COUR D'APPEL D'ORLÉANS
CHAMBRE DES URGENCES
COPIES EXECUTOIRES + EXPÉDITIONS :
Me Alexis DEVAUCHELLE
SELARL RABILIER
ARRÊT du 1er MARS 2023
n° : 62/23 RG 22/01586
n° Portalis DBVN-V-B7G-GTKX
DÉCISION DE PREMIÈRE INSTANCE : Ordonnance du Juge de la mise en état, Tribunal Judiciaire de BLOIS en date du 7 juin 2022, RG 21/00194, n° Portalis DBYN-W-B7F-DYPI, minute n° 22/00334 ;
PARTIES EN CAUSE
APPELANTS : timbre fiscal dématérialisé n°: 1265 2836 9917 5782
Monsieur [C] [E]
[Adresse 10]
Madame [W] [Y]
[Adresse 8]
SARL BREMA INVEST, ayant un autre établissement sis [Adresse 24], agissant poursuites et diligences de son représentant légal en exercice, domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 25]
SARL C.ASCADE, agissant poursuites et diligences de son représentant légal en exercice, domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 15]
SARL DE LIERRE, agissant poursuites et diligences de son représentant légal en exercice, domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 28]
SARL ELOBIS, agissant poursuites et diligences de son représentant légal en exercice, domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 16]
EURL FARIGOULE INVEST, agissant poursuites et diligences de son représentant légal en exercice, domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 17]
SARL GEORGEL INVEST, agissant poursuites et diligences de son représentant légal en exercice, domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 7]
SARL LA MARTINIERE, agissant poursuites et diligences de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 11]
SARL CHELSI, ayant un autre établissement sis [Adresse 6], agissant poursuites et diligences de son représentant légal en exercice, domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 18]
SARL ESPERANZA, ayant un autre établissement sis [Adresse 23], agissant poursuites et diligences de son représentant légal en exercice,domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 14]
EURL ARJAN INVEST, agissant poursuites et diligences de son représentant légal en exercice,domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 2]
EURL PASSELOURDAIN, agissant poursuites et diligences de son représentant légal en exercice,domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 29]
[Localité 5]
SARL LE MARANTA, agissant poursuites et diligences de son représentant légalen exercice, domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 1]
SARL MDHF, agissant poursuites et diligences de son représentant légal en exercice,domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 4]
EURL OKAPI LOCATIONS, agissant poursuites et diligences de son représentant légal en exercice,domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 20]
SARL L'EPINE, agissant poursuites et diligences de son représentant légal en exercice,domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 13]
SARL SFL, agissant poursuites et diligences de son représentant légal en exercice,domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 21]
SARL SR, agissant poursuites et diligences de son représentant légal en exercice,domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 12]
SARL LA MAISON DE CONDE, agissant poursuites et diligences de son représentant légal en exercice,domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 19]
représentés par Me Bertrand DE CAMPREDON, avocat plaidant, SELARL GOETHE AVOCATS du barreau de PARIS en présence de Me Alexis DEVAUCHELLE, avocat postulant du barreau d'ORLÉANS
INTIMÉS : timbre fiscal dématérialisé n°: 1265279161456709
Monsieur [X] [J]
[Adresse 9]
SELAS [J] ASSOCIES TOURAINE SOLOGNE, prise en les personnes de ses représentants légaux en exercice, domiciliés ès qualités audit siège
[Adresse 22]
représentés par Me Michel RONZEAU, avocat plaidant, SCP INTERBARREAUX RONZEAU ET ASSOCIÉS du barreau de VAL D'OISE en présence de Me Charlotte RABILIER, avocat postulant, SELARL RABILIER du barreau de TOURS
' Déclaration d'appel en date du 29 juin 2022
' Ordonnance de clôture du 13 décembre 2023
Lors des débats, à l'audience publique du 11 janvier 2023, Monsieur Michel Louis BLANC, Président de Chambre, a entendu les avocats des parties, avec leur accord, par application des articles 786 et 910 du code de procédure civile ;
Lors du délibéré :
Monsieur Michel BLANC, président de chambre,
Monsieur Yannick GRESSOT, conseiller,
Madame Laure Aimée GRUA, conseiller,
Greffier : Madame Mireille LAVRUT, faisant fonction de greffier lors des débats et du prononcé par mise à disposition au greffe ;
Arrêt : prononcé le 1er mars 2023 par mise à la disposition au greffe, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;
Par acte en date du 1er décembre 2005, Maître [X] [J], notaire à [Localité 30], recevait la vente par la société dénommée L'Immobilière du Lac de lots de copropriété sis à [Adresse 26], composé d'un bâtiment avec rez-de-chaussée et trois étages à
usage d'établissement hébergeant des personnes âgées dépendantes, dénommé « [27] », avec locaux et dépendances annexes, sur intérêts figurant au plan cadastral section AO n°[Cadastre 3] pour 74 ares 70 centiares lesdits lots étant désignés en tant que « chambres comprenant : une entrée, placards, salle d'eau avec douche et WC, une pièce principale » et les millièmes des parties communes générales dépendant du lot,
' pour chacun des acquéreurs, un bail commercial au profit de la société [27], preneur à bail commercial,
' l'acte authentique contenant règlement de copropriété et état descriptif de division, à la requête de la société l'Immobilière du Lac.
Les baux commerciaux étaient renouvelés pour 12 ans au cours de l'année 2013, avec un terme au 31 décembre 2024.
Par acte en date du 7 janvier 2021, [C] [E], la SARL Le Maranta, la SARL MDHF, l'EURL Okapi Locations, la SARL L'Épine, la SARL SFL, la SARL SR, la SARL La Maison de Condé, [W] [Y], la SARL Brema Invest, la SARL C.Ascade, la SARL De Lierre, la SARL Elobis, l'EURL Farigoule Invest, la SARL Georgel Invest et la SARL La Martinière assignaient devant le tribunal judiciaire de Blois Maître [X] [J], notaire retiré de charge et l'office notarial [J] Associés Touraine-Sologne aux fins de voir engager leur responsabilité professionnelle ; la SARL Chelsi, la SARL Esperanza, l'EURL Arjan Invest et l'EURL Passelourdain intervenaient ensuite volontairement à l'instance.
Par conclusions d'incident en date du 23 septembre 2021 Maître [J] et l'Office notarial [J] Associés Touraine'Sologne saisissaient le juge de la mise en état d'une fin de non recevoir, invoquant la prescription de l'action de leurs adversaires.
Par une ordonnance en date du 7 juin 2022, le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Blois déclarait irrecevable comme prescrite l'action formée par [C] [E], la SARL Le Maranta, la SARL MDHF, l'EURL Okapi Locations, la SARL L'Épine, la SARL SFL, la SARL SR, la SARL La Maison de Condé, [W] [Y], la SARL Brema Invest, la SARL C.Ascade, la SARL De Lierre, la SARL Elobis, l'EURL Farigoule Invest, la SARL Georgel Invest, la SARL La Martinière,la SARL Chelsi, la SARL Esperanza, l'EURL Arjan Invest et l'EURL Passelourdain, et les condamnait à payer à Maître [X] [J] et à l'Office notarial [J] Associés Touraine'Sologne la somme de 1000 € sur le fondement de l'article 700 du code procédure civile.
Par une déclaration déposée au greffe le 29 mai 2022, [C] [E], la SARL Le Maranta, la SARL MDHF, l'EURL Okapi Locations, la SARL L'Épine, la SARL SFL, la SARL SR, la SARL La Maison de Condé, [W] [Y], la SARL Brema Invest, la SARL C.Ascade, la SARL De Lierre, la SARL Elobis, l'EURL Farigoule Invest, la SARL Georgel Invest, la SARL La Martinière, la SARL Chelsi, la SARL Esperanza, l'EURL Arjan Invest et l'EURL Passelourdain interjetaient appel de cette ordonnance.
Par leurs dernières conclusions, ils sollicitent le « rabat » de l'ordonnance de clôture du 13 décembre 2022, ce qu'il y a sans doute lieu d'interpréter comme une demande de révocation de ladite ordonnance, et l'affirmation de l'ordonnance du 7 juin 2022, demandant à la cour, statuant à nouveau, de juger non prescrite leur action en responsabilité, réclamant le paiement de la somme de 2000 € au titre de l'article 700 du code procédure civile.
Par leurs dernières conclusions, Maître [X] [J] et l'Office notarial [J] Associés Touraine'Sologne sollicitent le rejet des conclusions signifiées le 19 décembre 2022 par les appelants
ainsi que de la pièce n°9 communiquée, en tout état de cause de déclarer desdites conclusions irrecevables en application de l'article 954 alinéa 2 du code de procédure civile, de confirmer l'ordonnance du 7 juin 2022 et de condamner les appelants à leur payer la somme de 4000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture était rendue le 13 décembre 2022.
SUR QUOI :
Attendu qu'à l'appui de leur demande de révocation de l'ordonnance de clôture, les appelants invoquent un arrêt rendu le 26 octobre 2022 par la Cour de cassation, tranchant selon eux une question similaire dans le sens qui leur est favorable ;
Que la partie intimée s'oppose à la révocation de l'ordonnance de clôture du 13 décembre 2022, expliquant que l'arrêt invoqué a été rendu bien antérieurement à cette décision, et que les appelants avaient tout le loisir de la communiquer en temps utile ;
Qu'il n'est pas contestable que les appelants n'établissent ni même n'invoquent aucune cause grave au sens du premier alinéa de l'article 803 du code de procédure civile ;
Qu'il n'y a pas lieu de faire droit à cette demande ;
Attendu que pour statuer comme il l'a fait, et pour considérer que le délai de prescription de cinq ans, prévu par l'article 2224 du Code civil, le premier juge, relevant que le bail commercial exposait de manière détaillée l'existence d'une autorisation administrative liée à l'exploitation du bien immobilier en maison de retraite, et nécessaire pour ladite exploitation, ce qui permet nécessairement à l'acquéreur ou au bailleur de penser que ces autorisations sont susceptibles de prendre fin ou d'être retirées, et comportent donc une part d'aléa ;
Qu'il a observé que les demandeurs allèguent qu'ils n'ont su qu'en 2019, à l'occasion de la délivrance des congés par le preneur, de ce que l'exploitant entendait quitter les lieux et qu'aucune solution alternative à l'exploitation n'était possible car le transfert des autorisations d'hébergement de personnes âgées délivrées par l'Agence Régionale de Santé serait effectué au profit d'un autre établissement, mais a considéré qu'ils ne rapportent pas cette preuve, dès lors que les congés qui auraient été délivrés ne sont pas produits, que les demandeurs ne démontraient pas selon quelles modalités le preneur aurait porté à leur connaissance cette information, pour en conclure qu'ils ne démontrent pas qu'ils ont été en mesure de connaître les faits leur permettant d'exercer leur action en responsabilité uniquement en 2019, alors que les baux commerciaux, de par la mention de l'existence d'une autorisation administrative, leur permettaient de connaître ces faits, et qu'ils avaient donc connaissance des faits leur permettant d'exercer leur action en responsabilité dès le jour de la signature des actes de vente et des baux commerciaux, le point de départ du délai de prescription devant donc être fixé au jour de la signature de ces actes de vente et baux commerciaux, soit le 1er décembre 2005 ;
Attendu que les appelants prétendent qu'ils ignoraient, lors de la souscription de l'investissement, que, lors du départ d'un exploitant d'EHPAD, il n'y a aucune possibilité de trouver un exploitant de substitution, puisque l'Agence Régionale de Santé qui aura approuvé le transfert des lits sur une nouvelle structure du secteur gérontologique n'accorde jamais de nouvelle autorisation d'exploiter des lits d'EHPAD sur un site abandonné ;
Qu'ils estiment que, dans le cadre de leur devoir de conseil, les notaires ne doivent pas seulement rédiger des actes valables, mais doivent également établir des actes efficaces, qui concrétisent les buts poursuivis par leurs clients ;
Que les appelants déclarent que la simple mention de l'existence d'autorisation ne suffirait pas à alerter les investisseurs sur les risques encourus, et que le manquement allégué n'aurait pu se manifester que lors de la découverte du risque de perdre les autorisations d'hébergement de personnes âgées en 2019 ;
Attendu que le bail commercial fixait un terme à la date du 31 décembre 2014 ;
Que les appelants ont renégocié ce bail en vue de cette échéance, aux fins d'obtenir de la part de leurs cocontractants le renouvellement ou la signature d'un nouveau bail ;
Qu'ils savaient ainsi dès la souscription, soit le 1er décembre 2005, que le bail était affecté d'une date d'expiration, les intéressés ne pouvant ignorer les aléas inhérents à son renouvellement ou à son non-renouvellement, alors qu'il ne peut par ailleurs être contesté qu'ils avaient connaissance de la nécessité d'une autorisation administrative ;
Qu'ils ne pouvaient ignorer qu'ils ne disposaient d'aucun droit acquis à bénéficier indéfiniment du renouvellement de telle autorisation, puisque tout un chacun sait que le renouvellement d'une autorisation administrative ou d'un agrément quelconque de la part de la personne publique nécessite un réexamen qui présente nécessairement un aléa ;
