COUR D'APPEL D'ORLÉANS
CHAMBRE DES AFFAIRES DE SÉCURITÉ SOCIALE
GROSSE à :
Me Gaëlle DUPLANTIER
CPAM DU LOIRET
EXPÉDITION à :
[E] [V] épouse [R]
MINISTRE CHARGÉ DE LA SÉCURITÉ SOCIALE
Pôle social du Tribunal judiciaire d'ORLEANS
ARRÊT DU : 7 MARS 2023
Minute n°89/2023
N° RG 21/01885 - N° Portalis DBVN-V-B7F-GMW3
Décision de première instance : Pôle social du Tribunal judiciaire d'ORLEANS en date du 20 Mai 2021
ENTRE
APPELANTE :
Madame [E] [V] épouse [R]
[Adresse 4]
[Localité 3]
Assistée de Me Gaëlle DUPLANTIER, avocat au barreau d'ORLEANS
D'UNE PART,
ET
INTIMÉE :
CPAM DU LOIRET
[Adresse 7]
[Localité 2]
Représentée par Mme [H] [G], en vertu d'un pouvoir spécial
PARTIE AVISÉE :
MONSIEUR LE MINISTRE CHARGÉ DE LA SÉCURITÉ SOCIALE
[Adresse 1]
[Localité 5]
Non comparant, ni représenté
D'AUTRE PART,
COMPOSITION DE LA COUR
Lors des débats :
En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 10 JANVIER 2023, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Nathalie LAUER, Président de chambre, chargé du rapport.
Lors du délibéré :
Madame Nathalie LAUER, Président de chambre,
Madame Anabelle BRASSAT-LAPEYRIERE, Conseiller,
Monsieur Laurent SOUSA, Conseiller
Greffier :
Monsieur Alexis DOUET, Greffier lors des débats et du prononcé de l'arrêt.
DÉBATS :
A l'audience publique le 10 JANVIER 2023.
ARRÊT :
- Contradictoire, en dernier ressort
- Prononcé le 7 MARS 2023 par mise à la disposition des parties au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2ème alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.
- Signé par Madame Nathalie LAUER, Président de chambre et Monsieur Alexis DOUET, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le Magistrat signataire.
* * * * *
Mme [E] [R], salariée de la société [6] en qualité d'agent des services hospitaliers, a déclaré le 7 février 2018 à la caisse primaire d'assurance maladie du Loiret, présenter des hernies rachidiennes, cervicales et lombaires et vouloir se voir reconnaître le bénéfice d'une maladie professionnelle. À l'appui, elle a joint un certificat médical initial daté du 21 mars 2018 visant des lombosciatiques avec hernies au niveau L5 S1 avec crure chirurgicale. La caisse a rejeté sa demande. Elle a alors saisi la commission de recours amiable d'une contestation, laquelle a confirmé la décision de rejet le 13 décembre 2018. Le 28 décembre 2018, elle a alors déféré cette décision au tribunal des affaires de sécurité sociale d'Orléans. À compter du 1er janvier 2019, l'instance a été reprise par le Pôle social du tribunal de grande instance d'Orléans, devenu tribunal judiciaire le 1er janvier 2020 par l'effet de la loi n° 2009-222 du 23 septembre 2019.
Par jugement contradictoire rendu en premier ressort du 20 mai 2021, ledit tribunal a :
- dit Mme [E] [R] mal fondée en son recours,
- débouté Mme [E] [R] de l'ensemble de ses demandes,
- condamné Mme [E] [R] aux dépens.
Mme [E] [R] a interjeté appel de ce jugement le 18 juin 2021.
Par conclusions du 4 août 2021, développées oralement à l'audience, elle invite cette Cour à :
- infirmer le jugement rendu par le pôle social près le tribunal judiciaire d'Orléans le 20 mai 2019,
- annuler les décisions de la caisse primaire d'assurance maladie du Loiret du 25 juillet 2018 et la décision de la commission de recours amiable de la CPAM du 13 décembre 2019,
- reconnaître qu'elle présente une maladie désignée dans le tableau n° 98 des maladies professionnelles,
- ordonner la prise en charge de sa maladie professionnelle par la caisse primaire d'assurance maladie du Loiret à compter de sa demande en date du 7 février 2018,
- condamner la caisse primaire d'assurance maladie du Loiret à lui verser la somme de 1 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,
- statuer ce que de droit sur les dépens.
Par conclusions du 15 décembre 2022, développées oralement à l'audience, la caisse primaire d'assurance maladie du Loiret prie la Cour de :
- Confirmer le jugement du 20 mai 2021,
- confirmer la décision de la caisse concernant le refus de prise en charge au titre de la législation professionnelle de l'affection déclarée le 7 février 2018 par Mme [R] [E],
- rejeter l'ensemble des demandes de Mme [R] [E].
SUR CE, LA COUR,
Moyens des parties
Mme [E] [R] poursuit l'infirmation du jugement déféré en ce qu'il a refusé de reconnaître le caractère professionnel de sa maladie. A l'appui, au visa de l'article L. 461-1 du Code de la sécurité sociale, elle fait valoir que les conditions médicales du tableau n° 98 des maladies professionnelles sont réunies. Elle indique qu'en sa qualité d'agent de service hospitalier, elle est amenée à déplacer et à soulever des charges lourdes ainsi qu'à adopter des postures contraignantes de sorte qu'elle souffre quotidiennement de douleurs lombaires provoquées par une hernie discale L5 S1. Elle invoque plusieurs pièces médicales :
- une I.R.M. du rachis lombaire du 12 décembre 2017,
- un certificat médical du docteur [M] du 21 mars 2018 constatant des lombosciatiques avec hernies au niveau L5 S1,
- plusieurs interventions et examens médicaux qui confirment la présence de cette hernie discale,
- un compte rendu opératoire du 19 février 2018,
- un certificat médical du docteur [C],
- une radiographie du rachis lombaire du 19 septembre 2019,
- une I.R.M. du rachis lombaire du 31 octobre 2020,
- un certificat médical du docteur [C] du 18 juin 2021.
Elle conclut que la pathologie dont elle souffre correspond bien à une hernie discale L5 S1 avec atteinte radiculaire de topographie concordante, maladie visée dans le tableau n° 98 annexé au livre IV du Code de la sécurité sociale.
La caisse primaire d'assurance-maladie du Loiret conclut à la confirmation du jugement déféré. Elle expose que lors de l'instruction du dossier, elle disposait de l'ensemble des pièces sur lesquelles se fonde Mme [R] mais que, faute de pouvoir se prononcer sur ces seuls éléments, elle a dû recourir à un délai complémentaire d'instruction conformément à l'article R. 441-10 du Code de la sécurité sociale de sorte que l'avis du médecin conseil a été sollicité. Or, elle indique que celui-ci a pu constater, à l'appui d'une I.R.M. du 12 décembre 2017, que les conditions médicales figurant au tableau n° 98 n'étaient pas remplies en l'espèce, ce tableau exigeant que l'assuré souffre d'une 'sciatique par hernie discale L4 L5 ou L5 S1 avec atteinte radiculaire de topographie concordante'. Elle souligne que le diagnostic d'une hernie discale L5 S1 n'est pas discuté, seule l'absence d'atteinte radiculaire de topographie concordante faisant débat dès lors qu'aucune des pièces médicales produites ne mentionne cette atteinte.
Elle conclut que ces pièces, déjà en possession du service médical, ne peuvent permettre une nouvelle instruction de la demande de reconnaissance de la maladie de l'assurée au titre de la législation sur les risques professionnels.
Appréciation de la Cour
En application de l'article L. 461-1 du Code de la sécurité sociale,
'les dispositions du présent titre sont applicables aux maladies d'origine professionnelle sous réserve des dispositions du présent titre. En ce qui concerne les maladies professionnelles, est assimilée à la date de l'accident :
1 la date de la première constatation médicale de la maladie ;
2 lorsqu'elle est postérieure, la date qui précède de deux années la déclaration de maladie professionnelle mentionnée au premier alinéa de l'article L. 461-5 ;
3 pour l'application des règles de prescription de l'article L. 431-2, la date à laquelle la victime est informée par un certificat médical du lien possible entre sa maladie et une activité professionnelle.
Est présumée d'origine professionnelle toute maladie désignée dans un tableau de maladies professionnelles et contractée dans les conditions mentionnées à ce tableau.
Si une ou plusieurs conditions tenant au délai de prise en charge, à la durée d'exposition ou à la liste limitative des travaux ne sont pas remplies, la maladie telle qu'elle est désignée dans un tableau de maladies professionnelles peut être reconnue d'origine professionnelle lorsqu'il est établi qu'elle est directement causée par le travail habituel de la victime.
Peut être également reconnue d'origine professionnelle une maladie caractérisée non désignée dans un tableau de maladies professionnelles lorsqu'il est établi qu'elle est essentiellement et directement causée par le travail habituel de la victime et qu'elle entraîne le décès de celle-ci ou une incapacité permanente d'un taux évalué dans les conditions mentionnées à l'article L. 434-2 et au moins égal à un pourcentage déterminé.
Dans les cas mentionnés aux deux alinéas précédents, la caisse primaire reconnaît l'origine professionnelle de la maladie après avis motivé d'un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles. La composition, le fonctionnement et le ressort territorial de ce comité ainsi que les éléments du dossier au vu duquel il rend son avis sont fixés par décret. L'avis du comité s'impose à la caisse dans les mêmes conditions que celles fixées à l'article L. 315-1.
Les pathologies psychiques peuvent être reconnues comme d'origine professionnelle, dans les conditions prévues au septième et avant-dernier alinéa du présent article. Les modalités spécifiques de traitement de ces dossiers sont fixées par voie réglementaire'.
Mme [R] sollicite la reconnaissance du caractère professionnel de son affection au titre du tableau n° 98 de l'annexe II du livre IV du Code de la sécurité sociale.
Affections chroniques du rachis lombaire provoquées par la manutention manuelle de charges lourdes
DÉSIGNATION DES MALADIES
DÉLAI de prise en charge
LISTE LIMITATIVE DES TRAVAUX SUSCEPTIBLES de provoquer ces maladies
Sciatique par hernie discale L4-L5 ou L5-S1 avec atteinte radiculaire de topographie concordante. Radiculalgie crurale par hernie discale L2-L3 ou L3-L4 ou L4-L5, avec atteinte radiculaire de topographie concordante.
6 mois
(sous réserve d'une durée d'exposition de 5 ans)
Travaux de manutention manuelle habituelle de charges lourdes effectués : - dans le fret routier, maritime, ferroviaire, aérien ; - dans le bâtiment, le gros 'uvre, les travaux publics ; - dans les mines et carrières ; - dans le ramassage d'ordures ménagères et de déchets industriels ; - dans le déménagement, les garde-meubles ; - dans les abattoirs et les entreprises d'équarrissage ; - dans le chargement et le déchargement en cours de fabrication, dans la livraison, y compris pour le compte d'autrui, le stockage et la répartition des produits industriels et alimentaires, agricoles et forestiers ; - dans le cadre des soins médicaux et paramédicaux incluant la manutention de personnes ; - dans le cadre du brancardage et du transport des malades ; - dans les travaux funéraires.
Il est rappelé que la maladie doit correspondre précisément à celle décrite au tableau en l'ensemble de ses éléments constitutifs.
En l'espèce, seule fait débat l'absence d'atteinte radiculaire de topographie concordante, la caisse primaire d'assurance-maladie ne contestant pas le diagnostic de la hernie discale
L5 S1. En conséquence, les pièces médicales qui posent ce seul diagnostic sont inopérantes.
Or, à hauteur de cour, Mme [E] [R] ne produit aucun élément médical de nature
à remettre en cause la décision des premiers juges. En effet, comme l'a exactement retenu le jugement déféré, le document médical le plus récent, à savoir le certificat médical du 11 février 2021 du Docteur [C] (pièce n° 7 de l'appelante) certifie que Mme [R] a été traitée chirurgicalement le 19 février 2018 pour une affection vertébrale, suite à une sciatique pour atteinte radiculaire de topographie concordante.
Cependant, le médecin-conseil de la caisse primaire d'assurance-maladie s'est fondé sur une I.R.M. du 12 décembre 2017 (pièce n° 3 de l'appelante) dont la conclusion met en évidence 'une discopathie élective L5 S1 avec pincement marqué, protrusion discrète, et remaniement graisseux des berges discales, associée à une arthrose postérieure d'importance modérée mais tout de même plus nette qu'à l'étage sous-jacent. Absence de toute anomalie significative disco somatique, intra canalaire, médullaire et articulaire postérieure ou osseuse'. Mme [R] produit en pièce n° 9 une I.R.M. du rachis lombaire du 31 octobre 2020 qui conclut que 'si ce n'est la présence de la cale inter-épineuse, l'examen est strictement inchangé depuis 2017 (')'.
En d'autres termes, 'l'atteinte radiculaire de topographie concordante' qui, conformément au tableau n° 98 doit être retrouvée en cas de sciatique avec hernie discale L5 S1 n'est pas documentée par l'imagerie médicale, aucune des pièces médicales produites par Mme [E] [R] devant la cour ne permettant de démontrer le contraire.
Le jugement déféré sera donc confirmé en toutes ses dispositions.
En tant que partie perdante tenue aux dépens, Mme [R] ne peut qu'être déboutée de sa demande au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS:
Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 20 mai 2021 par le Pôle social du tribunal judiciaire d'Orléans ;
Et, y ajoutant,
Déboute Mme [R] de sa demande au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Condamne Mme [R] aux dépens d'appel.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,