COUR D'APPEL D'ORLÉANS
C H A M B R E C I V I L E
GROSSES + EXPÉDITIONS : le 26/01/2023
la SELARL DEREC
la SCP LAVISSE BOUAMRIRENE GAFTONIUC
Me Alexis DEVAUCHELLE
Me Victoire JENNY
la SCP THIERRY GIRAULT
ARRÊT du : 26 JANVIER 2023
N° : - : N° RG 20/01224 - N° Portalis DBVN-V-B7E-GFIC
DÉCISION ENTREPRISE : Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP d'ORLEANS en date du 03 Juin 2020
PARTIES EN CAUSE
APPELANT :- Timbre fiscal dématérialisé N°: 1265255773711728
Monsieur [Y] [B]
né le [Date naissance 3] 1972 à [Localité 15]
Clinique de [14]
[Adresse 10]
[Localité 16]
représenté par Me Pierre-François DEREC de la SELARL DEREC, avocat au barreau d'ORLEANS
D'UNE PART
INTIMÉS :
Monsieur [O] [M]
né le [Date naissance 1] 1985 à [Localité 6]
[Adresse 5]
[Localité 7]
représenté par Me ET TOUMI substituant Me Nadjia BOUAMRIRENE de la SCP LAVISSE BOUAMRIRENE GAFTONIUC, avocat au barreau d'ORLEANS
(bénéficie d'une aide juridictionnelle totale numéro 2021/000202 du 25/01/2021 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle d'ORLEANS)
- Timbre fiscal dématérialisé N°: 1265253104403454
La S.A.S. ADLER ORTHO FRANCE immatriculée au RCS D'AIX EN PROVENCE sous le n° 493 419 303, agissant poursuite et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 11]
[Adresse 11]
[Localité 4]
représentée par Me Alexis DEVAUCHELLE, avocat postulant au barreau d'ORLEANS et ayant pour avocat plaidant Me Stéphane PESSAUX, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
- Timbre fiscal dématérialisé N°: 1265254333103036
La CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DU LOIRET organisme de sécurité sociale défini aux articles L.211-1 et suivants du Code de la sécurité sociale, représentée par son directeur général en exercice
[Adresse 17]
[Localité 6]
ayant pour avocat postulant Me Victoire JENNY, avocat au barreau d'ORLEANS et Me Olivia MAURY, avocat plaidant au barreau de PARIS
- Timbre fiscal dématérialisé N°: 1265256757194243
CPAM DU PUY DE DOME, venant aux droits de la CAISSE LOCALE DELEGUEE POUR LA SECURITE SOCIALE DES TRAVAILLEURS INDEPENDANTS, venant elle-même aux droits de la CAISSE R.S.I AUVERGNE
[Adresse 2]
[Localité 8]
représentée par Me Thierry GIRAULT de la SCP THIERRY GIRAULT, avocat au barreau d'ORLEANS
D'AUTRE PART
DÉCLARATION D'APPEL en date du :06 Juillet 2020
ORDONNANCE DE CLÔTURE du : 08 novembre 2022
COMPOSITION DE LA COUR
Lors des débats, du délibéré :
Madame Anne-Lise COLLOMP,, Président de chambre,
Monsieur Laurent SOUSA, Conseiller,
Madame Laure Aimée GRUA, Magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles.
Greffier :
Madame Fatima HAJBI, Greffier lors des débats et du prononcé.
DÉBATS :
A l'audience publique du 05 DECEMBRE 2022, à laquelle ont été entendus Madame Laure-Aimée GRUA, magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles en vertu de l'ordonnance N° 92/2020, en son rapport et les avocats des parties en leurs plaidoiries.
ARRÊT :
L'arrêt qui devait initialement être prononcé le 23 janvier 2023, a été prorogé au 26 janvier 2023,
Prononcé le 26 JANVIER 2023 par mise à la disposition des parties au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.
FAITS ET PROCÉDURE
Le 26 septembre 2007 à la clinique de [14] à [Localité 16], M. [O] [M], atteint d'une ostéonécrose aseptique de la hanche droite, a subi une intervention chirurgicale pratiquée par le docteur [Y] [B], à l'occasion de laquelle une prothèse totale lui a été implantée, ce matériel ayant été fabriqué et commercialisé par la société Adler Ortho France. Après analyse de la pièce opératoire, un diagnostic de chondrosarcome (tumeur maligne) de grade 2 est porté. Il sera pris en charge par l'institut [12].
Brutalement le 17 août 2010, en se relevant d'une chaise, M. [M] a ressenti une vive douleur. Une fracture de l'implant fémoral est mise en évidence. Le 19 août 2010, il a subi une reprise chirurgicale pratiquée par le même chirurgien et un second matériel fabriqué et commercialisé par la même société Adler Ortho France lui a été implanté.
M. [M] a présenté une gêne fonctionnelle croissante. Le 31 octobre 2012, le docteur [B] l'opère d'une volumineuse hernie discale.
Les douleurs étant persistantes malgré la mise en place de la seconde prothèse, le médecin traitant de M. [M] l'adresse à l'hôpital du [Localité 13] où le docteur [X], après réalisation d'un scanner le 8 avril 2013, constate un descellement de la tige fémorale.
Une chirurgie de reprise est proposée pour le 28 mai 2013 par le docteur [B] à M. [M], mais il décide de ne pas y donner suite.
Par ordonnance du 14 février 2014, le juge des référés du tribunal de grande instance d'Orléans a désigné le docteur [R] [Z] en qualité d'expert.
Le 9 juillet 2014, M. [M] a subi une troisième intervention pratiquée par le Professeur [I] au CHU de [Localité 18] qui a procédé au changement de la tige fémorale avec mise en place d'une tige monobloc sans ciment verrouillée avec une fémorotomie en raison d'un varus fémoral. Il est revu la 19 août 2014, la marche se fait en plein appui sans douleur et sans boiterie. En septembre 2014, il a repris le vélo et la natation.
Par ordonnance du 3 octobre 2014, le juge des référés a déclaré communes et opposables à la société Arcos, devenue Adler Ortho France, les opérations d'expertise judiciaire.
L'expert a déposé son rapport le 18 octobre 2015.
