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28/02/2023 | FRANCE | N°22/01459

France | France, Cour d'appel d'Orléans, Chambre sociale, 28 février 2023, 22/01459


C O U R D ' A P P E L D ' O R L É A N S

CHAMBRE SOCIALE - A -

Section 1

PRUD'HOMMES

Exp + GROSSES le 28 FEVRIER 2023 à

Me DEVAUCHELLE

la SCP SOREL & ASSOCIES



AD



ARRÊT du : 28 FEVRIER 2023



N° : - 23



N° RG 22/01459 - N° Portalis DBVN-V-B7G-GTBQ





Décision prononcée suite à un arrêt de la Cour de cassation en date du 15 juin 2022 cassant partiellement un arrêt rendu par la Cour d'Appel de BOURGES en date du 13 novembre 2020 statuant sur un appel d'un jugement du

Conseil de prud'hommes de BOURGES du 20 juin 2019







ENTRE



AUTEUR de la déclaration de SAISINE :



S.A.S.U. JACQUET au capital de 250.000 €, inscrite a...

C O U R D ' A P P E L D ' O R L É A N S

CHAMBRE SOCIALE - A -

Section 1

PRUD'HOMMES

Exp + GROSSES le 28 FEVRIER 2023 à

Me DEVAUCHELLE

la SCP SOREL & ASSOCIES

AD

ARRÊT du : 28 FEVRIER 2023

N° : - 23

N° RG 22/01459 - N° Portalis DBVN-V-B7G-GTBQ

Décision prononcée suite à un arrêt de la Cour de cassation en date du 15 juin 2022 cassant partiellement un arrêt rendu par la Cour d'Appel de BOURGES en date du 13 novembre 2020 statuant sur un appel d'un jugement du Conseil de prud'hommes de BOURGES du 20 juin 2019

ENTRE

AUTEUR de la déclaration de SAISINE :

S.A.S.U. JACQUET au capital de 250.000 €, inscrite au RCS de Bourges n°582 111 936

prise en la personne de ses représentant légaux, domiciliés en cette qualité au siège social

[Adresse 1]

[Localité 3]

représentée par Me Alexis DEVAUCHELLE, avocat au barreau d'ORLEANS

ayant pour avocat plaidant Me Olivier LACROIX de la SCP CEFIDES, avocat au barreau de LYON

ET

DÉFENDEUR :

Monsieur [L] [C]

né le 05 Février 1957 à [Localité 3]

[Adresse 4]

[Localité 14]

représenté par Me Franck SILVESTRE de la SCP SOREL & ASSOCIES, avocat au barreau d'ORLEANS

Audience publique du 1er Décembre 2022 tenue par M. Alexandre DAVID, Président de chambre, et par Madame Florence CHOUVIN-GALLIARD, conseiller, ce, en l'absence d'opposition des parties, assistés lors des débats de .

Après délibéré au cours duquel M. Alexandre DAVID, Président de chambre et Madame Florence CHOUVIN-GALLIARD, conseiller, ont rendu compte des débats à la Cour composée de :

Monsieur Alexandre DAVID, président de chambre, président de la collégialité

Madame Laurence DUVALLET, présidente de chambre

Madame Florence CHOUVIN-GALLIARD, conseiller

Puis le 28 Février 2023, Monsieur Alexandre DAVID, président de Chambre, assisté de Mme Karine DUPONT, Greffier a rendu l'arrêt par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

FAITS ET PROCÉDURE

M. [L] [C] a été engagé à compter du 24 septembre 1973 en qualité d'apprenti par la S.A.R.L. Jacquet aux droits de laquelle vient la S.A.S.U. Jacquet.

A compter du 1er février 1995, il est devenu directeur d'agence puis, à partir du 1er novembre 1999, directeur et gérant de la société.

La relation de travail était régie par la convention collective nationale des cadres du bâtiment du 1er juin 2004.

Lui reprochant des pratiques illicites et frauduleuses, l'employeur a convoqué M. [L] [C], par lettre du 31 mai 2016 remise en main propre, à un entretien préalable à un éventuellement licenciement. Le salarié a été mis à pied à titre conservatoire.

Le 14 juin 2016, l'employeur lui a notifié son licenciement pour faute grave pour des faits de vol, d'abus de confiance et de faux.

Le 8 juillet 2016, la S.A.S.U. Jacquet a déposé plainte pour vol et abus de confiance.

Par requête du 7 février 2017, M. [L] [C] a saisi le conseil de prud'hommes de Bourges d'une demande tendant à voir reconnaître son licenciement comme sans cause réelle et sérieuse et à obtenir le paiement de diverses sommes en conséquence.

Par jugement du 20 juin 2019, auquel il est renvoyé pour un plus ample exposé du litige, le conseil de prud'hommes de Bourges a :

- débouté la SARL Jacquet de sa demande de sursis à statuer,

- requalifié le licenciement pour faute grave en licenciement pour cause réelle et sérieuse,

- condamné la SARL Jacquet à payer à M. [C] les sommes suivantes :

- 199 386 € au titre de l'indemnité licenciement,

- 23 850 € au titre du préavis,

- 2 385 € au titre des congés payés afférents,

- 3 000 € à titre de dommages-intérêts pour rupture et circonstances vexatoires,

- 1 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la SARL Jacquet à remettre à M. [C] les documents sociaux conformes à la présente décision sans astreinte,

- débouté M. [C] du surplus de ses demandes,

- débouté la SARL Jacquet de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la SARL Jacquet aux entiers dépens.

Le 11 juillet 2019, M. [L] [C] a relevé appel de cette décision mais seulement en ce que la juridiction n'a pas fait droit à ses demandes de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et pour brusque rupture et circonstances vexatoires et intéressement sur 2016.

Le 17 juillet 2019, la SARL Jacquet a également relevé appel de cette décision en totalité.

Par arrêt du 13 novembre 2020, la cour d'appel de Bourges a :

Infirmé le jugement du conseil de prud'hommes de Bourges en date du 20 juin 2019 sauf en ce qu'il a condamné la SARL Jacquet à payer à M. [L] [C] les sommes de 23 850€ à titre d'indemnité compensatrice de préavis et 2385 € de congés payés afférents,

Statuant des chefs infirmés et y ajoutant,

Dit que le licenciement de M. [L] [C] est dénué de cause réelle et sérieuse,

Condamné la SARL Jacquet à payer à M. [L] [C] les sommes suivantes :

- 131 175 € d'indemnité de licenciement,

- 70 000 € de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 5 000 € de dommages et intérêts pour rupture et circonstances vexatoires,

Débouté M. [L] [C] de sa demande de rappel au titre de l'intéressement 2016,

Condamné la SARL Jacquet à rembourser à Pôle emploi tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d'indemnités de chômage,

Ordonné à la SARL Jacquet de remettre à M. [L] [C] les bulletins de salaire et l'attestation employeur rectifiés en conséquence du présent arrêt sans qu'il y ait lieu au prononcé d'une astreinte,

Condamné la SARL Jacquet aux entiers dépens ainsi qu'à payer à M. [L] [C] la somme de 1 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par arrêt du 15 juin 2022 (Soc., 15 juin 2022, pourvoi n° 20-23.183, F, D), la Cour de cassation a cassé et annulé l'arrêt rendu le 13 novembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Bourges, mais seulement en ce qu'il a jugé le licenciement sans cause réelle et sérieuse, condamné la société Jacquet à payer à M. [C] les sommes de 131 175 euros à titre d'indemnité de licenciement et 70 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, condamné la société Jacquet à rembourser à Pôle emploi tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d'indemnités de chômage et lui a ordonné de remettre à M. [C] les bulletins de salaire et l'attestation employeur rectifiés en conséquence.

Le 20 juin 2022, la S.A.S.U. Jacquet a saisi la présente juridiction, désignée comme cour d'appel de renvoi.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Vu les dernières conclusions remises au greffe le 9 novembre 2022 auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens et prétentions conformément à l'article 455 du Code de procédure civile et aux termes desquelles la S.A.S.U. Jacquet demande à la Cour de :

In limine litis :

Dire, juger et déclarer irrecevables les conclusions et pièces de M. [L] [C].

Au fond :

Infirmer le Jugement du Conseil de Prud'Hommes de Bourges du 20 juin 2019 en ce qu'il a':

- Débouté la Société Jacquet SAS de sa demande de sursis à statuer';

- Requalifié le licenciement pour faute grave de M. [L] [C] en un licenciement pour cause réelle et sérieuse';

- Condamné la Société Jacquet SAS au paiement des sommes de':

- 199.386 € à titre d'indemnité de licenciement,

- 23.850 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

- 2.385 € à titre de congés payés afférents,

- 3.000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement vexatoire,

- 1.500 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Statuant à nouveau :

- vu l'article 378 du code de procédure civile,

- Surseoir à statuer jusqu'à l'issue définitive de la procédure pénale mise en 'uvre suite à la plainte avec constitution de partie civile déposée par la Société Jacquet SAS entre les mains du Pôle Instruction (Doyen des Juges d'instruction) du Tribunal de Grande Instance de Bourges.

En tout état de cause :

- dire, juger et retenir que le licenciement de M. [L] [C] repose sur une faute grave.

- débouter M. [L] [C] de l'intégralité de ses demandes, fins et prétentions.

A titre infiniment subsidiaire :

Si, par extraordinaire, la Cour estimait le licenciement comme ne reposant pas sur une faute grave,

- dire, juger et retenir à tout le moins qu'il repose sur une cause réelle et sérieuse.

- dire, juger et retenir que l'indemnité conventionnelle de licenciement ne saurait être supérieure à la somme de 131.175 €.

- débouter M. [L] [C] de ses plus amples demandes.

A titre superfétatoire :

Si, à l'impossible, la Cour estimait le licenciement dénué de cause réelle et sérieuse,

- Débouter M. [L] [C] de toute demande de dommages et intérêts qui excéderait le strict seuil fixé par l'article L. 1235-3 du code du travail dans sa rédaction contemporaine au licenciement (14 juin 2016).

En toute hypothèse :

- Débouter M. [L] [C] de sa demande à titre de dommages et intérêts pour prétendu licenciement brusque et vexatoire.

- Dire, juger et déclarer la demande de M. [L] [C], s'agissant d'un rappel sur rémunération variable 2016, irrecevable.

Surabondamment :

- débouter M. [L] [C] de sa demande concernant un rappel sur rémunération variable 2016.

- Condamner M. [L] [C] au paiement de la somme de 4.000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

- Condamner le même aux entiers dépens de l'instance conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Vu les dernières conclusions remises au greffe le 19 septembre 2022 auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens et prétentions conformément à l'article 455 du Code de procédure civile et aux termes desquelles M. [L] [C] demande à la Cour de :

Déclarer l'appel de la SAS Jacquet dépourvu de fondement

Déclarer fondé l'appel incident de M. [L] [C]

Confirmer en partie sur l'appel incident de M. [L] [C] le jugement du conseil de prud'hommes en date du 20 juin 2018 (Minute 4/19/00023) en ce qu'il a :

- débouté la SAS Jacquet de sa demande de sursis à statuer,

- condamné la SAS Jacquet à payer à M. [C] les sommes

suivantes :

- 199 386 € à titre d'indemnité de licenciement,

- 23 850 € au titre du préavis,

- 2 385 € au titre des congés payés afférents,

- 5000 € à titre de dommages et intérêts pour rupture et circonstances vexatoires,

-1500 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile

Infirmer en partie sur l'appel incident de M. [L] [C] le jugement du 20 juin 2018 (Minute 4/19/00023) en ce qu'il a :

- requalifié le licenciement pour faute grave en cause réelle et sérieuse

- débouté M. [L] [C] de sa demande relative à l'intéressement sur 2016

Et statuant à nouveau :

Juger le licenciement comme étant dépourvu de cause réelle et sérieuse

Juger que M. [C] a droit à des dommages et intérêts au titre de l'intéressement sur 2016

En conséquence :

Condamner la SAS Jacquet à payer à M. [C] les sommes suivantes :

- au titre de dommages et intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse : 191000 €

- à des dommages et intérêts en réparation du préjudice financier de M. [C] au titre de l'intéressement sur l'année 2016 : 40 000 € ;

Condamner la SAS Jacquet à délivrer à M. [L] [C] les bulletins de salaire, l'attestation employeur rectifiés en conséquence des condamnations ci-dessus, le tout en tant que de besoin, sous astreinte de 100 € par jour de retard un mois après la signification de la décision à intervenir.

Condamner la SAS Jacquet à payer au concluant la somme de 5000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

Condamner la SAS Jacquet aux entiers dépens.

L'affaire a été fixée à plaider à l'audience du 1er décembre 2022.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la recevabilité des conclusions et pièces de M. [C]

La société Jacquet conclut à l'irrecevabilité des conclusions de M. [C] comme ayant été communiquées après le 28 septembre 2022.

Aux termes de l'article 1037-1 du code de procédure civile, les conclusions et les pièces qui viennent au soutien de celles-ci, doivent être communiquées - à peine d'irrecevabilité - par voie électronique et simultanément aux avocats et au greffe dans les deux mois suivant la déclaration de saisine de la juridiction de renvoi. La partie adverse dispose d'un délai de deux mois à compter de la notification des conclusions de l'auteur de la déclaration.

En l'espèce, les conclusions de M. [C] ont été transmises le 19 septembre 2022 tant au greffe qu'à Maître Devauchelle, avocat constitué par la société Jacquet, dans le délai imparti de deux mois. Les conclusions et les pièces de M. [C] dont donc recevables.

Il y a donc lieu de rejeter la fin de non-recevoir présentée par la société Jacquet.

Sur la recevabilité de la demande de sursis à statuer devant la juridiction de renvoi

En application de l'article 378 du Code de procédure civile, le juge apprécie discrétionnairement de l'opportunité d'un sursis à statuer (1re Civ., 9 mars 2004, pourvoi n° 99-19.922, Bull. 2004, I, n° 78).

Certes, le chef de dispositif de l'arrêt de la cour d'appel de Bourges du 20 juin 2019 déboutant la S.A.S.U. Jacquet de sa demande de sursis à statuer n'a pas été atteint par l'arrêt de cassation du 15 juin 2022.

Pour autant, aucune disposition ne fait obstacle à ce que, dans le cadre de l'instance devant la juridiction de renvoi, une partie forme une demande de sursis à statuer.

En conséquence, la demande de sursis à statuer formée par la S.A.S.U. Jacquet sera déclarée recevable.

La société Jacquet justifie avoir déposé plainte avec constitution de partie civile le 9 mars 2018 à l'encontre de M. [C] auprès du Doyen des juges d'instruction du tribunal de grande instance de Bourges (pièce n°17). Sa plainte du 8 juillet 2016 avait été classée sans suite par le Procureur de la République du tribunal de grande instance de Bourges le 22 janvier 2018 aux motifs que «les faits ou les circonstances des faits dont vous vous êtes plaint n'ont pu être clairement établis par l'enquête ; les preuves ne sont donc pas suffisantes pour que l'affaire soit jugée par un tribunal».

Il n'apparaît pas de l'intérêt d'une bonne administration de la justice de surseoir à statuer, le licenciement ayant été prononcé le 14 juin 2016 et le litige prud'homal étant en cours depuis le 7 février 2017.

Sur le bien-fondé du licenciement pour faute grave

La faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise. Il incombe à l'employeur d'en rapporter la preuve.

La lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige, énonce :

« [... ] [ Nous ] avons tenté de recueillir vos explications sur les faits de vol, utilisation des biens de l'entreprise à des fins personnelles, faux et usage de faux et enfin une négligence et un manque de professionnalisme et de conscience professionnelle dans l'exercice de vos fonctions de Directeur d'agence.

Nous considérons que ces faits constituent une faute grave justifiant la mise en oeuvre d'une procédure de licenciement pour motif personnel à votre encontre.

A la suite d'une réunion animée par M. [J] [Y] en date du 21 avril 2016 en présence des Conducteurs de travaux, nous avons été alertés par vos subordonnés de vos agissements.

Suite à cette information, nous avons été amenés à effectuer une enquête qui a révélé vos nombreux agissements frauduleux à l'égard de l'agence dont vous avez la direction et donc à l'encontre de la société dont vous êtes par ailleurs l'un des co-gérants.

L'enquête effectuée démontre que vos agissements perdurent depuis de nombreux mois :

- Des actes de vol et d'utilisation des biens de l'entreprise à des fins personnelles

Après examen de nombreux documents de l'agence de [Localité 3] que vous dirigez, nous venons de nous apercevoir que vous aviez à plusieurs reprises volé l'entreprise et également utilisé les biens de celle dernière à des fins personnelles.

En effet, vous avez tout d'abord passé commande à plusieurs reprises de matériels et matériaux qui ont été réglées par l'entreprise alors que vous destiniez ces matériaux à votre propriété en vue de l'aménager.

Nous constatons aujourd'hui avec effarement, que depuis septembre 2015 a minima, vous avez commandé et réglé par le biais de l'entreprise des fournitures et matériaux tels que du bois de chauffage, des Monovis bois, de l'Hydro 63, des ronds à béton, du gravillon, des tuyaux PVC, du géotextile PVC, du mastic pour fenêtres, des bandes plomb, des planches, des liteaux, des madriers, des bastaings, des chevrons, des paumelles, ou encore de la terre végétale.

Or, nous venons de nous rendre compte que tous ces matériaux, matériels et fournitures, qui ont non seulement été commandés mais également payés par l'entreprise, étaient destinés à un usage personnel, à savoir le chantier de votre résidence secondaire sise à [Adresse 15].

Vous avez donc clairement volé l'entreprise en lui faisant payer des fournitures qui n'étaient pas destinées à ses chantiers mais qui avaient pour vacation d'aménager votre résidence secondaire personnelle.

De plus, dans le cadre du chantier de votre résidence vous avez également utilisé les biens, outils, équipements et véhicules de l'entreprise.

En effet, plusieurs véhicules appartenant à l'entreprise ont été utilisés pour amener du matériel sur votre chantier comme en attestent les données de géolocalisation desdits véhicules: utilisation des véhicules Boxer immatriculés [Immatriculation 11] et [Immatriculation 2] et des véhicules Boxer Bennes immatriculés [Immatriculation 10] et [Immatriculation 5] depuis l'adresse de l'agence de la société sise à [Localité 3] jusqu'à l'adresse de votre résidence secondaire en travaux les week-ends et jours fériés.

Or et comme vous disposez de surcroît d'un véhicule de fonction mis à votre disposition par l'entreprise, l'utilisation des véhicules Boxer et Boxer Benne de cette dernière les jours de fermeture et sans autorisation avait pour objectif le transport de marchandises trop volumineuses pour votre véhicule de fonction et vous permettait ainsi de dissimuler le fait que vous retiriez des matériaux le week-end de l'entreprise pour alimenter votre chantier personnel.

En effet, en recherchant, nous avons clairement identifié les parcours que vous faisiez avec les véhicules Boxer et Boxer Benne de l'entreprise à des fins personnelles, depuis les dix derniers mois, à savoir :

- le samedi 26 septembre 2015, vous avez utilisé le Boxer Benne immatriculé [Immatriculation 10] au départ de l'agence à 08h19, vous avez fait plusieurs arrêts à vos adresses personnelles, qu'il s'agisse de votre résidence principale ou secondaire, pour ne ramener le véhicule qu'à 19h31 à notre établissement de [Localité 3],

- le dimanche 1er novembre 2015, vous avez utilisé le Boxer immatriculé [Immatriculation 11] au départ de l'agence à 09h08, vous avez là encore fait plusieurs arrêts à vos adresses personnelles, qu'il s'agisse de votre résidence principale ou secondaire, pour ne ramener le véhicule qu'à 18h59 à notre établissement de [Localité 3],

- le samedi 7 novembre 2015, vous avez utilisé le Boxer immatriculé [Immatriculation 11] au départ de l'agence à 09h01, vous vous êtes arrêté à 09h44 à [Adresse 15], adresse de votre résidence secondaire, pour ne ramener le véhicule qu'à 18h56 à notre établissement de [Localité 3],

- le mercredi 11 novembre 2015, vous avez utilisé le Boxer Benne immatriculé [Immatriculation 10] au départ de l'agence à 09h13, vous vous êtes arrêté à 09h53 à l'adresse de votre résidence secondaire, pour ne ramener le véhicule qu'à 18h30 à notre établissement de [Localité 3],

- le dimanche 7 février 2016, vous avez utilisé le Boxer Benne immatriculé [Immatriculation 5] au départ de l'agence à 09h45, vous vous êtes arrêté à 10h30 à l'adresse de votre résidence secondaire, pour ne ramener le véhicule qu'à 19h32 à notre établissement de [Localité 3],

- le samedi 20 février 2016, vous avez utilisé le Boxer Benne immatriculé [Immatriculation 5] au départ de l'agence à 09h15, vous vous êtes arrêté à 10h01 à l'adresse de votre résidence secondaire, pour ne ramener le véhicule qu'à 18h52 à notre établissement de [Localité 3],

- le samedi 12 mars 2016, vous avez utilisé le Boxer immatriculé [Immatriculation 2] au départ de l'agence à 08h47, vous vous êtes arrêté à 09h51 à [Adresse 15], adresse de votre résidence secondaire, pour ne ramener le véhicule qu'à 19h28 à notre établissement de [Localité 3],

- le samedi 26 mars 2016, vous avez utilisé le Boxer Benne immatriculé [Immatriculation 10] au départ de l'agence à 09h02, vous vous êtes arrêté à 09h49 à l'adresse de votre résidence secondaire, pour ne ramener le véhicule qu'à 20h01 à notre établissement de [Localité 3],

- le samedi 16 avril 2016, vous avez utilisé le Boxer Benne immatriculé [Immatriculation 10] au départ de l'agence à 10h16, vous vous êtes arrêté à 11h16 à l'adresse de votre résidence secondaire, pour ne ramener le véhicule qu'à 19h14 à notre établissement de [Localité 3],

- le samedi 30 avril 2016, vous avez utilisé le Boxer Benne immatriculé [Immatriculation 10] au départ de l'agence à 10h03, vous vous êtes arrêté à 10h39 à l'adresse de votre résidence secondaire, pour ne ramener le véhicule qu'à 18h49 à notre établissement de [Localité 3].

De plus, de nombreuses photos confirment également que vous utilisez du matériel de l'entreprise pour la réalisation de votre chantier personnel et notamment des échafaudages nous appartenant.

Au cours de notre entretien, vous avez d'ailleurs reconnu avoir récupéré lesdits échafaudages, en estimant que cela ne posait pas de problème car ces échafaudages avaient été placés au rebus. Toutefois, cela ne vous donnait nullement le droit de prendre et d'utiliser à des fins personnelles ce matériel qui ne vous appartient pas.

De plus et conformément aux procédures que vous connaissez parfaitement comme celle de la mise au rebus, faut-il vous rappeler que la mise au rebus du matériel est décidée, réalisée et visée par le Directeur d'agence '

Il vous était donc aisé de placer ce matériel au rebus pour mieux pouvoir le récupérer et l'utiliser sur vos chantiers personnels par la suite !

Enfin et encore très dernièrement, le vendredi 20 mai 2016 notre fournisseur Labo France nous livrait ses produits hydrofuges hydrophobes « H63» dans la matinée, produits qui seront entreposés et enfermés au sein de l'atelier.

Ces produits ont été volés à l'entreprise pendant le week-end du 21 et 22 mai 2016.

Dès le lundi matin, vous irez même jusqu'à établir une note à l'attention du personnel en le rappelant à l'ordre et en indiquant qu'il s'agit de pratiques intolérables.

Toutefois, seules trois personnes ont accès à l'atelier quand ce dernier est fermé et parmi les trois personnes en possession de la clef de l'atelier vous seul êtes propriétaire d'un chien.

L'atelier ne portant pas de signe d'effraction il a donc été ouvert avec une clef et la personne qui a dérobé les produits était visiblement accompagnée de son chien puisque des traces de pattes et des déjections canines étaient encore visibles et constatées le lundi malin par vos collaborateurs.

De plus, abusant de votre autorité, vous êtes même allé jusqu'à demander à l'un de vos conducteurs de travaux, M. [Z] [M], qui en témoigne, de mentir sur la destination de matériels que voliez à des fins personnelles, en l'occurrence des planches, et de dire qu'ils étaient affectés aux chantiers qu'il gère.

C'est inadmissible.

De la production de faux et de l'usage de faux

Pour la mise en 'uvre des vols que vous avez commis vous avez également établi de faux documents, circonstance aggravante, mentionnant des informations erronées et cela pour permettre l'achat des matériaux et matériels nécessaires à vos travaux personnels et éviter d'éveiller trop de soupçons à votre endroit.

En premier lieu, alors que normalement l'ensemble des commandes relatives à un chantier sont passées par le Conducteur de travaux en charge de ce chantier et sur son carnet de bons de commande, celles relatives à votre chantier personnel ont toutes été établies sur un carnet de bons de commande réservée normalement à votre secrétaire.

Votre écriture et votre signature y sont d'ailleurs parfaitement identifiables.

L'utilisation de ce carnet de commande s'explique aussi par le fait que vous saviez que les Conducteurs de travaux de votre agence ne mettraient pas en 'uvre ces commandes puisqu'elles ne correspondaient à aucun chantier et de surcroît à aucun besoin sur chantier.

Vous avez donc contrefait toute la procédure de contrôle, à savoir établir vous-même les bons de commandes, les mettre en 'uvre, les signer et même les viser comme vérifiés.

Afin de ne pas trop soulever de questions et éveiller de soupçon lors des contrôles, vous avez également indiqué une fausse affectation sur chantier alors que ces biens

et matériaux finissaient sur votre propriété.

Pour exemple, le samedi 16 avril 2014 (sic !) vous établissez un bon de commande pour l'achat de gravillon et de tuyaux PVC auprès de l'enseigne Point P, indiquez sur votre bon de commande une référence de réception«R0660180'' correspondant au chantier du Lycée [19] à [Localité 3] alors même que la facture et la géolocalisation du véhicule de chantier permettront d'établir clairement que ce samedi 16 avril 2016 vous preniez le Boxer Benne immatriculé [Immatriculation 10] à l'agence de [Localité 3] à 10H16, vous vous arrêterez à 10H25 [Adresse 17] à [Localité 3] pendant vingt minutes, adresse de l'enseigne Point P à [Localité 3], puis vous rendrez à l'adresse de votre résidence secondaire de 11h16 à 18H39 avant de ramener le véhicule à 19H14 à l'agence de [Localité 3].

Des photos attestent de l'utilisation de gravillon et de tuyaux PVC pour la réalisation de vos travaux dans votre résidence.

Les bons de commandes en notre possession font tous état de matériaux qui ne sont pas utilisés sur les chantiers sur lesquels vous les avez affectés, pour exemple ceux des 31 mars, 30 avril et 30 juin 2015 passés auprès des sociétés Alves et Lepelletier Pierre ; nous n'avons pas eu à fournir de terre végétale ou encore de paumelles sur le chantier du Centre de Formation de la Défense de [Localité 3].

De même, les bons de commandes des :

- 30 novembre et 31 décembre 2015 passés auprès du fournisseur Point P pour l'achat de planches, linteaux et madriers que vous avez affectés sur le chantier du théâtre Gallo-Romain de [Localité 12] alors que ces matériaux n'ont pas été utilités sur celui-ci,

- 25 janvier et 25 mai 2016 passés auprès du fournisseur Big Mat pour l'achat de bandes plomb et de monovis bois que vous avez affectés sur les chantiers du Palais Jacques C'ur et de l'Eglise de [Localité 8] alors que ces matériaux n'ont pas été utilités sur celui-ci,

- 29 janvier 2016 passé auprès du fournisseur Opus pour l'achat de mastic pour les fenêtres que vous avez affecté sur le chantier [Localité 18] sis à [Adresse 9] alors que ces matériaux n'ont pas été utilisés sur celui-ci,

- 16 mars 2016 passé auprès du fournisseur Jolivet pour l'achat de bois de chauffage que vous avez affecté sur le chantier du Lycée [19] alors que ces matériaux ne peuvent être utilisés sur aucun chantier,

- 16 et 30 avril 2016 passés auprès du fournisseur Point P pour l'achat de ronds à béton, de gravillons, de tuyaux PVC et de géotextile PVC que vous avez affectés sur les chantiers du Lycée [19] et de l'Hôpital [13] sis à [Localité 3] alors que ces matériaux n'ont pas été utilisés sur celui-ci,

- 18 mai 2016 passé auprès du fournisseur Labo France pour l'achat du produit hydrofuge hydrophobe Hydro 63 que vous avez affecté sur le chantier de l'Hôpital [13] sis à [Localité 3] alors que ces matériaux n'ont pas été utilisés sur celui-ci.

Au-delà, d'avoir non seulement volé notre entreprise, mis en place des man'uvres afin de nous tromper, vous avez également manqué à vos obligations professionnelles en qualité de directeur de l'agence de [Localité 3].

De votre négligence et du manque de professionnalisme et de conscience professionnelle dans l'exercice de vos fonctions de Directeur d'agence

En premier lieu, il est à noter que l'ensemble de votre personnel de chantier et d'encadrement de chantier atteste aujourd'hui du fait que vous n'êtes jamais présent sur ceux-ci et ce depuis longtemps visiblement, ce que, malheureusement nous ignorions.

Vos salariés viennent en effet de nous apprendre que depuis le dernier semestre 2015 vous n'avez quasiment jamais été vu de ces derniers.

Les éléments qui viennent d'être portés à notre connaissance en attestent également d'ailleurs.

En effet, nous avons clairement identifié qu'au lieu d'assumer vos fonctions et responsabilités, vous étiez présent en pleine semaine sur vos heures de travail sur le chantier de votre résidence secondaire, à savoir:

- le jeudi 12 novembre 2015, vous avez pris le Boxer Benne immatriculé [Immatriculation 10] au départ de l'agence à 09h47 pour vous rendre dans le courant de la journée sur le chantier de votre résidence et n'avez ramené le véhicule qu'à 17h50 à l'agence,

- le jeudi 10 décembre 2015, vous avez utilisé le Boxer immatriculé [Immatriculation 11] au départ de l'agence à 10h01 pour vous rendre dans le courant de la journée sur le chantier de votre résidence et n'avez ramené le véhicule qu'à 17h28 à l'agence,

- le mercredi 23 décembre 2015, vous avez pris le Boxer immatriculé [Immatriculation 2] au départ de l'agence à 07h19 pour vous rendre dans le courant de la journée sur le chantier de votre résidence et n'avez ramené le véhicule qu'à 17h41 à l'agence,

- le jeudi 21 janvier 2016, vous avez pris le Boxer Cabine immatriculé [Immatriculation 6] au départ de l'agence à 10h07 pour vous rendre dans le courant de la journée sur le chantier de votre résidence et n'avez ramené le véhicule qu'à 17h26 à l'agence,

- le jeudi 28 janvier 2016, vous avez pris le Boxer Benne immatriculé [Immatriculation 5] au départ de l'agence à 10h00 pour vous rendre dans le courant de la journée sur le chantier de votre résidence et n'avez ramené le véhicule qu'à 17h43 à l'agence,

- le jeudi 7 avril 2016, vous avez pris le Boxer immatriculé [Immatriculation 2] au départ de l'agence à 09h00 pour vous rendre dans le courant de la matinée sur le chantier de votre résidence et avez ramené le véhicule à 11h29 à l'agence.

Dernièrement encore, les 2, 3 et 4 mai 2016 vous nous informiez être malade du fait d'un « panaris » et donc ne pas pouvoir venir travailler à ces dates.

Toutefois, nous ne pouvions imaginer à cette époque que vous profiteriez en réalité de vous déclarer malade les trois jours précédant le pont de l'ascension des 5, 6, 7 et 8 mai 2016 pour en réalité réaliser des travaux chez vous.

En effet, vous ne nous avez jamais fait tenir d'arrêt maladie, vous n'avez d'ailleurs pas plus posé de jour de congés quant à ces 2, 3 et 4 mai 2016, mais pour notre part nous nous sommes chargés de vos équipes, qui elles travaillaient.

Lorsque le 31 mai dernier, vous nous remettiez votre téléphone quelle ne fut pas notre surprise de voir que ces trois jours-là, loin d'être affecté par un panaris, vous preniez des photos de vous sur un engin de chantier sur le lieu de votre résidence secondaire.

De même, alors que votre agence ne se porte pas au mieux et au lieu de vous préoccuper de donner du travail à votre personnel et d'assurer la santé financière de votre établissement, nous constatons que vous ne vous préoccupiez que de vos travaux personnels.

Vous n'avez ainsi pas remis d'appel d'offre pour le Beffroi de [Localité 16] alors qu'il s'agissait d'un chantier à fort potentiel, et pour lequel vos équipes disposent de toutes les qualifications nécessaires '

Pour pouvoir formuler une offre sur ce chantier il fallait obligatoirement participer à une visite du Beffroi de [Localité 16] entre le 4 et le 16 avril 2016.

Or, nous venons d'être informés que nous n'avons pas pu proposer d'offre pour le 9 mai 2016 pour la réalisation des travaux de ce chantier car vous avez oublié de vous rendre sur le site pour réaliser ladite visite du Beffroi, et ce alors même que vous disposiez de deux semaines pour trouver le temps de la réaliser et que vous n'aviez que peu de travail sur l'agence et que la santé financière exigeait de tout tenter pour décrocher ce chantier.

Lors de notre entretien vous avez d'ailleurs reconnu avoir été défaillant au sujet de ce chantier.

Vous n'avez pas joué le rôle qui incombait et n'avez pas répondu a vos obligations contractuelles et professionnelles qui vous imposaient d'assurer avec professionnalisme et conscience professionnelle vos fonctions de Directeur d'agence.

Enfin, lorsqu'au cours de cet entretien nous vous avons demandé de nous fournir des explications quant à votre comportement, nous n'avons eu pour seule réponse que vos quelques mots, à savoir «Je conteste l'ensemble des faits et je n'ai pas la volonté de donner une explication.», ce qui au vu des faits qui vous sont reprochés, de vos fonctions élevées d'encadrement, de votre rémunération et de vos 43 ans d'ancienneté au sein de l'entreprise, nous semble un peu court et tristement affligeant.

Au vu de l'ensemble de ces éléments, nous nous voyons donc aujourd'hui contraints de procéder à votre licenciement pour faute grave.

Compte tenu de la gravité des faits qui vous sont reprochés, la poursuite du contrat de travail, même pendant la durée du préavis, s'avère en effet impossible [...]»

Sur la prescription des faits antérieurs au 31 mars 2016

Aux termes de l'article L. 1332-4 du code du travail, aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l'exercice de poursuites pénales.

Le point de départ de ce délai de prescription est le jour où l'employeur a eu une « connaissance exacte de la réalité, de la nature et de l'ampleur des faits reprochés au salarié » (Soc. 22 septembre 2021, pourvoi n° 19-12.767).

Les poursuites disciplinaires ont été engagées le 31 mai 2016, date de convocation à l'entretien préalable à un éventuel licenciement.

La société Jacquet conteste la prescription des faits invoquée par M. [L] [C]. Elle soutient qu'elle a été informée des agissements du salarié relatifs au détournement de matériaux et à l'utilisation à des fins personnelles des véhicules de l'entreprise que lors de la réunion qui s'est déroulée le 21 avril 2016. Elle précise que les éléments recueillis ont été insuffisants pour établir la réalité, la nature et l'ampleur des faits reprochés et qu'elle a été amenée, pour ce faire, à réaliser des investigations. Selon elle, des faits de même nature ont été commis par le salarié les 8 avril, 18 mai et 26 mai 2016. Ces faits sont d'une nature identique aux précédents visés dans la lettre de licenciement.

A l'appui de son allégation selon laquelle elle a eu connaissance des faits fautifs lors d'une réunion qui s'est déroulée le 21 avril 2016, la société produit quatre attestations de conducteurs de travaux ayant assisté à cette réunion (pièces n° 43-1 et n° 53 à n° 55), une attestation d'une technicienne d'étude (pièce n° 65) ainsi qu'une facture de restaurant du 21 avril 2016 (pièce n°56).

Si les attestations de Mesdames [R], [U], [O], et de M. [S] permettent de confirmer qu'une réunion a bien eu lieu le 21 avril 2016, elles ne permettent pas de déterminer les propos rapportés durant celle-ci.

S'agissant de l'attestation de M. [K], rédigée près de deux ans après la tenue de la réunion, elle précise d'une part l'objet de cette réunion (formation), d'autre part l'émission de « doutes quant à l'honnêteté [du] directeur (Mr [C]) vis-à-vis de matériaux et de trajets en camions qui n'étaient pas destinés à nos chantiers ».

La cour relève que ces attestations ont été établies en février et mars 2018 alors que les investigations que la société dit avoir menées ont été réalisées entre le 21 avril 2016 et le 31 mai 2016.

L'employeur n'apporte aucune précision sur la consistance des vérifications qu'il a entreprises. S'il produit de nombreuses pièces relatives aux faits reprochés à M. [C], celles-ci, pour la plupart, ne sont pas datées. Elles ne permettent pas d'établir que la société Jacquet n'aurait acquis une connaissance exacte de la réalité, de la nature et de l'ampleur des faits qu'elle reproche à M. [C] qu'après le 21 avril 2016. Il y a lieu de fixer le point de départ du délai de prescription au 31 mars 2016.

Cependant, l'employeur peut prendre en considération des faits antérieurs de deux mois à la date à laquelle il a eu connaissance des faits fautifs donnant lieu à l'engagement des poursuites disciplinaires dès lors que le comportement du salarié fautif s'est poursuivi ou réitéré dans ce même délai (Soc.,15 juin 2022, pourvoi n° 20-23.183).

Il convient de vérifier d'abord si les faits postérieurs au 31 mars 2016 sont établis et ensuite, le cas échéant, si les faits reprochés au salarié antérieurement à cette date ne constituent pas la réitération de faits de même nature.

Dans la lettre de licenciement, l'employeur reproche au salarié quatre séries de faits :

- vol de marchandises appartenant à la société : pour la période comprise entre septembre 2015 et mai 2016 ;

- utilisation des biens de l'entreprise (outils, équipements et véhicules) à des fins personnelles pour la période comprise entre septembre 2015 et avril 2016 ;

- production et usage de faux documents (utilisation de bons de commande pour l'achat de matériaux et matériels nécessaires à ses travaux personnels) : pour la période comprise entre avril 2014 et mai 2016 ;

- négligences et manque de professionnalisme dans l'exercice de ses fonctions de directeur d'agence (utilisation le 7 avril 2016 d'un véhicule professionnel pour se rendre sur le chantier de sa résidence ; absence les 4 et 16 avril 2016 à une visite de chantier ayant privé la société de la possibilité de concourir à un appel d'offres ; absence injustifiée de trois jours en mai 2016 et, plus généralement, désinvestissement de ses fonctions) pour la période comprise entre novembre 2015 et avril 2016.

Ces séries de fait seront examinées successivement.

Sur le vol

Il est reproché à M. [C] d'avoir volé à l'entreprise pendant le week-end du 21 et 22 mai 2016 des produits hydrofuges hydrophobes « H63», qui avaient été livrés le vendredi 20 mai 2016 par Labo France et entreposés dans l'atelier.

Pour justifier de ce grief, la société Jacquet produit des attestations, établies en 2018, de trois salariés (pièces n°7-3, 43-3 et 52-1) qui indiquent ne pas s'être rendus dans les locaux de l'entreprise durant le week-end du 21 et 22 mai 2016.

Elle ajoute que M. [C] est le seul à détenir un chien et que des traces de pattes ainsi que des déjections canines ont été découvertes sur place.

Les attestations établies plus de deux après la réalisation des faits par des salariés toujours en poste au sein de la société n'emportent pas la conviction de la cour. Les traces de pattes et des déjections canines ne permettent pas d'indiquer d'une part qu'il s'agit bien du chien de M. [C] et d'autre part qu'elles ont été faites durant le week-end du 21 et 22 mai 2016.

De manière surabondante, l'employeur ne démontre pas le lien entre les traces laissées par le chien dans le local et le vol. De plus, s'il n'est pas contesté qu'il n'y a eu aucune effraction de l'atelier, il apparaît que M. [C] n'est pas le seul salarié à posséder la clef de l'atelier.

L'employeur, sur qui repose la charge de la preuve, n'établit pas ce grief.

Sur l'utilisation des biens de l'entreprise à des fins personnelles

Il est reproché à M. [C] d'avoir les 16 et 30 avril 2016 utilisé des biens de l'entreprise à des fins personnelles, à savoir :

- le samedi 16 avril 2016, d'avoir utilisé le Boxer Benne immatriculé [Immatriculation 10] au départ de l'agence à 10h16, de s'être arrêté à 11h16 à l'adresse de sa résidence secondaire, pour ne ramener le véhicule qu'à 19h14 à l'établissement de [Localité 3] ;

- le samedi 30 avril 2016, d'avoir utilisé le même véhicule, au départ de l'agence à 10h03, de s'être arrêté à 10h39 à l'adresse de sa résidence secondaire, pour ramener le véhicule à 18h49 à l'établissement de [Localité 3].

Afin de justifier de la réalité de ce grief, la société produit non pas les relevés bruts de données de géolocalisation du véhicule mais un relevé de géolocalisation établi à une date indéterminée, par une salariée de la société, uniquement sur la commune de [Localité 14] (pièce n°38).

Ainsi, Mme [B], atteste en 2018, « qu'au moment de la réalisation par [ses] soins du récapitulatif des roulages de M. [L] [C] du 1er avril 2015 au 26 avril 2016, j'ai reproduit et analysé fidèlement les données extraite de la plateforme «océan» dont j'en certifie l'exactitude, n'ayant pas conservé à l'époque les relevés après analyse» (pièce n°46).

L'authenticité du relevé de géolocalisation est contestée par le salarié. Il apparaît que l'employeur n'a pas conservé les originaux. Il ne rapporte pas la preuve de l'exactitude des constatations opérées par sa préposée, assistante de direction, sur les données de géolocalisation.

A titre surabondant, il y a lieu de relever que M. [C] disposait d'une large autonomie du fait de sa qualité de directeur. L'utilisation d'un système de géolocalisation n'est pas justifiée à son égard dès lors qu'il dispose d'une liberté dans l'organisation du travail. Enfin, il sera relevé que l'employeur doit permettre au salarié de désactiver le système de géolocalisation lorsqu'il ne travaille pas afin de préserver sa vie privée, ce que manifestement il ne faisait pas.

De plus, il n'est pas démontré, par l'employeur, que le conducteur des véhicules litigieux ait bien été M. [C].

De même, l'employeur échoue à démontrer que le lieu sur la commune de [Localité 14] sur lequel s'est rendu le véhicule était la résidence secondaire de M. [C] ou la maison de sa concubine (pièces n°51, 51bis, 62 et 74).

Par conséquence, le relevé de localisation produit par l'employeur n'étant pas probant, ce grief n'est pas établi.

Ces constatations relatives à l'absence de force probante des relevés de géolocalisation permettent d'écarter les griefs relatifs à l'utilisation des véhicules Boxer et Boxer Benne les 26 septembre 2015, 1er novembre 2015, 7 novembre 2015, 11 novembre 2015, 7 février 2016, 20 février 2016, 12 mars 2016 et 26 mars 2016.

Les photographies produites par la S.A.S.U. Jacquet, qui ne sont pas datées et ne permettent pas de déterminer le lieu où elles ont été prises, ne permettent pas de rapporter la preuve de l'utilisation à des fins personnelles d'échafaudages mis au rebut.

Sur la production et l'usage de faux documents

La société Jacquet fait grief à M. [C] d'avoir utilisé des bons de commandes pour l'achat de matériaux et matériels nécessaires à ses travaux personnels durant une période comprise entre le 29 janvier et 25 mai 2016. Les relevés de géolocalisation étant dépourvus de valeur probante, il n'est pas établi que les marchandises litigieuses aient été livrées sur le lieu de la résidence secondaire de M. [C] ou chez sa concubine.

M. [C] ne conteste pas avoir passé des commandes qu'il réglait lui-même (pièces n° 20 et 31). Par ailleurs, il expose qu'en sa qualité de directeur, il était amené à passer des commandes pour les besoins des chantiers et en complément de celles réalisées par les chefs de chantiers.

- le 29 janvier 2016

La cour relève que la dépose et repose du mastic sur châssis vitré ont été réalisées par la société Opus pour le chantier de Mme [I] (pièces n°20-1 et 20-2). La preuve n'est pas rapportée de ce que la société Opus n'a pas utilisé les produits de la société Jacquet. Ce grief n'est pas établi.

- le 16 mars 2016

L'employeur ne démontre pas que la commande passée auprès de la société Jolivet n'a pas été utilisée sur le chantier du lycée [19] (pièce n°34).

- les 16 et 30 avril 2016

La société ne rapporte pas la preuve que le bon de commande (n°30183) du 16 avril 2016, dont les deux volets sont toujours présents sur le carnet de commandes, ait été établi par M. [C] et que la marchandise délivrée le même jour ait été récupérée par lui (pièces n°18-1, 18-2 et 66).

En effet, le bon de commande ne comporte qu'une signature sans mention du nom et la facture ne précise pas le nom de la personne qui a récupéré la marchandise.

La matérialité de ce grief n'est pas établie.

- les 18 et 25 mai 2016

La société échoue à déterminer que les commandes passées (bons n°30186 et 30190) auprès de Labo France et auprès de Big Mat (présence des deux volets sur le carnet de commandes) n'ont pas été livrées sur les chantiers [13] et Eglise de [Localité 8] (pièces n°7-2, 22-1 à 22-5 et 67, 68). Les factures récapitulatives ne suffisent pas à établir avec certitude l'absence d'utilisation de produits, les matériaux et matériels utilisés pouvant ne pas tous être répertoriés.

De plus, il n'est ni démontré que M. [C] est l'auteur des bons de commandes, précités ni qu'il a récupéré les marchandises auprès des fournisseurs Labo France et Big Mat.

La preuve de ce grief relatif à la falsification des bons de commande n'est pas rapportée.

Sur les négligences et le manque de professionnalisme dans l'exercice de ses fonctions de directeur d'agence

L'employeur reproche à M. [C] d'avoir utilisé le 7 avril 2016 un véhicule de la société pour se rendre sur le chantier de sa résidence, une absence à la visite du beffroi de [Localité 16] entre le 4 et 16 avril 2016, privant la société de concourir à l'appel d'offres du 9 mai 2016, une absence injustifiée du 2 au 4 mai 2016 ainsi qu'un désinvestissement de ses fonctions.

S'agissant de l'utilisation du véhicule durant la journée du 7 avril 2016, ainsi qu'il a été retenu précédemment, le relevé de géolocalisation ne présente pas des garanties d'exactitude dès lors que les «données brutes» permettant de le corroborer ne sont pas produites aux débats. Ce grief n'est pas démontré. Il en est de même du grief d'utilisation de véhicules de la société les 12 novembre 2015, 10 décembre 2015, 23 décembre 2015, 21 janvier 2016 et 28 janvier 2016.

S'agissant du reproche tiré de l'absence de participation de la société au concours du chantier Beffroi de [Localité 16] (pièces n°60, 61-1 et 61-2), M. [C] indique avoir, en sa qualité de co-gérant, fait le choix «stratégique» de ne pas concourir à ce projet pour des raisons d'opportunité et pour laisser la place à la société Lefevre de [Localité 7], également candidate. Il invoque l'interdiction faite de répondre à un appel d'offres pour deux entreprises appartenant au même groupe. Il est établi que la société Lefevre est une filiale de l'entreprise Jacquet.

Il n'est établi ni que la société Jacquet concourait systématiquement à ce type d'appel d'offres ni que des difficultés financières rendaient nécessaires sa participation. La société ne conteste pas la participation d'une filiale du groupe à l'appel d'offres et ne dément pas la règle invoquée par M. [C] relative à l'impossibilité pour une autre société du groupe d'y participer.

La preuve de la faute alléguée à l'encontre de M. [C] n'est pas rapportée, étant précisé qu'à la supposer établie l'erreur de gestion de M. [C] sur l'opportunité de concourir n'est pas constitutive d'une faute.

S'agissant de l'absence du 2 au 4 mai 2016, il convient de rappeler que si le statut de M. [C] lui confère une large autonomie pour la gestion de son planning, cette autonomie ne saurait se traduire par la possibilité de ne pas être présent à l'entreprise durant plusieurs jours sans justification.

M. [C] reconnaît son absence durant ces trois jours mais conteste les pièces produites par l'employeur relatives à l'exécution de travaux à son profit.

La société produit ainsi plusieurs photos (30, pièce n°39) qui seraient extraites du téléphone portable du salarié (pièce n°36). Il convient de relever que les photos ne comportent aucun horodatage et ne permettent d'authentifier ni le moment ni le lieu où elles ont été prises. Il n'est d'ailleurs pas démontré qu'elles proviennent du téléphone portable du salarié. Il n'est donc pas établi que M. [C] aurait, durant les jours d'absence litigieux, accompli des travaux sur sa propriété.

Le grief relatif à des absences injustifiées les 12 novembre 2015, 10 décembre 2015 et 12 décembre 2015 ainsi que les 21 et 28 janvier 2016 repose sur l'utilisation d'un véhicule appartenant à la société. L'employeur se fonde sur des relevés de géolocalisation dont la valeur probante n'a pas été retenue. Il n'est donc pas démontré, par ces seuls éléments, que M. [C] était le conducteur du véhicule et, par conséquent, qu'il s'est absenté sans raison valable de son lieu de travail.

L'attestation de M. [M] (pièce n°7-1), relatant en des termes généraux des absences de M. [C] depuis 2015, n'emporte pas la conviction de la cour.

Ainsi, la seule faute retenue à l'encontre de M. [C] est une absence injustifiée du 2 au 4 mai 2016. Elle se révèle isolée. Les autres faits reprochés au salarié ne sont pas établis et, en tout état de cause, s'agissant des faits antérieurs au 31 mars 2016 sont prescrits comme n'étant pas de même nature que les absences injustifiées.

La cour relève que M. [C] totalise 42 années complètes d'ancienneté auprès de la société Jacquet. Il a fait l'objet de diverses promotions et son dossier disciplinaire ne comporte aucun antécédent. L'employeur lui a versé une prime exceptionnelle de 920 euros en mai 2016. Cette absence injustifiée n'était pas de nature à rendre impossible le maintien du salarié dans l'entreprise. Elle ne constitue pas une faute grave. Au regard des éléments relatifs aux états de service de M. [C] qui viennent d'être exposés, elle ne peut fonder la mesure de licenciement décidée par l'employeur.

En conséquence, par voie d'infirmation du jugement, il y a lieu de dire le licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur les conséquences pécuniaires du licenciement sans cause réelle et sérieuse

Sur l'indemnité de licenciement

M. [C] réclame l'indemnité légale, qui serait plus favorable, mais ne précise pas la base de calcul sur laquelle il se fonde pour revendiquer la somme de 199 386 euros.

L'employeur sollicite l'application de l'article 7.5. de la convention collective nationale des cadres du bâtiment du 1er juin 2004, qui prévoit une indemnité plafonnée, au maximum à 15 mois de salaire, augmentée de 10 % lorsque le cadre est âgé de plus de 55 ans et ce sur la base de la dernière rémunération, sauf dispositions légales plus favorables. La cour retient un salaire de référence de 7 950 euros brut au sens de ce texte.

L'indemnité conventionnelle s'élève par conséquent à 7950x15 +10% = 131 175 euros.

Ce montant est plus favorable que l'indemnité légale de 106 441,67 euros.

Il y a donc lieu d'infirmer la décision déférée sur ce point et d'allouer à M. [L] [C] la somme de 131 175 euros net au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement.

Sur l'indemnité de préavis

L'arrêt de cassation a annulé le chef de dispositif de l'arrêt de la cour d'appel de Bourges du 13 novembre 2020 relatif à l'indemnité de licenciement. Il y a lieu d'en déduire que la cassation prononcée s'étend également au chef de dispositif relatif à l'indemnité de préavis.

En application de l'article 7.1. de la convention collective nationale des cadres du bâtiment du 1er juin 2004, la durée du préavis est de trois mois.

Il convient de fixer le montant de l'indemnité compensatrice de préavis en considération de la rémunération que M. [L] [C] aurait perçue s'il avait travaillé durant cette période soit à 23 850 euros brut, outre 2 385 euros brut au titre des congés payés afférents. Le jugement du conseil de prud'hommes est confirmé de ce chef.

Sur l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

Aux termes de l'article L. 1235-3 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, M. [C], ayant plus de deux ans d'ancienneté dans une entreprise occupant plus de onze salariés, a droit à une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse au moins égale aux salaires des six derniers mois.

En considération de sa situation particulière, notamment de son âge et de son ancienneté au moment de la rupture, des circonstances de celle-ci, de sa capacité à retrouver un emploi compte tenu de sa formation, il y a lieu de condamner la S.A.S.U. Jacquet à payer à M. [L] [C] la somme de 70 000 euros net à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur les dommages-intérêts pour rupture et circonstances vexatoires

Dans son arrêt du 13 novembre 2020, la cour d'appel de Bourges a condamné la SARL Jacquet à payer à M. [L] [C] la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture et circonstances vexatoires.

Dans son arrêt du 15 juin 2022, la Cour de cassation a rejeté le second moyen du pourvoi de l'employeur critiquant ce chef de dispositif. Elle a retenu que la condamnation au titre de l'article 700 du code de procédure civile prononcée par la cour d'appel primitivement saisie était justifiée par d'autres condamnations prononcées à l'encontre de l'employeur et non remises en cause, ce qui vise implicitement le chef de dispositif relatif aux dommages-intérêts pour rupture et circonstances vexatoires.

La portée de la cassation, telle que circonscrite par l'arrêt, ne s'étend donc pas à ce chef de dispositif de l'arrêt du 13 novembre 2020, qui est devenu irrévocable. La présente juridiction de renvoi n'en est donc pas saisie.

Sur la demande de dommages-intérêts au titre de l'intéressement 2016

Dans son arrêt du 13 novembre 2020, la cour d'appel de Bourges a rejeté la demande de M. [L] [C] au titre de l'intéressement 2016.

Ce chef de dispositif, qui n'a pas été atteint par la cassation prononcée le 15 juin 2022, est irrévocable. La demande de M. [L] [C] est dès lors irrecevable.

Sur le remboursement des indemnités versées par Pôle-Emploi

Par application de l'article L. 1235-4 du code du travail, il y a lieu d'ordonner le remboursement par la S.A.S.U. Jacquet aux organismes concernés des indemnités de chômage versées à M. [L] [C] du jour de son licenciement au jour du présent arrêt dans la limite de 6 mois d'indemnités.

Sur la demande de remise des documents de fin de contrat

Il convient d'ordonner à la S.A.R.L. Jacquet de remettre à M. [L] [C] une attestation Pôle emploi et un bulletin de paie conformes aux dispositions du présent arrêt, et ce dans un délai d'un mois à compter de sa signification.

Aucune circonstance ne justifie d'assortir ce chef de décision d'une mesure d'astreinte pour en garantir l'exécution.

Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens

La cassation prononcée ne s'étend pas aux chefs de dispositif de l'arrêt du 13 novembre 2020 condamnant l'employeur aux dépens ainsi qu'au paiement d'une somme de 1500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

L'employeur est condamné aux dépens de la présente instance.

Il paraît inéquitable de laisser à la charge de M. [C] l'intégralité des sommes avancées par lui et non comprises dans les dépens. Il lui sera alloué la somme de 3000 euros au titre des frais irrépétibles de la présente procédure. L'employeur est débouté de sa demande à ce titre.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant publiquement par arrêt contradictoire, rendu en dernier ressort et prononcé par mise à disposition du greffe :

Déclare recevables les conclusions de M. [L] [C] remises au greffe et à l'employeur le 19 septembre 2022, ainsi que les pièces produites à leur appui ;

Déclare recevable la demande de sursis à statuer formée par la S.A.S.U. Jacquet ;

Dit n'y avoir lieu à surseoir à statuer ;

Déclare irrecevable la demande de M. [L] [C] au titre de l'intéressement 2016 ;

Infirme le jugement rendu entre les parties le 20 juin 2019 par le conseil de prud'hommes de Bourges mais seulement en ce qu'il a requalifié le licenciement pour faute grave en licenciement pour cause réelle et sérieuse et en ce qu'il a condamné la SARL Jacquet à payer à M. [L] [C] la somme de 199 386 euros au titre de l'indemnité licenciement ;

Confirme le jugement en ce qu'il a condamné la SARL Jacquet, aux droits de laquelle vient la S.A.S.U. Jacquet, à payer à M. [L] [C] les sommes de 23 850 euros au titre du préavis et de 2 385 euros au titre des congés payés afférents ;

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant :

Dit que le licenciement de M. [L] [C] est sans cause réelle et sérieuse ;

Condamne la S.A.S.U. Jacquet à payer à M. [L] [C] la somme de 131.175 euros net au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement ;

Condamne la S.A.S.U. Jacquet à payer à M. [L] [C] la somme de 70 000 euros net à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Ordonne à la S.A.S.U. Jacquet de rembourser aux organismes concernés les indemnités de chômage versées à M. [L] [C] du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé dans la limite de six mois d'indemnités ;

Ordonne à la S.A.S.U. Jacquet de remettre à M. [L] [C] une attestation Pôle emploi et un bulletin de paie conformes aux dispositions du présent arrêt, et ce dans un délai d'un mois à compter de sa signification, sans qu'il y ait lieu au prononcé d'une astreinte ;

Condamne la S.A.S.U. Jacquet à payer à M. [L] [C] la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et la déboute de sa demande à ce titre ;

Condamne la S.A.S.U. Jacquet aux dépens de l'instance devant la présente juridiction.

Et le présent arrêt a été signé par le président de chambre et par le greffier

Karine DUPONT Alexandre DAVID


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Orléans
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 22/01459
Date de la décision : 28/02/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-02-28;22.01459 ?
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