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23/01/2023 | FRANCE | N°20/00063

France | France, Cour d'appel d'Orléans, Chambre civile, 23 janvier 2023, 20/00063


COUR D'APPEL D'ORLÉANS



C H A M B R E C I V I L E





GROSSES + EXPÉDITIONS : le 23/01/2023

la SCP LAVAL - FIRKOWSKI

Me Najda AGZANAY





ARRÊT du : 23 JANVIER 2023



N° : - N° RG : 20/00063 - N° Portalis DBVN-V-B7E-GCZ6







DÉCISION ENTREPRISE : Jugement du Tribunal de Grande Instance de BLOIS en date du 12 Décembre 2019



PARTIES EN CAUSE



APPELANT :- Timbre fiscal dématérialisé N°: 1265245844405183



Monsieur [F] [U]

né le 15 A

vril 1951 à [Localité 24]

[Adresse 13]

[Localité 9]



représenté par Me Joanna FIRKOWSKI de la SCP LAVAL - FIRKOWSKI, avocat postulant au barreau d'ORLEANS et par Me François-Nicolas WOJCIKIEWICZ...

COUR D'APPEL D'ORLÉANS

C H A M B R E C I V I L E

GROSSES + EXPÉDITIONS : le 23/01/2023

la SCP LAVAL - FIRKOWSKI

Me Najda AGZANAY

ARRÊT du : 23 JANVIER 2023

N° : - N° RG : 20/00063 - N° Portalis DBVN-V-B7E-GCZ6

DÉCISION ENTREPRISE : Jugement du Tribunal de Grande Instance de BLOIS en date du 12 Décembre 2019

PARTIES EN CAUSE

APPELANT :- Timbre fiscal dématérialisé N°: 1265245844405183

Monsieur [F] [U]

né le 15 Avril 1951 à [Localité 24]

[Adresse 13]

[Localité 9]

représenté par Me Joanna FIRKOWSKI de la SCP LAVAL - FIRKOWSKI, avocat postulant au barreau d'ORLEANS et par Me François-Nicolas WOJCIKIEWICZ,- QUAERENS AVOCATS, avocat plaidant au barreau de PARIS

D'UNE PART

INTIMÉS : - Timbre fiscal dématérialisé N°: 1265245386682262

Monsieur [H] [P]

né le 25 Février 1982 à [Localité 23]

[Adresse 14]

[Localité 12]

ayant pour avocat Me Najda AGZANAY, avocat postulant au barreau de BLOIS et Me Raphaël COLAS du cabinet COLAS & ASSOCIES, avocat plaidant au barreau de PARIS

La SCI LES EAUX BELLES immatriculée au RCS de BLOIS sous le n° 814 016 770, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 14]

[Localité 12]

ayant pour avocat Me Najda AGZANAY, avocat postulant au barreau de BLOIS et Me Raphaël COLAS du cabinet COLAS & ASSOCIES, avocat plaidant au barreau de PARIS

Maître [N] [B] prise es qualité de liquidateur de la SAS SDG placée en liquidation judiciaire simplifiée par jugement du 12 mai 2017 du Tribunal de Commerce de Blois

[Adresse 8]

[Localité 11]

n'ayant pas constitué avocat

Madame [R] [J]

née le 29 Janvier 1970 à [Localité 29]

[Adresse 1]

[Localité 18]

n'ayant pas constitué avocat

D'AUTRE PART

DÉCLARATION D'APPEL en date du : 09 Janvier 2020.

ORDONNANCE DE CLÔTURE du : [Cadastre 7] novembre 2022

COMPOSITION DE LA COUR

Lors des débats :

En l'absence d'opposition des parties ou de leurs représentants :

Madame Anne-Lise COLLOMP, Président de chambre,

Madame Laure-Aimée GRUA, Magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles ont entendu les avocats des parties en leurs plaidoiries, avec leur accord, par application de l'article 786 et 907 du code de procédure civile.

Après délibéré au cours duquel Madame Anne-Lise COLLOMP, Président de chambre et Madame Laure-Aimée GRUA, Magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles ont rendu compte à la collégialité des débats à la Cour composée de:

Madame Anne-Lise COLLOMP, Président de chambre,

Madame Florence CHOUVIN GALLIARD, Conseiller,

Madame Laure- Aimée GRUA, Magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles

Greffier :

Madame Fatima HAJBI, Greffier lors des débats et du prononcé.

DÉBATS :

A l'audience publique du 05 Décembre 2022 après renvoi de l'audience du 19 Septembre 2022, à laquelle ont été entendus Madame Anne-Lise COLLOMP, Président de chambre, en son rapport et les avocats des parties en leurs plaidoiries.

Prononcé le 23 JANVIER 2023 par mise à la disposition des parties au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

FAITS ET PROCEDURE

La société SDG, dont l'associé unique était M. [A] [P], était propriétaire à [Adresse 26], d'un ensemble immobilier comprenant un moulin et un château dans lequel elle a, en 2008, fait procéder à des travaux avec la participation de M. [F] [U], architecte.

M. [A] [P] est décédé le 4 janvier 2009 et son fils, M. [H] [P], est venu à ses droits comme associé de la société SDG.

Exposant que certaines de ses factures demeuraient impayées malgré ses relances, M. [F] [U] a fait assigner la SAS SDG en paiement devant le tribunal de commerce de [Localité 11] qui, le 29 avril 2016, a condamné la société SDG à payer à M. [F] [U] la somme en principal de 17 401,80 euros, avec intérêts au taux légal de trois fois le taux de l'intérêt légal à compter de l'exigibilité de la facture.

Selon acte du 13 novembre 2014, la société SDG a vendu à la société ACTIG [Adresse 25] ainsi qu'une partie des terres, moyennant le prix de 1 700 000 €.

Selon acte du 19 novembre 2015, la SAS SDG a vendu au prix de 300 000 € le moulin des Grotteaux, à la SCI Les eaux belles, constituée le 6 octobre 2015 par M. [H] [P] et Mme [R] [J], et dont le capital social de 1000 € est réparti à proportion de neuf cent quatre vingt dix neuf parts pour M. [P] et d'une part pour Mme [J].

Pour le recouvrement de sa créance, M. [F] [U] a délivré à la société SDG un commandement aux fins de saisie vente le 10 mars 2017 et a fait vainement procéder à une saisie attribution entre les mains du Crédit Agricole Val de France, le 28 avril 2017.

La société SDG a été placée en liquidation judiciaire simplifiée par jugement du tribunal de commerce de [Localité 11] du 12 mai 2017. Maître [N] [B] a été désigné en qualité de mandataire judiciaire.

M. [F] [U] a déclaré sa créance à titre chirographaire le 16 juin 2017.

Procédure :

Par actes des 4 et 5 octobre 2017 et 3 novembre 2017, M. [F] [U] a fait assigner la SCI Les eaux belles, M. [H] [P] , Mme [R] [J] et Maître [N] [B] en qualité de liquidateur de la société SDG, sur le fondement de l'article 1341-2 du code civil.

Par jugement en date du 12 décembre 2019, le tribunal de grande instance de [Localité 11] a :

-Déclaré irrecevable la demande de M. [F] [U] tendant à la condamnation de la société SDG à lui payer 20 000 € de dommages-intérêts ;

-Débouté M. [F] [U] de toutes ses autres demandes ;

-Débouté M. [H] [P] et la société civile immobilière Les eaux belles de leurs demande de remboursement des frais irrépétibles de procédure ;

-Condamné M. [F] [U] en tous les frais et dépens de l'instance.

Par déclaration du 9 janvier 2020, M. [F] [U] a interjeté appel de tous les chefs de ce jugement sauf en ce qu'il a débouté M. [H] [P] et la société civile immobilière Les eaux belles de leurs demande de remboursement des frais irrépétibles de procédure.

Mme [R] [J] et M. [N] [B] n'ont pas constitué avocat. La déclaration d'appel leur a été signifiée par actes d'huissier du 13 mars 2020 pour Mme [R] [J] et du 22 avril 2020 pour M. [N] [B].

