C O U R D ' A P P E L D ' O R L É A N S
CHAMBRE SOCIALE - A -
Section 2
PRUD'HOMMES
Exp +GROSSES le 23 MARS 2023 à
la SELARL LEXAVOUE POITIERS-ORLEANS
la SCP LCDD AVOCATS, LISON-CROZE, DEBENEST, DEVILLERS
XA
ARRÊT du : 23 MARS 2023
MINUTE N° : - 23
N° RG 21/00759 - N° Portalis DBVN-V-B7F-GKHC
DÉCISION DE PREMIÈRE INSTANCE : CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE TOURS en date du 10 Février 2021 - Section : ENCADREMENT
APPELANTE :
S.A.S.U. CGI FRANCE prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social
[Adresse 5]
[Adresse 1]
[Localité 4]
représentée par Me Isabelle TURBAT de la SELARL LEXAVOUE POITIERS-ORLEANS, avocat au barreau d'ORLEANS,
ayant pour avocat plaidant Me Bertrand MERVILLE de la SCP LA GARANDERIE AVOCATS, avocat au barreau de PARIS
ET
INTIMÉ :
Monsieur [M] [S]
né le 18 Mai 1961
[Adresse 3]
[Localité 2]
représenté par Me Amaury DEVILLERS de la SCP LCDD AVOCATS, LISON-CROZE, DEBENEST, DEVILLERS, avocat au barreau de TOURS
Ordonnance de clôture : 19 janvier 2023
Audience publique du 24 Janvier 2023 tenue par Monsieur Xavier AUGIRON, Conseiller, et ce, en l'absence d'opposition des parties, assisté lors des débats de Mme Karine DUPONT, Greffier,
Après délibéré au cours duquel Monsieur Xavier AUGIRON, Conseiller a rendu compte des débats à la Cour composée de :
Madame Laurence DUVALLET, présidente de chambre, présidente de la collégialité,
Monsieur Xavier AUGIRON, conseiller,
Madame Anabelle BRASSAT-LAPEYRIERE, conseiller,
Puis le 23 Mars 2023, Madame Laurence Duvallet, présidente de Chambre, présidente de la collégialité, assistée de Mme Karine DUPONT, Greffier a rendu l'arrêt par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
FAITS ET PROCÉDURE
M.[M] [S] a été engagé par la société CGI France (SASU) selon contrat à durée indéterminée, à compter du 2 avril 2001, en qualité d'informaticien et en dernier lieu, il occupait le poste de consultant senior.
Il a été élu en qualité de délégué du personnel et membre du CHSCT.
M.[S] a sollicité le 21 novembre 2018 une rupture conventionnelle de son contrat de travail, ce à quoi l'employeur a opposé un refus.
Exerçant son activité sur l'agence CGI de Paris, puis d'[Localité 6], il a été affecté sur le site de [Localité 7] à compter du 1er janvier 2019, par avenant régularisé le 17 janvier 2019.
Après avoir, par lettre recommandée avec accusé de réception du 16 avril 2019, convoqué M.[S] à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 25 avril 2019, la société CGI France lui a notifié par lettre recommandée avec accusé de réception du 12 juillet 2019 son licenciement pour faute grave en raison d'un abandon de poste depuis le 29 mars 2019.
Ce licenciement avait été préalablement autorisé par l'inspecteur du travail de la Dirrecte des Pays de la Loire, selon une décision du 10 juillet 2019.
Par requête enregistrée au greffe le 6 février 2020, M.[S] a saisi le conseil de prud'hommes de Tours des demandes suivantes :
- A titre principal, renvoyer l'affaire devant le tribunal administratif de Nantes pour question préjudicielle, afin que ce tribunal apprécie la légalité de la décision de l'inspecteur du travail et sursoir à statuer dans l'attente
- En cas d'annulation de l'autorisation, condamner l'employeur au paiement d'une indemnité pour licenciement nul
- A titre subsidiaire, juger que la faute de M.[S] n'est pas une faute grave, requalifier le licenciement en faute simple et condamner l'employeur au paiement d'une indemnité de licenciement, d'une indemnité compensatrice de préavis et d'une indemnité de congés payés afférents, outre des dommages-intérêts pour non-respect de l'exécution de bonne foi du contrat de travail, des dommages-intérêts pour retard de délivrance de l'attestation Pôle Emploi et une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile
La société CGI France a demandé que le conseil de prud'hommes se déclare incompétent pour connaître du bien-fondé du licenciement, que subsidiairement la décision de l'inspecteur du travail soit confirmée et qu'il soit dit que le licenciement repose sur une faute grave, et encore plus subsidiairement pour cause réelle et sérieuse, et que la demande de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse soit rejetée.
Par jugement du 10 février 2021, le conseil de prud'hommes de Tours a :
- Dit et jugé que le licenciement de M.[S] doit être requalifié en licenciement sans cause réelle et sérieuse
- Condamné la société CGI France au paiement de :
- 25 095,80 euros net d'indemnité de licenciement
- 12 189,00 euros brut d'indemnité compensatrice de préavis
- 1218,90 euros brut d'indemnité de congés payés afférents
- 2500 euros net de dommages-intérêts pour non-respect de l'exécution de bonne foi du contrat de travail
- 1000 euros net au titre de dommages-intérêts pour remise tardive de l'attestation Pôle Emploi
- 1500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile
- Ordonné sous astreinte de 50 euros par jour de retard et par document à compter du 15ème jour suivant la notification du jugement la remise des bulletins de salaire afférents aux créances salariales ainsi qu'un certificat de travail et une attestation Pôle Emploi, le tout conforme au jugement, le conseil se réservant la faculté de liquider l'astreinte
- Dit qu'il n'y a pas lieu à exécution provisoire
- Débouté la société CGI France de toutes ses demandes contraires
- Condamné la société CGI France aux dépens et aux frais éventuels d'exécution.
La société CGI France a fait appel du jugement par déclaration notifiée par voie électronique le 8 mars 2021 au greffe de la cour d'appel.
PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Vu les dernières conclusions enregistrées au greffe le 20 décembre 2022, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé détaillé des prétentions et moyens présentés conformément à l'article 455 du code de procédure civile, aux termes desquelles la société CGI France demande à la cour de :
- Infirmer le jugement en toutes ses dispositions
- Sur l'exception de procédure :
- se déclarer incompétente pour connaître du bien-fondé du licenciement de M.[S]
- en conséquence, débouter M.[S] de l'ensemble de ses demandes consécutives au licenciement et l'inviter à saisir le tribunal administratif de Nantes
- Subsidiairement et au fond :
- confirmer la décision de l'inspection du travail sur le bien-fondé du licenciement de M.[S] pour faute grave
- juger que le licenciement de M.[S] repose sur une faute grave
- en conséquence, débouter M.[S] de l'ensemble de ses demandes consécutives à son licenciement : indemnité compensatrice de préavis, congés payés sur préavis et indemnité de licenciement
- ordonner à M.[S] de rembourser à la société CGI France les sommes perçues dans le cadre de l'exécution provisoire du jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Tours, soit l'équivalent de
31 513,08 € net
- Encore plus subsidiairement :
-juger que le licenciement de M.[S] repose sur une cause réelle et sérieuse
-en conséquence, débouter M.[S] de sa demande de dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
- En tout état de cause :
-débouter M.[S] de sa demande de dommages-intérêts pour non-respect de l'exécution de bonne foi du contrat de travail
-débouter M.[S] de sa demande de dommages-intérêts pour remise tardive de l'attestation pôle emploi
-débouter M.[S] de toutes ses demandes
-débouter M.[S] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile
- A titre reconventionnel :
- condamner M.[S] à payer à la société CGI France la somme de 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et aux dépens
Vu les dernières conclusions enregistrées au greffe le 16 janvier 2023, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé détaillé des prétentions et moyens présentés conformément à l'article 455 du code de procédure civile, aux termes desquelles M.[S] demande à la cour de :
- Débouter la société CGI France de toutes ses demandes
- Confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions
- Y ajoutant, condamner la société CGI France à payer à M.[S] la somme de 2500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens d'appel.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 19 janvier 2023.
MOTIFS DE LA DÉCISION
L'appel est général mais les débats soumis à la cour ne portent que sur certains points ci-dessus détaillés. La décision déférée sera donc confirmée en ses autres dispositions non critiquées et non contraires à une disposition d'ordre public et notamment en ce qu'il n'a pas remis en cause le bien-fondé du licenciement de M.[S], autorisé par l'inspection du travail.
Le litige est donc circonscrit à la question de la gravité de la faute reprochée à M.[S] et aux indemnités de licenciement et de préavis allouées à ce dernier par le conseil de prud'hommes, ainsi qu'à l'indemnité de congés payés afférente au préavis, à l'indemnité pour remise tardive de l'attestation Pôle Emploi et aux dommages-intérêts pour non-respect de l'exécution de bonne foi du contrat de travail.
A cet égard, si le juge judiciaire est incompétent pour apprécier le caractère réel et sérieux de la faute reprochée au salarié protégé, il demeure compétent pour apprécier la gravité de cette faute ( Soc., 9 mars 2011, pourvoi n° 09-43.143 Soc., 26 mars 2014, pourvoi n° 12-28.427) ou pour tout autre demande afférente à l'exécution du contrat de travail.
C'est pourquoi la cour se déclarera compétente pour apprécier la gravité de la faute commise par M.[S] et statuer sur les demandes de ce dernier à ce titre, lequel, en cause d'appel, a renoncé à sa demande visant au renvoi de l'affaire devant le tribunal administratif et ne forme plus de demande d'indemnité pour licenciement nul.
La cour se déclarera également compétente pour statuer sur les demandes d'indemnité pour remise tardive de l'attestation Pôle Emploi et en paiement de dommages-intérêts pour non-respect de l'exécution de bonne foi du contrat de travail.
- Sur la faute grave
La faute grave est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise et qui justifie la rupture immédiate de son contrat de travail, sans préavis ; la charge de la preuve pèse sur l'employeur.
En l'espèce, M.[S] a été licencié en raison d'un abandon de poste constaté par la société CGI France à compter du 29 mars 2019 et faisant suite à une demande de rupture conventionnelle sollicitée par celui-ci en vue d'une reconversion professionnelle.
La société CGI France considère que M.[S] a choisi d'organiser son départ alors qu'il n'avait aucun reproche à opposer à son employeur, exprimant au contraire ses regrets face aux tentatives déployées pour obtenir l'accord de la société CGI France sur sa demande de départ négocié. Elle souligne qu'avant de procéder au licenciement, elle a adressé à l'intéressé plusieurs courriers lui demandant des explications, sans réponse ni réaction de sa part. Elle considère qu'il cherchait à obtenir une rupture de son contrat de travail garantissant le bénéfice de l'assurance chômage avant de débuter une autre carrière. Elle souligne que le départ anticipé et précipité de M.[S] lui a causé un préjudice car il jouait un rôle 'clé' dans le fonctionnement de l'entreprise, ce qui justifie que son licenciement ait été prononcé pour faute grave.
M.[S] réplique que son licenciement ne présente aucun caractère de gravité puisque, selon lui, il a fait l'objet d'une concertation entre les parties et que l'employeur n'ignorait pas qu'il serait absent à compter du 29 mars 2019, comme en témoigne la mention figurant au contrat de travail : " absence autorisée non payée ". Il s'est retrouvé, reprenant les termes de la décision de l'inspection du travail, en " inter-contrat ", affecté dans les locaux de l'agence de [Localité 7] sans tâches particulières à réaliser, alors qu'il était auparavant affecté à l'agence d'[Localité 6]. En réalité, c'est l'employeur qui aurait incité M.[S] à quitter l'entreprise par le biais d'un abandon de poste plutôt que d'accepter une rupture conventionnelle. Il conteste qu'il ait causé un préjudice quelconque à son employeur puisqu'il est resté sans activité pendant le premier trimestre 2019 à l'agence de [Localité 7].
La cour relève que la volonté de M.[S] de quitter l'entreprise, effective au 29 mars 2019, était prégnante depuis plusieurs mois : il avait sollicité son employeur par courrier du 21 novembre 2018 en évoquant un projet de création d'entreprise et sa volonté de quitter la société CGI France au 24 décembre 2018, indiquant qu'il " suggère le recours à une rupture conventionnelle ".
Si l'employeur a répondu le 30 novembre 2018 qu'il n'était " pas disposé à donner une suite favorable " à sa demande, M.[W], " vice-président for human ressources western & southern Europe ", indiquait dans un e-mail du 21 janvier 2019 : " Compte tenu de votre ancienneté et de votre parcours dans l'entreprise, Monsieur [X] a accepté de vous rencontrer une nouvelle fois en dehors du cadre de l'entreprise pour évoquer votre demande. Il vous a confirmé le refus de l'entreprise et c'est parce que vous lui avez demandé comment faisaient les salariés qui souhaitaient quitter l'entreprise sans pouvoir bénéficier d'une rupture conventionnelle qu'il vous a indiqué que ceux-ci donnaient leur démission ou procédait par abandon de poste ".
M. [X] confirme en effet dans un e-mail du 7 janvier 2019 :
" Pas de rupture conventionnelle, il peut démissionner. La piste de l'abandon de poste a été évoquée également ".
Un échange de sms est en outre produit entre ce dernier et M.[S], dans lequel le licenciement de ce dernier est évoqué en termes entendus.
La cour constate néanmoins qu'aucun élément n'établit la réalité d'un arrangement, en tout cas abouti, entre les parties sur un abandon de son poste, tel qu'invoqué par M.[S] et comme l'a retenu le conseil de prud'hommes à l'appui de sa décision. L'existence d'un tel accord n'est pas démontrée, tout au moins sur la qualification du licenciement consécutif à l'abandon de poste et ses conséquences sur l'indemnité de licenciement et l'indemnité de préavis.
Cependant, il n'est pas contesté par la société CGI France qu'à compter de janvier 2019, M.[S] a été affecté à l'agence de [Localité 7], sans mission particulière, comme l'a relevé le comité d'établissement lors de sa réunion du 26 avril 2009 par lequel il n'approuvait pas le projet de licenciement de ce dernier. Une attestation d'un de ses collègues, M.[H], confirme que M.[S] s'est plaint de cette inactivité auprès de lui. L'inspecteur du travail a d'ailleurs relevé que M.[S] était " trouvé en situation d'inter-contrat, affecté dans les locaux de l'agence de [Localité 7] sans tâches particulières à réaliser ".
Dans ce contexte, l'abandon par M.[S] de son poste ne peut avoir surpris la société CGI France, qui avait elle-même évoqué cette hypothèse dans les échanges qui sont intervenus auparavant.
La société CGI France ne démontre pas, en outre, la réalité du préjudice qu'elle a subi du fait de l'abandon de poste " précipité " de M.[S], compte tenu de ce que celui-ci, contrairement à ce qu'elle affirme, ne jouait manifestement plus un " rôle clé " au sein de l'entreprise depuis qu'il avait été affecté sur le site de [Localité 7], puisqu'il n'a été investi d'aucune mission.
C'est pourquoi la gravité de la faute commise par M.[S] en abandonnant son poste n'est pas établie, quoique celui-ci ait exprimé des excuses dans un email du 19 mars 2019 sur ses derniers échanges avec son employeur, mais tout en précisant : " je désire quitter CGI sereinement, en restant fier des 18 ans passés à son service", et quoiqu'il n'ait pas répondu aux demandes d'explication de l'employeur sur son absence.
Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a accueilli, en leur principe, les demandes de M.[S] au titre des indemnités de licenciement, de préavis et de congés payés afférents.
S'agissant de leur quantum, il n'est pas contesté par la société CGI France, et le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a condamné celle-ci à payer à M.[S] les sommes de :
- 25 095,80 euros net d'indemnité de licenciement,
- 12 189,00 euros brut d'indemnité compensatrice de préavis,
- 1218,90 euros brut d'indemnité de congés payés afférents.
- Sur la demande en paiement de dommages-intérêts pour non-respect de l'exécution de bonne foi du contrat de travail
Le conseil de prud'hommes a retenu le grief opposé par M.[S] à ce titre à la société CGI France, qui lui reprochait de lui avoir retiré ses attributions et avoir refusé de lui confier un travail lors de son transfert à Tours.
La société CGI France soutient à cet égard qu'elle n'a pas souhaité proposer à M.[S] d'importantes missions, éventuellement durables, alors qu'elle savait que ce dernier était " sur le départ ", ajoutant qu'il avait fait obstacle à son affectation dans une mission auprès de la mutuelle Harmonie en janvier 2019. M.[S] aurait été également proposé pour une mission auprès de la CNAM.
M.[S] réplique que la proposition de son profil auprès de la mutuelle Harmonie était en mode " push ", c'est-à-dire sans appel d'offres de la part du client, et affirme qu'il avait validé cette candidature, qui cependant n'avait pas abouti.
L'employeur a obligation de fournir du travail au salarié, et la société CGI France a manifestement manqué à cette obligation depuis l'affectation de M.[S] à [Localité 7] en janvier 2019 : en effet, si quelques démarches ont été entreprises pour missionner ce dernier auprès de la mutuelle Harmonie, il ne s'agissait que de " pistes de missions " mentionnées dans un email du 10 janvier 2019 ; il en va de même d'une éventuelle mission auprès de la CNAM, évoquée dans un email du 16 janvier 2019. De surcroît, M.[S] n'apparaît pas avoir refusé le mission auprès de Harmonie Mutuelle, mais simplement indiqué qu'il ne pouvait pas se " positionner sur cette piste de mission " en l'absence de " fiche de projet poste ". Postérieurement, il n'apparaît pas que M.[S] ait été investi d'une mission quelconque.
Ce manquement de l'employeur n'apparaît pas avoir causé un préjudice important à M.[S] dans la mesure où ce dernier, en tout état de cause, a maintenu sa volonté de quitter l'entreprise, effective de son propre chef quelques semaines après son arrivée sur le site de [Localité 7].
C'est pourquoi, sa demande en paiement de dommages-intérêts sera, par voie d'infirmation, accueillie à hauteur d'une somme limitée à 1000 euros.
- Sur la demande en paiement de dommages-intérêts pour retard dans la délivrance de l'attestation Pôle Emploi
M.[S] affirme qu'il n'a reçu l'attestation Pôle Emploi que le 23 août 2019 et que ses droits n'ont été ouverts qu'à compter du 5 septembre 2019, soutenant avoir été privé de toute ressource pendant plus d'un mois, sans que le caractère rétroactif du versement des indemnités ne vienne compenser ce préjudice.
La société CGI France confirme la date d'envoi du 23 août 2019 et ne considère pas qu'un délai de 6 semaines, qu'elle explique par la taille importante de l'entreprise et la période estivale, comme excessif. Elle ajoute que M.[S] ne justifie pas de son préjudice, l'indemnisation n'ayant en tout état de cause débuté que le 29 juillet 2019.
La cour relève l'existence d'un retard dans la délivrance de l'attestation Pôle Emploi plus d'un mois seulement après le licenciement et que l'indemnisation aurait pu être effective dès le 29 juillet 2019, date de début de cette indemnisation, comme mentionné dans le courrier de Pôle Emploi du 5 septembre 2019.
Cependant, les indemnités Pôle Emploi étant versées à terme échu, M.[S] n'aurait perçu fin juillet que deux jours d'allocations et celles du mois d'août début septembre seulement, de sorte que son préjudice est en réalité inexistant à défaut d'un retard réel dans le versement des indemnités chômage.
C'est pourquoi sa demande à ce titre sera, par voie d'infirmation, rejetée.
- Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens
La solution donnée au litige commande de confirmer la décision de première instance afférente à l'indemnité allouée à M.[S] au titre de l'article 700 du code de procédure civile et de condamner la société CGI France à payer également la somme de 1500 euros pour les frais irrépétibles engagés en appel, celle-ci étant déboutée de sa propre demande au même titre.
La société CGI France sera condamnée aux dépens.
PAR CES MOTIFS
La cour statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, contradictoirement et en dernier ressort,
- Se déclare compétente pour apprécier la gravité de la faute commise par M.[M] [S] et statuer sur les demandes de ce dernier à ce titre, ainsi que sur ses demandes d'indemnité pour remise tardive de l'attestation Pôle Emploi et de dommages-intérêts pour non-respect de l'exécution de bonne foi du contrat de travail
- Confirme le jugement rendu le 10 février 2021 par le conseil de prud'hommes de Tours, sauf en ce qu'il a condamné la société CGI France à payer à M.[M] [S] la somme de 1000 euros d'indemnité pour remise tardive de l'attestation Pôle Emploi et celle de 2500 euros de dommages-intérêts pour non-respect de l'exécution de bonne foi du contrat de travail,
Statuant à nouveau des chefs infirmés :
- Condamne la société CGI France à payer à M.[M] [S] la somme de 1000 euros de dommages-intérêts pour non-respect de l'exécution de bonne foi du contrat de travail,
- Déboute M.[M] [S] de sa demande d'indemnité pour remise tardive de l'attestation Pôle Emploi,
Ajoutant ,
- Condamne la société CGI France à payer à M.[M] [S] la somme de 1500 euros au titre de ses frais irrépétibles, et la déboute elle-même de ce chef de prétention ;
- Condamne la société CGI France aux dépens d'appel.
Et le présent arrêt a été signé par le président de chambre, président de la collégialité, et par le greffier
Karine DUPONT Laurence DUVALLET