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27/02/2023 | FRANCE | N°18/02188

France | France, Cour d'appel d'Orléans, Chambre civile, 27 février 2023, 18/02188


COUR D'APPEL D'ORLÉANS



C H A M B R E C I V I L E





GROSSES + EXPÉDITIONS : le 27/02/2023

la SARL ARCOLE

la SCP ROBILIARD

ARRÊT du : 27 FEVRIER 2023



N° : - : N° RG 18/02188 - N° Portalis DBVN-V-B7C-FX3D



DÉCISION ENTREPRISE : Jugement du Tribunal de Grande Instance de BLOIS en date du 12 Juillet 2018



PARTIES EN CAUSE



APPELANTES :- Timbre fiscal dématérialisé N°: 1265 1265218455816729



Madame [W] [B] veuve [U]

née le 12 Février 1937 à [Localité 1

5]

[Adresse 7]

[Localité 14]



représentée par Me Boris LABBE de la SARL ARCOLE du barreau de TOURS





Madame [T] [U] épouse [F]

née le 11 Novembre 1956 à [Localité 15]

...

COUR D'APPEL D'ORLÉANS

C H A M B R E C I V I L E

GROSSES + EXPÉDITIONS : le 27/02/2023

la SARL ARCOLE

la SCP ROBILIARD

ARRÊT du : 27 FEVRIER 2023

N° : - : N° RG 18/02188 - N° Portalis DBVN-V-B7C-FX3D

DÉCISION ENTREPRISE : Jugement du Tribunal de Grande Instance de BLOIS en date du 12 Juillet 2018

PARTIES EN CAUSE

APPELANTES :- Timbre fiscal dématérialisé N°: 1265 1265218455816729

Madame [W] [B] veuve [U]

née le 12 Février 1937 à [Localité 15]

[Adresse 7]

[Localité 14]

représentée par Me Boris LABBE de la SARL ARCOLE du barreau de TOURS

Madame [T] [U] épouse [F]

née le 11 Novembre 1956 à [Localité 15]

[Adresse 3]

[Localité 5]

représentée par Me Boris LABBE de la SARL ARCOLE du barreau de TOURS

Madame [L] [U] épouse [D]

née le 22 Juin 1959 à [Localité 11]

[Adresse 1]

[Localité 10]

représentée par Me Boris LABBE de la SARL ARCOLE du barreau de TOURS

Madame [J] [U]

née le 17 Février 1966 à [Localité 16]

[Adresse 2]

[Localité 9]

représentée par Me Boris LABBE de la SARL ARCOLE du barreau de TOURS

D'UNE PART

INTIMÉE : - Timbre fiscal dématérialisé N°: 1265 1265229364761679

SCI DU [Adresse 13] immatriculée au RCS de Blois sous le n° 400 415 717, prise en la personne de son représentant légal , domicilié ès qualités audit siège

[Adresse 7]

[Localité 14]

représentée par Me Denys ROBILIARD du barreau de BLOIS

D'AUTRE PART

DÉCLARATION D'APPEL en date du :23 Juillet 2018

ORDONNANCE DE CLÔTURE du : 22 Novembre 2022

COMPOSITION DE LA COUR

Lors des débats, du délibéré :

Madame Anne-Lise COLLOMP, Président de chambre,

Monsieur Laurent SOUSA, Conseiller,

Madame Laure Aimée GRUA, Magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles.

Greffier :

Madame Fatima HAJBI, Greffier lors des débats et du prononcé.

DÉBATS :

A l'audience publique du 09 JANVIER 2023, à laquelle ont été entendus Madame Anne-Lise COLLOMP, Président de Chambre, en son rapport et les avocats des parties en leurs plaidoiries.

ARRÊT :

Prononcé le 27 FEVRIER 2023 par mise à la disposition des parties au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

FAITS ET PROCEDURE

Par acte notarié du 18 mai 1995, la commune de [Localité 14] a donné à crédit bail à la SCI du [Adresse 13] une maison avec garage en sous-sol située [Adresse 7] à [Localité 14].

La commune a offert au crédit preneur la faculté d'acquérir ces biens et droits immobiliers, l'option ne pouvant être levée par anticipation qu'à partir de la fin de la 8ème année de location et se terminant à la date d'expiration de celui-ci.

Par acte notarié du 30 mai 1995, la SCI du [Adresse 13] a :

- sous-loué ces biens et droits immobiliers à M. [G] [U] et à son épouse Mme [W] [B], rétroactivement à compter du 1er mars 1995, pour une durée de 3 années renouvelable par périodes de 3 ans en l'absence de congé,

- promis de leur vendre les biens loués, à la condition que la société s'en soit portée acquéreur, la réalisation de la promesse de vente ne pouvant être demandée par les bénéficiaires que lorsque le sous-bailleur serait devenu propriétaire des biens, ce qui ne pouvait intervenir qu'à partir du 1er mars 2003, et pendant une durée d'un an qui commencerait à courir du jour où le sous bailleur serait devenu propriétaire, la promesse de vente devenant nulle et non avenue à l'expiration de ce délai.

La société du [Adresse 13] ayant levé l'option offerte par la commune de [Localité 14], elle est devenue propriétaire des biens et droits immobiliers selon acte notarié du 4 août 2014.

Par acte extra judiciaire remis au notaire le 9 février 2015, M. et Mme [U] ont alors levé l'option qui leur avait été consentie par la SCI.

La SCI du [Adresse 13] ayant refusé de procéder à la réitération par acte authentique de l'acte de vente, Mme [W] [B] veuve [U], Mme [T] [U] épouse [F], Mme [L] [U] épouse [D] et Mme [J] [U], ayants droit de M. [G] [U], décédé, ont fait assigner la société du [Adresse 13] devant le tribunal de grande instance de Blois, par acte d'huissier de justice du 9 mars 2016, pour voir constater la vente au prix de 60 980 euros, acquitté à hauteur de 60 977,62 euros par déduction des 2/3 des loyers, constater qu'ils occupent les biens immobiliers en qualité de propriétaires depuis le 9 février 2015, dire que le jugement vaudra vente et sera publié, et condamner la société au paiement d'une indemnité de procédure et des dépens.

Par jugement rendu le 12 juillet 2018, le tribunal de grande instance de Blois a :

- dit que la promesse unilatérale de vente stipulée à l'acte reçu par Maître [C] le 30 mai 1995 est nulle et de nul effet ;

- débouté la SCI du [Adresse 13] de ses demandes subsidiaires ;

- débouté les consorts [U] de l'ensemble de leurs demandes ;

- condamné les consorts [U] au paiement de la somme de 1 200 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné les consorts [U] au paiement des entiers dépens dont distraction au profit de la SCP Robiliard.

Selon déclaration du 23 juillet 2018, Mme [W] veuve [U], Mme [T] [U] épouse [F], Mme [L] [U] épouse [D] et Mme [J] [U] ont relevé appel de ce jugement, en critiquant expressément tous ses chefs à l'exception de celui ayant débouté la SCI du [Adresse 13] de ses demandes subsidiaires.

Par arrêt avant-dire droit du 16 mars 2020, la cour d'appel d'Orléans a: - infirmé le jugement, en toutes ses dispositions ;

Statuant à nouveau,

- déclaré la société du [Adresse 13] irrecevable en son exception de nullité de la promesse de vente du 18 mai 1995 ;

- déclaré parfaite, le 9 février 2015, la vente des biens et droits immobiliers dépendant d'un immeuble situé [Adresse 7], commune de [Localité 14] (Loir et Cher), cadastré section E n°[Cadastre 4] lieudit « [Localité 12] » pour 26a 72ca, intervenue entre la SCI du [Adresse 13], vendeur, et Mme [W], [O], [B] veuve [U], Mme [T], [E], [A] [U] épouse [F], Mme [L], [H] [U] épouse [D] et [J], [H], [N] [U], acquéreurs ;

- dit que la présente décision vaudra titre de propriété après sa publication au service de la publicité foncière de la situation de l'immeuble ;

- déclaré la société du [Adresse 13] recevable en sa demande de rescision pour cause de lésion ;

Avant dire droit sur la demande de rescision pour lésion,

- ordonné une expertise et commis pour y procéder les experts suivants : M. [P] [X], Mme [Y] [I] et M. [V] [R] ;

- dit qu'après avoir pris connaissance des faits de la cause et s'être fait remettre tous documents utiles par les parties, les experts rempliront la mission suivante :

se rendre sur les lieux, entendre les parties ainsi que tout sachant,

visiter et décrire les biens à la date de la vente, le 9 février 2015,

donner un seul avis à la pluralité des voix sur la valeur vénale réelle de ces biens au moment de cette vente, en précisant dans la mesure du possible leur état d'entretien, et plus particulièrement celui du bâtiment à cette époque, ainsi que le coût approximatif des travaux de réfection éventuellement nécessaires,

s'il y a des avis différents, il conviendra d'en indiquer les motifs sans préciser quel expert aura énoncé tel avis,

proposer dans les mêmes conditions une estimation de la valeur de ces biens à la date de l'expertise, afin de permettre, au cas où la valeur au jour de la vente serait supérieure de plus des sept douzièmes au prix convenu entre les parties, la détermination du complément de prix à verser par l'acquéreur pour conserver l'immeuble,

établir un pré-rapport commun de leurs opérations, le communiquer aux parties et leur donner un délai pour formuler des observations avant de déposer leur rapport définitif,

au cas où ce rapport comporterait des avis différents, en préciser les motifs, sans faire connaître l'avis de chaque expert ;

- dit que les experts devront déposer leur rapport dans les six mois de leur saisine;

- fixé à 2.000 euros la provision que la société du [Adresse 13] devra consigner au greffe de la cour dans les deux mois du présent arrêt ;

- rappelé qu'à défaut de consignation dans ce délai, la désignation des experts sera caduque selon les modalités de l'article 271 du code de procédure civile, sauf prorogation du délai de consignation ;

- dit que le suivi de la mesure d'expertise sera assuré par le président de la 1ère chambre civile chargé du contrôle des expertises, à qui il sera référé en cas de difficulté et qui pourra notamment pourvoir au remplacement d'un ou des experts en cas de refus ou d'empêchement ;

- renvoyé le dossier à la mise en état du 05 mai 2020 à 10.00h pour vérifier le versement de la consignation fixée ;

- sursis à statuer sur l'ensemble des autres demandes ;

- réservé les dépens.

Les experts ont déposé leur rapport le 15 février 2022.

Suivant conclusions récapitulatives notifiées par voie électronique le 18 novembre 2022, Mme [W] [B] veuve [U], Mme [T] [U] épouse [F], Mme [L] [U] épouse [D] et Mme [J] [U] (ci-après les consorts [U]) demandent à la cour de :

- les dire recevables en leur appel et leurs conclusions, les dire bien fondées ;

- homologuer le rapport d'expertise du 22 janvier 2022 du collège d'experts ;

- dire et juger qu'il n'existe pas de rescision pour lésion de plus des 7/12èmes ;

- déclarer irrecevable comme nouvelle la demande de la SCI du [Adresse 13] au titre des dispositions de l'article 1302-2 du code civil ;

- débouter la SCI du [Adresse 13] de toutes ses demandes, fins et conclusions ;

- condamner la SCI du [Adresse 13] à leur payer la somme de 10 000 € à titre de dommages-intérêts ;

- condamner la SCI du [Adresse 13] à leur payer la somme de 5.000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la SCI du [Adresse 13] aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Suivant conclusions récapitulatives notifiées par voie électronique le 1er novembre 2022, la SCI du [Adresse 13] demande de :

- constater que la vente déclarée parfaite en date du 9 février 2015, des biens et droits d'un immeuble situé [Adresse 7], commune de [Localité 14] (Loir- et-Cher), cadastré section E n° [Cadastre 4] lieudit «'[Localité 12]'» pour une contenance de 26 ares et 72 centiares, intervenue entre la SCI [Adresse 13] vendeurs et les consorts [U] (Mme [W], [O], [B] veuve [U], Mme [T], [E], [A] [U] épouse [F], Mme [L], [H] [U] épouse [D] et [J], [H], [N] [U]), acquéreurs lèse la SCI du [Adresse 13] de plus des 7 douzièmes ;

- prononcer en conséquence la rescision de la vente ;

Subsidiairement,

- condamner solidairement les consorts [U] (Mme [W], [O], [B] veuve [U], Mme [T], [E], [A] [U] épouse [F], Mme [L], [H] [U] épouse [D] et Mme [J], [H], [N] [U]) à payer à la SCI du [Adresse 13], au titre de la répétition de l'indu, la somme de 27.927 euros, total des sommes foncières indues ;

- condamner les consorts [U] (Mme [W], [O], [B] veuve [U], Mme [T], [E], [A] [U] épouse [F], Mme [L], [H] [U] épouse [D] et [J], [H], [N] [U]) à payer à la SCI du [Adresse 13] 5000 euros sur le fondement de l'article 700 code de procédure civile ;

- les condamner solidairement aux entiers dépens, et accorder à la SCP Robillard le droit prévu à l'article 699 du code de procédure civile.

Pour un plus ample exposé des faits et des moyens des parties, il convient de se reporter à leurs dernières conclusions récapitulatives.

Par note en délibéré en date du 20 janvier 2023, la cour d'appel a sollicité la production d'une photocopie complète de l'avis de taxe foncière pour l'année 2016, en ce compris le détail des cotisations qui ne figurait pas dans l'exemplaire produit.

La SCI du [Adresse 13] a communiqué cette pièce le 1er février 2023.

MOTIFS

Sur la demande de rescision pour cause de lésion

En application de l'article 1674 du code civil :

'Si le vendeur a été lésé de plus de sept douzièmes dans le prix d'un immeuble, il a le droit de demander la rescision de la vente, quand même il aurait expressément renoncé dans le contrat à la faculté de demander cette rescision, et qu'il aurait déclaré donner la plus-value'.

Selon l'article 1675 du code précité, pour savoir s'il y a lésion de plus de sept douzièmes, il faut estimer l'immeuble suivant son état et sa valeur au moment de la vente.

La preuve de la lésion ne peut se faire, selon l'article 1677, que par un rapport de trois experts, qui seront tenus de dresser un seul procès-verbal commun, et de ne former qu'un seul avis à la pluralité des voix. L'article 1678 précise que s'il y a des avis différents, le procès-verbal en contiendra les motifs, sans qu'il soit permis de faire connaître de quel avis chaque expert a été.

En l'espèce, par arrêt avant-dire droit du 16 mars 2020, la cour d'appel d'Orléans a, après avoir déclaré parfaite la vente intervenue le 9 février 2015 au profit des consorts [U], déclaré la société du [Adresse 13] recevable en sa demande de rescision pour cause de lésion et avant-dire droit ordonné une expertise et commis pour y procéder trois experts.

Les trois experts ont déposé leur rapport le 15 février 2022.

Ils concluent que selon eux, la maison située [Adresse 7] à [Localité 14], objet de la présente procédure, avait une valeur au 9 février 2015, date de la vente, de 146 000 euros.

La SCI du [Adresse 13] expose que la cour n'est pas liée par l'expertise, et qu'en l'espèce, les valeurs retenues par le collège d'experts sont incompréhensibles au regard des éléments de référence qu'ils ont eux-même dégagés, les experts ayant pris en considération les seuls éléments venant minorer le prix.

Ils font ainsi valoir que :

- s'il est exact que la maison n'est pas située dans le bourg, elle est toutefois située à 500 mètres à pied de celui-ci et à 1,5 km de celui-ci en voiture, de sorte que le propriétaire bénéficie des intérêts du bourg sans avoir les nuisances liées aux véhicules et au bruit ;

- l'absence de clôture du chemin a été considérée comme un inconvénient par l'expert, alors que nombre de chemins ne sont pas clôturés et que le parc entourant la maison est quant à lui clôturé ,

- la voie ferrée n'est pas à 100 mètres comme indiqué dans leur pré-rapport mais à plus de 150 mètres, ce qu'ils ont indiqué dans leur rapport sans en tirer de conséquence sur la valorisation du bien ;

- une référence est faite avec un immeuble situé [Adresse 8], très passante et bruyante et à proximité immédiate de la voie ferrée et de la gare, mais les experts n'en ont pas tiré de conséquence sur l'appréciation de la valeur de l'immeuble ;

- les experts n'ont pas considéré la taille des pièces des immeubles de comparaison, alors qu'ils datent des années 50 avec des pièces beaucoup plus petites, tandis que la maison en cause date de la seconde moitié des années 70, avec une extention plus récente ;

- l'analyse des prix du marché ne permet pas davantage de justifier le prix au mètre carré retenu par les experts, à savoir 750 euros par mètre carré habitable soit une valeur inférieure à toutes les autres à l'exception d'une maison à [Localité 17] qui devrait être écartée compte tenu tenu de sa valeur anormalement faible, inexpliquée, et étant observée que les 3 références retenues comme pertinentes donnent des prix au mètre carré habitable de 839, 767 et 1417 euros.

Ils demandent en conséquence que soit retenue la valeur du terme de référence le plus faible cité page 28 du rapport soit 767 euros du mètre carré habitable, ce qui conduit à une valeur de 149 565 euros.

Toutefois, il résulte du rapport d'expertise que les experts, ont pris en considération, s'agissant de la localisation du bien le fait que :

- la maison se situe à 153 mètres en retrait de la ligne de chemin de fer ;

- qu'elle se situe à 135 mètres en retrait de la rue ;

- que l'accès se fait par un chemin d'accès s'étendant sur 97 mètres, non clôturé, qui neutralise 16% de la surface totale du terrain, ce qui constitue un facteur dépréciatif;

- que sa localisation est particulière en ce qu'elle est située en limite d'urbanisation et que son accès se fait entre deux locaux d'activités dont l'un est fort mal tenu.

Ils ont donc, dans leur évaluation de la valeur du bien, pris en considération la distance exacte par rapport à la voie SNCF.

S'ils ont mentionné, au titre des 'faiblesses', un emplacement éloigné du centre de la commune, ils ont parallèlement pris en considération au titre des forces une 'implantation en péricentre de la bourgade' et l'environnement calme, de sorte qu'ils n'ont pas ignoré la localisation du bien par rapport au centre ville et les avantages en terme de calme.

Les experts n'ont pas seulement pris en considération, pour retenir que le chemin d'accès est un facteur dépréciatif, le fait qu'il n'est pas clôturé, mais le fait également que compte tenu de sa longueur, il neutralise 16% de la surface totale de la parcelle. Compte tenu de la longueur du chemin qui mesure 97 mètres et du fait, retenu par les experts, qu'il est encadré par deux locaux d'activité dont l'un fort mal tenu, il ne peut être reproché aux experts d'avoir mentionné l'existence de ce chemin et le fait qu'il n'est pas clôturé au titre des facteurs dépréciatifs.

Le bien immobilier vendu aux consorts [U], constitué par une maison édifiée sur un terrain de 2500 mètres carrés environ, présente des facteurs positifs relevés par les trois experts en ce qu'il se situe dans un environnement calme - exception faite de la ligne SNCF - et peu construit, se trouve en péricentre de la ville de [Localité 14], commune desservie par le train, est édifié sur sous-sol avec garage, comporte un étage, compte 6 ou 7 pièces, avec de beaux volumes intérieurs.

Toutefois, la maison est un pavillon semi-récent très typé des années 1970, d'aspect selon les experts 'quelque peu daté' malgré son extension construite dans les années 80 ou 90. Les experts ont relevé que les maisons de cette époque sont peu recherchées.

Il résulte encore du rapport d'expertise que la maison nécessite des travaux : les façades sont en état assez médiocre et nécessitent à moyenne échéance un ravalement avec enduit (p.13), l'étage est qualifié de 'dégradé', avec par endroit des traces d'humidité, et la maison nécessite des travaux d'entretien, d'amélioration et de remise au goût du jour (remplacement du chauffage, modernisation de la salle de bain à l'étage, cuisine, pièces humides, décoration, électricité, enduits extérieurs).

En outre, les experts ont mentionné la présence de 'fissures notables' au dernier niveau, fissures dont l'origine n'a pas été identifiée.

Le terrain de l'ordre de 2500 mètres carrés est à hauteur de 16% à usage de chemin d'accès, non clôturé sur l'une de ses longueurs et limitrophe de locaux d'activités dont l'un est mal entretenu.

Les experts ont encore relevé que le marché national de l'immobilier en 2015 était morose, avec une baisse des valeurs et du nombre des transactions.

Les références mentionnées par les experts dans leur rapport, qui portent sur des ventes intervenues en 2013, 2014 et 2015, ont des valeurs de l'ordre de 767 à 1417 euros du mètre carré.

Les experts ont également fait figurer parmi les éléments de référence une maison vendue en juin 2014 donc quelques mois après la vente en cause, à Romorantin, commune voisine, pour un prix de 129 000 euros représentant 759 euros par mètre carré.

Compte tenu de l'époque de construction de la maison, de son état d'entretien et des travaux qu'elle nécessite, de la présence de lézardes et fissures dont la cause n'a pas été identifiée, et de sa localisation en second rang, à l'arrière d'un local d'activités, à 153 mètres de la voie ferrée et à 500 mètres du centre bourg, la valeur de 750 euros par mètre carré habitable retenue par les trois experts conjointement désignés, qui n'ont pas fait état d'un avis divergent comme leur en donne la possibilité l'article 1679 du code civil, apparaît justifiée et correspond à la valeur du bien lors de sa vente le 9 février 2015. Elle sera en conséquence retenue.

La maison ayant une surface habitable de 195 mètres carrés, il en résulte que la valeur du bien immobiier vendu aux consorts [U] peut être évaluée à 146 000 euros le 9 février 2015.

Le vendeur ne peut demander la rescision que s'il a été lésé de plus de 7/12 dans le prix de l'immeuble, de sorte que la SCI du [Adresse 13] ne peut demander la rescision que si elle a été lésée de plus de 146 000X 7/12 = 85 166 euros.

Or le bien a été vendu au prix de 60 979,60 euros, soit un prix inférieur de 85 020,40 euros (146 000 - 60 979,60) à la valeur de la maison.

Cette différence représentant moins de 7/12 du prix de vente, il en résulte que la SCI n'a pas subi de lésion de plus de 7/12.

Sa demande de rescision de la vente pour cause lésion sera en conséquence rejetée.

Sur la demande en remboursement d'une somme de 27927 euros au titre des taxes foncières

La SCI sollicite, sur le fondement de l'article 1302-2 du code civil le remboursement des taxes foncières acquittées de 2015 à 2020.

* sur la recevabilité de la demande

Les consorts [U] soutiennent que la demande est irrecevable comme nouvelle en cause d'appel.

Il est exact que cette demande n'a pas été formée en première instance.

Toutefois, en application de l'article 566 du code de procédure civile, les parties peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge les demandes qui en sont l'accessoire ou la conséquence.

En l'espèce, la demande en paiement des taxes foncières ayant couru depuis 2015 étant consécutive à la reconnaissance du caractère parfait de la vente intervenue le 9 février 2015 par suite du rejet de sa demande d'annulation de la promesse de vente du 18 mai 1955, elle est l'accessoire ou la conséquence des prétentions soumises aux premiers juges et elle sera en conséquence déclarée recevable.

* sur le fond

La SCI fonde sa demande à ce titre sur les dispositions de l'article 1302-2 du code civil.

Les consorts [U] sollicitent le rejet de la demande au motif que la SCI ne justifie pas avoir payé les sommes dont elle réclame le remboursement, que la demande doit être rejetée pour l'année 2015 dans la mesure où ils ne sont devenus propriétaires de l'immeuble litigieux que le 9 février 2015 tandis que c'est le propriétaire au 1er janvier qui est redevable pour l'année entière du montant de la taxe foncière, que le montant de l'impôt n'est pas justifié pour les années 2017 à 2020, et qu'en outre la SCI réclame le paiement de l'intégralité de la taxe foncière alors qu'il résulte des avis d'imposition qu'elle concerne pour partie des bâtiments à usage professionnel qui n'appartiennent pas aux consorts [U].

En application de l'article 1302-2 du code civil :

'Celui qui par erreur ou sous la contrainte a acquitté la dette d'autrui peut agir en restitution contre le créancier. Néanmoins ce droit cesse dans le cas où le créancier, par suite du paiement, a détruit son titre ou abandonné les sûretés qui garantissaient sa créance'.

La taxe foncière est due par le propriétaire de l'immeuble.

En application de l'article 1415 du code général des impôts, la taxe foncière sur les propriétés bâties est établie pour l'année entière d'après les faits existants au 1er janvier de l'année de l'imposition.

Il en résulte que la demande ne peut prospérer pour l'année 2015 puisque c'est la SCI du moiulin à vent qui était propriétaire de la maison au 1er janvier 2015, les parties n'ayant pas contractuellement convenu d'une répartition entre elles de la charge de cette somme.

Pour les années postérieures en revanche, le paiement de cette taxe incombait aux consorts [U] en leur qualité de propriétaires de l'immeuble situé [Adresse 7] à [Localité 14].

La SCI Justifie, par la production des avis de taxe foncière des années considérées, avoir supporté la taxe foncière pour l'immeuble objet du litige de sorte qu'elle est fondée à en réclamer le paiement aux consorts [U] sur le fondement de l'article 1302-2 du code civil.

Toutefois, il résulte de ces avis d'imposition qu'ils concernent non seulement l'immeuble objet du litige, situé [Adresse 7] à [Localité 14], mais également les deux immeubles situés respectivement [Adresse 6] dans cette même commune, qui sont des immeubles à usage professionnels n'appartenant pas aux consorts [U].

Les consorts [U] ne pouvant être tenus que de la seule partie de taxe foncière afférente à l'immeuble situé [Adresse 7] dont ils sont propriétaires, il convient de les condamner au paiement de la seule partie de l'imposition due à ce titre, qu'il est possible de déterminer au regard du détail des cotisations produits pour les années 2016 à 2020, à savoir :

- pour l'année 2016 : 1826 euros ;

- pour l'année 2017 : 1832 euros ;

- pour l'année 2018 : 1852 euros

- pour l'année 2019 : 1892 euros

- pour l'année 2020 : 1933 euros

Les consorts [U] seront en conséquence condamnés in solidum à payer à la SCI du [Adresse 13] une somme de 9335 euros à ce titre.

Sur la demande en dommages et intérêts

Les consorts [U] sollicitent le paiement d'une somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts. Ils font valoir que la SCI n'a pas exécuté le contrat de bonne foi, que l'acte du 3 mai 1995 prévoyait en effet que la mutation des biens sera constatée par acte notarié dans les quinze jours de la levée de l'option mais qu'en raison de la mauvaise foi de la SCI, non seulement le délai de 15 jours n'a pas pu être respecté mais aucune réitération par acte notarié n'a été possible, qu'ils ont été contraint de l'attraire en justice pour faire valoir leurs droits et que ce n'est que plus de 5 ans après la levée de l'option, intervenue le 9 février 2015, que la vente a été déclarée parfaite. Ils estiment que cette résistance abusive justifie l'allocation de dommages et intérêts à hauteur de 10 000 euros.

Toutefois, d'une part la position divergente des parties sur la validité de la promesse de vente ne saurait à elle seule caractériser une déloyauté ou la mauvaise foi de la SCI dans l'exécution du contrat, celle-ci étant en droit de faire trancher en justice la question de la validité de cette promesse.

En tout état de cause, les consorts [U] ne justifient pas du préjudice dont ils sollicitent réparation à ce titre dans la mesure où M. et Mme [G] et [W] [U], et depuis le décès de [G] [U] son épouse seule, occupent ce bien depuis 1995 et que le retard pris dans la réitération de la vente ne les a aucunement privés de la jouissance de ce bien. Ils ne justifient donc pas que le refus de la SCI d'accepter la levée de l'option qu'elle leur avait consenti leur a causé un quelconque préjudice.

Ils seront déboutés de leur demande à ce titre.

Sur les dépens et les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile

La SCI du [Adresse 13], qui succombe, sera tenue aux dépens de première instance et d'appel, en ce compris les frais de l'expertise judiciaire.

Les circonstances de la causes ne justifient pas de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Statuant par mise à disposition au greffe, contradictoirement et en dernier ressort,

DEBOUTE la SCI du [Adresse 13] de sa demande de rescision pour cause de lésion de la vente intervenue le 9 février 2015 au profit des consorts [U] portant sur un immeuble situé [Adresse 7] à [Localité 14] ;

DECLARE recevable la demande de la SCI du [Adresse 13] au titre des taxes foncières;

CONDAMNE in solidum Mmes [W] [B] veuve [U], [T] [U] épouse [F], [L] [U] épouse [D] et [J] [U] à payer à la SCI du [Adresse 13] une somme de 9335 euros euros au titre de la taxe foncière pour les années 2016 à 2020 ;

REJETTE les demandes fondées sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la SCI du [Adresse 13] aux dépens de première instance et d'appel, en ce compris les frais d'expertise judiciaire.

Arrêt signé par Madame Anne-Lise COLLOMP, Président de Chambre et Madame Fatima HAJBI, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Orléans
Formation : Chambre civile
Numéro d'arrêt : 18/02188
Date de la décision : 27/02/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-02-27;18.02188 ?
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