COUR D'APPEL D'ORLÉANS
C H A M B R E C I V I L E
GROSSES + EXPÉDITIONS : le 27/02/2023
la SCP GUILLAUMA PESME
la SCP LAVAL - FIRKOWSKI
Me Sylvie CELERIER
ARRÊT du : 27 FEVRIER 2023
N° : - : N° RG 20/02408 - N° Portalis DBVN-V-B7E-GHYO
DÉCISION ENTREPRISE : Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de MONTARGIS en date du 12 Novembre 2020
PARTIES EN CAUSE
APPELANTS :- Timbre fiscal dématérialisé N°: 1265264358171958
Monsieur [T] [G]
né le 26 Mai 1958 à [Localité 11]
[Adresse 6]
[Localité 12]
représenté par Me Christophe PESME de la SCP GUILLAUMA PESME, avocat au barreau d'ORLEANS
Madame [M] [I] épouse [G]
née le 06 Avril 1958 à [Localité 8]
[Adresse 6]
[Localité 12]
représentée par Me Christophe PESME de la SCP GUILLAUMA PESME, avocat au barreau d'ORLEANS
D'UNE PART
INTIMÉS : - Timbre fiscal dématérialisé N°: 1265264048363561
Madame [B], [V], [C] [R] épouse [Y]
née le 04 Août 1936 à [Localité 10]
[Adresse 1]
[Localité 4]
représentée par Me Olivier LAVAL de la SCP LAVAL - FIRKOWSKI, avocat postulant au barreau d'ORLEANS et ayant pour avocat plaidant Me Arnaud VERCAIGNE de la SELARL ADEKWA, avocat au barreau de LILLE
Monsieur [O] [Y]
né le 12 Avril 1935 à [Localité 9]
[Adresse 1]
[Localité 4]
représenté par Me Olivier LAVAL de la SCP LAVAL - FIRKOWSKI, avocat postulant au barreau d'ORLEANS et ayant pour avocat plaidant Me Arnaud VERCAIGNE de la SELARL ADEKWA, avocat au barreau de LILLE
Timbre fiscal dématérialisé N°1265264035740660
S.A.M.C.V. MACIF inscrite au RCS de NIORT sous le n° 781 452 511, agissant poursuites et diligences en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège.
[Adresse 2]
[Localité 5]
représentée par Me Sylvie CELERIER, avocat au barreau d'ORLEANS
D'AUTRE PART
DÉCLARATION D'APPEL en date du :24 Novembre 2020
ORDONNANCE DE CLÔTURE du : 06 décembre 2022
COMPOSITION DE LA COUR
Lors des débats, du délibéré :
Madame Anne-Lise COLLOMP, Président de chambre,
Monsieur Laurent SOUSA, Conseiller,
Madame Laure Aimée GRUA, Magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles.
Greffier :
Madame Fatima HAJBI, Greffier lors des débats et du prononcé.
DÉBATS :
A l'audience publique du 09 JANVIER 2023, à laquelle ont été entendus Monsieur Laurent SOUSA, Conseiller, en son rapport et les avocats des parties en leurs plaidoiries.
ARRÊT :
Prononcé le 27 FEVRIER 2023 par mise à la disposition des parties au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.
FAITS ET PROCÉDURE
Par acte authentique du 6 juillet 2017, M. et Mme M. [Y] ont vendu à M. et Mme [G] une maison à usage d'habitation située [Adresse 3] à [Localité 12] (45) au prix de 140 000 euros.
En procédant à la dépose du papier peint de la maison, M. et Mme [G] ont constaté la présence de tâches sur les murs.
Estimant que ces dégradations étaient consécutives à des inondations survenues en 2016, les acquéreurs ont fait assigner leurs vendeurs, le 24 avril 2018, devant le tribunal de grande instance de Montargis aux fins d'indemnisation du préjudice subi.
Par acte d'huissier de justice du 10 octobre 2018, M. et Mme [Y] ont fait assigner en intervention forcée la société Macif en qualité d'assureur multi-risques habitation. La jonction des deux instances a été ordonnée.
Par jugement du 12 novembre 2020, le tribunal judiciaire de Montargis a :
- débouté M. et Mme [G] de leur demande en paiement de la somme de 65 000 euros à l'encontre de M. et Mme [Y] ;
- débouté M. et Mme [G] de leur demande en paiement de la somme de 45 000 euros à l'encontre de M. et Mme [Y] ;
- débouté M. et Mme [G] de leur demande en paiement de la somme de 34 209,20 euros à l'encontre de M. et Mme [Y] ;
- rejeté la demande en garantie formée par M. et Mme [Y] à l'encontre de la société Macif ;
- débouté M. et Mme [Y] de leur demande en paiement de la somme de 5 000 euros à l'encontre de M. et Mme [G] ;
- condamné M. et Mme [G] à payer à M. et Mme [Y] la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
- débouté M. et Mme [G] de leur demande en condamnation de M. et Mme [Y] au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné M. et Mme [G] aux entiers dépens de l'instance.
Par déclaration du 24 novembre 2020, M. et Mme [G] ont interjeté appel de tous les chefs jugement à l'exception de ceux rejetant les demandes formées par M. et Mme [Y].
Suivant conclusions récapitulatives notifiées par voie électronique le 23 février 2022, M. et Mme [G] demandent de :
- les recevoir en leur appel et le déclarer bien fondé ;
- infirmer en toutes ses dispositions le jugement dont appel et statuant à nouveau,
- constater l'accord intervenu entre les parties, et l'entérinant, condamner M. et Mme [Y] à leur verser la somme de 65 000 euros en application dudit accord ;
Subsidiairement,
- dire et juger que leur consentement a été vicié par le dol, et condamner en conséquence, M. et Mme [Y] à leur verser la somme de 65 000 euros de dommages et intérêts au titre de la réduction du prix de vente ;
- subsidiairement, dire et juger M. et Mme [Y] tenus à la garantie des vices cachés affectant l'immeuble vendu par eux, et en conséquence, condamner solidairement M. et Mme [Y] à leur payer la somme de 34 209,20 euros correspondant au montant des travaux de reprise des désordres affectant ledit bien, avec indexation au jour du paiement eu égard à l'indice du coût de la construction, indice de référence 3e trimestre 2017 et intérêts au taux légal à compter de la décision à intervenir ;
- condamner solidairement M. et Mme [Y] à leur payer la somme de 45 000 euros au titre de leur préjudice matériel et de la dépréciation du bien objet de la vente litigieuse ;
- condamner solidairement M. et Mme [Y] à leur payer la somme de 4 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- débouter les parties défenderesses de leurs demandes ;
- condamner solidairement M. et Mme [Y] aux entiers dépens de première instance et d'appel, dont distraction au profit de la SCP Guillauma-Pesme, avocats.
Suivant conclusions récapitulatives notifiées par voie électronique le 11 juin 2021, M. et Mme [Y] demandent de :
- déclarer mal fondé l'appel interjeté par les époux [G] et les en débouter ainsi que de toutes leurs demandes ;
- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté les époux [G] de leurs demandes ;
- dire recevable et bien fondé leur appel incident contre les époux [G], et en leur appel incident provoqué en ce qui concerne la Macif ;
- l'infirmer en ce qu'il n'a pas fait droit à leur demande de dommages et intérêts au titre de la procédure abusive des époux [G] à titre subsidiaire, en ce qu'il a rejeté leur demande en garantie formée à l'encontre de la Macif ;
Statuant à nouveau :
- condamner les époux [G] à leur payer une somme de 5 000 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive ;
- condamner la Macif à les garantir du coût des travaux de reprise des désordres et de la dépréciation de l'immeuble des époux [G] ;
Subsidiairement,
Si par extraordinaire, ils se voyaient finalement condamnés, dans ce cas :
- dire recevable et bien fondé leur appel incident provoqué formé contre la Macif ;
- réformer en ce cas, le jugement déféré en ce qu'il a rejeté leur demande en garantie formée à l'encontre de la Macif ;
Statuant à nouveau,
- condamner la Macif à les garantir de toutes condamnations en principal, intérêts et frais qui viendraient à être prononcées à leur encontre au profit des époux [G] ;
Reconventionnellement et dans tous les cas :
- condamner les époux [G] à leur payer une somme 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner les époux [G] aux dépens de première instance et d'appel et accorder pour ces derniers à Me Daudé, avocat postulant, le droit prévu à l'article 699 du code de procédure civile.
Suivant conclusions récapitulatives notifiées par voie électronique le 1er juin 2021, la société Macif demande de :
- déclarer mal fondé l'appel interjeté par M. et Mme [G] et les débouter de leurs demandes et confirmer le jugement entrepris ;
- y ajoutant, les condamner à lui verser une indemnité de 2 500 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens de la procédure d'appel ;
Dans l'hypothèse où la cour, infirmant le jugement, condamnerait M. et Mme [Y] au paiement de sommes au bénéfice de M. et Mme [G], elle rejetterait l'appel en garantie formé à son encontre et condamnerait M. et Mme [Y] à lui verser 2 500 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens de la procédure d'appel.
Pour un plus ample exposé des faits et des moyens des parties, il convient de se reporter à leurs dernières conclusions récapitulatives.
MOTIFS
Sur l'existence d'un accord transactionnel
Les appelants soutiennent que par courriers en date du 23 juin 2018 et 10 juillet 2018, M. et Mme [Y] ont manifesté leur volonté d'en terminer amiablement et de façon transactionnelle en proposant de leur régler une somme globale et forfaitaire de 65 000 euros ; qu'ils ont manifesté leur accord pour en terminer de la sorte et réitèrent cet accord qui a donc valeur contractuelle au sens des dispositions des articles 1101 et suivants du code civil et tient lieu de loi entre les parties ; que cet accord comporte des concessions réciproques ; que l'écrit prévu à l'article 2044 du code civil n'est exigé qu'à titre probatoire et non à titre de validité du contrat ; que c'est à tort que les premiers juges ont considéré qu'en l'absence de formalisation de l'accord, les époux [Y] ont librement rompu les « négociations pré-contractuelles » qui n'avaient pas abouti ; qu'en effet, les époux [Y] n'ont pas conditionné l'accord à la rédaction d'un protocole, mais ont simplement précisé qu'un protocole sera établi ; que les époux [Y] n'établissent pas l'abus de faiblesse ou la violence dont ils auraient fait l'objet ; que la cause n'est pas objet de discussions.
M. et Mme [Y] répliquent que l'accord transactionnel n'a jamais été formalisé ; qu'ils avaient conditionné le versement de la somme de 65 000 euros à la signature d'un protocole d'accord, devant être rédigé par le conseil des acquéreurs ; que ce protocole d'accord ne leur a jamais été adressé ; qu'en l'absence de concrétisation de l'accord, les échanges intervenus ne sont que de simples pourparlers ; qu'il ne peut être fait état d'une transaction au sens de l'article 2044 du code civil puisqu'il n'était pas question d'obligations réciproques, en l'absence d'avantage pour eux ; que le jugement devra être confirmé en ce qu'il a dit qu'ils ont librement rompu les négociations pré-contractuelles ; que s'il était considéré que l'offre de paiement a été acceptée, il conviendrait d'annuler l'accord pour cause de violence en raison de l'état dépendance dans lequel ils se trouvaient en raison de leur âge et de l'abus de faiblesse commis par la partie adverse ; que contrairement aux usages et aux obligations procédurales, le conseil des époux [G] les a d'abord fait assigner le 24 avril 2018 avant de leur proposer d'en terminer amiablement par un courrier du 4 juin 2018 qui leur a fait peur ; qu'octroyer une indemnité d'un montant de 65 000 euros représentant quasiment la moitié de la valeur de la maison pour des prétendus désordres non justifiés apparaît manifestement excessif.
L'article 2044 du code civil dispose : « La transaction est un contrat par lequel les parties, par des concessions réciproques, terminent une contestation née, ou préviennent une contestation à naître.
Ce contrat doit être rédigé par écrit ».
La transaction est un contrat consensuel qui se forme par la rencontre de volontés des parties. L'offre de transaction doit exprimer la volonté de son auteur d'être lié en cas d'acceptation, et l'acceptation est la manifestation de volonté de son auteur d'être lié dans les termes de l'offre.
En l'espèce, M. et Mme [G] ont fait assigner M. et Mme [Y], par acte d'huissier de justice
délivré le 24 avril 2018, aux fins de paiement d'une indemnité totale de 79 209,20 euros.
Par courrier en date du 23 juin 2018 adressé au conseil de M. et Mme [G] et en copie à ces derniers, M. et Mme [Y] ont écrit ce qui suit :
« Ce jour samedi 23 juin à midi, je viens de téléphoner à Mr [G] et au cours de notre conversation il me confirme que l'indemnité demandée de 65 000 euros réglera définitivement et sans appel les préjudices qu'ils ont subis.
Dans votre courrier du 4 juin nous avions mal interprété la fin du courrier, Mr [G] m'a bien confirmé le sens de sa demande.
Je vous confirme que les 65 000 euros seront réglés par chèque de banque à leur ordre, que vous m'enverrez le protocole d'accord dès la réception et la signature confirmant l'achèvement de ce différend.
Je fais le nécessaire auprès de la banque pour approvisionner le compte, opération qui doit se faire rapidement ».
Par courrier en date du 10 juillet 2018 adressé à leur conseil et en copie au conseil de M. et Mme [G], M. et Mme [Y] ont écrit ce qui suit :
« Suite à nos différentes communications téléphoniques et discussions avec mon épouse, nous avons pris définitivement la décision suivante :
Sachant que la somme demandée est importante et peut donner lieu à bien des contrôles et peut parfois devenir supérieure nous souhaitons donc d'en terminer.
En accord verbal avec Mr [G] sur la somme de 65 000 euros nous souhaitons rapidement mettre fin à ce différend. Mr [G] pouvant se croire trahi n'ayant pas respecté ma parole.
Comme prévu un protocole d'accord sera rédigé entre vous et Maître [D], comme quoi ce protocole règle définitivement et sans appel ce différend et tout autre pouvant survenir ».
Il résulte de ces courriers que M. et Mme [Y] ont formulé une offre d'indemnisation de 65 000 euros auprès du conseil de M. et Mme [G] afin de mettre un terme au litige. Cette somme n'a pas été réglée, aucun protocole d'accord transactionnel n'a été rédigé et signé et M. et Mme [G] ne se sont pas désistés de leur action judiciaire.
Il n'est allégué aucun courrier d'acceptation de l'offre émanant de M. et Mme [G] ou de leur conseil par suite des deux courriers précités de M. et Mme [Y], ni même aucun fait non équivoque de leur part qui établirait une acceptation tacite de l'offre exprimée.
La seule référence, dans les courriers de M. et Mme [Y], aux conversations avec M. [G] sur le règlement du différend, ne permet pas d'établir la manifestation de volonté non équivoque des acquéreurs d'accepter la somme de 65 000 euros aux fins de règlement de l'entier litige alors que la somme sollicitée aux termes de leur assignation était supérieure à celle-ci.
Par lettre officielle du 7 février 2019, le conseil de M. et Mme [Y] écrivait au conseil de M. et Mme [G] : « La transaction envisagée ne s'est pas concrétisée et n'est plus d'actualité comme cela résulte des conclusions en défense notifiées le 9 octobre 2018 ».
En conséquence, la formation d'un accord transactionnel par rencontre des volontés des parties n'est pas établie et M. et Mme [Y] ont librement rétracté leur offre. Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a débouté la demande en paiement de M. et Mme [G] à hauteur de 65 000 euros sur le fondement d'un accord qui n'a pas abouti.
Sur la réticence dolosive
Les appelants soutiennent que le tribunal a écarté leur demande au motif qu'ils ne sollicitaient pas la nullité de la vente, alors que le dol peut également entraîner la responsabilité du vendeur ; que les vendeurs ont dissimulé l'information essentielle sur le fait que la maison avait été inondée en 2016 ; que ces inondations ont entraîné des désordres dans la maison ; qu'en s'abstenant de porter cette information à leur connaissance, les vendeurs ont commis une réticence dolosive au sens des dispositions de l'article 1137 du code civil ; que s'ils avaient été dûment avisés, ils n'auraient pas consenti à la vente ou auraient consenti à un moindre prix dès lors qu'il s'agit là d'une information déterminante ; qu'ils doivent donc être indemnisés du coût des travaux de réparations et de la dépréciation de valeur de la maison, de sorte qu'il doit leur être alloué la somme totale de 65 000 euros au regard de l'accord des parties sur le montant des dommages et intérêts.
M. et Mme [Y] répliquent que les acquéreurs ne démontrent pas qu'ils auraient manqué intentionnellement à leur obligation de contracter de bonne foi et qu'une erreur déterminante du consentement aurait été commise ; que si la maison est située dans une zone de [Localité 12] qui a
effectivement été touchée par les inondations de juin 2016, cela n'a jamais été dissimulé et, les
époux [G] ne pouvaient l'ignorer puisqu'ils habitaient eux-mêmes [Localité 12] au moment desdites inondations ; que l'agent immobilier n'ignorait pas non plus cette information ; que si la propriété a été touchée, la maison d'habitation, bâtie sur un vide sanitaire qui la surélève du sol de 40 cm, n'a pas été inondée ; que les dégâts concernaient essentiellement de l'électroménager dans le garage inondé et du matériel de jardin dans l'abri de jardin, pour lesquels ils ont été indemnisés à hauteur de 10 982,47 euros ; que les seuls dommages dans la maison portaient sur certains revêtements de sols déjà anciens qui ont été abîmés par les passages constants de bottes humides ; que le rapport d'audit produit pas les acquéreurs n'est pas contradictoire, et ne peut suppléer un rapport d'expertise judiciaire ; que les constats d'humidité et de moisissures sur les murs en partie basse ont été faits une fois la quasi-totalité des papiers peints enlevés ; qu'au moment de la vente les papiers peints étaient existants et rien ne pouvait laisser présager une humidité des murs ; que les époux [G] avaient une parfaite connaissance des lieux avant de s'engager ; que les époux [G] ne démontrent pas non plus que s'ils avaient su que le sous-sol de l'immeuble avait été inondé, ils n'auraient pas acquis cet immeuble ou auraient négocié une réduction du prix tenant compte des travaux nécessaires.
L'article 1137 du code civil dispose que le dol est constitué par la dissimulation intentionnelle par l'un des contractants d'une information dont il sait le caractère déterminant pour l'autre partie.
L'existence d'une réticence dolosive s'apprécie au moment de la formation du contrat, peu important que l'étendue du dommage en résultant ne soit pas encore connue de son auteur, ainsi que l'a jugé la Cour de cassation (3e Civ., 23 septembre 2020, pourvoi n° 19-18.598).
Le silence gardé par une partie sur un élément déterminant du consentement de l'autre partie ne constitue un dol que s'il est établi que son auteur a agi intentionnellement pour tromper le contractant et le déterminer à conclure le contrat (1re Civ., 12 novembre 1987, pourvoi n° 85-18.350 ; 1re Civ., 25 janvier 2017, pourvoi n° 15-29.205).
Il est établi par les pièces versées aux débats que la propriété de M. et Mme [Y] située [Adresse 3] à [Localité 12], a été concernée par l'inondation du [Localité 7], entre le 31 mai 2016 et le 6 juin 2016, de sorte que cette habitation a été répertoriée dans la liste des maisons sinistrées de la commune.
L'acte authentique de vente, auquel était annexé l'état des risques naturels, ne mentionne pas que la propriété avait été affecté par la crue du [Localité 7] au printemps de l'année 2016.
Les acquéreurs produisent un procès-verbal de constat d'huissier de justice établi le 25 septembre 2017 mentionnant qu'après dépose des papiers peints, il s'avère que plusieurs murs de la maison présentent des traces d'humidité en partie basse, une bande jaunâtre sur une quarantaine de centimètres de hauteur, des décollements et des effritements de la couche d'impression et des peintures. L'huissier a également constaté que sur les lais de papiers peints retirés, il n'existait pas de traces ou des traces mineures sur le côté visible et une bande jaunâtre de 36 cm ainsi que des traces noires sur le côté apposé au mur.
Ce constat d'huissier de justice est corroboré par un rapport d'expertise non judiciaire établi par la société Batimmexpert le 24 octobre 2017 qui mentionne que la maison vendue présente de nombreuses traces d'humidité et de moisissures sur les murs en partie basse, des traces noires, roses, verdâtres et des bandes jaunâtres de nombreux endroits sur une hauteur de 40 à 50 cm par rapport à la base du mur, qui résultent des conséquences des inondations survenues entre le 28 mai et le 6 juin 2016 à [Localité 12].
Ce rapport comporte en annexe une attestation du service départemental d'incendie et de secours mentionnant une intervention au domicile de M. et Mme [Y] suite aux intempéries survenues à partir du 28 mai 2016.
M. et Mme [Y] ont été indemnisés par la Macif, à la suite de leur déclaration de sinistre relative à l'inondation, à hauteur de 10 982,47 euros, suivant l'évaluation établie par l'expert désigné, la société Eurexo Champagne Ardennes.
Cet expert, a indiqué par courrier du 18 octobre 2017, en réponse à une réclamation des acquéreurs, n'avoir constaté lors de sa visite du 12 juin 2016 que des dommages aux revêtements de sols et aux appareils électroménagers et que les travaux de type « immobiliers » ont consisté dans le remplacement des moquettes et la pose du parquet flottant pour les chambres 1 et 3 et du sol PVC pour la chambre 25 et le garage.
Il résulte de l'ensemble de ces éléments que la maison d'habitation de M. et Mme [Y] a bien été inondée, le seul passage de personnes avec des bottes humides ne pouvant justifier le remplacement des revêtements de sols dans plusieurs pièces dont deux chambres. Les acquéreurs ne pouvaient connaître l'étendue des dégradations commises au sein de cette maison même s'ils résidaient à [Localité 12] et avaient connaissance de la crue du [Localité 7].
L'absence de connaissance par les vendeurs des dégradations commises sur les murs par la montée des eaux ne peut conduire à conclure à l'absence de réticence dolosive. En effet, les vendeurs qui ont vendu la maison d'habitation un an après la crue et après remplacement des revêtements de sol se sont gardés d'informer les acquéreurs de ce fait de nature à influer sur l'accord ou les modalités de la vente, quand bien même ils ne connaissaient pas toute l'étendue des dommages causés.
En conséquence, il est établi que M. et Mme [Y] ont commis une réticence dolosive à l'égard de M. et Mme [G], comme cela a été jugé par le tribunal, qui a en revanche rejeté à tort la demande de dommages et intérêts formée par les acquéreurs.
Le préjudice réparable d'un cocontractant victime d'un dol, qui a fait le choix de ne pas demander l'annulation du contrat, correspond uniquement à la perte d'une chance d'avoir pu contracter à des conditions plus avantageuses (Com., 10 juillet 2012, pourvoi n° 11-21.954, Bull. 2012, IV, n° 149).
En l'espèce, M. et Mme [G], non-informés du fait que la maison avait été touchée par la crue du [Localité 7] l'année précédant la vente, ont donc perdu une chance de conclure la vente à un prix plus avantageux au regard du lieu de situation de l'immeuble et des dégradations subies. Toutefois, au jour de la vente, l'état des murs sous les revêtements muraux n'était ni visible ni décelable, de sorte que l'indemnité ne peut être fixée au montant des travaux de reprise des dégradations des parois.
En revanche, les acquéreurs ont perdu une chance de faire diligenter des investigations techniques afin de vérifier l'état du bien suite à l'inondation de 2016, et de négocier utilement les conditions de la vente du bien immobilier. La chance perdue justifie une indemnisation à hauteur de 15 000 euros.
M. et Mme [Y] seront donc condamnés à payer à M. et Mme [G] la somme de 15 000 euros à titre de dommages et intérêts. Le jugement sera donc infirmé en ce qu'il a débouté M. et Mme [G] de leur demande en paiement de la somme de 65 000 euros à l'encontre de M. et Mme [Y].
Sur le recours en garantie des vendeurs à l'encontre de la Macif
M. et Mme [Y] soutiennent que leur recours en garantie contre leur assureur habitation est subordonné à la seule démonstration que la Macif a commis une faute ayant contribué a la réalisation du préjudice de la victime, les époux [G] ; que la faute de la Macif est d'avoir indemnisé ses assurés insuffisamment sur la base d'un rapport erroné de l'expert qu'elle a mandaté ; que si les désordres invoqués par les époux [G] étaient réels et imputables aux vendeurs, il s'agirait alors de conséquences évidentes de l'inondation de juin 2016 constituant une aggravation du préjudice initial pour lequel ils ont été indemnisés ; que ces conséquences doivent donc être prises en charge par la Macif dans le cadre de l'exécution du contrat d'assurance.
La Macif réplique qu'il appartient à M. et Mme [Y] de justifier du fondement de leur action et d'autre part, de démontrer le lien entre cette condamnation et le sinistre du 1er juin 2016, la Macif ne pouvant être appelée à garantir la dépréciation de l'immeuble ou des reprises non directement liées aux inondations et en tout état de cause, sa garantie ne peut intervenir que dans les limites des garanties contractuelles ; que cette démonstration n'étant pas apportée, ils seront déboutés de leurs demandes dirigées à son encontre.
En l'espèce, il est établi que M. et Mme [Y] ont commis une réticence dolosive ayant causé préjudice aux acquéreurs. Ce préjudice résulte des conditions dans lesquelles la vente a été conclue entre les vendeurs et les acquéreurs, et non directement de l'état du bien vendu assuré par la Macif qui ne garantit pas les conséquences pécuniaires du dol.
L'indemnisation par la Macif des dégâts causés à leur habitation par suite des inondations est donc sans lien avec la réticence dolosive commise par M. et Mme [Y], outre le fait qu'il n'est pas démontré que l'assureur aurait commis une faute contractuelle dans le processus d'indemnisation.
En conséquence, le recours en garantie de M. et Mme [Y] à l'encontre de la Macif sera rejeté et le jugement sera confirmé de ce chef.
Sur les dommages et intérêts pour procédure abusive
M. et Mme [Y] n'établissant pas l'existence d'une faute commise par M. et Mme [G], victimes d'une réticence dolosive, leur demande de dommages et intérêts pour procédure abusive doit être rejetée et le jugement sera confirmé de ce chef.
Sur les demandes accessoires
Compte tenu de la solution donnée au litige, le jugement sera infirmé en ses chefs statuant sur les dépens et les frais irrépétibles. M. et Mme [Y] seront condamnés in solidum aux entiers dépens de première instance et d'appel avec application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile, et à payer à M. et Mme [G] la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
La demande d'indemnité formée par la Macif sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile sera rejetée.
PAR CES MOTIFS,
Statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
INFIRME le jugement en ce qu'il a :
- débouté M. et Mme [G] de leur demande en paiement de la somme de 65 000 euros à l'encontre de M. et Mme [Y] ;
- condamné M. et Mme [G] à payer à M. et Mme [Y] la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
- débouté M. et Mme [G] de leur demande en condamnation de M. et Mme [Y] au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné M. et Mme [G] aux entiers dépens de l'instance.
LE CONFIRME en ses autres dispositions critiquées ;
STATUANT À NOUVEAU sur les chefs infirmés et Y AJOUTANT :
CONDAMNE M. et Mme [Y] à payer à M. et Mme [G] la somme de 15 000 euros en réparation du préjudice causé par leur réticence dolosive ;
CONDAMNE in solidum M. et Mme [Y] à payer à M. et Mme [G] la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
DÉBOUTE la Macif de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE in solidum M. et Mme [Y] aux entiers dépens de première instance et d'appel ;
DIT que la SCP Guillauma-Pesme pourra recouvrer directement contre la partie condamnée ceux des dépens dont il a fait l'avance sans en avoir reçu provision.
Arrêt signé par Madame Anne-Lise COLLOMP, Président de Chambre et Madame Fatima HAJBI, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT