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21/03/2023 | FRANCE | N°21/00042

France | France, Cour d'appel d'Orléans, Chambre sociale, 21 mars 2023, 21/00042


C O U R D ' A P P E L D ' O R L É A N S

CHAMBRE SOCIALE - A -

Section 1

PRUD'HOMMES

Exp +GROSSES le 21 MARS 2023 à

la SELARL LESIMPLE-COUTELIER & PIRES

la SCP OMNIA LEGIS







FCG



ARRÊT du : 21 MARS 2023



MINUTE N° : - 23



N° RG 21/00042 - N° Portalis DBVN-V-B7F-GITP



DÉCISION DE PREMIÈRE INSTANCE : CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE TOURS en date du 10 Décembre 2020 - Section : ACTIVITÉS DIVERSES







APPELANT :



Monsieur [C] [D]

né le 20 Novembre 1988 à [Localité 5]

[Adresse 4]

[Localité 3]



représenté par Me Catherine LESIMPLE-COUTELIER de la SELARL LESIMPLE-COUTELIER & PIRES, avocat au barreau d...

C O U R D ' A P P E L D ' O R L É A N S

CHAMBRE SOCIALE - A -

Section 1

PRUD'HOMMES

Exp +GROSSES le 21 MARS 2023 à

la SELARL LESIMPLE-COUTELIER & PIRES

la SCP OMNIA LEGIS

FCG

ARRÊT du : 21 MARS 2023

MINUTE N° : - 23

N° RG 21/00042 - N° Portalis DBVN-V-B7F-GITP

DÉCISION DE PREMIÈRE INSTANCE : CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE TOURS en date du 10 Décembre 2020 - Section : ACTIVITÉS DIVERSES

APPELANT :

Monsieur [C] [D]

né le 20 Novembre 1988 à [Localité 5]

[Adresse 4]

[Localité 3]

représenté par Me Catherine LESIMPLE-COUTELIER de la SELARL LESIMPLE-COUTELIER & PIRES, avocat au barreau de TOURS

ET

INTIMÉ :

Monsieur [O] [I], majeur sous tutelle, représenté par son tuteur légal, Madame [H] [B],

[Adresse 1]

[Localité 2]

représenté par Me Antoine PLESSIS de la SCP OMNIA LEGIS, avocat au barreau de TOURS

Ordonnance de clôture : 7 décembre 2022

Audience publique du 03 Janvier 2023 tenue par Madame Florence CHOUVIN-GALLIARD, Conseiller, et ce, en l'absence d'opposition des parties, assistée lors des débats de Mme Karine DUPONT, Greffier.

Après délibéré au cours duquel Madame Florence CHOUVIN-GALLIARD, Conseiller a rendu compte des débats à la Cour composée de :

Monsieur Alexandre DAVID, président de chambre, président de la collégialité,

Madame Laurence DUVALLET, présidente de chambre,

Madame Florence CHOUVIN-GALLIARD, conseiller

Puis le 21 Mars 2023, Monsieur Alexandre DAVID, président de Chambre, assisté de Mme Karine DUPONT, Greffier a rendu l'arrêt par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

FAITS ET PROCÉDURE

M. [C] [D] a été engagé à compter du 14 septembre 2017 en qualité d'accompagnateur par M. [O] [I], majeur protégé, représenté par sa tutrice Mme [H] [B]. Sa s'ur, [G] [D], a également été engagée, dans les mêmes conditions, en qualité d'accompagnatrice de M. [O] [I].

Aucun contrat de travail n'a été établi par écrit. Le salarié a été rémunéré via le dispositif du chèque emploi service universel.

La relation de travail était soumise aux dispositions de la convention collective nationale des salariés du particulier employeur du 24 novembre 1999.

En septembre 2018, Mme [H] [B], en sa qualité de tutrice de M. [O] [I], a demandé à M. [C] [D] de ne plus venir travailler.

Le 15 février 2019, M. [C] [D] a saisi le conseil de prud'hommes de Tours.

Par courrier du 20 mai 2019, le conseil de M. [O] [I], représenté par sa tutrice Mme [H] [B], a adressé à M. [C] [D] les documents de rupture : certificat de travail et attestation Pôle emploi.

Dans le dernier état de ses demandes, M. [C] [D] a demandé au conseil de prud'hommes de prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail pour licenciement abusif intervenu le 20 mai 2019 et de condamner M. [O] [I], représenté par Mme [H] [B], à lui verser diverses sommes à titre de rappel de salaires, dommages-intérêts et indemnités pour travail dissimulé.

M. [O] [I], représenté par sa tutrice Mme [H] [B], a demandé au conseil de prud'hommes de débouter M. [C] [D] de ses demandes et de le condamner à verser solidairement à M. [O] [I] et Mme [H] [B] la somme de 2156 € en réparation de leur préjudice matériel et la somme de 5000 € en raison de leur préjudice moral ainsi qu'à verser à M. [O] [I] la somme de 2000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Le conseil de prud'hommes de Tours, le 10 décembre 2020, a rendu le jugement suivant, entre M. [C] [D] et M. [O] [I], auquel il est renvoyé pour un ample exposé du litige:

- Condamne Monsieur [O] [I] à verser à Monsieur [C] [D] :

500 euros de dommages et intérêts pour vice de forme et absence d'entretien préalable;

500 euros de dommages et intérêts pour rupture brutale du contrat de travail ;

100,62 euros au titre de l'indemnité de licenciement.

- Ordonne à Monsieur [O] [I] la remise à Monsieur [C] [D] d'une attestation Pôle Emploi, un certificat de travail et un bulletin de paie conformes au jugement à compter du 15ème jour de retard après notification du présent jugement, le Conseil réservant le droit de liquider l'astreinte ;

- Déboute Monsieur [C] [D] du surplus de ses demandes ;

- Déboute Monsieur [O] [I] de ses demandes reconventionnelles ;

- Condamne Monsieur [O] [I] aux entiers dépens et aux frais éventuels d'exécution et émoluments d'huissier.

Par déclaration adressée par voie électronique au greffe de la cour le 5 janvier 2021, M. [C] [D] a relevé appel de cette décision.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Vu les dernières conclusions enregistrées au greffe le 15 novembre 2022, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé détaillé des prétentions et moyens présentés en application de l'article 455 du code de procédure civile, aux termes desquelles M. [C] [D] demande à la cour de:

Sans s'arrêter ni avoir égard aux moyens, fins et conclusions contraires,

Dire et juger la demande de M. [C] [D], recevable et bien fondée ;

En conséquence :

Infirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Tours du 10 décembre 2020 (RG 19/00082 - section activités diverses) en ce qu'il a débouté M. [C] [D] de sa demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail à titre principal, de sa demande de reconnaissance de licenciement abusif à titre subsidiaire,

Infirmer le jugement du conseil de prud'hommes en ce qu'il a débouté M. [C] [D] de sa demande de 9555,24 € de dommages et intérêt pour résiliation judiciaire de son contrat de travail à titre principal ou reconnaissance de licenciement abusif à titre subsidiaire,

Infirmer le jugement du conseil de prud'hommes en ce qu'il a débouté M. [C] [D] de sa demande de 28'577,50 € de rappel de salaire net sur temps plein, congés payés inclus,

Infirmer le jugement du conseil de prud'hommes en ce qu'il a débouté M. [C] [D] de sa demande de 1 744,21 € de rappel de salaire sur préavis y ajoutant 174,42 € de congés-payés afférents,

Infirmer le jugement du conseil de prud'hommes en ce qu'il a débouté M. [C] [D] de sa demande de 9 555,24 € d'indemnité pour travail dissimulé,

Infirmer le jugement du conseil de prud'hommes en ce qu'il a débouté M. [C] [D] de sa demande de 270 € de remboursement de frais d'huissier,

Infirmer le jugement du conseil de prud'hommes en ce qu'il a débouté M. [C] [D] de sa demande de 2 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Confirmer le jugement en ce qu'il a jugé qu'il y avait lieu à condamner au paiement d'une indemnité de licenciement sauf à en réévaluer le quantum.

Confirmer le jugement en ce qu'il a jugé qu'il y avait matière à condamnation au titre de la rupture brutale et vexatoire du contrat sauf à en réévaluer le quantum.

Statuant à nouveau

Condamner M. [O] [I] majeur sous tutelle représenté par Mme [H] [B] à lui payer les sommes de :

- 1 744,21 € au titre du vice de forme en raison de l'absence de convocation à entretien préalable au licenciement

- 5 000 € au titre des dommages et intérêts pour rupture brutale et vexatoire par remise le 20 mai des documents de rupture du contrat de travail erronés sans respect de procédure

- 9 555,24 € au titre des dommages et intérêts résultant de résiliation judiciaire emportant les effets d'un licenciement abusif ou subsidiairement au titre du licenciement abusif intervenu le 20 /05/ 2019

- 9 555,24 € au titre des dommages et intérêts pour travail dissimulé

- 1 744,21 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis

- 159,25 € au titre des congés payés sur préavis

- 763,09 € au titre de l'indemnité de licenciement

- 28'577,50 € au titre du rappel de salaires net sur temps plein congés payés inclus

- 270 € au titre des frais engagés pour la transcription des frais d'huissier ;

Condamner M. [O] [I] majeur sous tutelle représenté par Mme [H] [B] à payer à Maître Catherine Lesimple Coutelier, avocat associée de la SELARL Lesimple-Coutelier & Pirès, la somme de 2 000 € sur le fondement de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, à charge pour elle de renoncer à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat ;

Condamner Monsieur [O] [I] majeur sous tutelle représenté par [H] [B], aux entiers dépens qui comprendront le cas échéant les frais d'exécution forcée.

Vu les dernières conclusions enregistrées au greffe le 29 juin 2021, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé détaillé des prétentions et moyens présentés en application de l'article 455 du code de procédure civile, aux termes desquelles M. [O] [I], majeur sous tutelle représenté par Mme [H] [B], demande à la cour de :

- débouter M. [C] [D] de l'intégralité de ses demandes, fins et prétentions,

Et en conséquence,

- confirmer le jugement du conseil des prud'hommes en toutes ses dispositions.

- condamner M. [C] [D] à verser à M. [O] [I] la somme de 3000 euros en applications des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 7 décembre 2022.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la rupture du contrat de travail

M. [C] [D] a saisi le 15 février 2019 la juridiction prud'homale d'une action tendant au prononcé de la résiliation judiciaire du contrat de travail. Il convient par conséquent de déterminer si, comme le soutient l'employeur, le contrat de travail était déjà rompu lorsque le salarié a saisi le conseil de prud'hommes.

M. [O] [I], représenté par sa tutrice Mme [H] [B], n'est pas fondé à soutenir que le contrat de travail a été rompu courant septembre 2018. Certes, le 12 septembre 2018, Mme [H] [B] a demandé au salarié de ne plus venir travailler et de lui remettre les clés de son logement. Cependant, dans ses conclusions (p. 2), l'employeur soutient que cette mesure constitue une mise à pied conservatoire ayant pris effet le 12 septembre 2018.

Mme [H] [B], en sa qualité de tutrice de M. [O] [I], a organisé un rendez-vous dans un restaurant le 29 novembre 2018 avec Mme [G] [D] et M. [C] [D], en se faisant accompagner de M. [U]. Il ressort de l'attestation de ce dernier, qui emporte la conviction de la cour, que Mme [H] [B] a manifesté sa volonté de rompre le contrat et a tenté de remettre à Mme [G] [D] et à M. [C] [D] les documents de rupture qu'elle avait préalablement préparés. La circonstance que les salariés aient refusé, avec véhémence, de prendre possession de ces documents est sans incidence sur la rupture, dès lors que l'employeur a manifesté sans équivoque sa volonté de mettre fin à la relation de travail. De même, il importe peu que l'employeur ait attendu le 20 mai 2019 pour transmettre par la voie de son avocat les documents de rupture.

Le fait que l'employeur ait continué à verser des salaires à M. [C] [D] jusqu'en décembre 2018 et ait établi en mai 2019 un certificat de travail mentionnant une date de sortie au 20 décembre 2018 n'est pas de nature à infirmer cette conclusion. En effet, ces éléments ne permettent pas de caractériser une volonté de l'employeur de renoncer au licenciement prononcé verbalement le 29 novembre 2018, étant précisé qu'il n'a pas pris attache avec le salarié postérieurement à cette date pour revenir sur sa décision et pour lui demander de reprendre le travail. Il apparaît au contraire que l'employeur a engagé une nouvelle accompagnatrice pour M. [O] [I] à compter de décembre 2018.

Il y a donc lieu de retenir que le contrat de travail a été rompu le 29 novembre 2018, avant que M. [C] [D] ait saisi le conseil de prud'hommes d'une demande de résiliation judiciaire du contrat de travail.

Sur la demande de rappel de salaire au titre d'un contrat à temps plein

Les dispositions du code du travail relatives à la durée du travail et au travail à temps partiel ne sont pas applicables aux employés de maison qui travaillent au domicile privé de leur employeur et sont soumis à la convention collective nationale des salariés du particulier employeur du 24 novembre 1999 (Soc., 16 juin 2021, pourvoi n° 19-25.460).

L'article L.7221-2 du code du travail énumère les dispositions du code du travail applicables au salarié employé de maison. L'article L.3123-6 du même code, sur lequel M. [C] [D] fonde sa demande de requalification du contrat à temps partiel, n'en fait pas partie.

Aussi, il y a lieu de dire que M. [C] [D] ayant été engagé en qualité d'accompagnateur par M. [O] [I], représenté par sa tutrice Mme [H] [B], la relation de travail est régie par la seule convention collective nationale des salariés du particulier employeur du 24 novembre 1999. Le salarié ne peut donc pas prétendre à obtenir la requalification de son contrat en contrat à temps complet (en ce sens, Soc., 5 juillet 2017, pourvoi n° 16-10.841, Bull. 2017, V, n° 115 et Soc., 7 décembre 2017, pourvoi n° 16-12.809, Bull. 2017, V, n° 210).

L'utilisation du chèque emploi-service universel est à cet égard sans incidence. De même, doit être écarté le moyen du salarié selon lequel le contrat doit être requalifié à temps plein en l'absence d'établissement d'un contrat écrit.

Sur la demande de rappel de salaire

L'utilisation du chèque emploi-service universel (CESU) ne fait pas obstacle à l'application des dispositions de l'article L. 3171-4 relatives à la preuve de l'existence ou du nombre d'heures de travail accomplies (Soc., 17 octobre 2012, pourvoi n° 10-14.248, Bull. 2012, V, n° 268).

Il résulte des dispositions de l'article L. 3171-4 du code du travail qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant (Soc., 18 mars 2020, pourvoi n° 18-10.919, FP, P + B + R + I).

A l'appui de ses prétentions selon lesquelles il accomplissait un horaire de 35 heures par semaine, M. [C] [D] produit :

- un courrier du conseil de Mme [B] en date du 6 décembre 2018,

- ses bulletins de paie,

- une attestation de Mme [W], auxiliaire de vie, qui atteste dans les termes suivants : « [C] et [G] [D] travaillaient tous les deux à temps plein chez [H] [B] et ils s'occupaient très bien de [O] tous les deux et [O] était très heureux avec eux et elle m'a dit qu'elle ne pouvait plus les garder tous les deux car les aides avaient été réduites par l'État, finalement elle m'a dit que l'administration s'est trompée et que tout va bien. »

- un courrier de Mme [B] du 4 juin 2018, ainsi rédigé « J'ai fait la connaissance de [G] et [C] [D] le 12 septembre 2017. Le contrat de la précédente accompagnatrice ayant pris fin, j'ai passé une annonce sur plusieurs sites d'emplois familiaux et ils y ont répondu. Ils travaillent donc auprès de [O] depuis septembre 2017, d'abord les lundi, mardi, mercredi après-midi et le jeudi toute la journée une autre accompagnatrice faisant le lundi, mardi et mercredi matin. Ce poste est un travail difficile qui nécessite un grand équilibre personnel, une bienveillance à toute épreuve, de la patience et un sens aigu de la pédagogie afin que [O], non seulement ne régresse pas, mais aussi progresse. (') Notre famille et nos amis ont constaté les progrès de [O] à leurs côtés, d'autant que depuis le mois de janvier 2018 et au vu de la qualité de leur travail je leur ai proposé le temps plein lorsque l'autre accompagnatrice est partie en congé maternité. (')».

- des échanges de SMS avec Mme [H] [B] ,

- un tableau récapitulatif de ses heures de travail,

- des attestations établies par le voisinage, les commerçants, certifiant l'avoir croisée régulièrement avec sa s'ur et [O] [I] ; par exemple M. [Z] qui indique « je voyais passer quotidiennement M. [C] [D] et Mademoiselle [G] [D] accompagnant un jeune handicapé prénommé [O]. Je les voyais passer tous les matins et tous les après-midi tous les trois. » ;

- des échanges SMS entre lui et Mme [H] [B] ou sa s'ur, relatifs aux courses;

- un procès-verbal de constat d'huissier de justice dans lequel il expose avoir été employé avec sa s'ur de septembre 2017 à septembre 2018 en qualité d'accompagnateurs de [O] [I], adulte handicapé autiste.

Ces éléments sont suffisamment précis pour permettre à l'employeur d'y répondre en produisant ses propres éléments.

M. [O] [I], représenté par sa tutrice Mme [H] [B], ne produit pas d'éléments de nature à déterminer le nombre d'heures de travail réellement effectuées par M. [C] [D].

Il ressort cependant du courrier du 4 juin 2018, produit par le salarié, que celui-ci, jusqu'en janvier 2018, travaillait seulement les lundi, mardi et mercredi après-midi ainsi que le jeudi toute la journée. Cet écrit est notamment corroboré par l'attestation de Mme [W], que rien ne permet d'écarter même si elle ne précise aucune date.

Il y a donc lieu de considérer que ce n'est qu'à compter de janvier 2018 que M. [C] [D] a été employé à hauteur de 35 heures par semaine. Il a accompli un travail effectif jusqu'au 12 septembre 2018, date à laquelle Mme [H] [B] lui a demandé de lui restituer les clés du logement. Cela ressort de ce qu'il a rapporté à l'huissier de justice qu'il a mandaté pour établir un constat indiquant qu'il a travaillé de septembre 2017 à septembre 2018.

Le salarié a été rémunéré partiellement jusqu'à fin décembre 2018. Il y a lieu de considérer que les parties sont expressément convenues de fixer la durée de travail à 35 heures par semaine à compter de janvier 2018, ainsi que cela ressort du courrier précité de Mme [B]. L'employeur n'était pas fondé, après avoir infligé au salarié une mise à pied conservatoire le 12 septembre 2018, à attendre le 29 novembre 2018 pour rompre le contrat de travail. Il est tenu au paiement des salaires qui auraient été dus à M. [C] [D] s'il avait travaillé entre le 12 septembre 2018 et le 29 novembre 2018.

Au vu des éléments produits par l'une et l'autre des parties, il y a lieu de fixer la créance de rappel de salaire de M. [C] [D] à 14'478,50 euros brut, outre 1447,85 euros brut au titre des congés payés afférents.

Sur la demande d'indemnité pour travail dissimulé

L'article L.8221-1 du code du travail prohibe le travail totalement ou partiellement dissimulé défini par l'article L.8221-3 du même code relatif à la dissimulation d'activité ou exercé dans les conditions de l'article L.8221-5 du même code relatif à la dissimulation d'emploi salarié.

Toutefois, la dissimulation d'emploi salarié prévue par ces textes n'est caractérisée que s'il est établi que l'employeur a agi de manière intentionnelle.

Le caractère intentionnel de la dissimulation d'emploi ne peut se déduire du seul accomplissement d'heures supplémentaires non rémunérées.

Certes, l'employeur n'a pas opéré de contrôle suffisant sur les heures de travail effectivement réalisées par la salariée.

Pour autant, il n'apparaît pas qu'il ait entendu sciemment se soustraire à ses obligations déclaratives ou se soit, en toute connaissance de cause, abstenu de rémunérer des heures de travail dont il savait qu'elles avaient été accomplies. L'élément intentionnel du travail dissimulé n'est pas caractérisé.

M. [C] [D] est débouté de sa demande en paiement d'une indemnité pour travail dissimulé.

Sur la qualification de la rupture

Il résulte des dispositions combinées de l'article 12 de la convention collective nationale des salariés du particulier employeur du 24 novembre 1999, étendue par arrêté du 2 mars 2000, et des articles L. 1111-1 et L. 7221-2 du code du travail que le bien-fondé du licenciement de l'employé de maison pour une cause réelle et sérieuse n'est soumis qu'aux dispositions de la convention collective (Soc., 16 septembre 2015, pourvoi n° 14-11.990, Bull. 2015, V, n° 165).

L'employeur qui prend l'initiative de rompre le contrat de travail ou qui le considère comme rompu du fait du salarié doit mettre en oeuvre la procédure de licenciement. A défaut, la rupture s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse (Soc., 5 juin 2019, pourvoi n° 17-27.118).

M. [O] [I], représenté par sa tutrice Mme [H] [B], après avoir demandé à M. [C] [D] de lui restituer les clés de son logement en raison d'une faute qu'il lui imputait n'a pas engagé de procédure de licenciement.

Il y a lieu d'en déduire que la rupture intervenue le 29 novembre 2018 s'analyse en un licenciement verbal, sans cause réelle et sérieuse.

Sur les conséquences pécuniaires de la rupture

La durée du préavis est d'un mois. Il y a lieu de fixer l'indemnité compensatrice de préavis en considération de la rémunération que M. [C] [D] aurait perçue s'il avait travaillé durant cette période, soit à 1744,20 € brut outre 159,25 € brut au titre des congés payés afférents.

La convention collective nationale des salariés du particulier employeur du 24 novembre 1999 prévoit que l'indemnité de licenciement n'est due qu'au salarié ayant au moins 2 ans d'ancienneté ininterrompue au service du même employeur.

L'article L. 1234-9 du code du travail dispose que le salarié titulaire d'un contrat de travail à durée indéterminée, licencié alors qu'il compte 8 mois d'ancienneté ininterrompue au service du même employeur, a droit, sauf en cas de faute grave, à une indemnité de licenciement. Ce texte s'applique à tous les salariés y compris les salariés du particulier employeur (Soc., 7 mars 2012, pourvoi n° 10-28.222)

Il y a lieu de fixer l'indemnité de licenciement à 763,09 € net.

Les dispositions des articles L. 1235-3 et L. 1235-3-1 du code du travail, qui octroient au salarié, en cas de licenciement injustifié, une indemnité à la charge de l'employeur, dont le montant est compris entre des montants minimaux et maximaux variant en fonction du montant du salaire mensuel et de l'ancienneté du salarié et qui prévoient que, dans les cas de licenciements nuls, le barème ainsi institué n'est pas applicable, permettent raisonnablement l'indemnisation de la perte injustifiée de l'emploi.

Le caractère dissuasif des sommes mises à la charge de l'employeur est également assuré par l'application, d'office par le juge, des dispositions de l'article L. 1235-4 du code du travail.

M. [C] [D] a acquis une ancienneté d'une année complète au moment de la rupture alors qu'il était au service d'un particulier employeur. Le montant de l'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse est compris entre 0,5 et 2 mois de salaire.

Compte tenu notamment des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée au salarié, de son âge, de son ancienneté, de sa capacité à retrouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquences du licenciement à son égard, telles qu'elles résultent des pièces et des explications fournies, il y a lieu de condamner l'employeur à payer à M. [C] [D] la somme de 1200 euros brut à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur les dommages-intérêts pour vice de forme et absence d'entretien préalable

Dans son jugement du 10 décembre 2020, le conseil de prud'hommes a alloué à M. [C] [D] la somme de 500 euros à titre de dommages et intérêts pour vice de forme et absence d'entretien préalable.

Dans le dispositif de ses conclusions, M. [O] [I], représenté par sa tutrice Mme [H] [B], sollicite la confirmation du jugement en toutes ses dispositions. Il importe peu à cet égard qu'il demande à la cour de débouter M. [C] [D] de l'intégralité de ses prétentions dès lors qu'il n'a formé aucun appel incident et ne sollicite pas l'infirmation du jugement (2ème Civ., 1er juillet 2021, pourvoi n° 20-10.694, publié au Bulletin et 2e Civ., 17 novembre 2022, pourvoi n° 21-15.521).

La rupture est intervenue sans respect de la procédure de licenciement. Lorsque le licenciement est à la fois dépourvu de cause réelle et sérieuse et entaché d'une irrégularité de forme, le salarié ne peut solliciter que la seule indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Toutefois, l'appel ne pouvant aboutir à l'aggravation de la situation de l'appelant, il y a lieu de confirmer ce chef de jugement.

Sur la demande de dommages-intérêts pour rupture brutale et vexatoire

Dans son jugement du 10 décembre 2020, le conseil de prud'hommes a alloué à M. [C] [D] la somme de 500 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture brutale du contrat de travail.

Dans le dispositif de ses conclusions, M. [O] [I], représenté par sa tutrice Mme [H] [B], sollicite la confirmation du jugement en toutes ses dispositions. Il importe peu à cet égard qu'il demande à la cour de débouter M. [C] [D] de l'intégralité de ses prétentions dès lors qu'il n'a formé aucun appel incident et ne sollicite pas l'infirmation du jugement (2ème Civ., 1er juillet 2021, pourvoi n° 20-10.694, publié au Bulletin et 2e Civ., 17 novembre 2022, pourvoi n° 21-15.521).

Le licenciement peut causer au salarié un préjudice distinct de celui lié à la perte de son emploi, en raison des circonstances brutales ou vexatoires qui l'ont accompagné, permettant au salarié de demander réparation de son préjudice moral.

Pour que le salarié puisse prétendre à des dommages-intérêts, il faut que l'employeur ait commis une faute ayant causé au salarié un préjudice distinct de celui résultant de la perte de son emploi (Soc., 29 octobre 2014, pourvoi n°13-18.173).

Il a été demandé à M. [C] [D] de restituer les clés du logement de Mme [H] [B] le 12 septembre 2018. Il a ensuite été laissé dans l'incertitude sur son sort jusqu'au 29 novembre 2018. Ce comportement de l'employeur est constitutif d'une faute.

Il y a lieu de confirmer le jugement en ce qu'il a alloué à M. [C] [D] la somme de 500 euros à titre de dommages-intérêts de ce chef.

Sur le remboursement des frais d'huissier de justice

M. [C] [D] indique avoir exposé la somme de 270 € pour prendre en charge les frais d'un huissier de justice qu'il a mandaté pour la retranscription de l'enregistrement téléphonique que sa s'ur a eu avec une personne dont ils souhaitaient, l'un et l'autre, le témoignage.

Les frais ainsi exposés ne sont pas inclus dans les dépens et ne sauraient être mis à la charge de la partie adverse. Ils ne peuvent être pris en compte que dans le cadre des frais irrépétibles.

M. [C] [D] est débouté de sa demande à ce titre.

Sur les dépens et frais irrépétibles

Les dépens de première instance et d'appel sont à la charge de l'employeur, partie succombante.

Il paraît inéquitable de laisser à la charge du salarié l'intégralité des sommes avancées par lui et non comprises dans les dépens. Il y a lieu de condamner M. [O] [I], représenté par sa tutrice Mme [H] [B], à payer à Maître Catherine Lesimple Coutelier, avocat associée de la SELARL Lesimple-Coutelier & Pirès, la somme de 1000 euros sur le fondement de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, à charge pour elle de renoncer à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat en cas de recouvrement de cette somme. L'employeur est débouté de sa demande à ce titre.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement par arrêt contradictoire, en dernier ressort et prononcé par mise à disposition au greffe;

Infirme le jugement rendu entre les parties par le conseil de prud'hommes de Tours le 10 décembre 2020 mais seulement en ce qu'il a alloué à M. [C] [D] la somme de 100,62 euros à titre d'indemnité de licenciement et en ce qu'il l'a débouté de ses demandes tendant à la reconnaissance d'un licenciement abusif et à la condamnation de l'employeur au paiement d'un rappel de salaire, d'une indemnité compensatrice de préavis et d'une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant :

Dit que le licenciement de M. [C] [D], intervenu le 29 novembre 2018, est sans cause réelle et sérieuse ;

Condamne M. [O] [I], représenté par sa tutrice Mme [H] [B], à payer à M. [C] [D] les sommes suivantes :

- 14'478,50 euros brut à titre de rappel de salaire ;

- 1447,85 euros brut au titre des congés payés afférents ;

- 1744,20 euros brut à titre d'indemnité compensatrice de préavis ;

- 159,25 euros brut au titre des congés payés afférents ;

- 763,09 euros net à titre d'indemnité de licenciement ;

- 1200 euros brut à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Condamne M. [O] [I], représenté par sa tutrice Mme [H] [B], à payer Maître Catherine Lesimple Coutelier, avocat associée de la SELARL Lesimple-Coutelier & Pirès, la somme de 1000 euros sur le fondement de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, à charge pour elle de renoncer à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat en cas de recouvrement de cette somme ;

Condamne M. [O] [I], représenté par sa tutrice Mme [H] [B], aux dépens de première instance et d'appel.

Et le présent arrêt a été signé par le président de chambre et par le greffier

Karine DUPONT Alexandre DAVID


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Orléans
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 21/00042
Date de la décision : 21/03/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-03-21;21.00042 ?
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