Par acte d'huissier du 28 juin 2017, M. [M] a fait assigner le docteur [B], la société Adler Ortho France, la CPAM du Loiret, le RSI Centre Val de Loire et Harmonie Mutuelle en réparation des préjudices subis.
Par jugement en date du 3 juin 2020, le tribunal judiciaire d'Orléans a :
- déclaré irrecevable l'action engagée par M. [O] [M] à l'encontre de la société Adler Ortho France concernant la rupture de la prothèse implantée le 26 septembre 2007 et l'intervention du 19 août 2010 compte tenu du protocole d'accord du 19 février 2011,
- déclaré recevable l'action engagée par M. [O] [M] à l'encontre de la société Adler Ortho France relative au descellement de la prothèse implantée le 19 août 2010,
- déclaré le docteur [Y] [B] et la société Adler Ortho France responsables des conséquences dommageables subies par M. [O] [M] et en conséquence:
- condamné in solidum le docteur [Y] [B] et la société Adler Ortho France à payer à M. [O] [M], les sommes suivantes :
$gt; 3.014 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire,
$gt; 8.000 euros au titre des souffrances endurées,
$gt; 3.900 au titre du déficit fonctionnel permanent,
$gt; 5.000 euros au titre de l'incidence professionnelle,
Soit une somme totale de 19.914 euros,
- condamné in solidum le docteur [Y] [B] et la société Adler Ortho France à payer à la CPAM du Loiret la somme de 9 630,24 euros au titre des dépenses de santé actuelle ;
- dit que cette somme portera intérêts au taux légal à compter de la signification de la décision,
- condamné in solidum le docteur [Y] [B] et la société Adler Ortho France à payer à la CPAM du Loiret la somme de 1 091 euros au titre de l'article L376-1 du code de la sécurité sociale,
- condamné in solidum le docteur [Y] [B] et la société Adler Ortho France à payer à la CPAM du Puy-de-Dôme la somme de 22 423,61 euros au titre des frais médicaux pharmaceutiques, transports et hospitalisations et indemnités journalières,
- dit que cette somme portera intérêts au taux légal à compter de la signification de la décision,
- débouté les parties de toutes autres demandes,
- condamné in solidum le docteur [Y] [B] et la société Adler Ortho France à payer à M. [O] [M] la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné in solidum le docteur [Y] [B] et la société Adler Ortho France au paiement des entiers dépens et fait application de l'article 699 du code de procédure civile au profit de la SCP Lavisse Bouamrirene Gaftoniuc,
- ordonné l'exécution provisoire du jugement à intervenir.
Selon déclaration du 6 juillet 2020, M. [Y] [B] a relevé appel de tous les chefs de ce jugement sauf en ce qu'il a déclaré irrecevable l'action engagée par M. [O] [M] à l'encontre de la société Adler Ortho France concernant la rupture de la prothèse implantée le 26 septembre 2007 et l'intervention du 19 août 2010 compte tenu du protocole d'accord du 19 février 2011 et déclaré recevable l'action engagée par M. [O] [M] à l'encontre de la société Adler Ortho.
M. [Y] [B] indique également former appel nullité en ce que le jugement a omis de prendre en compte ses conclusions n 3, 4 et 5 récapitulatives.
La déclaration d'appel a été signifiée à la Caisse locale déléguée pour la sécurité sociale des travailleurs indépendants par acte d'huissier du 17 septembre 2020 délivré à personne habilitée. Elle n'a pas constitué avocat.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 8 novembre 2022.
PRÉTENTIONS DES PARTIES
Les dernières conclusions des parties, remises les 16 février 2021 par M. [Y] [B], 26 avril 2021 par M. [O] [M], 4 mai 2021 par la société Adler Ortho, 4 janvier 2021 par la CPAM du Loiret, et 26 septembre 2022 par la CPAM du Puy de Dôme, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé de leurs moyens et prétentions, peuvent se résumer ainsi qu'il suit.
M. [Y] [B] demande de :
- dire et juger son appel recevable et bien fondé et y faisant droit,
- dire et juger mal fondées les appels incidents de M. [M], de la CPAM du Loiret, et de la CPAM du Puy de Dôme venant aux droits de la Caisse locale déléguée pour la sécurité sociale des travailleurs indépendants venant elle-même aux droits de la Caisse RSI Auvergne venant en lieu et place de la Caisse RSI Centre, en ce qu'ils sont dirigés contre lui,
En conséquence,
- annuler et subsidiairement réformer le jugement déféré à la censure à la cour pour, dans tous les cas, statuant à nouveau auprès annulation ou réformation du jugement,
- dire et juger que sa responsabilité n'est pas engagée et qu'il ne peut être condamné in solidum avec la société Adler Ortho France au paiement de quelque somme que ce soit,
- en conséquence, rejeter toutes les demandes et conclusions de M. [M], de la CPAM du Loiret, et de la CPAM du Puy-de-Dôme et/ou la Caisse locale déléguée pour la sécurité sociale des travailleurs indépendants venant aux droits de la Caisse RSI Auvergne venant en lieu et place de la Caisse RSI Centre, dirigées contre lui, et plus généralement toutes demandes et conclusions dirigées contre lui,
- condamner in solidum M. [M], la CPAM du Loiret, et la CPAM du Puy-de-Dôme et/ou la Caisse locale déléguée pour la sécurité sociale des travailleurs indépendants venant aux droits de la Caisse RSI Auvergne venant en lieu et place de la Caisse RSI Centre, à lui verser la somme de 4 500 euros à titre d'indemnité pour frais irrépétibles,
- condamner in solidum M. [M], la CPAM du Loiret, et la CPAM du Puy-de-Dôme et/ou la Caisse locale déléguée pour la sécurité sociale des travailleurs indépendants venant aux droits de la Caisse RSI Auvergne venant en lieu et place de la Caisse RSI Centre au paiement des dépens de première instance et d'appel, et accorder à la Selarl Derec, avocat, le droit prévu à l'article 699 du code de procédure civile.
M. [O] [M] demande de :
Au préalable,
- juger le docteur [B] irrecevable et en tous les cas mal fondé en sa demande tendant à obtenir l'annulation du jugement,
Après avoir constaté que le jugement répond aux prescriptions de l'article 455 du code de procédure civile,
- débouter le docteur [B] de sa demande,
- réparer l'omission matérielle entachant le jugement en ce que le tribunal judiciaire a omis de mentionner la CPAM du Puy de Dôme comme partie intervenante venant aux droits de la Caisse locale déléguée pour la sécurité sociale des travailleurs indépendants ;
- prendre acte de l'intervention de la CPAM du Puy de Dôme en tant que partie venant aux droits de ladite caisse locale,
Au fond,
- dire le docteur [B] mal fondé en son appel, ainsi qu'en toutes ses demandes, fins et conclusions,
- dire la société Adler Ortho mal fondée en son appel incident ainsi qu'en toutes ses demandes, fins et conclusions,
Au contraire,
- déclarer M. [O] [M] recevable et bien fondé en son appel incident et en toutes ses demandes, fins et conclusions, et en conséquence,
- confirmer le jugement entrepris en ce que le tribunal judiciaire a :
$gt; déclaré M. [M] recevable en son action à l'encontre de la société Adler Ortho France relative au descellement de la prothèse implantée le 19 août 2010 et à ses conséquences dommageables,
$gt; jugé qu'était rapportée la preuve d'un dommage subi par M. [M], d'un défaut présenté par la prothèse fabriquée par la société Adler Ortho France et d'un lien de causalité entre le défaut et le dommage,
$gt; jugé que la responsabilité de plein droit de la société Adler Ortho France en sa qualité de fabricant de la prothèse de hanche et de distributeur au sens de l'article 1245 du code civil est engagée,
$gt; jugé qu'il y avait lieu de relever la faute commise par le docteur [B] qui a manqué à son devoir d'information à l'égard de son patient sur les risques d'échec élevés encourus notamment en raison du matériel utilisé, de son âge et de son sexe,
$gt; déclaré le docteur [B] et la société Adler Ortho France responsables des conséquences dommageables par lui subies,
$gt; condamné in solidum le docteur [Y] [B] et la société Adler Ortho France à lui payer, 3014 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire, 3900 au titre du déficit fonctionnel permanent, 5000 euros au titre de l'incidence professionnelle liée à la perte de gains professionnels (préjudice professionnel temporaire),
$gt; reconnu en son principe son droit à être indemnisé au titre des souffrances endurées,
$gt; condamné in solidum le docteur [B] et la société Adler Ortho France à lui payer la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
$gt; condamné in solidum le docteur [B] et la société Adler Ortho France aux entiers dépens dont distraction au profit de la SCP LBG en application de l'article 699 du code de procédure civile,
- débouter le docteur [B] et la société Adler Ortho France de toutes leurs demandes contraires,
- en revanche, infirmer le jugement entrepris en ce que le tribunal judiciaire a :
$gt; écarté l'existence d'une erreur fautive de diagnostic commise par le docteur [B],
$gt; limité à 8 000 euros la somme allouée au titre des souffrances endurées,
$gt; l'a débouté de ses demandes indemnitaires au titre des frais liés à la réduction d'autonomie, du préjudice esthétique temporaire et du préjudice esthétique permanent,
Statuant de nouveau sur les chefs de jugement critiqués,
- juger que le docteur [B] s'est rendu coupable d'une erreur fautive de diagnostic,
- constater l'existence du préjudice subi par M. [M] au titre des souffrances endurées, ainsi que des frais liés à la réduction d'autonomie, du préjudice esthétique subi temporaire et permanent,
- déclarer M. [M] recevable et bien fondé à obtenir l'indemnisation de ces postes de préjudice,
En conséquence, condamner in solidum le docteur [B] et la société Adler Ortho France à lui verser, 10 000 euros en réparation du préjudice subi au titre des souffrances endurées, 5 400 euros au titre des frais liés à la réduction d'autonomie subie, 5 000 euros au titre du préjudice esthétique temporaire,
2 000 euros au titre du préjudice esthétique permanent,
A tout le moins,
- prendre acte de la proposition indemnitaire émise par la société Adler Ortho France à hauteur de 16 914 euros,
- en conséquence, dire que l'indemnisation allouée, tous postes de préjudice confondus, ne pourra être inférieure à la somme de 16 914 euros,
- dans l'hypothèse où la cour ne s'estimerait pas suffisamment informée au titre de la défectuosité du matériel utilisé au vu des éléments qui lui sont soumis, en tant que de besoin, ordonner une mesure d'instruction en application des articles 144 et suivants du code procédure civile et plus particulièrement la désignation de tel expert spécialiste en ingénierie biomédicale qu'il plaira au tribunal auquel sera confié la mission suivante :
$gt; prendre connaissance du dossier médical et infirmier de M. [M],
$gt; prendre connaissance du dossier technique relatif au matériel utilisé par le docteur [B] lors des opérations du 26 septembre 2007 et du 19 août 2010, qui devra être fourni par la société Arcos devenue France Adler Ortho,
$gt; entendre tous sachants et toute personne susceptible de l'éclairer dans l'accomplissement de sa mission,
$gt; dire si le matériel utilisé par le docteur [B] lors des opérations du 26 septembre 2007 et du 19 août 2010 était défectueux,
En tout état de cause,
- statuer ce que de droit sur les demandes de la CPAM du Loiret et de la CPAM du Puy de Dôme,
- condamner in solidum le docteur [B] et la société Adler Ortho France à lui verser la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner in solidum docteur [B] et la société Adler Ortho France aux entiers dépens, de première instance et d'appel, dont distraction sera faite au profit de la SCP Lavisse Bouamrirene Gaftoniuc en application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,
- déclarer le jugement à intervenir commun à la CPAM du Loiret, à la Caisse locale déléguée pour la sécurité sociale des travailleurs indépendants et Harmonie Mutuelle,
- débouter le docteur [B] et la société Adler Ortho France de toutes leurs demandes contraires.
La société Adler Ortho France demande de :
- confirmer le jugement en ce qu'il a déclaré irrecevable l'action engagée par M. [O] [M] à son encontre concernant la rupture de la prothèse implantée le 26 septembre 2007 et l'intervention du 19 août 2010 compte tenu du protocole d'accord du 19 février 2011,
- déclarer recevable et bien fondé son appel incident et y faisant droit réformer en conséquence le jugement en toutes ses autres dispositions,
- réparer l'omission matérielle dont le jugement se trouve entaché en ce qu'il a omis de mentionner la CPAM du Puy-de-Dôme comme partie intervenante venant aux droits de la Caisse locale déléguée pour la sécurité sociale des travailleurs indépendants,
Et statuant à nouveau,
A titre principal,
- déclarer que la rupture de prothèse qui est survenue le 17 août 2010 et qui a fait l'objet d'une intervention chirurgicale de révision le 19 août 2010 consistant en un changement de la tige fémorale et du col modulaire avec fémorotomie constitue un accident distinct du descellement diagnostiqué le 3 avril 2013 de la tige fémorale implantée le 19 août 2010,
- déclarer qu'il n'existe aucune présomption établissant la preuve du caractère défectueux de la prothèse qui s'est rompue le 17 août 2010 ayant fait l'objet d'une intervention chirurgicale de révision le 19 août 2010 susceptible d'engager de plein droit la responsabilité de la société Adler Ortho France au titre de la responsabilité du fait des produits défectueux,
- déclarer que le descellement de la tige fémorale implantée le 19 août 2010 constitue un accident distinct revêtant le caractère d'aléa thérapeutique qui n'engage pas la responsabilité de la société Adler Ortho France au titre de la responsabilité du fait des produits défectueux,
- débouter en conséquence purement et simplement M. [O] [M] de toutes ses demandes fins et conclusions en ce qu'elles sont dirigées à l'encontre de la société Adler Ortho France,
- débouter en conséquence et pareillement la CPAM du Puy-de-Dôme venant aux droits de la Caisse locale déléguée pour la sécurité sociale des travailleurs indépendants ainsi que la CPAM du Loiret de toutes leurs demandes fins et conclusions en ce qu'elles sont dirigées à son encontre,
- lui donner acte le cas échéant, au cas où avant dire droit sur la demande de M. [O] [M] une nouvelle mesure d'expertise serait ordonnée, de ce qu'elle formule les plus expresses protestations et réserves quant à cette nouvelle mesure d'instruction,
- confier au nouvel expert éventuellement commis, dans le cadre de sa mission consistant notamment à rechercher si le matériel prothétique litigieux était défectueux, le soin de faire préalablement procéder par un laboratoire compétent à une analyse métallurgique des pièces explantées,
A titre subsidiaire, au cas où le jugement serait confirmé en ce qu'il a déclaré le docteur [Y] [B] et la société Adler Ortho France responsables des conséquences dommageables subis par M. [O] [M],
- limiter l'indemnisation des conséquences dommageables subis par M. [O] [M] du fait du descellement de la prothèse implantée le 19 août 2010 à hauteur de la somme maximale de 16 914 euros pour l'ensemble des postes de préjudices ainsi qu'ils ont été décrits et qualifiés par le docteur [Z] dans son rapport du 28 octobre 2015 en lien avec le descellement litigieux de la tige fémorale,
- débouter M. [O] [M] de toutes ses demandes, fins et conclusions contraires ou plus amples dont celles au titre de l'article 700 du code de procédure civile dirigées à son encontre,
- débouter la CPAM du Loiret de ses demandes dirigées à son encontre comme relevant d'une créance de débours qui ne concerne pas des prestations en lien avec les suites du descellement litigieux diagnostiqué le 3 avril 2013,
- débouter pareillement et en conséquence la CPAM du Loiret de toutes ses autres demandes dirigées à son encontre, notamment au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- statuer ce qu'il appartiendra sur les demandes de la CPAM du Puy-de-Dôme venant aux droits de la Caisse locale déléguée pour la sécurité sociale des travailleurs indépendants dans le cadre de son recours subrogatoire exercé en application des dispositions des articles L 376-1 et suivants du Code de la sécurité sociale,
- débouter la CPAM du Puy-de-Dôme venant aux droits de la Caisse locale déléguée pour la sécurité sociale des travailleurs indépendants de toutes ses autres demandes excédant celles de son strict recours subrogatoire dirigées à son encontre, notamment au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Et en tout état de cause,
- condamner in solidum M. [O] [M], la CPAM du Puy-de-Dôme venant aux droits de la Caisse locale déléguée pour la sécurité sociale des travailleurs indépendants et la CPAM du Loiret à payer à la société Adler Ortho France la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner in solidum M. [O] [M], la CPAM du Puy-de-Dôme venant aux droits de la Caisse locale déléguée pour la sécurité sociale des travailleurs indépendants et la CPAM du Loiret à payer à la société Adler Ortho France aux entiers dépens de première instance et d'appel distraits au profit de Maître Alexis Devauchelle conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
La CPAM du Puy de Dôme, venant aux droits de la Caisse locale déléguée pour la sécurité sociale des travailleurs indépendants venant elle-même aux droits de la Caisse RSI Auvergne demande de :
- rejeter comme mal fondé l'appel principal formé par le docteur [B] et l'en débouter,
- rejeter comme mal fondé l'appel incident formé par la société Adler Ortho France et l'en débouter,
- confirmer le jugement en ce qu'il a condamné in solidum le docteur [B] et la société Adler Ortho France à payer à la CPAM du Puy de Dôme venant aux droits de la Caisse locale déléguée pour la sécurité sociale des travailleurs indépendants venant elle-même aux droits de la Caisse RSI Auvergne au paiement de la somme de 22 423,61 euros au titre des frais médicaux, pharmaceutiques, de transports et d'hospitalisation et indemnités journalières outre intérêts au taux légal à compter de la signification de la décision de première instance,
- rejeter comme mal fondé l'appel formé par la CPAM du Loiret,
Faisant droit à l'appel incident formé par la CPAM du Puy de Dôme et infirmant partiellement le jugement entrepris dans ses dispositions lui faisant grief,
- condamner in solidum le docteur [B] et la société Adler Ortho France à payer à' la CPAM du Puy de Dôme venant aux droits de la Caisse locale déléguée pour la sécurité sociale des travailleurs indépendants venant elle-même aux droits de la Caisse RSI Auvergne la somme de 1 098 euros au titre des dispositions de l'article L 376-1 alinéa 7 du code de la sécurité sociale ainsi que la somme de 1.000 i au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles subis en première instance,
- condamner sous la même solidarité le docteur [B] et la société Adler Ortho France au paiement d'une somme de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles en cause d'appel,
- condamner enfin sous la même solidarité le docteur [B] et la société Adler Ortho France aux dépens de première instance et d'appel et autoriser la SCP Thierry Girault, avocat à la cour d'appel d'Orléans, [Adresse 9] à [Localité 6] à recouvrer directement contre la ou les parties condamnées ceux des dépens dont il aurait fait l'avance sans avoir reçu provision, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur l'omission matérielle affectant le jugement
La société Adler Ortho France relève que si dans le dispositif du jugement la CPAM du Puy de Dôme est bénéficiaire de condamnations, le tribunal a omis de la mentionner comme venant aux droits de la Caisse locale déléguée pour la sécurité sociale des travailleurs indépendants alors que dès le 19 février 2020, dans ses conclusions d'intervention, la CPAM l'avait indiqué.
Elle demande la rectification de cette omission matérielle.
S'agissant d'une omission matérielle, la CPAM du Puy de Dôme ayant demandé acte de son intervention aux droits de la Caisse locale déléguée pour la sécurité sociale des travailleurs indépendants venant elle-même aux droits de la Caisse RSI Auvergne, comme indiqué en page 5 du jugement, il convient en application de l'article 462 du code de procédure civile, de la réparer.
Sur l'annulation du jugement
Le docteur [B] reproche au premier juge d'avoir violé l'article 458 du code de procédure civile pour s'être borné à mentionner et viser ses conclusions en réponse n 2 et récapitulatives notifiées, au surplus non pas le 4 septembre 2019 mais le 9 septembre 2019 (pièce n 3), et à recopier leur dispositif concluant au rejet des demandes dirigées à son encontre, sans exposer même succinctement les moyens opposés en défense pour aboutir à cette conclusion, alors qu'il a ensuite notifié de nouvelles conclusions n 3, n 4 et n 5 et récapitulatives respectivement les 12 novembre 2019, 26 novembre 2019 et 3 décembre 2019 (pièces nos 4, 5 et 6), qui ne sont pas visées dans le jugement.
Cependant, si l'article 455 du Code de procédure civile impose l'exposé dans le jugement des prétentions et moyens des parties, il ne détermine pas la forme sous laquelle ces mentions doivent être faites. Une telle absence de formalisme légal a permis à la jurisprudence d'adopter une position bienveillante à l'égard de la rédaction des jugements. Il suffit que les énonciations de la décision permettent, même implicitement, de définir le contenu des prétentions des parties et de leurs moyens, pour que la nullité soit exclue.
En l'espèce, après avoir cité l'article L. 1111-2 du code de la santé publique relatif à l'information du patient sur son état de santé et précisant qu'en cas de litige, il appartient au professionnel d'apporter la preuve que l'information a été délivrée à l'intéressé, notamment sur 'les risques fréquents ou graves normalement prévisibles qu'ils comportent', le premier juge a, après avoir rappelé l'avis de l'expert selon lequel une information loyale et claire a été fournie au patient mais 'le caractère exhaustif de l'exposé des complications possibles reste bien peu possible dans la pratique', considéré que le docteur [B] n'a pas démontré avoir délivré au patient l'information quant au risque spécifique d'instabilité ou de descellement de prothèse lié au type de matériel utilisé compte tenu de son âge et de son sexe.
Les énonciations de la décision permettent donc de définir le contenu des prétentions des parties et de leurs moyens. En conséquence, elle ne peut être annulée.
Sur les responsabilités
1 - Sur la responsabilité de la société Adler Ortho France du fait des produits défectueux
A l'énoncé des articles 1386-1, 1386-4, 1386-7 et 1386-9 du Code civil dans leur version antérieure à l'ordonnance n 2016-131 du 10 février 2016,
Le producteur est responsable du dommage causé par un défaut de son produit, qu'il soit ou non lié par un contrat avec la victime.
Un produit est défectueux au sens du présent titre lorsqu'il n'offre pas la sécurité à laquelle on peut légitimement s'attendre
Si le producteur ne peut être identifié, le vendeur, le loueur, à l'exception du crédit-bailleur ou du loueur assimilable au crédit-bailleur, ou tout autre fournisseur professionnel, est responsable du défaut de sécurité du produit, dans les mêmes conditions que le producteur, à moins qu'il ne désigne son propre fournisseur ou le producteur, dans un délai de trois mois à compter de la date à laquelle la demande de la victime lui a été notifiée.
Le demandeur doit prouver le dommage, le défaut et le lien de causalité entre le défaut et le dommage.
Selon protocole d'accord transactionnel régularisé le 19 février 2011, la société Arcos, devenue Adler Ortho France, s'est engagée à verser à M. [M] une indemnité forfaitaire globale de 18 000 euros en réparation et pour solde de tous chefs de préjudices en rapport avec la rupture de prothèse survenue le 17 août 2010 dont elle assuré la distribution et la nouvelle intervention chirurgicale du 19 août 2010 destinée au remplacement de la prothèse. Le protocole a été exécuté.
En conséquence, la décision sera confirmée en ce qu'elle déclare irrecevable l'action de M. [M] concernant la rupture de la prothèse implantée le 26 septembre 2007 et l'intervention du 19 août 2010.
Pour retenir la responsabilité de plein droit de la société Adler Ortho France en qualité de fabricant de la prothèse, le premier juge a retenu que la notion de sécurité que l'on est en droit d'attendre légitimement de la prothèse doit s'apprécier au regard du bilan entre les avantages et les risques, bilan devant s'analyser au regard de l'aléa lié aux caractéristiques propres de chaque patient recevant une prothèse de hanche et il a considéré qu'il existe des présomption graves, précises et concordantes établissant la preuve du caractère défectueux de la prothèse qui s'est descellée moins de 3 ans après la pose.
M. [M] indique qu'à nouveau opéré le 9 juillet 2014, il lui est diagnostiqué un descellement de la tige fémorale de la nouvelle prothèse implantée le 19 août 2010, l'expert indiquant que le descellement était latent avant de se révéler en 2013, le docteur [B] ayant utilisé le même type de matériel commercialisé par la société Arcos, devenue Adler Ortho France. Il considère que la prothèse ne lui a pas offert la sécurité à laquelle il pouvait légitimement s'attendre.
