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23/03/2023 | FRANCE | N°21/00296

France | France, Cour d'appel d'Orléans, Chambre sociale, 23 mars 2023, 21/00296


C O U R D ' A P P E L D ' O R L É A N S

CHAMBRE SOCIALE - A -

Section 2

PRUD'HOMMES

Exp +GROSSES le 23 MARS 2023 à

la SELARL 2BMP

la SCP LAVAL - FIRKOWSKI





XA



ARRÊT du : 23 MARS 2023



MINUTE N° : - 23



N° RG 21/00296 - N° Portalis DBVN-V-B7F-GJEJ



DÉCISION DE PREMIÈRE INSTANCE : CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE TOURS en date du 05 Janvier 2021 - Section : COMMERCE







APPELANT :



Monsieur [D] [M]

né le

21 Décembre 1976 à [Localité 7]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Localité 4]



représenté par Me Guillaume PILLET de la SELARL 2BMP, avocat au barreau de TOURS



ET



INTIMÉE :



S.A.S. STOKOMANI pris...

C O U R D ' A P P E L D ' O R L É A N S

CHAMBRE SOCIALE - A -

Section 2

PRUD'HOMMES

Exp +GROSSES le 23 MARS 2023 à

la SELARL 2BMP

la SCP LAVAL - FIRKOWSKI

XA

ARRÊT du : 23 MARS 2023

MINUTE N° : - 23

N° RG 21/00296 - N° Portalis DBVN-V-B7F-GJEJ

DÉCISION DE PREMIÈRE INSTANCE : CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE TOURS en date du 05 Janvier 2021 - Section : COMMERCE

APPELANT :

Monsieur [D] [M]

né le 21 Décembre 1976 à [Localité 7]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Localité 4]

représenté par Me Guillaume PILLET de la SELARL 2BMP, avocat au barreau de TOURS

ET

INTIMÉE :

S.A.S. STOKOMANI prise en la personne de son représentant légal domicilié en

cette qualité au siège social

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Localité 3]

représentée par Me Olivier LAVAL de la SCP LAVAL - FIRKOWSKI, avocat au barreau d'ORLEANS,

ayant pour avocat plaidant Me Victor ROISIN de la SELAS FACTORHY AVOCATS, avocat au barreau de PARIS

Ordonnance de clôture : 5 janvier 2023

Audience publique du 24 Janvier 2023 tenue par Monsieur Xavier AUGIRON, Conseiller, et ce, en l'absence d'opposition des parties, assisté lors des débats de Mme Karine DUPONT, Greffier,

Après délibéré au cours duquel Monsieur Xavier AUGIRON, Conseiller a rendu compte des débats à la Cour composée de :

Madame Laurence DUVALLET, présidente de chambre, présidente de la collégialité,

Monsieur Xavier AUGIRON, conseiller,

Madame Anabelle BRASSAT-LAPEYRIERE, conseiller,

Puis le 23 Mars 2023, Madame Laurence Duvallet, présidente de Chambre, présidente de la collégialité, assistée de Mme Karine DUPONT, Greffier a rendu l'arrêt par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

FAITS ET PROCÉDURE

M.[D] [M] a été engagé par la société Stokomani (SASU) selon contrat à durée déterminée à compter du 18 février 2019, jusqu'au 19 août 2019, en qualité de vendeur caissier.

Le motif de recours à un contrat à durée déterminée était un " surcroit d'activité lié à l'ouverture d'un magasin ".

Contestant la légitimité de ce motif, M.[M] a saisi le conseil de prud'hommes de Tours, par requête du 6 janvier 2020, pour demander la requalification du contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, invoquer dès lors un licenciement abusif et solliciter diverses indemnités en conséquence.

Par jugement du 5 janvier 2021, le conseil de prud'hommes de Tours a débouté M. [M] de l'intégralité de ses demandes, débouté la société Stokomani de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile et condamné M.[M] aux dépens.

M.[M] a relevé appel du jugement par déclaration notifiée par voie électronique le 28 janvier 2021 au greffe de la cour d'appel.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Vu les dernières conclusions enregistrées au greffe le 13 décembre 2022, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé détaillé des prétentions et moyens présentés conformément à l'article 455 du code de procédure civile, aux termes desquelles M.[M] demande à la cour de :

- Dire et juger M.[M], tant recevable que bien fondé en son appel.

- En conséquence, infirmer le jugement du Conseil de prud'hommes de Tours du 5 janvier 2021 en toutes ses dispositions.

- Statuant à nouveau, condamner la société Stokomani, au paiement des sommes suivantes :

- 1 734,37 euros d'indemnité de requalification du CDD en CDI,

- 1 734,37 euros d'indemnité de préavis,

- 173,43 euros de congés payés afférents,

- 5 000 euros de dommages et intérêts pour rupture abusive du CDI.

- Débouter la société Stokomani de ses demandes.

- Ordonner sous astreinte de 50 € par jour de retard à compter de la décision à intervenir la remise des bulletins de paie afférents aux créances salariales ainsi qu'un certificat de travail et une attestation destinée à Pôle Emploi.

- Condamner la société Stokomani, aux entiers dépens qui comprendront les frais éventuels d'exécution et au paiement

Vu les dernières conclusions enregistrées au greffe le 1er juillet 2021, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé détaillé des prétentions et moyens présentés conformément à l'article 455 du code de procédure civile, aux termes desquelles la société Stokomani demande à la cour de :

- Confirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Tours, sauf en ce qu'il débouté la société Stokomani de ses demandes.

Statuant à nouveau,

- Juger que le contrat de travail à durée déterminée de M.[M] est parfaitement valable ;

En conséquence,

- Débouter M. [M] de l'intégralité de ses demandes ;

En tout état de cause,

- Condamner M.[M] à verser à la société Stokomani la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamner M.[M] aux entiers dépens de l'instance.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 5 janvier 2023.

MOTIFS DE LA DÉCISION

- Sur la demande de requalification du contrat à durée déterminée et contrat à durée indéterminée

L'article L.1242-2 du code du travail autorise le recours au contrat à durée déterminée pour accroissement temporaire de l'activité de l'entreprise.

En cas de litige sur le motif du recours à un contrat à durée déterminée, il incombe à l'employeur de rapporter la preuve de la réalité du motif énoncé dans le contrat.

En l'espèce, M.[M] expose que la société Stokomani ne justifie pas de la réalité d'un accroissement temporaire d'activité au regard de l'évolution du nombre de tickets d'entrée lors de l'ouverture du magasin qui est stable, pas plus que celle du chiffre d'affaires. Il souligne que la proportion de contrats à durée déterminée et de contrats à durée indéterminée lors de son embauche n'est pas justifiée par la production du registre d'entrée et de sortie du personnel. Enfin, il affirme que le recours à l'embauche d'une caissière en contrat à durée déterminée pour l'ouverture du magasin a été sanctionné par la Cour de cassation.

La société Stokomani réplique que l'ouverture d'un nouveau magasin constitue un motif valable de recours au contrat à durée déterminée et que celle du magasin de [Localité 4] nécessitait la mise en rayon d'un nombre important d'articles et impliquait une sur-fréquentation liée à la curiosité des clients pendant 3 à 6 mois, l'évolution des tickets d'entrée et du chiffre d'affaires le démontrant. Elle affirme que si le recours au contrat à durée déterminée au seul motif de l'ouverture d'un magasin n'est pas possible, il en va autrement lorsque cette ouverture entraine un accroissement temporaire de l'activité.

La cour relève que l'ouverture par la société Stokomani d'un nouveau magasin et l'embauche d'un vendeur-caissier dans ce cadre procède de l'activité normale et permanente de l'entreprise ( Soc., 5 juill. 2005, pourvoi n° 04-40.299), et cette ouverture ne peut en soi justifier le recours à un contrat à durée déterminée, seule la nécessité de répondre à un surcroît temporaire d'activité étant à même de le justifier.

Il résulte du " planning de formation " de M.[M] que ce dernier a été convoqué le 18 février 2019 pour se former au magasin de [Localité 6] (18), son arrivée pour l'implantation du magasin de [Localité 5] étant prévue le 18 mars 2019, le magasin n'ayant ouvert, selon la société Stokomani, que le 17 avril 2019, date de fin de la formation. Il ne pouvait donc s'agir d'un surcroît temporaire d'activité jusqu'à cette date, aucun élément ne justifiant de ce que la mise en rayon des produits avant l'ouverture nécessitait, en l'absence corrélative de clients dans le magasin, l'embauche temporaire de salariés supplémentaires sur un temps déterminé.

Par ailleurs, si les éléments produits laissent apparaître un début d'activité prometteur, l'évolution du chiffre d'affaires et de la fréquentation du magasin a diminué à partir de juin 2019 pour se stabiliser ensuite, étant rappelé que M.[M] a été engagé jusqu'au 19 août 2019.

Il résulte de ces éléments que M.[M] n'a manifestement pas été engagé pour répondre à un surcroît temporaire d'activité mais que son recrutement s'inscrivait dans le cadre de l'activité permanente de l'entreprise, en vue de laquelle il a été formé pendant deux mois.

C'est pourquoi le jugement sera infirmé en ce qu'il a débouté M.[M] de sa demande de requalification du contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée et en toutes ses dispositions.

M.[M] sera au contraire accueilli en sa demande en ce sens.

- Sur les conséquences de la requalification

La relation de travail ayant été requalifiée en contrat de travail à durée indéterminée, l'employeur ne pouvait la rompre valablement qu'en notifiant à M.[M] son licenciement avec l'énonciation d'un motif et en respectant la procédure de licenciement, ce qui n'a pas été réalisé.

En l'absence de motif énoncé, la rupture du contrat de travail produit les effets d'un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse qui ouvre droit au paiement des indemnités de rupture et de dommages et intérêts pour licenciement injustifié.

En l'état des éléments soumis à l'appréciation de la cour, les sommes suivantes seront allouées à M.[M] :

-indemnité de requalification du contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée

En application des dispositions de l'article L.1245-2 alinéa 3 du code du travail, un mois de salaire sera octroyé à M.[M], soit 1712,43 euros.

-indemnité compensatrice de préavis

L'ancienneté de M.[M] étant de 6 mois lors de la rupture du contrat de travail, l'indemnité compensatrice de préavis sera fixée à un mois de salaire, soit 1712,43 euros outre 171,24 euros d'indemnité de congés payés afférents

-indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

Les dispositions des articles L. 1235-3 et L. 1235-3-1 du code du travail, qui octroient au salarié, en cas de licenciement injustifié, une indemnité à la charge de l'employeur, dont le montant est compris entre des montants minimaux et maximaux variant en fonction du montant du salaire mensuel et de l'ancienneté du salarié et qui prévoient que, dans les cas de licenciements nuls, le barème ainsi institué n'est pas applicable, permettent raisonnablement l'indemnisation de la perte injustifiée de l'emploi.

Les dispositions des articles L. 1235-3, L. 1235-3-1 et L. 1235-4 du code du travail sont ainsi de nature à permettre le versement d'une indemnité adéquate ou une réparation considérée comme appropriée au sens de l'article 10 de la Convention n° 158 de l'OIT (Soc., 11 mai 2022, pourvoi n° 21-14.490).

L'article L.1235-3 du code du travail prévoit, compte tenu de l'ancienneté de l'intéressé dans l'entreprise, et de la taille de l'entreprise, supérieure à 10 salariés, une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse d'un montant maximal d'un mois de salaire.

Au regard des éléments soumis à la cour, compte tenu de l'âge du salarié, de son ancienneté, de ses perspectives de retrouver un emploi, il y a lieu d'évaluer à 1700 euros brut le préjudice consécutif au licenciement abusif de M.[M].

- Sur la remise des documents de fin de contrat

La remise des documents de fin de contrat conformes à la présente décision sera ordonnée.

Aucune circonstance ne permet de considérer qu'il y ait lieu d'assortir cette disposition d'une mesure d'astreinte pour en garantir l'exécution.

- Sur l'article L.1235-4 du code du travail

En application de ce texte, il convient d'ordonner le remboursement par la société Stokomani à Pôle Emploi des indemnités de chômage versées à M.[M] du jour de son licenciement au jour du présent arrêt, dans la limite de 3 mois d'indemnités de chômage.

- Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens

La solution donnée au litige commande de condamner la société Stokomani à payer à M.[M] la somme de 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La société Stokomani sera déboutée de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, contradictoirement et en dernier ressort,

Infirme le jugement rendu le 5 janvier 2021 par le conseil de prud'hommes de Tours en toutes ses dispositions ;

Statuant à nouveau et ajoutant,

Requalifie la relation contractuelle entre M.[D] [M] et la société Stokomani en contrat à durée indéterminée ;

Condamne la société Stokomani à payer à M.[D] [M] les sommes suivantes:

- indemnité de requalification : 1712,43 euros

- indemnité de préavis : 1712,43 euros

- congés payés sur préavis : 171,24 euros

- indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 1700 euros brut

Condamne la société Stokomani à rembourser à Pôle Emploi les indemnités de chômage versées à M.[D] [M] du jour de son licenciement au jour du présent arrêt, dans la limite de 3 mois d'indemnités de chômage ;

Ordonne la remise d'un bulletin de salaire, d'un certificat de travail et d'une attestation Pôle Emploi conformes à la présente décision, et dit n'y avoir lieu à mesure d'astreinte ;

Condamne la société Stokomani à payer à M.[D] [M] la somme de 2000 euros au titre de ses frais irrépétibles, et la déboute lui-même de ce chef de prétention ;

Condamne la société Stokomani aux dépens de première instance et d'appel.

Et le présent arrêt a été signé par le président de chambre, président de la collégialité, et par le greffier

Karine DUPONT Laurence DUVALLET


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Orléans
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 21/00296
Date de la décision : 23/03/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-03-23;21.00296 ?
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