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23/01/2023 | FRANCE | N°20/00793

France | France, Cour d'appel d'Orléans, Chambre civile, 23 janvier 2023, 20/00793


COUR D'APPEL D'ORLÉANS



C H A M B R E C I V I L E





GROSSES + EXPÉDITIONS : le 23/01/2023

la SCP HOUSSARD ET TERRAZZONI

la SCP DELHOMMAIS, MORIN

la SCP VALERIE DESPLANQUES



ARRÊT du : 23 JANVIER 2023



N° : - : N° RG 20/00793 - N° Portalis DBVN-V-B7E-GEJF





DÉCISION ENTREPRISE : Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de TOURS en date du 05 Mars 2020



PARTIES EN CAUSE



APPELANT :- Timbre fiscal dématérialisé N°: 1265257175039882

Monsieur

[H] [W]

né le 08 Janvier 1955 à [Localité 6]

Lieu dit [Adresse 1]

[Adresse 1]



ayant pour avocat Me Eugène HOUSSARD de la SCP HOUSSARD ET TERRAZZONI, avocat au barreau de T...

COUR D'APPEL D'ORLÉANS

C H A M B R E C I V I L E

GROSSES + EXPÉDITIONS : le 23/01/2023

la SCP HOUSSARD ET TERRAZZONI

la SCP DELHOMMAIS, MORIN

la SCP VALERIE DESPLANQUES

ARRÊT du : 23 JANVIER 2023

N° : - : N° RG 20/00793 - N° Portalis DBVN-V-B7E-GEJF

DÉCISION ENTREPRISE : Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de TOURS en date du 05 Mars 2020

PARTIES EN CAUSE

APPELANT :- Timbre fiscal dématérialisé N°: 1265257175039882

Monsieur [H] [W]

né le 08 Janvier 1955 à [Localité 6]

Lieu dit [Adresse 1]

[Adresse 1]

ayant pour avocat Me Eugène HOUSSARD de la SCP HOUSSARD ET TERRAZZONI, avocat au barreau de TOURS

D'UNE PART

INTIMÉS : - Timbre fiscal dématérialisé N°: 1265257498475518

Monsieur [D] [V]

né le 18 Mars 1964 à [Localité 4] (Maine-et-Loire) ([Localité 4])

[Adresse 3]

[Adresse 3]

ayant pour avocat Me Marc MORIN de la SCP DELHOMMAIS, MORIN, avocat au barreau de TOURS

Madame [L] [M] épouse [V]

née le 12 Novembre 1966 à [Localité 7]

[Adresse 3]

[Adresse 3]

ayant pour avocat Me Marc MORIN de la SCP DELHOMMAIS, MORIN, avocat au barreau de TOURS

- Timbre fiscal dématérialisé N°: 1265256885202524

SA FILIA-MAIF inscrite au RCS de NIORT sous le n° 341 672 681, agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représentée par Me Valerie DESPLANQUES de la SCP VALERIE DESPLANQUES, avocat au barreau d'ORLEANSet ayant pour avocat plaidant Me LALOUM de la SCP REFERENS, avocat au barreau de TOURS,

D'AUTRE PART

DÉCLARATION D'APPEL en date du :23 Avril 2020

ORDONNANCE DE CLÔTURE du : 08 novembre 2022

COMPOSITION DE LA COUR

Lors des débats, du délibéré :

Madame Anne-Lise COLLOMP, Président de chambre,

Monsieur Laurent SOUSA, Conseiller,

Madame Laure Aimée GRUA, Magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles.

Greffier :

Madame Fatima HAJBI, Greffier lors des débats et du prononcé.

DÉBATS :

A l'audience publique du 05 DECEMBRE 2022, à laquelle ont été entendus Monsieur Laurent SOUSA, Conseiller, en son rapport et les avocats des parties en leurs plaidoiries.

ARRÊT :

Prononcé le 23 JANVIER 2023 par mise à la disposition des parties au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

FAITS ET PROCÉDURE

M. et Mme [V] ont acquis, en 1991, une maison située à [Localité 5] (Indre-et-Loire), dans laquelle ils ont réalisé, courant 1992, des travaux de restauration et d'extension.

Par acte notarié du 25 octobre 1996, M. et Mme [V] ont vendu à M. et Mme [W] ladite maison restaurée au prix de 829 000 francs soit 126 380,71 euros.

À la suite d'apparition de fissures sur les murs de leur maison à l'été 2011, M. et Mme [W] ont sollicité une mesure d'expertise judiciaire qui a été ordonnée en référé le 22 août 2014. L'expert judiciaire, M. [S], a déposé son rapport le 10 février 2017.

Par actes des 11 et 20 juin 2018, M. [W] a fait assigner M. et Mme [V], ainsi que la société Filia-Maif devant le tribunal de grande instance de Tours, aux 'ns de voir condamner le vendeur sur le fondement du dol et de la responsabilité pré-contractuelle, et l'assureur au titre de la garantie contre les effets des catastrophes naturelles.

Par jugement du 5 mars 2020, le tribunal judiciaire de Tours a :

- débouté M. [W] de l'ensemble de ses demandes formées à l'encontre de M. et Mme [V] ;

- rejeté la 'n de non-recevoir tirée de la prescription par la société Filia-Maif ;

- débouté M. [W] de l'ensemble de ses demandes formées à l'encontre de la société Filia-Maif ;

- condamné M. [W] aux entiers dépens, en ceux compris les frais afférents aux instances en référé et à l'expertise réalisée par M. [S] ;

- autorisé Maître Morin, avocat au barreau de Tours, à recouvrer directement ceux des dépens ont il aurait fait l'avance sans avoir reçu de provision ;

- condamné M. [W] à verser à M. et Mme [V] la somme de 2 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné M. [W] à verser à la société Filia-Maif la somme de 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Par déclaration du 23 avril 2020, M. [W] a interjeté appel du jugement en ce qu'il l'a débouté de l'ensemble de ses demandes formées à l'encontre de M. et Mme [V] et de la société Filia-Maif, l'a condamné aux dépens et au paiement d'indemnités en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Suivant conclusions récapitulatives notifiées par voie électronique le 23 juillet 2020, M. [W] demande à la cour de :

- le recevoir en son appel et y faisant droit ;

- infirmer le jugement entrepris ;

- dire et juger que les consorts [V] ont commis une réticence dolosive engageant leur responsabilité pré-contractuelle à son égard ;

- dire et juger que la garantie « catastrophes naturelles » est due par la compagnie Filia-Maif ;

- condamner in solidum les consorts [V] et la compagnie Filia-Maif à lui payer les sommes de :

53 941,31 € au titre des frais de réfection de l'immeuble, cette somme devant être actualisée en fonction de l'indice BT 01 en prenant pour référence celui du mois de février 2017 ;

32 100 € au titre du préjudice de jouissance, à parfaire au jour de la décision à intervenir ;

6 500 € au titre des frais irrépétibles de référé, d'expertise, de première instance et d'appel ;

- ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir ;

- condamner les mêmes, in solidum aux entiers dépens de référé, d'expertise, de première instance et d'appel en accordant à la SCP Houssard & Terrazzoni le bénéfice du droit de recouvrement direct prévu par l'article 699 du code de procédure civile.

Suivant conclusions récapitulatives notifiées par voie électronique le 20 octobre 2020, M. et Mme [V] demandent à la cour de :

A titre principal,

- confirmer le jugement déféré en ce qu'il a : débouté M. [W] de l'ensemble de ses demandes formées à leur encontre ; condamné M. [W] aux entiers dépens, en ceux compris les frais afférents aux instances en référé (procédures référencées RG 14/20393 et RG 15/20621) et à l'expertise réalisée par M. [S] [P] (suivant ordonnance de référé du 22 août 2014 ' rapport déposé le 10 février 2017) ; autorisé Maître Morin Marc, avocat au barreau de Tours, à recouvrer directement ceux des dépens dont il aurait fait l'avance sans avoir reçu provision ; condamné M. [W] à leur verser la somme de 2 500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

En conséquence,

- débouter M. [W] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions plus amples ou contraires ;

A titre subsidiaire,

- limiter les prétentions financières de M. [W] à leur strict minimum dans la mesure où les non-conformités des travaux réalisés par eux ne sont pas la cause principale des désordres ;

Y ajoutant et en tout état de cause,

- condamner M. [W] à leur verser la somme de 4 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner M. [W] aux entiers dépens ;

- accorder à Maître Marc Morin, membre de la SCP Delhommais-Morin, conformément à l'article 699 du code de procédure civile, le droit de recouvrer directement contre les parties condamnées, ceux des dépens dont il a fait l'avance sans avoir reçu provision.

