COUR D'APPEL D'ORLÉANS
C H A M B R E C I V I L E
GROSSES + EXPÉDITIONS : le 26/01/2023
la SCP LAVAL - FIRKOWSKI
Me François-Xavier PELLETIER
ARRÊT du : 26 JANVIER 2023
N° : - : N° RG 20/00820 - N° Portalis DBVN-V-B7E-GEKX
DÉCISION ENTREPRISE : Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de TOURS en date du 05 Mars 2020
PARTIES EN CAUSE
APPELANTE :- Timbre fiscal dématérialisé N°: 1265256927326423
S.A. BANQUE CIC OUEST agissant en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège social
[Adresse 2]
[Localité 4]
représentée par Me Joanna FIRKOWSKI de la SCP LAVAL - FIRKOWSKI, avocat postulant au barreau d'ORLEANS et de Me Thierry CHAS de la SARL ARCOLE, avocat plaidant au barreau de TOURS,
D'UNE PART
INTIMÉE : - Timbre fiscal dématérialisé N°: 1265258562021154
Madame [R] [K] épouse [V]
née le 11 Mars 1943 à [Localité 8]
[Adresse 1]
[Localité 3]
représentée par Me François-Xavier PELLETIER, avocat au barreau de TOURS
D'AUTRE PART
DÉCLARATION D'APPEL en date du :24 Avril 2020
ORDONNANCE DE CLÔTURE du : 22 novembre 2022
COMPOSITION DE LA COUR
Lors des débats, du délibéré :
Madame Anne-Lise COLLOMP, Président de chambre,
Monsieur Laurent SOUSA, Conseiller,
Madame Laure-Aimée GRUA, Magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles.
Greffier :
Madame Fatima HAJBI, Greffier lors des débats et du prononcé.
DÉBATS :
A l'audience publique du 05 DECEMBRE 2022, à laquelle ont été entendus Madame Anne-Lise COLLOMP, Président, en son rapport et les avocats des parties en leurs plaidoiries.
ARRÊT :
L'arrêt qui devait initialement être prononcé le 23 janvier 2023, a été prorogé au 26 janvier 2023,
Prononcé le 26 JANVIER 2023 par mise à la disposition des parties au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.
FAITS ET PROCEDURE
[A] [F], née le 14 novembre 1920, est décédée le 14 janvier 2016.
Elle avait de son vivant souscrit deux contrats d'assurance vie auprès de la société ACM Vie :
- un contrat Avantage n°OY 11138329, d'une valeur de 24 915,62 € au 1er janvier 2016,
- un contrat LER épargne retraite 1 n°2B 63 8811, souscrit le 14 décembre 1989, d'une valeur de 194 004,87 € au 1er janvier 2016.
Après avoir désigné, par un avenant du 25 janvier 2011, Mme [R] [K] épouse [V] comme bénéficiaire de ce second contrat, elle a, suivant testament authentique du 17 janvier 2013, déclaré révoquer les dispositions antérieures et désigné divers bénéficiaires de ces contrats d'assurance vie, au nombre desquels l'association France Alzheimer et Mme [L] [N]. Mme [V] ne faisait pas partie des nouveaux bénéficiaires ainsi désignés.
Suivant testament authentique du 5 mars 2015, [A] [F] a confirmé le testament reçu eux le 17 janvier 2013 tout en y apportant des modifications.
Le 26 janvier 2016, le notaire a informé la banque CIC Ouest du décès de [A] [F] et de l'existence d'un testament désignant 'divers bénéficiaires' pour les contrats d'assurance vie.
Or le 7 février 2016, sur la base de la clause bénéficiaire du 25 janvier 2011 stipulée au profit de Mme [R] [V], la société ACM Vie a réglé à cette dernière la somme de 187.013,25 €, fiscalité déduite.
Par acte d'huissier du 6 décembre 2016, l'association France Alzheimer a fait assigner devant le tribunal de grande instance de Tours la banque CIC Ouest afin de la voir condamner à lui verser la somme de 12 793,36 € à titre de dommages-intérêts pour le préjudice subi avec intérêts au taux légal à compter du 29 septembre 2016.
Par acte d'huissier du 8 mars 2017, Mme [L] [N] a fait assigner la banque CIC Ouest afin de la voir condamner à lui verser la somme de 73 721,52 € à titre de dommages-intérêts avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 22 juin 2016 à concurrence de la somme de 69 09 € et avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation à concurrence de la somme de 4631,52 €.
Par acte d'huissier du 9 août 2017, la société Banque CIC Ouest a fait assigner Mme [R] [V] en intervention forcée dans l'instance pendante entre Mme [L] [N] et la banque CIC ouest, et dans l'instance pendante entre l'association France Alzheimer et la banque CIC Ouest.
Toutes les procédures ont été jointes.
Par jugement en date du 5 mars 2020, le tribunal judiciaire de Tours a :
- dit n'y avoir lieu à révocation de l'ordonnance de clôture,
- écarté en conséquence les conclusions du 12 décembre 2019 de la SA Banque CIC ouest et celles du 23 décembre 2019 de [R] [V],
- rejeté comme tardives les conclusions du 11 septembre 2019 de la SA Banque CIC Ouest et de [R] [V],
- dit et jugé que la SA Banque CIC Ouest a commis une faute de négligence dans la transmission des informations à la SA ACM Vie
- condamné la SA Banque CIC Ouest à verser :,
$gt; à l'association France Alzheimer, la somme de 12 793,36 € avec intérêts au taux légal à compter du 29 septembre 2016, date de la mise en demeure,
$gt; à [L] [N], la somme de 73 768,99 € avec intérêts au taux légal à compter du 29 juin 2016 sur la somme de 69.090 € et à compter du présent jugement sur le surplus,
- ordonné la capitalisation des intérêts conformément aux dispositions de l'article 1343-2 du code civil,
- dit et jugé que la SA Banque CIC Ouest a tardé à réclamer les fonds indûment perçus par [R] [V],
- condamné [R] [V] à verser, au titre de l'enrichissement sans cause à la SA Banque CIC Ouest la somme de 35.950,13 euros,
- ordonné l'exécution provisoire de la présente décision,
- condamné la SA Banque CIC Ouest à verser à l'association France Alzheimer et à Mme [L] [N] la somme de 2000 € chacune en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la SA Banque CIC Ouest à verser à [R] [V] une indemnité de 2000 € au titre des frais irrépétibles,
- rejeté toutes autres demandes,
- ordonné l'exécution provisoire,
- condamné la SA Banque CIC Ouest aux entiers dépens et accordé sur sa demande, à Maître [E] [P] le bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Par déclaration du 24 avril 2020, la société Banque CIC Ouest a relevé appel de ce jugement en ce qu'il a dit et jugé que la SA Banque CIC Ouest a tardé à réclamer les fonds indûment perçus par [R] [V], condamné [R] [V] à verser, au titre de l'enrichissement sans cause à la SA Banque CIC Ouest la somme de 35.950,13 €, condamné la SA Banque CIC Ouest à verser à l'association France Alzheimer et à Mme [L] [N] la somme de 2000 € chacune en application de l'article 700 du code de procédure civile, rejeté toutes autres demandes de la banque CIC Ouest, et condamné la SA Banque CIC Ouest aux entiers dépens.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 22 novembre 2022.
PRETENTIONS DES PARTIES
Les dernières conclusions des parties, remises le 14 novembre 2022 par la société Banque CIC ouest, et 10 novembre 2022 par Mme [R] [K] épouse [V], auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé de leurs moyens et prétentions, peuvent se résumer ainsi qu'il suit.
La société Banque CIC Ouest demande de :
- la déclarer recevable et bien fondée en son appel ;
- déclarer en revanche Mme [V] mal fondée en son appel incident et la débouter de ses demandes, fins et conclusions ;
- la déclarer par ailleurs irrecevable en sa demande tendant à voir retenir la responsabilité de la Banque CIC Ouest pour manquement à son devoir d'information et de conseil ;
Et sur l'appel de la Banque CIC Ouest, y faisant droit et vu les articles 1251, 1382 et 1376 anciens du code civil,
- infirmer le jugement entrepris en ses dispositions concernant Mme [R] [V] et statuant à nouveau, condamner celle-ci à garantir la Banque CIC Ouest des condamnations mises à sa charge au profit de l'Association France Alzheimer et de Mme [L] [N] sauf à la condamner à lui payer la somme de 86.562,35 € ou subsidiairement celle de 63.135,61 € ;
- condamner Mme [V] à payer à la Banque CIC Ouest la somme de 5.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
- la condamner aux dépens dont distraction pour ceux de première instance au profit de la SAR Arcole, conformément à l'article 699 du code de procédure civile.
Mme [R] [K] épouse [V] demande de :
- déclarer son appel recevable et bien fondé ;
Y faisant droit,
Statuant de nouveau,
- mettre à néant le jugement n°17/00239 du 5 mars 2020 rendu par la première chambre du tribunal judiciaire de Tours en ce qu'il a condamné Mme [R] [V] à verser, au titre de l'enrichissement sans cause à la SA Banque CIC Ouest la somme de 35.950,13 € ;
- réformer et, en tant que de besoin, infirmer ledit jugement du 5 mars 2020 rendu par la première chambre du tribunal judiciaire de Tours en ce qu'il a condamné Mme [R] [V] à verser, au titre de l'enrichissement sans cause à la SA Banque CIC Ouest la somme de 35.950,13 € ;
- déclarer la société Banque CIC Ouest irrecevable et, en tout état de cause, non fondée en l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;
- débouter, en conséquence, la société Banque CIC Ouest de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions dirigées à l'encontre de Mme [V] ;
En tout état de cause, dans l'hypothèse où il serait fait droit à une condamnation à l'encontre de Madame [V] ;
- déclarer la demande reconventionnelle de Mme [V] recevable et bien fondée;
Y faisant droit,
- condamner, à titre principal sur le fondement de la responsabilité contractuelle et, subsidiairement, sur celui de la responsabilité délictuelle, la SA Banque CIC Ouest à régler à Mme [R] [V] la somme de 86.562,35 € et subsidiairement, à tout le moins, la somme de 62.809 € ;
- dire et juger que Madame [V] n'aura pas à garantir le CIC des intérêts au taux légal à compter du 29 septembre 2016 sur la somme de 12 793,36 € ni des intérêts au taux légal à compter du 29 juin 2016 sur la somme de 69.090 € et à compter du jugement sur le surplus de ladite somme de 73 768,99 € ;
- dire et juger que Madame [V] n'aura pas non plus à garantir le CIC de la capitalisation ordonnée par le tribunal judiciaire de Tours ;
- en tout état de cas, donner acte à Madame [R] [V] de ce qu'elle se réserve la possibilité de réclamer ultérieurement à l'encontre du CIC l'indemnisation de son préjudice financier au titre de la clôture de ses 2 PEL dans l'hypothèse où la cour ferait droit à la demande du CIC à l'encontre de cette dernière ;
A titre infiniment subsidiaire,
- confirmer le jugement n°17/00239 du 5 mars 2020 rendu par la première chambre du tribunal judiciaire de Tours en ce qu'il a :
$gt; dit et jugé que la SA Banque CIC Ouest a tardé à réclamer les fonds indûment perçus par [R] [V],
$gt; condamné [R] [V] à verser, au titre de l'enrichissement sans cause à la SA Banque CIC Ouest la seule somme de 35.950,13 €,
$gt; condamné la SA Banque CIC Ouest à verser [R] [V] une indemnité de 2.000 € au titre des frais irrépétibles,
$gt; condamné la SA Banque CIC Ouest aux entiers dépens et accorde sur sa demande, à Maître [E] [P] le bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
- condamner la SA Banque CIC Ouest à rembourser à Mme [R] [V] l'ensemble des sommes versées au titre de l'exécution provisoire dont est assorti le jugement du tribunal judiciaire de Tours avec intérêts au taux légal à compter de la date du versement par Mme [R] [V] de la somme en question ;
A titre infiniment subsidiaire,
- si la cour venait à accorder au CIC une somme supérieure à celle versée par Mme [V] au titre de l'exécution provisoire, soit la somme de 35.950,13 €, dire et juger que la somme accordée au CIC le sera en deniers ou quittances pour tenir compte dudit versement de la somme de 35.950,13 € ;
En tout état de cause,
- condamner la SA Banque CIC Ouest à payer en sus à Mme [R] [V] la somme de 5.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais d'avocat devant la cour ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel dont distraction au profit de Maître François-Xavier Pelletier, avocat aux offres de droit, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
MOTIFS :
Sur la modification des bénéficiaires
En application de l'article L. 132-8, al.6, du code des assurances :
'En l'absence de désignation d'un bénéficiaire dans la police ou à défaut d'acceptation par le bénéficiaire, le contractant a le droit de désigner un bénéficiaire ou de substituer un bénéficiaire à un autre. Cette désignation ou cette substitution ne peut être opérée, à peine de nullité, qu'avec l'accord de l'assuré, lorsque celui-ci n'est pas le contractant. Cette désignation ou cette substitution peut être réalisée soit par voie d'avenant au contrat, soit en remplissant les formalités édictées par l'article 1690 du code civil, soit par voie testamentaire'.
Il résulte de ce texte que l'exercice du droit de révocation ou de substitution d'un bénéficiaire à un autre n'est soumis à aucune règle de forme, il suffit qu'il puisse être établi que le souscripteur a exprimé sa volonté de manière certaine et non équivoque (1 ère Civ.,13 mai 1980, Bull. n 146 ; 6 mai 1997, Bull. n 136 ; 29 juin 1999, Bull. n 217 ; 29 mars 2001, n 99-16606 ; 2 ème Civ., 13 septembre 2007, Bull. n 215).
Mme [V] soutient qu'il n'est pas certain que les conditions générales produites, qui datent du 10 août 1988, sont celles applicables au bulletin d'adhésion signé le 14 décembre 1989, de sorte qu'elles n'ont pas vocation à s'appliquer.
Elle ajoute qu'en tout état de cause, selon l'article 17 de ces conditions générales,dans tous les cas de modification de l'adhésion ou au dénouement du contrat, l'adhérent doit remplir un formulaire de modification valant avenant à l'adhésion, ce dont il résulte que Mme [F] aurait dû procéder non par la voie notariée mais par la voie de la signature d'un avenant.
Elle fait également valoir qu'en tout état de cause, l'écrit comportant intention révocatoire de la clause bénéficiaire doit être transmis à l'assureur avant le décès de l'assuré (2ème Civ 13 juin 2019, n°18-14.954), et ce même dans le cas d'une modification par voie testamentaire contrairement à ce que soutient la société CIC Ouest, rien n'empêchant la personne ayant rédigé un testament modifiant la clause bénéficiaire de prévenir son assureur de son vivant. Or en l'espèce, le CIC Ouest et ACM Vie n'ont pas été informés avant le décès de Mme [F] de l'existence du testament désignant 'divers bénéficiaires' de sorte que la révocation par testament du bénéficiaire est sans effet.
Toutefois, conformément à l'article L. 132-8 précité, la substitution d'un bénéficiaire à un autre peut être faite soit par voie d'avenant, soit par voie testamentaire, sans qu'il soit nécessaire de respecter un parallélisme des formes entre la voie choisie pour la désignation initiale et celle retenue pour la modification de sorte qu'une modification par voie testamentaire est en tout état de cause possible.
La modification de bénéficiaire pouvait donc intervenir par voie testamentaire quelles soient les conditions générales applicables et nonobstant donc l'absence de signature d'un avenant, fût-il prévu par les conditions générales.
En second lieu, Mme [V] soutient vainement que l'écrit comportant intention révocatoire de la clause bénéficiaire aurait dû être transmis à l'assureur avant le décès de Mme [F] dès lors qu'il est constant que la désignation ou la substitution du bénéficiaire d'un contrat d'assurance sur la vie n'a pas lieu, pour sa validité, d'être portée à la connaissance de l'assureur lorsqu'elle est réalisée par voie testamentaire (Cass. 2e civ., 10 mars 2022, n° 20-19655).
Mme [V] fait enfin valoir que se pose la question de la validité de la révocation par testament des bénéficiaires des contrats d'assurance vie de Mme [F], la formule 'révocation des dispositions antérieures' pouvant être interprétée de diverses manières et ne traduisant pas forcément la volonté de révoquer les bénéficiaires antérieurs, d'autant que dans le testament du 17 janvier 2013 ne figurent pas d'indications sur les contrats d'assurance vie concernés et encore moins l'identité des bénéficiaires révoqués.
Sur ce point, la banque CIC Ouest répond que le testament de Mme [F] est très clair puisqu'il vise 'mes contrats d'assurance-vie', puis il est indiqué 'je souhaite donner' à un certain nombre de bénéficiaire pour une quotité totale de 100% de sorte que la formule 'Je révoque toutes les dispositions antérieures' s'applique nécessairement à la désignation de Mme [V].
Il est constant que si l'exercice du droit de révocation ou de substitution d'un bénéficiaire à un autre n'est soumis à aucune règle de forme et que la révocation peut être réalisée, notamment, par testament, il est en revanche nécessaire que le souscripteur ait exprimé sa volonté de manière certaine et non équivoque (Civ. 1 ère , 13 mai 1980, bull. I, n° 146, pourvoi n° 79- 10053 ; 6 mai 1997, bull. I, n° 136, pourvoi n° 95-15319 ; 29 juin 1999, bull. I, n° 217, pourvoi n o 97-13876; 29 mars 2001, inédit, pourvoi n° 99-16606 ; Civ. 2 ème , 13 septembre 2007, bull. II, n° 215, pourvoi n° 06-18199).
Il convient de rechercher si tel est le cas en l'espèce.
Il est écrit dans le testament de Mme [F] en date du 17 janvier 2013 :
'Sur mes contrats d'assurance vie, je souhaite donner :
- 20% à M. [M] [W]
- 1% à l'Eglise [6] pour que soient organisées trois messes par an, jusqu'à épuisement de la somme donnée ;
- 1% à l'Eglise du [5] pour que soient organisées trois messes par an, jusqu'à épuisement de la somme donnée ;
- 1% à la Cathédrale [7] pour que soient organisées trois messes par an, jusqu'à épuisement de la somme donnée,
- 5% à la Ligue contre le Cancer,
- 38% à Mme [L] [N],
- 7,5 % à l'Association France Alzheimer,
- 7,5 % à Mme [U] [X],
19% à la Fondation Orphelins apprentis d'Auteuil.
(...)
Je révoque toutes les dispositions antérieures'.
Il résulte sans ambiguïté de ces dispositions que [A] [F], qui a visé sans distinction 'ses contrats d'assurance vie', a entendu, par ce document, désigner les nouveaux bénéficiaires de ces contrats, pour la totalité des sommes s'y trouvant puisque le total des pourcentages prévus représente 100%, révoquant ainsi les désignations de bénéficiaires faites antérieurement, ce que confirme la mention finale 'Je révoque toutes les dispositions antérieures'.
Il en résulte que [A] [F] a exprimé dans ce testament authentique, de manière certaine et non équivoque, sa volonté de voir substituer aux bénéficiaires de ses contrats d'assurance vie antérieurement désignés ceux mentionnés dans ce testament.
Le jugement sera en conséquence confirmé en ce qu'il a considéré que la substitution de bénéficiaire faite par ce testament était valable.
Sur la demande en paiement du CIC OUEST contre Mme [V]
La société CIC OUEST sollicite, à titre principal sur le fondement de la subrogation légale, la condamnation de Mme [V] à la garantir de la totalité des condamnations prononcées contre elles au profit de l'association France Alzheimer et de Mme [N].
En application de l'article 1251 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, la subrogation a lieu de plein droit (3°) au profit de celui qui, étant tenu avec d'autres ou pour d'autres au paiement de la dette, avait intérêt de l'acquitter.
Il est constant que le débiteur qui s'acquitte d'une dette qui lui est personnelle peut néanmoins prétendre bénéficier de la subrogation légale s'il a, par son paiement, libéré envers leur créancier commun celui sur qui doit peser la charge définitive de la dette (même arrêt). Cette règle trouve régulièrement application notamment en matière de responsabilité notariale, le débiteur pouvant être condamné à relever et garantir l'officier public pour le cas où il aurait à régler sa dette, et ce même dans l'hypothèse où le notaire s'acquitte d'une dette de réparation, qui lui est donc personnelle (1ère Civ., 9 octobre 1985, n°84-13.245 ; 1ère Civ 3 mars 1987, n°85-12.344 ; 3e Civ., 15 mars 2006, pourvoi n° 04-13.666, Bull. 2006, III, n° 68 ; 1re Civ., 14 mars 2012, pourvoi n° 11-10.096).
En l'espèce, il est constant que la société CIC OUEST a été condamnée, sur le fondement de l'article 1382 du code civil, à indemniser Mme [N] et l'association France Alzheimer du préjudice résultant du défaut de versement à ces bénéficiaires par l'assureur, la société ACM Vie, des sommes qui leur revenaient au titre du contrat d'assurance vie et qui ont été versées par erreur à Mme [V].
Il s'agit là d'une dette de réparation qui est personnelle à la société CIC Ouest, mais, par application de la jurisprudence susvisée, cette société peut néanmoins prétendre bénéficier de la subrogation légale si elle a, par son paiement, libérée envers leur créancier commun celui sur qui doit peser la charge définitive de la dette.
Or en l'espèce, Mme [V] n'est nullement débitrice de Mme [N] ou de l'association France Alzheimer, puisque c'est de la société ACM Vie qu'elle a perçue les sommes indûment perçues et c'est donc à l'égard de cette société qu'elle a contracté une dette, et non à l'égard des nouveaux bénéficiaires du contrat, avec lesquels elle n'a aucun lien de droit.
Le créancier de Mme [V] n'est donc pas, comme tel est le cas pour la société CIC Ouest, Mme [N] ou l'association France Alzheimer, qui ne lui ont rien réclamé, mais la société ACM Vie, de qui elle a indûment perçu cette somme et à l'égard de qui elle est tenue à restitution, de sorte qu'il ne peut être considéré que la banque CIC OUEST, en s'acquittant des condamnations mises à sa charge au profit de Mme [N] ou de l'association France Alzheimer, libérerait Mme [V] envers leur créancier commun.
Le mécanisme de la subrogation légale ne peut dans cette hypothèse jouer.
Sur le fondement de la responsabilité civile
La société CIC Ouest fonde subsidiairement sa demande, dans le cas où la subrogation légale ne serait pas retenue, sur les règles de la responsabilité civile. Elle soutient que la responsabilité de Mme [V] est engagée en raison de la faute qu'elle a commise en refusant de restituer à l'assureur la somme qui lui avait été versée par erreur, en dépit des demandes réitérées et justifiées qui lui ont été adressées, de sorte qu'elle doit l'indemniser du préjudice qui en est résulté pour la société CIC OUEST tenant à la condamnation à indemniser les bénéficiaires du contrat d'assurance vie.
Mme [V] répond qu'elle n'a commis aucune faute dans la mesure où elle a sollicité du CIC Ouest la communication d'un certain nombre de documents qu'elle n'a obtenus que dans le cadre de la procédure de première instance, de sorte que le défaut de restitution par ses soins des sommes réclamées n'est pas fautif. Elle ajoute que le CIC OUEST, qui a commis une faute en tardant à aviser la société ACM Vie du changement de bénéficiaires, doit en supporter les conséquences et ne peut reporter la charge de sa condamnation sur elle.
Toutefois, il convient de relever qu'en dépit des multiples demandes et démarches amiables faites par la société ACM Vie et la banque CIC Ouest, Mme [V], à qui a été demandé en novembre 2016 le remboursement des capitaux versés, puis adressé par courrier du 8 décembre 2016 les justificatifs de la demande et en particulier une copie de l'avenant de désignation de bénéficiaire daté du 25 janvier 2011 et une copie du testament, n'a jamais restitué la somme de 187 013,25 euros qu'elle a indûment perçue, restitution à laquelle elle était pourtant tenue par application de l'article 1376 ancien du code civil selon lequel : 'celui qui reçoit par erreur ou sciemment ce qui ne lui est pas dû s'oblige à le restituer à celui de qui il l'a indûment perçu'.
Cette faute a causé un préjudice à la société CIC OUEST qui, à défaut de restitution des sommes indûment perçues et corrélativement de versement par la société ACM Vie des capitaux dus aux bénéficiaires désignés dans le testament, s'est vue condamner, pour avoir avisé tardivement l'assureur de l'existence du testament, à indemniser les bénéficiaires du défaut de perception des sommes qui leur étaient dues.
Mme [V] fait valoir que la banque CIC Ouest a elle-même commis une faute, d'une part en ne prenant pas en compte la volonté exprimée par Mme [F] lors du rendez-vous pris par le notaire à l'agence CIC, puis en ne transmettant pas dans les temps à l'assureur ACM Vie l'information donnée par mail par le notaire sur l'existence d'un testament rédigé par ledit notaire.
Il est constant qu'il résulte d'un courrier du notaire en date du 2 mars 2016 qu'il s'est présenté avec Mme [F] à l'agence bancaire le 5 décembre 2012 en vue de modifier la clause bénéficiaire, mais qu'il lui a été répondu qu'aucun écrit n'était nécessaire et que le nécessaire serait fait. Or il est patent que la banque n'a au contraire pas pris note du changement de bénéficiaire souhaité puisque les fonds ont finalement été versés au bénéficiaire initial.
Il est également constant que la banque CIC Ouest a commis une faute en ne prévenant la société ACM Vie de l'existence d'un testament que le 25 février 2016 alors qu'elle en avait été informée dès le 26 janvier 2016, délai durant lequel les fonds ont été versés à Mme [V] le 16 février 2016.
Si ces fautes ont contribué à la survenance du préjudice dont la banque CIC Ouest demande réparation à Mme [V], à savoir sa condamnation à indemniser les bénéficiaires désignés, elles ne sont pas la cause exclusive du préjudice subi par la banque, qui résulte également du refus fautif de Mme [V] de restituer les sommes indûment perçues, de sorte qu'elles ne justifient pas d'exonérer totalement Mme [V] de sa responsabilité.
Dans la mesure en revanche où elles ont contribué au préjudice de la banque, elles justifient une exonération partielle de responsabilité, exonération qui sera fixée à 20% compte tenu du rôle important dans la survenance du préjudice de la banque de la faute commise par Mme [V], tenant au refus injustifié de restitution des fonds indûment perçus, restitution qui aurait permis le versement des capitaux aux bénéficiaires désignés par [A] [F] et d'éviter ou à tout le moins de limiter la condamnation de la banque.
En conséquence, Mme [V] sera condamnée à garantir la banque CIC OUEST dans une proportion de 80%.
La banque CIC Ouest a été condamnée à verser les sommes suivantes :
- condamnation à verser à l'association France Alzheimer la somme de 12 793,36 euros avec intérêts au taux légal à compter du 29 septembre 2016, date de la mise en demeure,
- condamnation à verser à Mme [N] la somme de 73 768,99 euros avec intérêts au taux légal à compter du 29 juin 2016 sur la somme de 69 090 euros et à compter du jugement pour le surplus,
avec capitalisation des intérêts.
S'agissant des intérêts, Mme [V] demande de ne pas être condamnée à garantir le CIC des intérêts au taux légal à compter du 29 septembre 2016 sur la somme de 12 793,36 euros ni des intérêts au taux légal à compter du 29 juin 2016 sur la somme de 69 090 euros et à compter du jugement sur le surplus de la somme de 73 768,99 euros, ni de la capitalisation des intérêts.
Dans la mesure où la restitution des fonds n'a été réclamée à Mme [V], avec les justificatifs du changement de la clause bénéficiaire et en particulier une copie du testament, que le 8 décembre 2016, elle ne saurait être condamnée à garantir la banque de la condamnation aux intérêts ayant couru avant cette date, dont elle n'est pas responsable. En revanche, la condamnation aux intérêts dus postérieurement est imputable, dans les proportions susmentionnée, à la faute qu'elle a commise et donc justifie qu'elle soit condamnée à en garantir le CIC Ouest. Il en est de même de la condamnation relative à la capitalisation des intérêts.
Mme [V], qui a indûment perçu une somme totale de 187 013,25 euros, sera en conséquence condamnée à garantir la banque CIC Ouest à hauteur de 80 % des sommes suivantes :
- 12 793,36 euros, outre les intérêts au taux légal à compter du 8 décembre 2016 ;
- 73 768,99 euros, outre les intérêts au taux légal à compter du 8 décembre 2016 sur la somme de 69 090 euros et à compter du jugement pour le surplus.
Elle sera également condamnée à garantir la banque à hauteur de 80% des sommes dues au titre de la capitalisation des intérêts ayant couru à compter du 8 décembre 2016
Madame [V] précise qu'elle a versé 35 950,13 euros en exécution du jugement de première instance, versement dont il devra être tenu compte, s'il est avéré, dans le décompte des sommes dues.
La demande du CIC Ouest étant partiellement accueillie sur le fondement de la responsabiltié civile, sa demande subsidiaire fondée sur l'enrichissement sans cause est sans objet et n'a pas à être examinée par la cour d'appel, étant en tout état de cause rappelé que l'action de in rem verso ne peut aboutir lorsque l'appauvrissement est dû à la faute de l'appauvri (1re Civ., 19 mars 2015, pourvoi n° 14-10.075, Bull. 2015, I, n° 66) de sorte que la faute commise en l'espèce par la banque CIC Ouest qui a prévenu tarvidement l'assureur de l'existence d'un testament était en tout état de cause de nature à faire obstacle à ce que sa demande soit accueillie sur ce fondement.
Sur la responsabilité de la banque CIC Ouest pour manquement à son obligation d'information et de conseil
Mme [V] demande que la banque CIC Ouest soit condamnée à lui verser une somme de 86 562,35 euros sur le fondement de la responsabilité contractuelle, ou à défaut délictuelle, pour ne pas lui avoir pas conseillé d'accepter sa qualité de bénéficiaire du contrat d'assurance vie souscrit par Mme [F], ce qui aurait rendu par la suite impossible le changement de bénéficiaire.
La banque CIC Ouest soulève l'irrecevabilité de cette demande comme étant nouvelle en cause d'appel.
Toutefois, d'une part il résulte de l'exposé du litige du jugement du 5 mars 2020 que Mme [V] sollicitait déjà, en première instance, la condamnation de l'établissement bancaire à des dommages et intérêts sur le fondement de la responsabilité contractuelle et subsidiairement délictuelle. Les conclusions de première instance n'étant pas produites, la cour ne peut dès lors affirmer que la demande en responsabilité contre la banque est nouvelle à hauteur d'appel.
Mais en tout état de cause, cette demande, fût-elle nouvelle en cause d'appel, est recevable, tant sur le fondement de l'article 567 du code de procédure civile qui dispose que les demandes reconventionnelles sont recevables en appel, que sur celui de l'article 565 du code de procédure civile puisque cette demande de dommages et intérêts tend aux mêmes fins que la demande de dommages et intérêts présentée en première instance, quand bien même son fondement juridique serait différent, ou sur celui de l'article 566 du code de procédure civile, s'agissant d'une demande accessoire aux prétentions soumises aux premiers juges.
Cette demande est donc recevable à hauteur d'appel.
Sur le fond en revanche, il n'entre pas dans les obligations du banquier de conseiller à ses clients d'accepter la clause bénéficiaire d'un contrat d'assurance vie, et ce d'autant moins lorsque, comme en l'espèce, le souscripteur du contrat est également son client de sorte que l'intérêt de ses deux clients ne sont pas nécessairement concordants, l'acceptation d'une clause bénéficiaire interdisant au souscripteur de la modifier par la suite, et qu'il ne saurait conseiller l'un au détriment de l'autre.
Les fautes reprochées à la banque CIC Ouest ne sont donc pas établies, de sorte que les demandes de Mme [V] en dommages et intérêts pour manquement à son obligation d'information et de conseil seront rejetées, que ce soit sur un fondement contractuel ou délictuel.
Sur la demande de donner acte
Mme [V] demande qu'il lui soit donné acte de ce qu'elle se réserve la possibilité de réclamer ultérieurement à l'encontre du CIC l'indemnisation de son préjudice financier au titre de la clôture de ses deux PEL dans l'hypothèse où la Cour ferait droit à la demande du CIC à l'encontre de cette dernière.
Il convient de rappeler que la cour n'a pas à statuer sur les demandes de 'donner acte " qui ne sont pas des prétentions susceptibles d'emporter des conséquences juridiques.
Sur les dépens et les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile
Mme [V] sera tenue aux dépens de la procédure d'appel.
Le jugement sera en revanche infirmé en ce qu'il condamne la banque CIC Ouest à payer une somme de 2000 euros à Mme [V] sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Les circonstances de la cause justifient de condamner Mme [V] à payer une somme de 4 000 euros à la banque CIC Ouest sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
Statuant par mise à disposition au greffe, contradictoirement et en dernier ressort,
INFIRME le jugement entrepris en ce qu'il :
- dit et juge que la SA Banque CIC Ouest a tardé à réclamer les fonds indûment perçus par [R] [V] ,
-condamne [R] [V] à verser, au titre de l'enrichissement sans cause, à la SA Banque CIC Ouest la somme de 35 950,13 euros ;
- condamne la SA Banque CIC Ouest à verser à [R] [V] une indemnité de 2000 euros au titre des frais irrépétibles ;
Le CONFIRME pour le surplus de ses dispositions critiquées ;
Statuant à nouveau et y ajoutant :
CONDAMNE Mme [V] à garantir la société CIC Ouest à hauteur de 80 % des sommes suivantes :
- 12 793,36 euros, outre les intérêts au taux légal à compter du 8 décembre 2016 ;
- 73 768,99 euros, outre les intérêts au taux légal à compter du 8 décembre 2016 sur la somme de 69 090 euros et à compter du jugement pour le surplus.
CONDAMNE Mme [V] à garantir la société CIC Ouest à hauteur de 80% des sommes dues au titre de la condamnation aux intérêts capitalisés, dans la limite des intérêts ayant couru à compter du 8 décembre 2016 ;
DIT que cette condamnation est prononcée en deniers ou quittances compte tenu des versements le cas échéant effectués par Mme [V] en exécution du jugement de première instance ;
DECLARE recevable la demande de Mme [V] en dommages et intérêts pour manquement de la société CIC Ouest à son obligation de conseil et d'information ;
REJETTE la demande de Mme [V] en dommages et intérêts ;
REJETTE les demandes plus amples ou contraires ;
CONDAMNE Mme [V] à payer à la banque CIC Ouest une somme de 4 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE Mme [V] à supporter les dépens de la procédure d'appel, dont distraction au profit de la SAR ARCOLE en application de l'article 699 du code de procédure civile.
Arrêt signé par Madame Anne-Lise COLLOMP, Président de Chambre et Madame Fatima HAJBI, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT