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21/03/2023 | FRANCE | N°21/00218

France | France, Cour d'appel d'Orléans, Chambre sociale, 21 mars 2023, 21/00218


C O U R D ' A P P E L D ' O R L É A N S

CHAMBRE SOCIALE - A -

Section 1

PRUD'HOMMES

Exp +GROSSES le 21 MARS 2023 à

Me Valérie VIALA

la SCP SIMARD VOLLET OUNGRE CLIN









FCG

ARRÊT du : 21 MARS 2023



MINUTE N° : - 23



N° RG 21/00218 - N° Portalis DBVN-V-B7F-GI7L



DÉCISION DE PREMIÈRE INSTANCE : CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE D'ORLÉANS en date du 14 Décembre 2020 -

Section : COMMERCE







APPELANT :


r>Monsieur [S] [L]

né le 27 Août 1962 à TIRANA (ALBANIE)

[Adresse 1]

[Localité 3]



représenté par Me Valérie VIALA, avocat au barreau d'ORLEANS



ET



INTIMÉE :



S.A.R.L. DIVA agissant poursuites et ...

C O U R D ' A P P E L D ' O R L É A N S

CHAMBRE SOCIALE - A -

Section 1

PRUD'HOMMES

Exp +GROSSES le 21 MARS 2023 à

Me Valérie VIALA

la SCP SIMARD VOLLET OUNGRE CLIN

FCG

ARRÊT du : 21 MARS 2023

MINUTE N° : - 23

N° RG 21/00218 - N° Portalis DBVN-V-B7F-GI7L

DÉCISION DE PREMIÈRE INSTANCE : CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE D'ORLÉANS en date du 14 Décembre 2020 -

Section : COMMERCE

APPELANT :

Monsieur [S] [L]

né le 27 Août 1962 à TIRANA (ALBANIE)

[Adresse 1]

[Localité 3]

représenté par Me Valérie VIALA, avocat au barreau d'ORLEANS

ET

INTIMÉE :

S.A.R.L. DIVA agissant poursuites et diligences de son gérant domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Localité 4]

représentée par Me Antoine VOLLET de la SCP SIMARD VOLLET OUNGRE CLIN, avocat au barreau d'ORLEANS

Ordonnance de clôture : 7 décembre 2023

Audience publique du 03 Janvier 2023 tenue par Madame Florence CHOUVIN-GALLIARD, Conseiller, et ce, en l'absence d'opposition des parties, assistée lors des débats de Mme Karine DUPONT, Greffier.

Après délibéré au cours duquel Madame Florence CHOUVIN-GALLIARD, Conseiller a rendu compte des débats à la Cour composée de :

Monsieur Alexandre DAVID, président de chambre, président de la collégialité,

Madame Laurence DUVALLET, présidente de chambre,

Madame Florence CHOUVIN-GALLIARD, conseiller

Puis le 21 mars 2023, Monsieur Alexandre DAVID, président de Chambre, assisté de Mme Karine DUPONT, Greffier a rendu l'arrêt par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

FAITS ET PROCÉDURE

Suivant contrat de travail à durée indéterminée du 1er janvier 2016, la SARL Diva a engagé M. [S] [L], en qualité de portier, statut employé, niveau 1, échelon 1 de la convention collective nationale des hôtels, cafés restaurants (HCR) du 30 avril 1997. M. [S] [L] a été engagé pour un horaire hebdomadaire de 21 heures, réparties du mercredi au vendredi, 7 heures par jour et du jeudi au samedi, 7 heures par jour, avec une rémunération mensuelle de 1092 €.

La SARL Diva a pour activité l'exploitation d'un débit de boisson et, jusqu'au 16 octobre 2016, d'une discothèque.

M. [S] [L] avait pour fonction d'assurer la sécurité et le filtrage des clients de la discothèque.

À compter du 10 août 2016, M. [S] [L] a été placé en arrêt maladie. À l'issue de la visite de reprise, le 10 octobre 2017 le médecin du travail l'a déclaré inapte à son poste en une seule visite.

Par courrier du 10 janvier 2018, la SARL Diva a convoqué M. [S] [L] à un entretien préalable à licenciement pour inaptitude.

Par courrier du 3 février 2018, la SARL Diva a notifié à M. [S] [L] son licenciement pour inaptitude physique faisant obstacle à tout reclassement dans un emploi dans l'entreprise.

Le 13 mars 2018, M. [S] [L] a saisi le conseil de prud'hommes d'Orléans aux fins de contester son licenciement, le considérant comme nul, son inaptitude ayant été provoquée par le harcèlement qu'il avait subi, subsidiairement de voir juger son licenciement sans cause réelle et sérieuse et en tout état de cause, afin de voir condamner la SARL Diva aux dépens, à lui remettre les documents de fin de contrat rectifiés sous astreinte, et au paiement de diverses sommes (dommages-intérêts en réparation du préjudice causé par le harcèlement moral et les manquements répétés de l'employeur à son obligation de santé et sécurité au travail, indemnité compensatrice de préavis et congés payés afférents, indemnité légale de licenciement, congés payés non pris, dommages-intérêts pour licenciement nul ou subsidiairement dépourvu de cause réelle et sérieuse, rappel de salaires, indemnité pour travail dissimulé, dommages-intérêts pour remise tardive des documents de fin de contrat, indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile), avec exécution provisoire.

La SARL Diva a demandé au conseil de prud'hommes de débouter M. [S] [L] de ses demandes.

Le conseil de prud'hommes d'Orléans, le 14 décembre 2020, a rendu le jugement suivant, auquel il est renvoyé pour un ample exposé du litige :

« - NE RECONNAÎT PAS l'existence d'un harcèlement moral subi par M. [S] [L],

- DIT qu'il n'y a pas lieu à prononcer la nullité du licenciement de M. [S] [L] ,

- CONFIRME le licenciement pour inaptitude de M. [S] [L] , notifié le 3 février 2018,

- DÉBOUTE M. [S] [L] de toutes ses demandes,

- DIT qu'il n'y a pas lieu au remboursement des allocations-chômage à pôle emploi par la SARL Diva ,

- CONDAMNE M. [S] [L] aux dépens. ».

Par déclaration adressée par voie électronique au greffe de la cour en date du 21 janvier 2021, M. [S] [L] a relevé appel de cette décision.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :

Vu les dernières conclusions enregistrées au greffe le 22 juin 2021, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé détaillé des prétentions et moyens présentés en application de l'article 455 du code de procédure civile, aux termes desquelles M. [S] [L] demande à la cour de:

Dire recevable et bien fondé l'appel de M. [S] [L] à l'encontre du jugement rendu le 14 décembre 2020 par le conseil de prud'hommes d'Orléans,

Réformer le jugement entrepris en toutes ces dispositions et , statuant à nouveau :

1 ' sur les faits de harcèlement moral subis par M. [S] [L] et les manquements répétés de l'employeur à ses obligations de santé-sécurité au travail, de prévention des risques psycho-sociaux et d'exécution de bonne foi du contrat de travail:

Constater que M. [S] [L] a subi du mois d'avril 2016 au mois d'août 2017, de la part de son employeur, des comportements répétés constitutifs de harcèlement moral au sens de l'article L. 1152-1 du code du travail.

Constater que la SARL Diva a également manqué pendant la même période envers M. [S] [L] à son obligation de santé ' sécurité au travail et à son obligation d'exécuter de bonne foi le contrat de travail.

Condamner la SARL Diva à payer à M. [S] [L] la somme de 30 000 € en réparation des conséquences dommageables des agissements de harcèlement moral qu'elle a commis et de ses manquements répétés à l'obligation de santé-sécurité au travail, de prévention des risques psycho-sociaux et d'exécution de bonne foi du contrat de travail.

2 ' sur la rupture du contrat de travail :

Juger que l'inaptitude définitive prononcée le 10 octobre 2017 par la médecine du travail a eu pour seule origine l'état dépressif et la dégradation de l'état de santé de M. [L] réactionnel aux agissements de harcèlement moral dont il a été la victime.

En conséquence , à titre principal, prononcer la nullité du licenciement notifié le 3 février 2018 à M. [S] [L] ,

A titre subsidiaire dire ce licenciement abusif et sans cause réelle et sérieuse.

3 ' sur les conséquences de la rupture du contrat de travail :

Condamner la SARL Diva à payer à M. [S] [L] les indemnités suivantes :

- indemnités légales de licenciement : 3197,12 €

-indemnités de préavis : 5 480 €

- congés payés sur préavis : 548 €

-congés payés non pris : 6850 €

- dommages et intérêts pour licenciement nul ou pour licenciement abusif et sans cause réelle et sérieuse : 40 000 €

- rappel de salaires : 8564,75 €

- rappel d'heures supplémentaires : 11 448 €

- congés payés sur heures supplémentaires : 1144,80 €

- indemnité pour travail dissimulé : 16 442,40

- dommages et intérêts pour remise tardive des documents de fin de contrat : 2000 €

Ordonner à la SARL Diva de remettre à M. [S] [L] sous astreinte de 150 € par jour à compter du jugement à intervenir les documents de fin de contrat conformes.

Condamner la SARL Diva à rembourser les allocations chômage versées depuis le jour du licenciement jusqu'à la date du jugement.

Condamner la SARL Diva au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile à payer à M. [S] [L] une somme de 5000 € pour ses frais irrépétibles devant le conseil de prud'hommes et la somme de 5000 € pour ses frais irrépétibles devant la cour d'appel,

Condamner la SARL Diva aux entiers dépens.

Débouter la SARL Diva de toutes ses demandes, fins ou conclusions plus amples ou contraires.

Assortir l'arrêt à intervenir de l'exécution provisoire.

Vu les dernières conclusions enregistrées au greffe le 19 juillet 2021, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé détaillé des prétentions et moyens présentés en application de l'article 455 du code de procédure civile, aux termes desquelles la SARL Diva demande à la cour de :

Débouter M. [S] [L] de son appel du jugement rendu par le conseil de prud'hommes d'Orléans, le 14 décembre 2020.

En conséquence, confirmer purement et simplement ladite décision.

Condamner M. [S] [L] à payer à la société Diva la somme de 2000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 7 décembre 2022.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la demande de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires

Il résulte des dispositions de l'article L. 3171-4 du code du travail qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant (Soc., 18 mars 2020, pourvoi n° 18-10.919, FP, P + B + R + I).

M. [S] [L] soutient qu'il travaillait :

- le mercredi jusqu'à 8 heures du matin au lieu de 3 heures du matin;

- le jeudi, le vendredi et le samedi de 23h30 jusqu'à 8 heures ou 10 heures.

Le salarié verse aux débats une seule pièce, à savoir un tableau des heures supplémentaires qu'il aurait effectuées d'octobre 2015 au 7 août 2016 soit, pour la période considérée, les mercredis de 3 heures à 8 heures et tous les jeudis, vendredis et samedis de 23h30 à 8 heures ou 10 heures.

Ces éléments sont suffisamment précis pour permettre à l'employeur d'y répondre en produisant ses propres éléments.

L'employeur ne produit pas d'éléments de nature à déterminer le nombre d'heures de travail réellement effectuées par le salarié.

Toutefois, il fait valoir à juste titre qu'au mois d'août 2016 le salarié n'a pas pu effectuer six jours les fins de semaine mais seulement trois jours les jeudi, vendredi et samedi.

L'employeur soutient également que le salarié ne s'explique pas sur les tâches qui auraient été les siennes au-delà de l'heure de fermeture de la boîte de nuit.

Au vu des éléments produits aux débats, il y a lieu de considérer que M. [S] [L] a effectué des heures supplémentaires qui n'ont pas donné lieu à rémunération. Il y a lieu de lui allouer à ce titre la somme de 288 euros brut à titre de rappel de salaire, outre 28,80 euros brut au titre des congés payés afférents. L'employeur sera condamné au paiement de ces sommes.

Le jugement du conseil de prud'hommes est infirmé de ce chef.

Sur la demande d'indemnité pour travail dissimulé

L'article L.8221-1 du code du travail prohibe le travail totalement ou partiellement dissimulé défini par l'article L.8221-3 du même code relatif à la dissimulation d'activité ou exercé dans les conditions de l'article L.8221-5 du même code relatif à la dissimulation d'emploi salarié.

Toutefois, la dissimulation d'emploi salarié prévue par ces textes n'est caractérisée que s'il est établi que l'employeur a agi de manière intentionnelle.

Le caractère intentionnel de la dissimulation d'emploi ne peut se déduire du seul accomplissement d'heures supplémentaires non rémunérées.

Certes, l'employeur n'a pas opéré de contrôle suffisant sur les heures de travail effectivement réalisées par le salarié.

Pour autant, il n'apparaît pas qu'il ait entendu sciemment se soustraire à ses obligations déclaratives ou se soit, en toute connaissance de cause, abstenu de rémunérer des heures de travail dont il savait qu'elles avaient été accomplies. L'élément intentionnel du travail dissimulé n'est pas caractérisé.

Il y a lieu de confirmer le jugement du conseil de prud'hommes en ce qu'il a débouté M. [S] [L] de sa demande d'indemnité pour travail dissimulé.

Sur le harcèlement moral

Aux termes de l'article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir des agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

L'article L. 1152-3 du code du travail prévoit que toute rupture du contrat de travail intervenue en méconnaissance des dispositions des articles L.1152-1 et L.1152-2, toute disposition ou tout acte contraire est nul.

Selon l'article L. 1154-1 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2018-1088 du 8 août 2016, le salarié établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

En application de l'article L. 1154-1 du même code, dans sa rédaction postérieure à la loi précitée, lorsque le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement moral, il incombe à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs, étrangers à tout harcèlement.

Il résulte de ces dispositions que, pour se prononcer sur l'existence d'un harcèlement moral, il appartient au juge d'examiner l'ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d'apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer ou laissent supposer l'existence d'un harcèlement moral au sens de l'article L. 1152-1 du code du travail. Dans l'affirmative, il revient au juge d'apprécier si l'employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

M. [S] [L] allègue qu'il a été victime d'un harcèlement moral et de manquements répétés à l'obligation de santé de sécurité au travail dont l'employeur était débiteur à son égard, à savoir : insultes, menaces, humiliations, propos dégradants en présence de collègues ou de clients, agressions physiques et verbales, non-respect de la durée légale du travail et du repos compensateur, cadences de travail éreintantes. Selon lui, ces agissements ont provoqué une dégradation de ses conditions de travail et ont porté atteinte à ses droits et à sa dignité, altéré sa santé physique et psychologique et compromis son avenir professionnel.

L'employeur conteste tout fait de harcèlement moral.

M. [S] [L] a été embauché le 1er janvier 2016, placé en arrêt travail du 10 août 2016 au 10 octobre 2017, date à laquelle il a été reconnu inapte à tout poste dans l'entreprise.

Au soutien de sa demande, M. [S] [L] verse aux débats :

- un dépôt de main courante du 19 mars 2017 pour injures et menaces de mort concernant des faits ayant eu lieu le 16 mars 2017 entre une heure et deux heures du matin dans le bar Mex, 258, Rue de Bourgogne à [Localité 4] ;

- un dépôt de plainte du 3 août 2017 pour violences ayant entraîné une incapacité travail de moins de 8 jours pour des faits du 31 juillet 2017 après 23 heures toujours dans le bar Mex, 258, Rue de Bourgogne à [Localité 4] ;

La main courante et le dépôt de plainte portent sur des faits imputés à M. [G] [R] [U], né le 26 avril 1948 à Dakar, gérant de la SARL Diva. Aucun élément du dossier ne permet d'établit la matérialité des faits dénoncés par M. [L]. Il convient de relever que M. [S] [L] a adressé à son employeur en recommandé un courrier le 15 mai 2017 ayant pour objet : « plainte contre l'employeur pour harcèlement physique et moral » relatant sur deux pages l'historique de leurs relations. Ce courrier ne mentionne pas les faits du 16 mars 2017 pourtant très récents mais uniquement les faits d'août 2016.

Il est retenu, au vu de ces éléments, que les faits dénoncés dans la main courante du 19 mars 2017 et ceux objet de la plainte du 3 août 2017 ne sont pas matériellement établis.

Ainsi qu'il a été précédemment exposé, le salarié a effectué des heures supplémentaires qui n'ont pas donné lieu à rémunération. Cependant, il n'apparaît pas qu'il ait été soumis à des « cadences de travail éreintantes». Il n'est pas davantage établi qu'il ait travaillé au-delà des durées maximales de travail et que les règles relatives au repos compensateur n'aient pas été respectées. Le fait de travailler au-delà de la durée légale de travail est étranger à tout harcèlement moral.

M. [S] [L] produit également une déclaration d'accident du travail du 29 mars 2017 pour des faits ayant eu lieu le 7 août 2016 à 4 heures du matin.

La Caisse primaire d'assurance maladie, après enquête produite aux débats -audition de M. [S] [L] , du gérant de la SARL Diva et des deux témoins cités par M. [L] : M. [V] [E] et M. [N] [W] - a reconnu le caractère professionnel de l'accident du 7 août 2016, déclaré huit mois après les faits.

M. [S] [L] produit les attestations de M. [V] [E] du 16 juin 2018 et de M. [N] [W] du 19 juin 2018 , intitulés « attestation sur l'honneur valant déclaration d'accident du travail ». Ils indiquent avoir été témoins de l'altercation entre M. [S] [L] et le gérant, c'est-à-dire avoir vu « entre environ 4 h et 5 h » «Babs le patron » jeter une bouteille en direction de « [S] le portier » et entendu une insulte « enculé » sans qu'il soit précisé qui l'a prononcée.

M. [S] [L] produit un arrêt travail qui aurait été délivré par le docteur [C], médecin généraliste, le 7 août 2016, lequel prescrit un arrêt de travail jusqu'au 15 mai 2017, soit un arrêt travail initial de plus de 9 mois pour un salarié qui selon le certificat « se déclare victime d'une agression verbale et physique avec menaces avec bouteille».

M. [S] [L] produit également un 'arrêt de travail initial' rédigé le 10 août 2016 par le Docteur [M] prescrivant un arrêt à compter du 10 août 2016 jusqu'au 13 août 2016, arrêt prescrit sans lien avec un accident, lequel sera renouvelé jusqu'à l'avis d'inaptitude en octobre 2017.

Les éléments médicaux produits aux débats ne permettent pas d'établir un lien entre l'état de santé du salarié et ses conditions de travail, étant précisé que l'intéressé n'a travaillé que quelques mois au sein de la SARL Diva. En effet, dans le cadre de la surveillance d'un diabète le 31 août 2017, la coronarographie a mis en évidence un athérome mono tronculaire avec une sténose qui a nécessité une angioplastie avec implantation d'un stent actif. Les arrêts de travail produits aux débats ne suffisent pas à faire présumer l'existence d'un harcèlement moral de la part de l'employeur. A cet égard, les médecins ayant établi les certificats médicaux et arrêts de travail n'ont pas constaté la réalité des conditions de travail du salarié et n'ont pu que se référer aux doléances et affirmations de celui-ci.

En définitive, le seul fait matériellement établi est l'altercation survenue le 7 août 2016 entre M. [S] [L] et le gérant de la société. Ce fait unique est insuffisant au sens des dispositions de l'article L. 1152-2 du code du travail pour caractériser des faits de harcèlement moral, lequel suppose une répétition d'agissements.

Il y a donc lieu de débouter le salarié de sa demande de voir juger qu'il a subi des faits de harcèlement moral et de sa demande de dommages-intérêts pour harcèlement moral.

Sur la demande relative à la nullité du licenciement

M. [S] [L] soutient que son inaptitude avait pour origine les faits de harcèlement moral qu'il a subi et qu'il s'ensuit que son licenciement est nul.

Aucun fait de harcèlement moral n'ayant été retenu, M. [S] [L] est débouté de sa demande de voir juger son licenciement nul et de ses demandes pécuniaires subséquentes.

Sur la demande de dommages-intérêts pour manquement de l'employeur à son obligation de sécurité et à son obligation d'exécution de bonne foi du contrat de travail

En application de l'article L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail, l'employeur, tenu d'une obligation de sécurité, doit prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.

Aux termes de l'article L. 1221-1 du code du travail, le contrat de travail s'exécute de bonne foi.

M. [S] [L] fonde sa demande à ce titre non seulement sur les faits de harcèlement moral qui n'ont pas été retenus en raison de l'unicité d'un fait matériellement établi, mais également sur le manquement de l'employeur qui aurait enfreint les règles relatives au temps de travail et lui aurait imposé des cadences de travail épuisantes, sans repos compensateur, ni congés.

Il n'est pas démontré que l'employeur ait soumis le salarié à des cadences de travail épuisantes. Le nombre d'heures supplémentaires retenues sur une période de 8 mois ne permet pas de retenir un manquement de l'employeur à ses obligations en matière de santé et de sécurité au travail.

En revanche, le jet d'une bouteille le 7 août 2016 en direction du salarié constitue pour l'employeur un manquement à son obligation de sécurité et à son obligation d'exécution de bonne foi du contrat de travail.

Il sera alloué à M. [S] [L] la somme de 500 € en réparation de son préjudice.

Sur la demande subsidiaire de voir juger le licenciement sans cause réelle et sérieuse

Le salarié soutient que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse en faisant valoir que son inaptitude est la conséquence des manquements répétés de l'employeur à ses obligations de santé et de sécurité.

Certes, l'altercation survenue le 7 août 2016 procède d'un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité.

Pour autant, l'inaptitude prononcée n'est pas consécutive à ce manquement de l'employeur. A cet égard, la circonstance que le salarié a été placé en arrêt de travail à la suite de cette altercation ne suffit pas à établir que celle-ci aurait eu des répercussions sur l'état de santé du salarié qui auraient été, même pour partie, à l'origine de l'inaptitude.

Ainsi qu'il a été précédemment exposé, l'inaptitude a été prononcée plus d'un an après les faits du 7 août 2016. Il ressort des éléments médicaux produits aux débats que le salarié présentait des pathologies sans lien avec ses conditions de travail et qui sont seules à l'origine de l'inaptitude.

M. [S] [L] est débouté de sa demande de voir juger son licenciement sans cause réelle et sérieuse ainsi que de ses demandes pécuniaires subséquentes d'indemnité de licenciement, d'indemnité de préavis et d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur la demande au titre des salaires de septembre 2017 à mars 2018

La visite de reprise à l'issue de laquelle le médecin du travail a déclaré le salarié inapte à son poste a eu lieu le 10 octobre 2017. L'employeur était donc tenu de reprendre le versement des salaires à compter du 10 novembre 2017. Il produit les bulletins de paie jusqu'au 3 février 2018, date de la rupture du contrat de travail. Pour autant il ne justifie pas du paiement des sommes y figurant.

La SARL Diva sera donc condamnée à payer à M. [S] [L] la somme de 8564,75 € brut à titre de rappel de salaire correspondant aux salaires du 10 novembre 2017 au 3 février 2018.

Sur la demande de dommages-intérêts pour retard à fournir les documents de fin contrat

Les documents de fin contrat sont quérables et non portables. L'employeur a informé son salarié le 12 février 2018, par lettre recommandée, que les documents de fin de contrat étaient tenus à sa disposition.

Il n'est pas établi que le salarié soit venu les chercher ou ait demandé à l'employeur de les lui adresser par voie postale.

De surcroît, le salarié ne justifie pas du préjudice qu'il invoque.

Il est débouté de sa demande de dommages-intérêts à ce titre.

Le jugement du conseil de prud'hommes est confirmé de ce chef.

Sur la demande de paiement de 10 semaines de congés payés non pris

Le salarié qui n'a pas pu bénéficier de la totalité des congés payés auxquels il avait droit à la date de rupture de son contrat de travail peut prétendre à une indemnité compensatrice de congés payés.

M. [S] [L] sollicite le paiement de la somme de 6850 € au titre de dix semaines de congés.

Dans le dispositif de ses conclusions, la SARL Diva demande à la cour de débouter le salarié de l'ensemble de ses demandes. Cependant, dans les motifs de celles-ci, elle n'avance aucun moyen de fait ou de droit à l'appui de cette demande de rejet.

Il y a lieu de fixer l'indemnité compensatrice de congés payés à 2184 € brut et de condamner la SARL Diva à payer cette somme à M. [S] [L].

Sur la demande de remise des documents de fin de contrat

Il convient d'ordonner à la SARL Diva de remettre à M. [S] [L] une attestation Pôle emploi, un certificat de travail et un bulletin de paie conformes aux dispositions du présent arrêt, et ce dans un délai d'un mois à compter de sa signification.

Aucune circonstance ne justifie d'assortir ce chef de décision d'une mesure d'astreinte pour en garantir l'exécution.

Sur la demande d'exécution provisoire

L'arrêt n'étant pas susceptible d'un recours suspensif d'exécution, la demande d'exécution provisoire est sans objet.

Sur les dépens et frais irrépétibles

Les dépens de première instance et d'appel sont à la charge de l'employeur, partie succombante.

Il paraît inéquitable de laisser à la charge du salarié l'intégralité des sommes avancées par lui et non comprises dans les dépens. Il lui sera alloué la somme de 2000 euros au titre des frais irrépétibles de la procédure de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement par arrêt contradictoire, en dernier ressort et prononcé par mise à disposition au greffe;

Infirme le jugement déféré mais seulement en ce qu'il a débouté M. [S] [L] de ses demandes en paiement d'un rappel d'heures supplémentaires, d'une indemnité au titre des congés non pris, d'un rappel de salaire, de dommages-intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité, d'une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile et en ce qu'il a condamné M. [S] [L] aux dépens ;

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant :

Condamne la SARL Diva à payer à M. [S] [L] les sommes suivantes :

- 8564,75 euros brut à titre de rappel de salaire pour la période du 10 novembre 2017 au 3 février 2018 ;

- 288 euros brut à titre de rappel de salaire pour heures supplémentaires ;

- 28,80 euros brut au titre des congés payés afférents ;

- 500 euros à titre de dommages-intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité et manquement à l'obligation d'exécution de bonne foi du contrat de travail ;

- 2184 euros brut à titre d'indemnité compensatrice de congés payés ;

Ordonne à la SARL Diva de remettre à M. [S] [L] une attestation Pôle emploi, un certificat de travail, et un bulletin de paie conformes aux dispositions du présent arrêt et ce dans un délai d'un mois à compter de sa signification ;

Dit n'y avoir lieu à assortir la remise des documents de fin de contrat d'une astreinte ;

Dit que la demande d'exécution provisoire est sans objet ;

Condamne la SARL Diva à payer à M. [S] [L] la somme de 2000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et la déboute de sa demande à ce titre ;

Condamne la SARL Diva aux dépens de première instance et d'appel.

Et le présent arrêt a été signé par le président de chambre et par le greffier

Karine DUPONT Alexandre DAVID


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Orléans
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 21/00218
Date de la décision : 21/03/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-03-21;21.00218 ?
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