Suivant conclusions récapitulatives notifiées par voie électronique le 7 septembre 2020, la société Filia-Maif demande à la cour de :

- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

- déclarer irrecevable et en tout cas mal fondé M. [H] [W] en ses demandes et l'en débouter ;

- condamner M. [H] [W] à lui verser une indemnité complémentaire de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens qui comprendront les dépens des référés et les frais d'expertise judiciaire.

Pour un plus ample exposé des faits et des moyens des parties, il convient de se reporter à leurs dernières conclusions récapitulatives.

SUR QUOI, LA COUR,

Sur la réticence dolosive des vendeurs

L'appelant soutient que les époux [V] ont réalisé eux-mêmes en 1992 des travaux consistant en une extension sur la façade Nord, destinée à abriter en façade nord-est un bureau et en façade nord-ouest une salle de bains ; que les désordres ont été relevés sur cette partie de l'extension (Nord-Est/Nord-Ouest) ; qu'aucune mention de cette extension n'apparaît au terme de l'acte de vente et l'expert a précisé dans son rapport que même pour un professionnel, il était impossible de déceler l'existence de cette extension neuve ; que lors de la revente de la maison, les consorts [V] ont dissimulé l'existence de l'extension réalisée, cette dissimulation volontaire caractérise à elle seule leur mauvaise foi en les excluant de facto de l'éviction de garantie des vices cachés insérée au contrat de vente ; que s'il avait été informé qu'une partie de la maison achetée était en réalité une extension réalisée récemment, il se serait enquis des entreprises qui l'avaient réalisée et apprenant que la réalisation était le fait de particuliers, sans intervention de professionnels du bâtiment, il aurait fait procéder à un diagnostic de cette extension par un professionnel du bâtiment ; que le dol commis en 1996 consiste dans la dissimulation des travaux réalisés en 1992 et par là même, du fait qu'ils ont été réalisés par des amateurs, sans intervention d'une entreprise professionnelle du bâtiment ; que c'est de façon inopérante que les premiers juges retiennent qu'il ne démontre pas que les consorts [V] avaient spécifiquement connaissance de l'insuffisance de profondeur de la construction qu'ils ont réalisée, alors que ce qu'il leur est reproché d'avoir dissimulé est la réalisation même, directement par leurs soins, de ces travaux d'extension, dans des conditions d'amateurisme ; que tout au plus et subsidiairement, il demeurerait à tout le moins une perte de chance, causée par la dissimulation des vendeurs, de recueillir l'avis d'un expert en construction et de prendre ainsi conscience, avant la conclusion de la vente, des malfaçons affectant l'immeuble, ce qui l'aurait conduit le concluant soit à ne pas acheter, soit à acheter à des conditions différentes.

M. et Mme [V] répliquent que M. [W] a jouit pendant de nombreuses années du bien sans la moindre difficulté et qu'en l'absence de la sécheresse de 2011, il aurait continué à en jouir normalement ; que l'expert judiciaire précise que si le défaut de conception de l'extension était seul en cause, les désordres se seraient probablement produits dans les 10 ans suivant la construction et que la déclaration tardive des désordres soit 20 ans après la construction laisse supposer un facteur extérieur soit la sécheresse ; que l'expert indique également qu'il n'est pas du tout certain que les travaux de reprise auraient empêché l'apparition des désordres lors de la sécheresse de 2011 ; que le préjudice de M. [W] était donc futur et incertain ; qu'ils ne peuvent être tenus pour responsables d'un préjudice qui est dû à un évènement imprévisible, irrésistible et extérieur à savoir la sécheresse de 2011 qui est l'élément déclencheur des désordres ; que l'appelant ne rapporte pas la preuve qu'ils lui auraient dissimulé l'information de façon intentionnelle ni qu'ils avaient eu connaissance de l'insuffisance de profondeur des fondations ; que les travaux d'extension ont été réalisés par des professionnels, et ils avaient signalé l'agrandissement tant à l'agence immobilière qu'au notaire ; que M. [W] ne pouvait ignorer que deux constructions avaient été érigées ; que lors d'un accédit, M. [W] a reconnu avoir eu en sa possession des photographies de la maison avant extension ; que M. [W] ne peut valablement soutenir qu'il n'était pas informé des travaux de rénovation ; que si un manquement à un devoir d'information a été commis, il résulte éventuellement du notaire ou de l'agence immobilière.

L'article 1116 du code civil dans sa version antérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, dispose que le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les man'uvres pratiquées par l'une des parties sont telles, qu'il est évident que, sans ces man'uvres, l'autre partie n'aurait pas contracté.

L'existence d'une réticence dolosive s'apprécie au moment de la formation du contrat, peu important que l'étendue du dommage en résultant ne soit pas encore connue de son auteur, ainsi que l'a jugé la Cour de cassation (3e Civ., 23 septembre 2020, pourvoi n° 19-18.598).

Le silence gardé par une partie sur un élément déterminant du consentement de l'autre partie ne constitue un dol que s'il est établi que son auteur a agi intentionnellement pour tromper le contractant et le déterminer à conclure le contrat (1re Civ., 12 novembre 1987, pourvoi n° 85-18.350 ; 1re Civ., 25 janvier 2017, pourvoi n° 15-29.205).

Il résulte du rapport d'expertise que la sécheresse de 2011 est l'élément déclencheur des désordres affectant la façade Nord et par voie de conséquence, des désordres affectant le dallage. L'expert a également précisé : « la non-conformité de la profondeur des fondations de la façade Nord est également à prendre en compte ainsi que, dans une moindre mesure, la consolidation des remblais sous dallage, qualifiés de peu consistants par Sogéo Expert ».

C'est en raison de ces désordres survenus 15 ans après la vente que M. [W] soutient avoir subi un dol en l'absence d'information portant sur la réalisation d'une extension en 1992 dont la façade Nord est affectée de fissures.

L'acte de vente conclu entre les parties portait sur « une maison ancienne restaurée située au lieu dit [Adresse 1]. Il n'est pas fait mention de l'extension édifiée en 1992 mais seulement d'un garage, non accolé à la maison, dont la construction a été réceptionnée le 18 mars 1996.

Les vendeurs n'ont informé les acquéreurs, aux termes de l'acte de vente, que sur la construction la plus récente, soit le garage édifié en 1996, et non sur l'extension de la maison d'habitation réalisée en 1992. L'expert judiciaire a indiqué qu'il était « difficile pour un acquéreur normalement attentif et diligent de faire la différence entre une maison ayant subi une restauration lourde et une maison ayant été agrandie ». Par ailleurs, le fait que M. [W], ait été en possession, lors de l'expertise, de photographies figurant la maison avant extension, ne permet pas d'établir qu'il avait connaissance, lors de la vente, de la réalisation de cette extension édifiée en 1992.

Il résulte des indications données à l'agence immobilière par les vendeurs lors du mandat conclu le 5 juillet 1996, qu'ils avaient indiqué à celle-ci qu'une partie de la construction avait été réalisée en 1992, de sorte qu'il ne peut être considéré que les vendeurs ont volontairement dissimulé ce fait aux acquéreurs.

En outre, si les acquéreurs soutiennent que les vendeurs ont dissimulé l'extension au motif qu'elle avait été réalisée par eux-mêmes, ces derniers produisent des factures de travaux établissant qu'ils ont eu recours à des professionnels pour la réalisation de l'extension.

Enfin, il n'est ni allégué ni justifié que l'extension de la maison d'habitation présentait déjà des désordres lors de la vente, désordres qui auraient été dissimulés par les vendeurs, lesquels ne sont apparus que lors d'un épisode de sécheresse en 2011, ainsi qu'il résulte du rapport d'expertise judiciaire.

Au surplus, il n'est pas démontré que l'information sur la réalisation de l'extension en 1992 ait été déterminante du consentement des acquéreurs, alors qu'au moment de la vente, aucun élément ne permettait aux parties de connaître l'insuffisance des fondations en façade Nord et de ses éventuelles conséquences futures lors d'épisodes répétés de sécheresse.

Il résulte de ces éléments que M. [W] n'établit pas l'existence d'une réticence dolosive de M. et Mme [V], de sorte qu'il doit être débouté de l'ensemble de ses demandes formées à leur encontre. Le jugement sera donc confirmé de ce chef.

Sur les demandes à l'encontre de la société Filia-Maif

M. [W] soutient qu'il résulte du rapport d'expertise judiciaire qu'il existe deux causes déterminantes de la survenance du litige, d'une part, l'encastrement insuffisant des fondations de l'immeuble, d'autre part, la sécheresse de l'année 2011 qui a donné lieu à un arrêté de catastrophe naturelle ; que la cause déterminante au sens de l'article L. 125-1 du code des assurances n'est pas nécessairement une cause exclusive du dommage, et en particulier que la garantie « catastrophes naturelles » peut être due alors même que des vices de construction de l'immeuble auraient aussi participé à sa survenance ; qu'il y a donc lieu de dire que la garantie « catastrophes naturelles » de la Maif est due et de condamner celle-ci au paiement de la somme de 53 941,31 euros au titre des frais de réfection de l'immeuble, de la somme de 32 100 euros au titre du préjudice de jouissance, et de la somme de 6 500 euros au titre des frais irrépétibles de référé, d'expertise, de première instance et d'appel.

La société Filia-Maif fait valoir qu'elle a informé M. [W] qu'elle refusait de faire application de la garantie catastrophe naturelle souscrite par courrier du 10 septembre 2013 ; que M. [W] ne l'a faite assigner aux fins de déclaration d'ordonnance commune que par acte du 2 décembre 2015 ; que son action doit être regardée comme prescrite et irrecevable en application des dispositions de l'article L.114-1 du code des assurances ; que subsidiairement, dans la mesure où l'immeuble est affecté d'un vice de conception et de construction, il est impossible de regarder l'événement de sécheresse de 2011 comme étant la cause déterminante de la dégradation de l'immeuble.

L'article L.114-1 du code des assurances, dans sa version applicable au litige, dispose que toutes actions dérivant d'un contrat d'assurance sont prescrites par deux ans à compter de l'événement qui y donne naissance. Toutefois, ce délai ne court en cas de sinistre, que du jour où les intéressés en ont eu connaissance, s'ils prouvent qu'ils l'ont ignoré jusque-là.

Lorsque l'assuré exerce à l'encontre de son assureur l'action en exécution par celui-ci des obligations de son contrat, le point de départ de la prescription prévue par le texte précité est la date du sinistre et non celle de la notification du refus de la garantie opposé par la compagnie, ainsi que l'a jugé la Cour de cassation (1re Civ., 7 juin 1988, pourvoi n° 86-19.296).

L'assureur est donc mal fondé à soutenir que le point du délai biennal de prescription doit être fixé au 10 septembre 2013, date à laquelle il a notifié à son assuré son refus de garantie.

Le sinistre a été constaté le 31 mai 2011, faisant ainsi courir le délai biennal de prescription pour agir à l'encontre de l'assureur.

L'article L.114-2 du code des assurances dispose que la prescription est interrompue par une des causes ordinaires d'interruption de la prescription et par la désignation d'experts à la suite d'un sinistre.

La désignation de l'expert a pour seul effet d'interrompre le délai biennal de prescription qui recommence à courir à compter de cette désignation, et non d'en suspendre les effets pendant la durée des opérations d'expertise (Civ. 2e, 10 novembre 2005, pourvoi n° 04-15.041 ; 2e Civ., 23 septembre 2003, pourvoi n° 01-00.171).

En l'espèce, l'assureur a désigné un expert le 30 juillet 2012, M. [Y], lequel a rendu son rapport initial le 15 octobre 2012. Suite à un protocole tierce expertise conclu avec son assuré, la société Filia-Maif a désigné un nouvel expert le 2 décembre 2013 qui a déposé son rapport le 27 février 2014.

Le délai biennal de prescription a donc été interrompu le 30 juillet 2012 et le 2 décembre 2013, pour commencer à courir à nouveau à compter de ces dates, sans que le délai puisse être suspendu jusqu'au dépôt de l'expert non judiciaire désigné comme l'a jugé à tort le tribunal.

En application de l'article 641 du code de procédure civile, le délai biennal de prescription expirait le 2 décembre 2015. Or, M. [W] a fait assigner la société Filia-Maif aux fins de lui rendre communes les opérations d'expertise ordonnées en référé, par acte d'huissier de justice signifié le 2 décembre 2015.

Il s'ensuit que l'action de M. [W] à l'encontre de la société Filia-Maif n'est pas prescrite, et le jugement sera confirmé en ce qu'il l'a déclarée recevable.

L'article L.125-1 du code des assurances, dans sa version applicable au litige, dispose que les contrats d'assurance, souscrits par toute personne physique ou morale autre que l'État et garantissant les dommages d'incendie ou tous autres dommages à des biens situés en France, ainsi que les dommages aux corps de véhicules terrestres à moteur, ouvrent droit à la garantie de l'assuré contre les effets des catastrophes naturelles, dont ceux des affaissements de terrain dus à des cavités souterraines et à des marnières sur les biens faisant l'objet de tels contrats.

Aux termes de ce même article, sont considérés comme les effets des catastrophes naturelles, les dommages matériels directs non assurables ayant eu pour cause déterminante l'intensité anormale d'un agent naturel, lorsque les mesures habituelles à prendre pour prévenir ces dommages n'ont pu empêcher leur survenance ou n'ont pu être prises.

Les dispositions de l'article L.125-1 du code des assurances n'exigent pas que l'agent naturel constitue la cause exclusive des dommages (2e Civ., 29 mars 2018, pourvoi n° 17-15.017), mais il doit en être la cause déterminante des désordres nonobstant l'existence de désordres de construction antérieurs à la sécheresse (3e Civ., 29 juin 2017, pourvoi n° 15-20.646).

La commune de [Localité 5] a été reconnue en état de catastrophe naturelle pour les mouvements de terrain différentiels consécutifs à la sécheresse et à la réhydratation des sols pour la période du 1er avril 2011 au 30 juin 2011.

Les désordres apparus dans la maison de M. [W] suite à cet épisode de sécheresse sont les suivants :

- 'ssuration importante de la façade Nord de l'extension ;

- 'ssuration moindre du pignon Ouest à proximité de la façade Nord et du retour de façade du bureau vers la partie ancienne ;

- affaissement important du dallage de la salle de bain ayant entraîné des fissures dans les éléments de second 'uvre et de l'humidité.

L'expert judiciaire a confié une mission complémentaire de diagnostic géotechnique à Sogéo Expert avec des sondages au niveau du dallage affaissé. Les investigations de Sogéo Expert ont mis en évidence, au niveau de l'assise des fondations de la façade Nord, la présence d'argile et sable argileux relativement sensibles aux phénomènes de retrait gonflement.

Le rapport d'expertise judiciaire mentionne également s'agissant de ces investigations :

« Les investigations Sogéo Expert ont également mis en évidence un grave défaut de réalisation des fondations sous la façade Nord puisque celles-ci ne sont pratiquement pas encastrées dans le sol, seulement 17 cm.

Cette valeur ne permet pas la mise hors gel des fondations.

Pour la façade Sud, l'encastrement des fondations est de 0,70 m.

La différence entre les deux façades provient d'une pente descendante du terrain vers le Nord et d'une dénivellation d'environ 0,40 m au droit de la limite de propriété Nord.

Le DTU 13.12, Calcul des fondations super'cielles de mars 1988, indique une profondeur minimale d'au moins 0,50 m en zone tempérée pour mettre les fondations à l'abri des conséquences du gel ».

S'agissant de l'affaissement du dallage, le rapport d'expertise mentionne :

« Sogéo Expert avait indiqué dans son premier rapport que la cause était, par extension des éléments mis en évidence pour les fondations, un phénomène de retrait des sols d'assise au cours des périodes de dé'cit hydrique amplifie par la présence d'un cèdre à proximité.

Les sondages et investigations réalisés en 2016 dans et sous le dallage ont infirmé cette conclusion puisque les remblais mis en 'uvre se sont révélés peu sensibles au retrait.

En conséquence, Sogéo Expert explique l'affaissement du dallage par une consolidation (tassement) dans le temps des remblais et à un entraînement suite au tassement du soubassement de la fondation Nord ou encore à une décompression suite à un léger déplacement du soubassement Nord ».

La détermination du caractère déterminant de l'épisode de sécheresse de 2011 nécessite d'établir si celui-ci a joué une action décisive dans l'apparition des désordres en raison de son intensité anormale.

À l'issue d'une motivation rigoureuse et argumentée, l'expert judiciaire a affirmé que les éventuels défauts d'étanchéité des regards et la présence du cèdre à 8 mètres du pignon Ouest ne sont pas des causes avérées des désordres.

Il convient aussi de constater que l'extension atteinte d'un vice de construction a été achevée le 20 décembre 1992. Aucun désordre n'est apparu avant l'été 2011, soit pendant une durée de 18 ans et demi.

En réponse à l'assureur qui faisait valoir le vice de construction pour refuser sa garantie, l'expert judiciaire a indiqué :

« Sogéo Expert écrit dans son rapport de 2016 que si ce défaut de conception était seul en cause, les désordres se seraient probablement produits dans les 10 ans suivant la construction et que la déclaration tardive des désordres (20 ans après la construction) laisse supposer un facteur extérieur (sécheresse).

Ainsi, malgré une profondeur d'encastrement de fondation tout à fait insuf'sante, 17 cm au lieu d'au moins 50 pour la mise hors gel, la façade Nord a subi 19 hivers et la sécheresse de 2005 sans problème et l'apparition des désordres en 2011, au moment d'une nouvelle sécheresse, 20 ans après la construction, ne serait, selon la MAIF, que la conséquence du non-respect de la mise hors gel des fondations de la façade Nord.

Bien que le côté Sud de la maison avec ses fondations à - 0,70 m ne soit pas affecté par les désordres, il n'est pas possible de déterminer la profondeur de fondations à partir de laquelle la façade Nord aurait également été épargnée et donc de savoir si le respect de la profondeur minimale de mise hors gel aurait été suffisant pour protéger la façade Nord de la sécheresse de 2011.

D'autant plus que la pente du terrain et la présence de végétation le long de la façade Nord compliquent la comparaison entre les deux façades pour ce qui est de leurs comportements vis-à-vis de la sécheresse ».

Concernant le rôle de la sécheresse dans l'affaissement du dallage, l'expert judiciaire a précisé :

« Pour cet affaissement du dallage, la date d'apparition des désordres, 2011, et celle de leur aggravation, début 2012, montrent encore le lien direct avec ceux affectant la façade Nord et donc la sécheresse de 2011 ».

En réponse à un dire de l'assureur soulignant que six arrêtés portant reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle sécheresse pour la commune concernée étaient intervenus entre 1991 et 2008. et qu'aucun désordre consécutif à ces événements de sécheresse n'ait été à déplorer, l'expert judiciaire a répondu :

« Il est exact que la commune de [Localité 5] a bénéficié de 6 arrêtés de catastrophe naturelle sécheresse en plus de celui de 2012 pour la sécheresse de 2011. En fait les 5 premiers couvrent une période ininterrompue du 01/03/1990 au 30/09/1998.

La maison ayant été vendue fin 1996 (donc a priori bien observée à cette occasion) et les désordres ayant été constatés en 2011, il me semble logique de penser que les épisodes de sécheresse précédents n'ont pas eu d'impact sur la maison ou sur l'extension.

Si je suis le raisonnement du dire, pour la commune de [Localité 5] qui a connu une période de sécheresse en 2005 et une autre en 2011, ne devraient être impactées par celle de 2011 que les constructions postérieures à 2005.

Cela n'est pas du tout la réalité.

Il est très fréquent de voir des ouvrages n'ayant subi aucun désordre lors de sécheresses précédentes, en subir lors d'une nouvelle.

La seule conclusion, pouvant en être tirée, est que la sécheresse de 2011 a été plus forte que les précédentes, au moins localement pour le site de la maison de M. [W] ».

L'expert judiciaire concluait une partie de ses développements en réponse au dire de l'assureur en ces termes :

« Compte tenu des éléments exposés précédemment, la sécheresse de 2011 n'a pas seulement participé à la survenance des désordres, mais elle en est l'élément déclencheur et principal ».

Il ressort donc de l'expertise judiciaire que nonobstant l'existence d'un vice de construction de l'extension réalisée en 1992, la période de sécheresse de 2011 a joué un rôle décisif sur la survenance des désordres en raison de son intensité anormale au regard des précédents épisodes de sécheresse. Il est donc établi que la sécheresse reconnue en état de catastrophe naturelle pour les mouvements de terrain différentiels consécutifs à la sécheresse et à la réhydratation des sols pour la période du 1er avril 2011 au 30 juin 2011, a été la cause déterminante des désordres.

S'agissant du point de savoir si les mesures habituelles à prendre pour prévenir ces dommages n'ont pu empêcher leur survenance ou n'ont pu être prises, il convient de rappeler que l'expert judiciaire a indiqué :

« Bien que le côté Sud de la maison avec ses fondations à - 0,70 m ne soit pas affecté par les désordres, il n'est pas possible de déterminer la profondeur de fondations à partir de laquelle la façade Nord aurait également été épargnée et donc de savoir si le respect de la profondeur minimale de mise hors gel aurait été suffisant pour protéger la façade Nord de la sécheresse de 2011 ».

En conséquence, il ne peut être affirmé que l'absence de vice de construction aurait permis d'éviter les conséquences de la sécheresse de l'année 2011, dont l'intensité anormale associée à la nature des sols a causé de multiples dommages sur les biens immobiliers de la commune de [Localité 5].

La garantie de la société Filia-Maif est due à M. [W] pour les dommages matériels directs non assurables causés par l'état de catastrophe naturelle résultant de la sécheresse de 2011.

L'expert judiciaire a précisé que les travaux propres à remédier aux désordres doivent consister en :

- une reprise en sous-'uvre continue des fondations de la façade Nord et en retour sur les pignons sur 1 à 2 m de long, en passes alternées, descendue à -1,0 m de profondeur par rapport au terrain naturel côté Nord ;

- un renforcement du sol d'assise sous dallage par injection de résine expansive sur une profondeur de 1,50 m à 2,0 m pour la salle de bain, le WC, le bureau et le couloir ;

- éventuellement un renforcement de la façade Nord par la mise en place de chaînages complémentaires ; a minima, les 'ssures seront traités par agrafage et injection afin de restituer le monolithisme du mur ;

- le contrôle et la réparation éventuelle des réseaux ;

- les embellissements extérieurs et intérieurs (salle de bain, WC, bureau) seront réalisés après une mise en observation d'un an après les reprises en sous-'uvre des fondations.

L'expert judiciaire a également précisé que la distinction du chiffrage entre les travaux relatifs au confortement du mur de façade Nord et ceux relatifs au dallage n'était pas justifiée puisque la cause des désordres est la même pour les deux.

Au regard des devis présentés pendant les opérations d'expertise et des observations des parties, l'expert judiciaire a évalué le coût de réalisation de ces travaux à la somme totale de 53 941,31 euros TTC. La société Filia-Maif sera donc condamnée à verser cette somme à M. [W], qui sera réévaluée en fonction de l'évolution de l'indice BT 01 depuis le dépôt du rapport d'expertise judiciaire le 10 février 2017, l'indice de référence publié étant à cette date de 104,8. Le jugement sera donc infirmé en ce qu'il a débouté M. [W] de sa demande formée à l'encontre de la société Filia-Maif au titre des frais de réfection de l'immeuble.

En revanche, l'article L.125-1 du code des assurances ne prévoyant que l'indemnisation des seuls dommages matériels, la demande d'indemnité de M. [W] au titre du préjudice de jouissance sera rejetée. Le jugement sera donc confirmé de ce chef.

Sur les demandes accessoires

L'arrêt étant prononcé contradictoirement et en dernier ressort, la demande d'exécution provisoire est sans objet.

Compte tenu de la solution donnée au litige, le jugement sera infirmé en ce qu'il a condamné M. [W] aux entiers dépens, et condamné M. [W] à verser à la société Filia-Maif la somme de 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Il convient en effet de condamner la société Filia-Maif aux entiers dépens de référé, d'expertise, de première instance et d'appel en faisant application du droit de recouvrement direct prévu par l'article 699 du code de procédure civile.

En revanche, M. [W] étant à l'origine de l'action à l'encontre de M. et Mme [V] qui ont exposé des frais irrépétibles pour se défendre en justice, le jugement sera confirmé en ce qu'il l'a condamné à leur verser la somme de 2 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

La société Filia-Maif sera condamnée à payer à M. [W] la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. Les autres demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile seront rejetées.

PAR CES MOTIFS,

Statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

INFIRME le jugement en ce qu'il a :

- débouté M. [W] de l'ensemble de ses demandes formées à l'encontre de la société Filia-Maif ;

- condamné M. [W] aux entiers dépens, en ceux compris les frais afférents aux instances en référé et à l'expertise réalisée par M. [S] ;

- condamné M. [W] à verser à la société Filia-Maif la somme de 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

LE CONFIRME le jugement en ses autres dispositions critiquées ;

STATUANT À NOUVEAU sur les chefs infirmés et Y AJOUTANT :

CONDAMNE la société Filia-Maif à verser à M. [W] la somme de 53 941,31 euros qui sera réévaluée en fonction de l'évolution de l'indice BT 01 depuis le dépôt du rapport d'expertise judiciaire le 10 février 2017 (indice de référence publié à cette date : 104,8) jusqu'au jour du règlement ;

CONSTATE que la demande d'exécution provisoire est sans objet ;

CONDAMNE la société Filia-Maif à payer à M. [W] la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

REJETTE les autres demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la société Filia-Maif aux entiers dépens de référé, d'expertise, de première instance et d'appel ;

DIT que la SCP Houssard & Terrazzoni et Maître Marc Morin de la SCP Delhommais-Morin pourront recouvrer directement contre la partie condamnée ceux des dépens dont ils ont fait l'avance sans en avoir reçu provision.

Arrêt signé par Madame Anne-Lise COLLOMP, Président de Chambre et Madame Fatima HAJBI, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Orléans
Formation : Chambre civile
Numéro d'arrêt : 20/00793
Date de la décision : 23/01/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-01-23;20.00793 ?
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