COUR D'APPEL D'ORLÉANS
CHAMBRE DES AFFAIRES DE SÉCURITÉ SOCIALE
GROSSE à :
SARL [4]
CPAM DU CHER
EXPÉDITION à :
MINISTRE CHARGÉ DE LA SÉCURITÉ SOCIALE
Pôle social du Tribunal judiciaire de BOURGES
ARRÊT DU : 14 MARS 2023
Minute n°112/2023
N° RG 20/02358 - N° Portalis DBVN-V-B7E-GHVJ
Décision de première instance : Pôle social du Tribunal judiciaire de BOURGES en date du 15 Octobre 2020
ENTRE
APPELANTE :
SARL [4]
[Adresse 3]
[Adresse 3]
[Adresse 3]
Représentée par M. [K] [I], gérant, en vertu d'un pouvoir spécial
D'UNE PART,
ET
INTIMÉE :
CPAM DU CHER
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Représentée par Mme [P] [B], en vertu d'un pouvoir spécial
PARTIE AVISÉE :
MONSIEUR LE MINISTRE CHARGÉ DE LA SÉCURITÉ SOCIALE
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Non comparant, ni représenté
D'AUTRE PART,
COMPOSITION DE LA COUR
Lors des débats :
En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 17 JANVIER 2023, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Xavier AUGIRON, Conseiller, chargé du rapport.
Lors du délibéré :
Madame Nathalie LAUER, Président de chambre,
Madame Anabelle BRASSAT-LAPEYRIERE, Conseiller,
Monsieur Xavier AUGIRON, Conseiller
Greffier :
Monsieur Alexis DOUET, Greffier lors des débats et du prononcé de l'arrêt.
DÉBATS :
A l'audience publique le 17 JANVIER 2023.
ARRÊT :
- Contradictoire, en dernier ressort
- Prononcé le 14 MARS 2023 par mise à la disposition des parties au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2ème alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.
- Signé par Madame Nathalie LAUER, Président de chambre et Monsieur Alexis DOUET, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le Magistrat signataire.
* * * * *
M. [L] [G], salarié de la société [4] ([4]), a effectué le 31 août 2018 une déclaration de maladie professionnelle en produisant un certificat médical initial du 17 juillet 2018 mentionnant la survenance d'une épicondylite droite, qualifiée plus précisément par le médecin conseil de la caisse de tendinopathie d'insertion des muscles épicondyliens droits, associée ou non à un syndrome du tunnel radial (tableau n° 57B, maladie affectant le coude)
La caisse primaire d'assurance maladie du Cher a, par lettre du 7 janvier 2019, notifié à la société [4] une décision de prise en charge de cette maladie au titre de la législation professionnelle.
La société [4], contestant cette décision, a saisi la commission de recours amiable de la caisse primaire d'assurance maladie.
Par requête du 4 juin 2019, la société [4] a saisi le Pôle social du tribunal de grande instance de Bourges d'une contestation de la décision implicite de rejet de la commission de recours amiable.
Le tribunal de commerce de Bourges a prononcé par jugement du 27 août 2019 la liquidation judiciaire de la société [4] et désigné Maître [C] [U] en qualité de liquidateur. Ce dernier a été attrait à la procédure devant le tribunal de grande instance.
Par jugement du 15 octobre 2020, le Pôle social du Tribunal judiciaire de Bourges a :
- débouté la société [4] de l'ensemble de ses demandes,
- déclaré opposable à la société [4] la décision de la caisse primaire d'assurance maladie du Cher du 7 janvier 2019 de prendre en charge, au titre de la législation professionnelle, la maladie déclarée par M. [G] en toutes ses conséquences financières,
- condamné la société [4] au dépens,
- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.
Maître [C] [U], ès-qualités de liquidateur de la société [4], a relevé appel de ce jugement, notifié le 19 octobre 2020, par déclaration adressée au greffe de la Cour par lettre recommandée avec accusé de réception le 17 novembre 2020.
La Cour d'appel de Bourges, par arrêt du 4 mars 2021, a infirmé le jugement rendu par le tribunal de commerce de Bourges ayant prononcé la liquidation judiciaire de la société [4], de sorte que le gérant de cette dernière, M. [K] [I], a été rétabli dans ses fonctions.
Ce dernier a comparu à l'audience devant la Cour.
La société [4] demande à la Cour de :
- 'débouter la caisse primaire d'assurance maladie du Cher de ses fins, moyens et conclusions
- déclarer la décision du 7 janvier 2019 de la caisse primaire d'assurance maladie du Cher admettant le caractère professionnel de la maladie déclarée par M. [G] comme entrant dans le tableau n° 57A des maladies professionnelles être inopposable à la société [4] parce qu'étant inhabituelle et non répétitive et ne respectant ni le principe du contradictoire ni la présomption d'imputabilité'.
A l'appui de ses demandes, et après avoir rappelé l'historique de la société [4], et notamment un incendie dont elle a été victime le 28 août 2018 qui a fragilisé son activité, celle-ci soutient que :
- en 34 ans d'existence, elle n'a déploré aucune maladie professionnelle et que peu d'accidents du travail, de faible importance,
- c'est dans ce contexte que M. [G] a déclaré sa maladie professionnelle, avant de demander à être réembauché après avoir été licencié pour motif économique par le liquidateur, licenciement qu'il a contesté en vain devant le conseil de prud'hommes,
- la caisse primaire d'assurance maladie n'a pas pris en considération le cas de force majeure qu'a représenté l'incendie, alors que la société [4] n'a pas été en mesure de répondre aux questionnaires qui lui ont été adressés, et que le délai de réponse intervenait pendant les fêtes de fin d'année, de sorte que la caisse, comme elle le reconnaît, s'est basée uniquement sur les déclarations du salarié pour prendre sa décision
- la condition posée à la prise en charge de la maladie professionnelle déclarée par le salarié, tenant à l'exposition au risque, n'est pas remplie, les gestes accomplis n'étant ni habituels ni répétés, sans que la surveillance médicale renforcée ait émis une alerte,
- la caisse ne reconnaîtrait que 14 jours d'exposition au risque.
La caisse primaire d'assurance maladie du Cher demande à la Cour de :
- débouter la société [4] de son appel,
- confirmer le jugement rendu le 15 octobre 2020 par le tribunal judiciaire de Bourges.
La caisse primaire d'assurance maladie soutient que :
- le médecin conseil a confirmé la survenance de la maladie correspondant à celle mentionnée au tableau,
- l'exposition au risque dans les 14 jours ayant précédé la première constatation de la maladie est établie,
- la condition posée par la liste limitative des travaux, qui n'a pas à être permanente et continue, est remplie,
- la procédure contradictoire a été respectée.
Il est référé, pour le surplus aux écritures déposées par les parties à l'appui de leurs explications orales devant la cour, comme le permet l'article 455 du Code de procédure civile.
SUR QUOI, LA COUR:
L'article L. 461-1 du Code de la sécurité sociale prévoit : 'Est présumée d'origine professionnelle toute maladie désignée dans un tableau de maladies professionnelles et contractée dans les conditions mentionnées à ce tableau'.
Cette présomption ne peut jouer qu'à la condition qu'il soit notamment établi que le salarié ait été habituellement exposé à l'un des risques listé dans le tableau de maladie professionnelle.
En l'espèce, il n'est pas contesté par la société [4] que la maladie dont a été victime M. [G] figure sur un tableau de reconnaissance de maladies professionnelles, à savoir le tableau n° 57B, sachant que le tableau ne précise aucune durée d'exposition au risque, hormis une exposition qualifiée 'd'habituelle'.
Par ailleurs, la condition tenant au délai de prise en charge entre le dernier jour travaillé et la constatation de la maladie, qui doit être de 14 jours au maximum, est remplie, la société [4] ne justifiant pas qu'à la date de première constatation médicale de la maladie, soit le 11 juillet 2018 selon le certificat médical initial, le salarié n'était demeuré pas sans travailler depuis plus de 14 jours.
Enfin, la caisse doit démontrer que M. [G] a bien accompli les travaux tels que décrits par le tableau, comportant habituellement des mouvements répétés de préhension ou d'extension de la main sur l'avant-bras ou des mouvements de pronosupination.
Une enquête administrative a été diligentée par la caisse.
A cet égard, les pièces produites par la caisse primaire d'assurance maladie démontrent que :
- il a été adressé à l'employeur un questionnaire le 21 septembre 2018, conformément aux prescriptions de R. 441-8 du Code de la sécurité sociale, auquel il n'a pas été, dans un premier temps, répondu, et pour lequel une lettre de rappel a été adressée à la société [4] le 15 novembre 2018, dont l'accusé de réception est revenu signé le 21 novembre 2018,
- un courrier a ensuite été adressé à la société [4] le 17 décembre 2018 avertissant la société [4] de la fin de l'instruction du dossier dans la perspective d'une prise de décision le 7 janvier 2019, et de la possibilité de venir le consulter, comme le prévoit le même texte,
- ce n'est que par courrier daté des 20 et 21 décembre 2018, et du 7 janvier 2019, réceptionné par la caisse le 15 janvier 2019, que la société [4] a répondu au questionnaire.
La Cour relève que la société [4], qui a bien réceptionné le questionnaire adressé par la caisse, lui a laissé le délai imparti de 20 jours pour y répondre, puisqu'un délai de deux mois s'est déroulé entre son envoi et la lettre de rappel, puis encore un délai supérieur à 20 jours jusqu'à la notification de la fin de l'instruction, et ne peut justifier d'un cas de force majeure l'ayant empêché d'y répondre dans les temps, en raison de la survenance d'un incendie fin août 2018, soit plusieurs mois auparavant, alors même qu'il n'est pas allégué que pour cette raison un délai supplémentaire pour y répondre ait été sollicité.
La procédure contradictoire apparaît dans ces conditions avoir été respectée par la caisse primaire d'assurance maladie du Cher.
Sur le fond, dans son questionnaire, M. [G] a indiqué qu'il était depuis 28 ans metteur au bain, attacheur et détacheur de pièces. Il indique qu'il avait pour mission, ce qui est confirmé par le questionnaire rempli par la société [4], d'attacher des pièces métalliques (de 80 à 150 kgs selon le salarié) sur un support (appelé palan), de les passer dans différents bains, puis de les détacher. M. [G] souligne que le palan était souvent en panne et qu'il avait à le tirer et le pousser avec le bras.
Il évalue à plus de trois heures par jour, plus de trois jours par semaine, les travaux comportant des mouvements répétés de flexion/extension du poignet. Il évalue les mêmes temps pour les travaux comportant de nombreuses saisie manuelles et/ou manipulation d'objets ainsi que les travaux comportant des mouvements de rotation du poignet. C'est ce que conteste l'employeur qui indique dans le questionnaire que 'ces mouvements peuvent se reproduire dans une journée plusieurs fois mais sans aucune répétitivité et sans continuité tant les pièces sont de formes extrêmement variées', évaluant entre une et trois heures par jour la réalisation des mouvements de flexion/extension et ceux de saisies manuelles d'objet, mais à moins d'une heure les mouvements de rotation du poignet.
La Cour en conclut que, même en tenant compte de la description minimaliste des gestes accomplis par M. [G], les tâches de metteur au bain étaient les seules qu'il accomplissait depuis de nombreuses années de manière quotidienne, et qu'elles l'amenaient de manière habituelle, à des mouvements répétés de préhension ou d'extension de la main, à défaut de mouvements répétés de pronosupination.
C'est pourquoi le critère afférent à la liste limitative des travaux est en l'espèce rempli.
Au total, M. [G] a légitimement bénéficié de la présomption attachée à la maladie qu'il a déclarée, de sorte que la prise en charge de cette maladie au titre de la législation professionnelle doit demeurer opposable à la société [4], qui, par voie de confirmation, sera déboutée de ses demandes.
La solution donnée au litige commande de condamner M.[G] aux dépens de première instance, le tribunal ayant omis de statuer sur ce point, ainsi qu'aux dépens d'appel.
PAR CES MOTIFS:
Confirme le jugement du Pôle social du tribunal judiciaire de Bouges du 15 octobre 2020 en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant,
Condamne la société [4] aux dépens de première instance et d'appel.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,