La société Arcos Adler Ortho France soutient que le descellement n'est pas lié à une quelconque défectuosité du matériel prothétique de révision mais revêt le caractère d'un aléa thérapeutique.
En page 15 de son rapport, l'expert [Z] est d'avis que le descellement de l'implant, qui est une absence d'ostéo intégration, l'absence d'étiologie retrouvée en fait un aléa thérapeutique, ce qui est classiquement admis.
Il apparaît donc que si au cours des deux interventions des prothèses identiques fournies par la société Adler Ortho France ont été implantées, la première s'est fracturée, ce qui n'est pas le cas la deuxième dont la tige ne s'est pas soudée à l'os. L'on se trouve donc en présence d'un risque accidentel inhérent à l'acte médical et qui ne peut être maîtrisé, en dehors de tout défaut du matériel.
En conséquence, infirmant le jugement, il convient de débouter M. [M] de toutes ses demandes contre la société Adler Ortho France.
2 - La responsabilité du docteur [B]
Sur le devoir d'information
Le tribunal a retenu la faute du praticien en considérant qu'il a manqué à son devoir d'information à l'égard de son patient sur les risques d'échec élevés encourus, notamment, en raison de son âge et de son sexe.
Le docteur [B] fait plaider que le défaut d'information doit, pour engager la responsabilité du médecin, avoir eu une incidence sur le consentement du patient, les juges étant tenus de rechercher les effets qu'aurait pu avoir une telle information quant au consentement ou au refus, en tenant compte de l'état de santé du patient et son évolution prévisible, sa personnalité, les raisons pour lesquelles les investigations ou les soins à risque lui sont proposés, ainsi que les caractéristiques de ces investigations, de ces soins ou de ces risques. Si le juge estime souverainement, au vu de ces éléments, que le patient, même dûment informé, aurait consenti à l'acte médical, celui-ci ne peut prétendre à aucune indemnisation. Dans le cas contraire, le préjudice réparable ne peut consister qu'en une perte de chance d'échapper au risque qui s'est finalement réalisé.
Il soutient avoir délivré à M. [M] une information sur les risques et produit les trois formulaires de consentement éclairé, qu'il dit proposer à tous ses patients, signalant les risques de complications fonctionnelles (dont font partie la fracture de prothèse et le descellement de prothèse) avant les interventions des 26 septembre 2007, 19 août 2010 et 31 octobre 2012, ses pièces n 1 ; la signature des formulaires de consentement éclairé prouvant qu'une information claire, précise et appropriée sur les risques encourus a bien été délivrée, étant précisé qu'une information orale a été préalablement donnée. Il cite une étude médicale montrant que les patients ont tendance à oublier les données de la consultation pour ne retenir que les bénéfices attendus.
M. [M] répond n'avoir pas été informé préalablement aux deux premières interventions d'un quelconque risque spécifique d'instabilité ou de descellement de la prothèse lié au type de matériel utilisé, à son âge et à son sexe ; les formulaires qu'il a signés ne démontrent pas de façon claire et appropriée, et dans le cadre d'un entretien individuel, qu'il a été informé des risques fréquents ou graves normalement prévisibles que comportaient les interventions alors que le risque de descellement ou de fracture de la prothèse implantée était parfaitement connu. Il nie tout entretien individuel avec le médecin, lequel n'en fournit ni la date ni le compte-rendu, les documents lui ayant été remis par le personnel administratif. Il ajoute que s'il avait été préalablement informé de l'existence des risques, il aurait pu éviter de subir les dommages importants dont il a été victime en choisissant, en concertation avec son chirurgien, de faire procéder à l'implantation d'un autre type de prothèse, plus stable, et a fortiori lors de la deuxième intervention ; ayant été privé de toute possibilité de choix, il n'a pas été en mesure d'accepter l'intervention en ayant parfaitement connaissance des risques encourus.
A l'énoncé de l'article L. 1111-2 du code de la santé publique,
I. - Toute personne a le droit d'être informée sur son état de santé. Cette information porte sur les différentes investigations, traitements ou actions de prévention qui sont proposés, leur utilité, leur urgence éventuelle, leurs conséquences, les risques fréquents ou graves normalement prévisibles qu'ils comportent ainsi que sur les autres solutions possibles et sur les conséquences prévisibles en cas de refus. Elle est également informée de la possibilité de recevoir, lorsque son état de santé le permet, notamment lorsqu'elle relève de soins palliatifs au sens de l'article L. 1110-10, les soins sous forme ambulatoire ou à domicile. Il est tenu compte de la volonté de la personne de bénéficier de l'une de ces formes de prise en charge. Lorsque, postérieurement à l'exécution des investigations, traitements ou actions de prévention, des risques nouveaux sont identifiés, la personne concernée doit en être informée, sauf en cas d'impossibilité de la retrouver.
Cette information incombe à tout professionnel de santé dans le cadre de ses compétences et dans le respect des règles professionnelles qui lui sont applicables. Seules l'urgence ou l'impossibilité d'informer peuvent l'en dispenser.
Cette information est délivrée au cours d'un entretien individuel.
.......
IV....
En cas de litige, il appartient au professionnel ou à l'établissement de santé d'apporter la preuve que l'information a été délivrée à l'intéressé dans les conditions prévues au présent article. Cette preuve peut être apportée par tout moyen.
En réponse aux dires des parties, l'expert [Z] a indiqué, page 15, 'En ce qui concerne l'information au patient, l'expert estime qu'une information loyale et claire a été fournie au patient. Le caractère exhaustif de l'exposé des complications possibles reste bien peu possible dans la pratique, l'expert s'interrogeant même sur la possibilité de sa réalisation sur un plan théorique (la complication rapportée dans ce dossier est de fréquence inférieure à 1/1000).'
Pour ce qui concerne les descellements de la prothèse, l'expert s'est exprimé en ces termes, page 8,
L'expert souhaite préciser que les descellements idiopathiques, c'est à dire sans étiologie précise retrouvée, sont un problème majeur des arthroplasties de hanche chez le sujet jeune de sexe masculin. Il s'agit là de la cause la plus fréquente de faillite des implants, c'est une sujet de réflexion classique de l'ensemble de la communauté orthopédique mondiale. Le registre suédois (référence mondiale en la matière) souligne parfaitement que les patients jeunes et actifs posent le plus grand problème de cette procédure (arthroplastie de hanche) et que les résultats les plus mauvais sont observés chez les hommes jeunes. Les 12 000 patients jeunes inclus dans cette étude de cohortre de 1979 à' 1998 présentent un taux d'échec élevé.
Il est constant que, hormis les cas d'urgence, d'impossibilité ou de refus du patient d'être informé, un médecin est tenu de lui donner une information loyale, claire et appropriée sur les risques graves afférents aux investigations et soins proposés. Il n'est pas dispensé de cette obligation par le seul fait que ces risques ne se réalisent qu'exceptionnellement (Cass. 1re civ., 7 oct. 1998, Cass. 1re civ., 9 oct. 2001, n 00-11.525).
Ces exigences conduisent à exiger du médecin une réelle information, et non une énumération standardisée des risques de l'acte médical.
Il faut constater que les trois formulaires, pièces n 1, produits par le docteur [B], à titre d'information préalable aux trois interventions des 26 septembre 2007, 19 août 2010 et 31 octobre 2012 sont absolument identiques alors que la troisième concernait une hernie discale, la première étant relative à l'implantation d'une prothèse de la hanche droite, la deuxième, à une reprise de celle-ci avec changement de la tige implantée.
Le praticien, légalement tenu d'une obligation particulière d' information ne rapporte pas en l'espèce la preuve de l'exécution de cette obligation. Il ne justifie pas avoir délivré à M. [M] une information loyale, claire et appropriée sur les risques graves afférents aux investigations et soins proposés alors que son patient, de sexe masculin, était âgé de 22 ans lors de la première intervention, et qu'un risque grave scientifiquement connu à la date des soins comme étant en rapport avec l'intervention constitue , même s'il ne se réalise qu'exceptionnellement, un risque normalement prévisible (Cass. 1re civ., 12 oct. 2016, n 15-16.894). En conséquence, la décision doit être confirmée en ce qu'elle retient sa faute.
Sur l'erreur fautive de diagnostic
M. [M] soutient qu'après l'intervention du 31 octobre 2012, qui ne lui avait apporté aucune réelle amélioration puisqu'il ressentait toujours des douleurs au niveau du genou droit, de la cuisse droite et de la hanche droite, le médecin lui a prescrit des séances de kinésithérapie et une infiltration du genou, considérant qu'il souffrait d'un syndrome rotulien qu'il imputait à une atrophie du quadriceps liée à des épisodes antérieurs de sciatique et cruralgie, ou éventuellement méniscal, ce, sans examen complémentaire au niveau de la hanche alors même qu'il avait été constaté depuis août 2012 une hyperfixation de la prothèse de hanche, pouvant constituer un signe de descellement prothétique et qu'il présentait également des signes évidents de déformation en varus du quart supérieur du fémur, où se trouvait précisément la tige fémorale dont le descellement ne sera pas diagnostiqué par le docteur [B] mais par le docteur [X], à l'hôpital du [Localité 13], consulté sur les conseils de son médecin traitant, diagnostic confirmé par le professeur [I], au CHU de [Localité 18], l'un et l'autre préconisant un changement de la prothèse.
Le docteur [B] répond qu'il ne peut lui être reproché une erreur de diagnostic et un retard de prise en charge alors qu'il a prescrit en urgence un scanner de la hanche, réalisé le 8 avril 2013, qui a confirmé le diagnostic de descellement de la tige, et proposé, le jour même, à M. [M] une intervention chirurgicale de la tige. Il considère qu'il n'y a ni retard ni erreur de diagnostic ni défaut de prise en charge, le patient ayant attendu plus d'une année pour se faire opérer le 9 juillet 2014 au CHU de [Localité 18].
L'expert [Z] a répondu comme suit à M. [M] qui lui avait indiqué ne pas comprendre comment le diagnostic avait été affirmé en 10 minutes le 3 avril 2013,
L'expert estime que le diagnostic de descellement n'est pas possible sur les images de juillet 2012. Le suivi radiologique des prothèses de hanche est annuel. Les douleurs du patient ont été prises en charge en pensant, avec de vrais arguments, qu'il existait une étiologie discale aux douleurs. Le docteur [X] en mars 2013, fait refaire des radios de hanche devant la réapparition de douleurs de cuisse en pensant à une pathologie de hanche, démarche thérapeutique bien plus simple, puisque le problème rachidien a été traité. La lecture comparative des radiographies entre juillet 2012 et avril 2013 met effectivement en évidence un déplacement de la tige rendant le diagnostic de descellement évident.
Aucune erreur de diagnostic ne pouvant être reprochée au docteur [B], la décision doit être confirmée de ce chef.
Sur la réparation du préjudice
Le docteur [B] fait plaider que le défaut d'information ne peut engendrer une obligation à réparation d'une fraction du préjudice corporel que s'il a fait perdre au patient des chances de refuser l'intervention ; la complication survenue étant de fréquence inférieure à 1/1000, il n'y avait pas la moindre chance, compte tenu de son état antérieur, que M. [M] refuse l'intervention au regard du caractère rarissime du risque de survenue de la complication qui s'est réalisée ; la deuxième intervention, le 19 août 2010, s'agissant d'une reprise chirurgicale faite en urgence du fait de la fracture de l'implant fémoral, il ne disposait d'aucune possibilité raisonnable de s'y soustraire, de sorte qu'il n'est pas fondé à se prévaloir d'une quelconque perte de chance d'échapper au dommage.
M. [M] prétend que s'il avait été valablement informé de l'existence des risques, il aurait pu éviter de subir les dommages importants dont il a été victime en choisissant, en concertation avec son chirurgien, de faire procéder à l'implantation d'un autre type de prothèse, plus stable et, a fortiori lors de la deuxième intervention.
Il est constant que lorsque le médecin n'a pas recueilli le consentement libre et éclairé de son patient pour avoir manqué à son devoir d'information sur les risques inhérents à l'acte de soins, il peut être condamné, lorsque ce risque se réalise, à réparer, non l'entier dommage corporel subi par ce dernier, mais la perte de chance de refuser l'acte médical, Cass. 1re civ., 13 févr. 2007, n 06-12.372. Le défaut d'information ou de recueil du consentement prive en effet le patient de sa liberté de décision, et de la possibilité de refuser l'acte dommageable ou encore cause à celui auquel l' information était due un préjudice résultant d'un défaut de préparation aux conséquences de ce
risque.
Il est certain que même si M. [M] avait été correctement informé, il aurait accepté les actes médicaux. En effet, il ne prétend pas qu'il y avait une autre alternative thérapeutique que la pose d'une prothèse ou qu'il aurait renoncé à l'opération. S'il prétend que s'il avait été informé de l'existence des risques, il aurait pu éviter de subir les dommages importants dont il a été victime en choisissant, en concertation avec son chirurgien, de faire procéder à l'implantation d'un autre type de prothèse, plus stable, et a fortiori lors de la deuxième intervention, la stabilité de la prothèse implantée lors de la première, comme lors de la deuxième intervention, n'a pas été mise en doute par l'expert, qui indique, page 10 de son rapport, que cette prothèse avait obtenu un marquage CE, gage d'un contrôle effectif de la qualité des techniques de fabrication, de sorte qu'il n'est pas démontré qu'il a perdu une chance de choisir une autre option qui aurait permis d'éviter la réalisation du risque.
En revanche, il est constant que le non-respect du devoir d'information qui découle de l'article 16-3 du code civil, en ce qu'il prive l'intéressé de son droit à être informé préalablement des risques inhérents à l'intervention proposée, cause à celui auquel l'information était légalement due un préjudice, que le juge ne peut, sur le fondement de l'article 1382 du code civil, laisser sans réparation (Cass. 1re civ., 3 juin 2010, n 09-13.591). En l'espèce, si l'acte entrepris en violation du consentement libre et éclairé a été exécuté techniquement de façon satisfaisante, l'expert ayant considéré la prise en charge de la première intervention comme celle de la deuxième était conforme aux règles de l'art, il n'en demeure pas moins que le défaut d'information a privé M. [M] de la possibilité d'anticiper l'exacte étendue des risques résultant, pour lui, de l'implantation d'une prothèse et de s'y préparer, de sorte qu'il convient de lui allouer une indemnité de 20 000 euros en réparation du préjudice moral en résultant.
Le docteur [B] sera condamné à lui payer la dite somme.
Sur les demandes de la CPAM du Puy de Dôme
Aux termes de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale, Lorsque, sans entrer dans les cas régis par les dispositions législatives applicables aux accidents du travail, la lésion dont l'assuré social ou son ayant droit est atteint est imputable à un tiers, l'assuré ou ses ayants droit conserve contre l'auteur de l'accident le droit de demander la réparation du préjudice causé, conformément aux règles du droit commun, dans la mesure où ce préjudice n'est pas réparé par application du présent livre ou du livre Ier.
Les articles 29 à 34 de la loi n 85-677 du 5 juillet 1985 tendant à l'amélioration des victimes d'accidents de la circulation et à l'accélération des procédures d'indemnisation ont une portée générale puisqu'ils s'appliquent quelle que soit la nature du fait dommageable aux relations entre le tiers payeur et la personne tenue à réparation d'un dommage résultant d'une atteinte physique à la personne quelle que soit la nature de l'événement ayant occasionné le dommage. Ils définissent ainsi les règles du droit commun du recours subrogatoire des tiers payeurs .
Le docteur [B] n'étant pas condamné à indemniser M. [M] d'un dommage résultant d'une atteinte physique à sa personne mais d'un préjudice moral, il y a lieu de débouter la CPAM de toute demande.
Sur les demandes annexes
M. [B] qui succombe sera condamné aux dépens de première instance et d'appel, hormis ceux de la CPAM du Puy de Dôme, distraits au profit de la SCP Lavisse Bouamrirene Gaftoniuc au titre de l'article 699 du code de procédure civile et au versement d'une indemnité de 3 000 euros à M. [M] au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Toute autre demande sera rejetée.
PAR CES MOTIFS
Statuant par décision réputée contradictoire, mise à disposition au greffe ;
Réparant l'omission matérielle du jugement ;
Constate l'intervention volontaire de la CPAM du Puy de Dôme aux droits de la Caisse locale déléguée pour la sécurité sociale des travailleurs indépendants venant elle-même aux droits de la Caisse RSI Auvergne ;
Dit n'y avoir lieu à annulation du jugement ;
Confirme ce jugement en ce qu'il,
- déclare irrecevable l'action engagée par M. [O] [M] à l'encontre de la société Adler Ortho France relativement à la rupture de la prothèse implantée le 26 septembre 2007 et l'intervention du 19 août 2010,
- déclare recevable l'action engagée par M. [O] [M] contre la société Adler Ortho France relativement au descellement de la prothèse implantée le 19 août 2010,
- condamne M. [Y] [B] au paiement des dépens distraits au profit de SCP Lavisse Bouamrirene Gaftoniuc et d'une indemnité de procédure de 2 000 euros à M. [O] [M] ;
L'infirme pour le surplus ;
Statuant à nouveau ;
DEBOUTE M. [O] [M] de toute demande contre la société Adler Ortho France ;
RETIENT la faute de M. [Y] [B] pour manquement à son devoir d'information et le déclare responsable du dommage subi par M. [O] [M] en raison du défaut de préparation aux conséquences du risque de descellement ou de fracture de la prothèse implantée ;
Le CONDAMNE à verser à M. [O] [M] une indemnité de 20 000 euros au titre du préjudice moral en résultant ;
DEBOUTE la CPAM du Puy de Dôme aux droits de la Caisse locale déléguée pour la sécurité sociale des travailleurs indépendants venant elle-même aux droits de la Caisse RSI Auvergne de toutes ses demandes ;
CONDAMNE M. [Y] [B] au paiement des dépens d'appel, hormis ceux de la CPAM du Puy de Dôme, distraits au profit de la SCP Lavisse Bouamrirene Gaftoniuc et au versement d'une indemnité de 3 000 euros à M. [M] ;
REJETTE toute autre demande.
Arrêt signé par Madame Anne-Lise COLLOMP, Président de Chambre et Madame Fatima HAJBI, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT