeur concerné.
Dans son courrier du 23 mars 2018, M.[N] reconnaît ces éléments, et évoque un oubli de sa part.
Cependant, dans ses écritures, il affirme que son poste ne nécessitait pas d'être titulaire d'une telle carte de chauffeur, ne conduisant qu'une nacelle 4x4, et que le règlement européen invoqué par la société Bouygues Energies & Services n'est pas applicable à M.[N].
La société Bouygues Energies & Services ne conteste pas ce moyen dans ses écritures.
L'article 3 du règlement UE n°165/2014 du 4 février 2014, auquel se réfère la société Bouygues Energies & Services, renvoie, pour la définition de son champ d'application, au règlement UE n°561/2006 qui, en son article 2, prévoit qu'il s'applique au transport routier de marchandises par des véhicules dont le poids total excède 3,5 tonnes et au transport routier de passagers par des véhicules pouvant assurer le transport de plus de 9 personnes (conducteur compris).
En l'espèce, il n'est pas allégué par la société Bouygues Energies & Services que M.[N] ait eu à conduire ces deux types de véhicules.
Dès lors, si le non-renouvellement de la carte de chauffeur est établi, cela n'apparaît aucunement fautif puisque cette situation n'était pas préjudiciable à l'exercice par M.[N] de ses missions, étant rappelé en outre que la nécessité de la possession d'une telle carte n'est pas mentionnée au contrat de travail ou dans une fiche de poste quelconque, de sorte que le grief qui lui est opposé sera écarté.
- Sur les faits du 23 novembre 2017
Selon la lettre de licenciement, M.[N] aurait réalisé un chantier à la clinique de l'[4] à [Localité 10]-Nord en une journée alors que cela n'aurait dû prendre qu'une demi-journée. Il aurait été injoignable au téléphone selon Mme [W], sa responsable.
Dans ses écritures, la société Bouygues Energies & Services ajoute qu'il est facturé l'intervention de 2 personnes pendant 7,5 heures de travail, pour la pose de 9 candélabres, alors que seulement 4 ont été posés.
Dans son courrier du 13 mars 2018, M.[N] explique que la pose de câbles, de massifs et de candélabres a été retardée par la nécessité d'attendre l'intervention d'une entreprise tierce, par des difficultés liées au manque de mesures sur les plans et par le fait que le travail a été compliqué par la pluie et des bourrasques de vent.
Cependant, M.[N] explique également qu'il procédé ce jour-là à la pose de 4 candélabres, mais aussi à celle de 4 " massifs ", comme le reconnaît la société Bouygues Energies & Services, ce qui peut expliquer le temps passé à ce chantier.
Il a expliqué qu'il avait laissé son téléphone dans son camion pour la mettre à l'abri de la pluie.
En l'absence de toute pièce justifiant de ce grief, et notamment pas de la responsable de M.[N], il sera écarté.
- Sur les 114 poteaux posés en Eure-et-Loir
Enfin, il est reproché à M.[N] d'avoir sur ce chantier, réalisé entre juin et octobre 2017, la pose de 114 poteaux qui auraient révélé des malfaçons sur 16 d'entre eux, qui n'ont pas été posés suffisamment profonds, ce qui pouvait présenter un danger. 32 poteaux présentaient, selon l'employeur, un mauvais calage au pied. M.[N] en serait responsable, notamment au regard de sa fiche de fonctions. Une intervention d'extrême urgence aurait été rendue nécessaire par un de ces poteaux qui s'était trouvé retenu par les seuls fils d'éclairage public. Il est fait état du mécontentement du client et du surcoût entraîné pour l'entreprise.
M.[N], dans son courrier du 23 mars 2018, réplique qu'il n'avait à sa disposition pour planter ces poteaux qu'une mini pelle qui n'est pas adaptée à la réalisation de forages, à la différence d'une foreuse. Il aurait demandé au chef de chantier s'il était nécessaire de bétonner le pied du poteau, ce à quoi celui-ci aurait répondu par la négative, de sorte que M.[N] indique s'être exécuté.
En premier lieu, M.[N] invoque la prescription de ces faits.
L'article 1332-4 du code du travail prévoit qu'aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l'exercice de poursuites pénales.
En l'espèce, la société Bouygues Energies & Services produit un email de la société Axione du 8 novembre 2017 alertant celle-ci de ce qu'en " faisant le tour des poteaux", il avait constaté que certains étaient " brimbalants ".
Il est donc établi que ce n'est qu'à cette date que la société Bouygues Energies & Services a été alertée sur cette difficulté, soit moins de deux mois avant l'engagement des poursuites contre M.[N] le 8 décembre 2017.
Ce grief n'est donc pas prescrit.
Sur le fond, M.[N] affirme qu'il n'est qu'ouvrier, que c'était le chef de chantier , présent, qui donnait ses instructions.
L'email du 8 novembre 2017 indique que selon son rédacteur, les poteaux " ont été posés dans tasser la terre des fouilles ni calage ".
La réalité des malfaçons est donc établie.
En revanche, aucun élément ne vient démontrer que M.[N] avait la responsabilité de ce chantier. Si la fiche de fonctions produite par la société Bouygues Energies & Services mentionne que l'intéressé " garantit la sécurité du chantier ", il s'agit de la sécurité du travail pour les ouvriers de l'équipe, qui en l'espèce n'est pas en cause.
Par ailleurs, la fiche de fonctions mentionne que l'intéressé doit " faire remonter à sa hiérarchie les problèmes internes et externes du chantier ", ce qui n'aurait pas été le cas en l'espèce selon l'employeur.
Il n'est cependant pas établi que M.[N], en la présence non contestée d'un chef de chantier, n'a pas " fait remonter " les problèmes posés par l'implantation des poteaux, ni d'ailleurs le chef de chantier qui n'a pas été à même de s'en rendre compte lui-même.
C'est pourquoi le caractère fautif des faits reprochés à M.[N] n'est pas démontré.
Ce grief sera également écarté.
C'est pourquoi le jugement sera confirmé en ce qu'il a jugé que le licenciement de M.[N] était dépourvu de cause réelle et sérieuse.
- Sur l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
Les dispositions des articles L. 1235-3 et L. 1235-3-1 du code du travail, qui octroient au salarié, en cas de licenciement injustifié, une indemnité à la charge de l'employeur, dont le montant est compris entre des montants minimaux et maximaux variant en fonction du montant du salaire mensuel et de l'ancienneté du salarié et qui prévoient que, dans les cas de licenciements nuls, le barème ainsi institué n'est pas applicable, permettent raisonnablement l'indemnisation de la perte injustifiée de l'emploi.
Le caractère dissuasif des sommes mises à la charge de l'employeur est également assuré par l'application, d'office par le juge, des dispositions de l'article L. 1235-4 du code du travail.
La cour rappelle en outre que l'article L.1235-3 du code du travail permet au juge, pour fixer le montant de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, de tenir compte des indemnités de licenciement versées à l'occasion de la rupture, mais à l'exception de l'indemnité légale de licenciement prévue par l'article L.1234-9 du même code.
Les dispositions des articles L. 1235-3, L. 1235-3-1 et L. 1235-4 du code du travail sont ainsi de nature à permettre le versement d'une indemnité adéquate ou une réparation considérée comme appropriée au sens de l'article 10 de la Convention n° 158 de l'OIT (Soc., 11 mai 2022, pourvoi n° 21-14.490, FP-B+R).
M.[N] a acquis une ancienneté de 13 années complètes au moment de la rupture dans la société employant habituellement au moins onze salariés. Le montant de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse est compris entre 3 et 11,5 mois de salaire.
Compte tenu notamment des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée au salarié (2024 euros + un 13ème mois) de son âge, de son ancienneté, de sa capacité à retrouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquences du licenciement à son égard, tels qu'elles résultent des pièces et des explications fournies, il y a lieu , par voie de confirmation du jugement entrepris, de condamner la société Bouygues Energies & Services, à payer à M.[N] la somme de 25 000 euros brut à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
- Sur l'article L.1235-4 du code du travail
En application de cet texte, il convient d'ordonner le remboursement par la société Bouygues Energies & Services à Pôle Emploi des indemnités de chômage versées à M.[N] du jour de son licenciement au jour du présent arrêt, dans la limite de 3 mois d'indemnités de chômage.
- Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens
La solution donnée au litige commande de condamner la société Bouygues Energies & Services à payer à M.[N] la somme de 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et de débouter la société Bouygues Energies & Services de sa propre demande à ce titre.
La société Bouygues Energies & Services sera condamnée aux dépens d'appel.
S'agissant de la demande de condamnation aux frais d'exécution, il sera rappelé que le titre servant de fondement aux poursuites permet le recouvrement des frais de l'exécution forcée qui sont à la charge du débiteur.
PAR CES MOTIFS
La cour statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, contradictoirement et en dernier ressort,
Confirme le jugement rendu le 25 février 2021 par le conseil de prud'hommes de Tours en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Condamne la société Bouygues Energies & Services à rembourser à Pôle Emploi les indemnités de chômage versées à M.[N] du jour de son licenciement au jour du présent arrêt, dans la limite de 3 mois d'indemnités de chômage ;
Condamne la société Bouygues Energies & Services à payer à M.[N] la somme de 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la société Bouygues Energies & Services aux dépens d'appel.
Et le présent arrêt a été signé par le président de chambre, président de la collégialité, et par le greffier
Karine DUPONT Laurence DUVALLET