Attendu qu'il ne peut être reproché au notaire instrumentaire d'avoir négligé de leur faire part de la nécessité d'une autorisation de la part de l'administration ;
Que le risque de non renouvellement n'a pas à être expressément mentionné dans l'acte puisque quoi qu'il en soit, ce risque tombe sous le sens ;
Qu'il n'existe dans les actes litigieux aucune mention de nature à laisser penser à un investisseur que la situation était immuable ;
Attendu au surplus, ainsi que le fait remarquer la partie intimée, les appelants ne font état d'aucune procédure à l'encontre de leurs cocontractants, alors que, s'ils s'estiment légitimes à invoquer quelque man'uvre de nature à les laisser dans l'ignorance d'un fait important qui conditionnait le consentement, c'est plutôt le vendeur qui doit être mis en cause en priorité ;
Attendu que les appelants se plaignaient principalement d'un défaut de rentabilité de leur investissement, lequel n'aurait été porté à leur connaissance qu'en 2019, alors qu'il n'est pas contestable que leur investissement présentait dès le départ un aléa, et que le notaire ne peut être jugé responsable de cet aléa, puisque de 2005, il avait été porté à la connaissance des acquéreurs que l'immeuble était destiné à la location de résidences services médicalisées en présence de services spécifiques ce qui entraînait une obligation d'adhérer à l'organisme compétent en ce domaine ;
Qu'il ne revient pas au notaire (en dehors de situations exceptionnelles dont l'existence n'est pas caractérisée en la cause) d'attirer l'attention de l'acquéreur sur les risques économiques de l'investissement auquel il procède, ce type de conseil relevant de la compétence de toute personne
exerçant une activité de conseil en immobilier, de conseil en investissement ou de banque, de sorte qu'il ne peut être reproché à l'officier ministériel, responsable de la régularité et de l'efficacité de son acte, d'avoir consacré par un acte authentique le choix d'investisseurs qui ont pu avoir par la suite des raisons de se plaindre d'un manque de rentabilité de l'opération qui y figure ;
Attendu en outre qu'il s'évince de propres écritures des appelants que rien ne menaçait la rentabilité de l'investissement lorsqu'il a été souscrit en 2005, argument qui peut se retourner en leur défaveur puisqu'il achève de démontrer que le notaire n'a pas commis de faute susceptible d'engager sa responsabilité dans le délai de cinq ans suivant l'acte, et donc a fortiori après l'expiration de ce délai ;
Attendu qu'il y a lieu de confirmer en toutes ses dispositions l'ordonnance entreprise ;
Attendu qu'il serait inéquitable de laisser à la charge des intimés l'intégralité des sommes qu'ils ont dû exposer du fait de la présente procédure ;
Qu'il y a lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et de leur allouer à ce titre la somme de 2000 € ;
PAR CES MOTIFS :
Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,
Dit n'y avoir lieu à révocation de l'ordonnance de clôture du 13 décembre 2022,
Confirme en toutes ses dispositions l'ordonnance entreprise,
Y ajoutant,
Condamne [C] [E], la SARL Le Maranta, la SARL MDHF, l'EURL Okapi Locations, la SARL L'Épine, la SARL SFL, la SARL SR, la SARL La Maison de Condé, [W] [Y], la SARL Brema Invest, la SARL C.Ascade, la SARL De Lierre, la SARL Elobis, l'EURL Farigoule Invest, la SARL Georgel Invest, la SARL La Martinière ,la SARL Chelsi, la SARL Esperanza, l'EURL Arjan Invest et l'EURL Passelourdain à payer à Maître [X] [J] et à l'Office notarial [J] Associés Touraine'Sologne la somme de 2000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne [C] [E], la SARL Le Maranta, la SARL MDHF, l'EURL Okapi Locations, la SARL L'Épine, la SARL SFL, la SARL SR, la SARL La Maison de Condé, [W] [Y], la SARL Brema Invest, la SARL C.Ascade, la SARL De Lierre, la SARL Elobis, l'EURL Farigoule Invest, la SARL Georgel Invest, la SARL La Martinière ,la SARL Chelsi, la SARL Esperanza, l'EURL Arjan Invest et l'EURL Passelourdain aux dépens.
Arrêt signé par Monsieur Michel Louis BLANC, président de chambre, et Madame Mireille LAVRUT, faisant fonction de greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire ;
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,