Suivant conclusions récapitulatives notifiées par voie électronique le 9 avril 2020, M. [F] [U] demande à la cour de :

-Le dire recevable et bien fondé en son appel ;

-Annuler le jugement de première instance ;

En tout hypothèse, infirmer le jugement de première instance, et :

-Dire et juger M. [F] [U] recevable et bien fondé en son action ;

-Dire et juger que la société SDG, la société SCI Les eaux belles, M. [H] [P] , et Mme [R] [J] ont commis une fraude paulienne ;

-Déclarer inopposable à Monsieur [U] l'acte de vente du 19 novembre 2015 établi par Maître [X] [S], Notaire à [Localité 11], entre la société SDG et la société Les eaux belles concernant les immeubles situés sur la commune de [Localité 27] en leurs désignations cadastrales:

BX [Cadastre 2] à BX [Cadastre 3] ;

BX [Cadastre 7] ;

BX [Cadastre 4] à BX [Cadastre 5] ;

BX [Cadastre 6] ;

CI [Cadastre 16] ;

ZM [Cadastre 10] ;

ZM [Cadastre 15] ;

ZM [Cadastre 17] ;

ZN [Cadastre 19] à ZN [Cadastre 20] ;

ZN [Cadastre 21] ZN [Cadastre 22],

sous la référence d'enliassement n° 2015P6487, déposé le 25 novembre 2015, au Service de la Publicité Foncière de [Localité 11] ;

-Permettre à Monsieur [F] [U] de recouvrer les sommes dues au titre du jugement du tribunal de commerce du 29 avril 2016 dans le patrimoine de la société Les eaux belles en sa qualité de tiers-acquéreur de mauvaise foi ;

-Convertir l'hypothèque judiciaire provisoire (enregistrée le 28 septembre 2017 au SPF de [Localité 11] 1 sous le n°2017DN°8659, volume 2017VN°1753) en hypothèque judiciaire définitive à l'encontre de la société Les eaux belles, inscrite au R.C.S de [Localité 11] sous le n° 814 016 770, dont le siège social est situé [Adresse 14], sur les immeubles situés sur la commune de [Localité 27] en leurs désignations cadastrales :

BX [Cadastre 2] à BX [Cadastre 3] ;

BX [Cadastre 7] ;

BX [Cadastre 4] à BX [Cadastre 5] ;

BX [Cadastre 6] ;

CI [Cadastre 16] ;

ZM [Cadastre 10] ;

ZM [Cadastre 15] ;

ZM [Cadastre 17] ;

ZN [Cadastre 19] à ZN [Cadastre 20] ;

ZN [Cadastre 21] ZN [Cadastre 22]

en garantie du recouvrement de sa créance, provisoirement liquidée à la somme en principal, intérêts et frais, de 23.796,32 € ;

-Ordonner la publication de l'arrêt à intervenir au Service de la Publicité Foncière de [Localité 11] ;

-Rendre la décision opposable à Maître [B], ès qualité de liquidateur de la société SDG ;

-Condamner in solidum, ou l'un à défaut des autres, la société Les eaux belles, Monsieur [H] [P] et Madame [R] [J] à payer à Monsieur [F] [U] la somme de 20.000 € à titre de dommages-intérêts ;

-Condamner in solidum, ou l'un à défaut des autres, la société Les eaux belles, Monsieur [H] [P] et Madame [R] [J] à payer à Monsieur [F] [U] les intérêts légaux majorés sur sa créance ;

-Condamner in solidum, ou l'un à défaut des autres, la société SCI Les eaux belles, Monsieur [H] [P] et Madame [R] [J] à payer à Monsieur [F] [U] la somme de 15.000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

-Condamner in solidum, ou l'un à défaut des autres, la société Les eaux belles, Monsieur [H] [P] , Madame [R] [J] au paiement des entiers dépens d'instances, en application des dispositions de l'article 696 du code de procédure civile.

Suivant conclusions récapitulatives notifiées par voie électronique le 23 juin 2021, M. [H] [P] et la SCI Les eaux belles demandent à la cour de :

-Déclarer M. [U] mal fondé en ses prétentions ;

En conséquence,

-Confirmer le jugement rendu le 12 décembre [Cadastre 5] par le tribunal de grande instance de [Localité 11];

-Condamner M. [U] à payer à [H] [P] et à la société Les eaux belles la somme de 2.000 € chacun en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

-Condamner M. [U] aux entiers dépens.

A l'audience du 19 septembre 2022 à laquelle l'affaire a été une première fois appelée, la question a été soulevée par M. [U] du défaut de communication par la partie adverse de sa pièce n°10.

M. [U] a confirmé en cours de délibéré que cette pièce n'avait pas été communiquée à M. [U] par les intimés.

Par arrêt du 17 octobre 2022, la cour d'appel, après avoir constaté que cette pièce, pourtant mentionnée dans les conclusions des intimés, n'avait pas été communiquée, a ordonné la réouverture des débats à l'audience du 5 décembre 2022 afin que M. [P] et la SCI Les eaux belles communiquent à M. [U] leur pièce n°10. L'ordonnance de clôture prononcée le 21 juin 2022 a été révoquée, et la clôture prononcée le [Cadastre 7] novembre 2022.

M. [P] et la SCI Les eaux belles ont communiqué la pièce n°10 le 3 novembre 2022.

Par conclusions signifiées par voie électronique le 21 novembre 2022, M. [U] demande à la cour de :

- Juger Monsieur [F] [U] recevable et bien fondé en son appel

- Annuler le jugement de première instance.

En toute hypothèse, infirmer le jugement de première instance, et :

- Dire et juger Monsieur [F] [U] recevable et bien fondé en son action.

- Dire et juger que la société SDG, la société SCI LES EAUX BELLES, Monsieur [H] [P], et Madame [R] [J] ont commis une fraude paulienne.

Déclarer inopposable à Monsieur [U] l'acte de vente du 19 novembre 2015 établi par Maître [X] [S], Notaire à [Localité 11], entre la société SDG et la société LES EAUX BELLES concernant les immeubles situés sur la commune de [Localité 27] en leurs désignations cadastrales :

BX [Cadastre 2] à BX [Cadastre 3] ;

BX [Cadastre 7] ;

BX [Cadastre 4] à BX [Cadastre 5] ;

BX [Cadastre 6] ;

CI [Cadastre 16] ;

ZM [Cadastre 10] ;

ZM [Cadastre 15] ;

ZM [Cadastre 17] ;

ZN [Cadastre 19] à ZN [Cadastre 20] ;

ZN [Cadastre 21] ZN [Cadastre 22],

sous la référence d'enliassement n° 2015P6487, déposé le 25 novembre 2015, au Service de la Publicité Foncière de [Localité 11]. Permettre à Monsieur [F] [U] de recouvrer les sommes dues au titre du jugement du Tribunal de Commerce du 29 avril 2016 dans le patrimoine de la société LES EAUX BELLES en sa qualité de tiers-acquéreur de mauvaise foi.

A défaut de pouvoir convertir l'hypothèque judiciaire provisoire (enregistrée le 28 septembre 2017 au SPF de [Localité 11] 1 sous le n°2017DN°8659, volume 2017VN°1753) en hypothèque judiciaire définitive à l'encontre de la société LES EAUX BELLES, inscrite au R.C.S de [Localité 11] sous le n° 814 016 770, dont le siège social est situé [Adresse 14], sur les immeubles situés sur la commune de [Localité 27] en leurs désignations cadastrales BX [Cadastre 2] à BX [Cadastre 3] ; BX [Cadastre 7] ; BX [Cadastre 4] à BX [Cadastre 5] ; BX [Cadastre 6] ; CI [Cadastre 16] ; ZM [Cadastre 10] ; ZM [Cadastre 15] ; ZM [Cadastre 17] ; ZN [Cadastre 19] à ZN [Cadastre 20] ; ZN [Cadastre 21] ZN [Cadastre 22] en garantie du recouvrement de sa créance, provisoirement liquidée à la somme en principal,

intérêts et frais, de 23.796,32 €, et d'ordonner la publication de l'arrêt à intervenir au Service de la Publicité Foncière de [Localité 11], par modification unilatérale de la situation de fait par la société LES EAUX BELLES :

- Dire et juger que la société LES EAUX BELLES paiera du compte CARPA n°2419638 de Maître [C] la somme y déposée de 23.796,32 € à Monsieur [F] [U].

- Rendre la décision opposable à Maître [B], ès qualité de liquidateur de la société SDG.

- Condamner in solidum, ou l'un à défaut des autres, la société LES EAUX BELLES, Monsieur [H] [P] et Madame [R] [J] à payer à Monsieur [F] [U] la somme de 20.000 € à titre de dommages-intérêts.

- Condamner in solidum, ou l'un à défaut des autres, la société LES EAUX BELLES, Monsieur [H] [P] et Madame [R] [J] à payer à Monsieur [F] [U] les intérêts légaux majorés sur sa créance.

- Condamner in solidum, ou l'un à défaut des autres, la société SCI LES EAUX BELLES, Monsieur [H] [P] et Madame [R] [J] à payer à Monsieur [F] [U] la somme de 15.000 € en application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

- Condamner in solidum, ou l'un à défaut des autres, la société LES EAUX BELLES, Monsieur [H] [P], Madame [R] [J] au paiement des entiers dépens d'instances, en application des dispositions de l'article 696 du Code de Procédure Civile.

Les intimés n'ont pas reconclu.

Pour un plus ample exposé des faits et des moyens des parties, il convient de se reporter à leurs dernières conclusions récapitulatives.

MOTIFS

Sur la demande de nullité du jugement de première instance

M. [U] demande l'annulation du jugement au motif que que la juridiction de première instance a soulevé la question de l'état de cessation des paiements sans que les conclusions des parties n'y fassent référence. Seul un courrier établi par le liquidateur et adressé uniquement au tribunal aurait fait état de ces questions. Il soutient que cette question n'a pas été débattue contradictoirement dans le cadre de la première instance. Il en déduit que cette pièce doit être déclarée irrecevable, et le jugement de première instance annulé.

Toutefois, d'une part, il sera relevé que faute pour M. [U] de produire à hauteur d'appel les conclusions de première instance, il ne démontre pas que la question de la cessation des paiements n'était pas évoquée dans les conclusions développées devant le tribunal.

Surtout et en tout état de cause, si le tribunal a en effet pris en considération, dans sa motivation, la date de cessation des paiements fixée au 31 décembre 2016, cette information résulte du jugement du tribunal de commerce de [Localité 11] du 12 mai 2017 prononçant la liquidation judiciaire de la société SDG, qui était versé aux débats en première instance puisque le tribunal en fait mention, et non pas, selon les mentions du jugement, du courrier adressé au tribunal par Maître [B] le 30 octobre 2017.

Or si les juges ne peuvent fonder leur décision 'sur des faits qui ne sont pas dans le débat' (article 7, alinéa1er du code de procédure civile), ils ont en revanche la faculté, en application de l'alinéa 2 de cet article 7, de prendre en considération des faits que les parties ont mis dans le débat mais qu'elles n'ont pas spécialement invoqués au soutien de leurs prétentions, et notamment des faits tirés du dossier, tels que résultant des pièces régulièrement produites (1ère Civ 11 mars 2003 n° 00-21.075). Il est en effet constant que le principe de la contradiction n'est pas violé si les juges du fond n'introduisent pas dans le débat des éléments de fait ou de droit dont les parties n'auraient pas été à même de débattre contradictoirement (2ème civ 24 juin 2010 n°08-20.151).

Le tribunal s'étant fondé sur la date de cessation des paiements qui figurait dans le jugement du tribunal de commerce, qui était dans le débat, il n'a pas violé le principe de la contradiction en se fondant sur cet élément de sorte que la demande d'annulation du jugement de première instance sera rejetée.

Sur le bien-fondé des demandes

L'action dite 'paulienne' permet à un créancier d'attaquer les actes faits par son débiteur en fraude de ses droits et d'obtenir qu'ils lui soient déclarés inopposables. La fraude paulienne suppose réunis un élément matériel qui consiste, pour le débiteur, à accomplir un acte nuisible à son créancier, et un élément intentionnel, l'acte devant avoir été fait dans l'intention de nuire à ce créancier.

La qualité de créancier de M. [U] n'est pas discutée en l'espèce. Il était titulaire, au moment de la vente litigieuse, intervenue le 19 novembre 2015, d'une créance qui était née au moins en son principe. Il avait en effet introduit en 2013 une action en justice en paiement de factures correspondant à des prestations d'architecte réalisées au profit de la société SDG, demeurées impayées. Par jugement du tribunal de commerce en date du 29 avril 2016, la société SDG a été condamnée à payer à M. [U] une somme de 17 401,80 euros, avec intérêts au taux de trois fois le taux de l'intérêt légal à compter de l'exigibilité de chaque facture.

Il est constant que l'action paulienne suppose en principe caractérisé un acte d'appauvrissement du débiteur, ayant entraîné l'insolvabilité au moins apparente de celui-ci au moment de l'acte litigieux.

Il est exact toutefois, ainsi que le soutient M. [U], que la Cour de cassation a jugé que le créancier dispose de l'action paulienne lorsqu'une cession, bien que consentie au prix normal, a eu pour effet de faire échapper un bien à ses poursuites en le remplaçant par un autre facile à dissimuler dès lors que l'acte est accompli dans le but de nuire au créancier ( 1re Civ., 18 février 1971, pourvoi n° 69-12.540, Bulletin des arrêts Cour de Cassation Chambre civile 1 N 056 P047). L'appauvrissement du créancier peut ainsi résulter de la substitution d'un bien immobilier saisissable par une somme d'argent facile à dissimuler (1re Civ., 6 février 2001, pourvoi n° 98-23.203).

En l'espèce, le bien immobilier a été vendu le 19 novembre 2015 par la société SDG, gérée par M. [H] [P], à la SCI Les eaux belles, constituée le 6 octobre 2015 par [H] [P] et Mme [J], moyennant un prix de 300 000 euros.

Il n'y a pas de disproportion entre les prestations des parties au contrat puisqu'il résulte d'un avis de valeur notarié établi le 30 mai 2015, moins de six mois avant la vente, que le bien vendu avait une valeur comprise entre

300 000 et 350 000 euros, de sorte que le prix de 300 000 euros correspond à la valeur vénale du bien, fût-ce dans sa fourchette basse, de sorte qu'il ne peut être considéré que le prix de 300 000 euros était sous-évalué.

La réalité du paiement du prix, mise en doute par M. [U], résulte toutefois des mentions de l'acte de vente notarié, dans lequel il est stipulé, en page 7, dans le paragraphe 'Paiement du prix' que 'L'acquéreur a payé le prix comptant ce jour ainsi quil résulte de la comptabilité de l'office notarial dénommé en tête des présentes au vendeur, qui le reconnaît et lui en consent quittance sans réserve'.

Les comptes annuels de la société SDG pour l'année 2015 font ainsi apparaître en produits exceptionnels une somme 324 496 euros, le résultat net de l'exercice étant, selon attestation de l'expert comptable, d'un montant de 238 470 euros.

Il est donc établi que le bien immobilier qui est sorti du patrimoine de la société SDG a été remplacé par une somme d'argent correspondant à la valeur vénale du bien vendu.

Et en tout état de cause, un acte d'appauvrissement ne peut être attaqué par l'action paulienne que s'il a entraîné l'insolvabilité, au moins apparente, du débiteur. Il est constant que cette insolvabilité doit exister au moment où l'acte critiqué est effectué, faute de quoi l'existence d'une fraude paulienne ne peut être retenue ( 1ère Civ 5 déc 1995 n°[Cadastre 19]-12.266 Bull n°443 ; 1ère Civ 6 mars 2001 n°98-[Cadastre 7].384 Bull n°[Cadastre 15] ; 1ère Civ 19 juin 2007 n°06-15.255).

Or il n'est pas établi en l'espèce que la vente litigieuse ait entraîné l'insolvabilité, au moins apparente, de la société SDG. En effet, l'ensemble des actes d'exécution forcés faits, en vain, par M. [U] l'ont été courant 2017, soit plus d'un an après la vente litigieuse, de sorte que ces vaines tentatives, pas plus que la mise en liquidation judiciaire de la société le 12 mai 2017, avec une date de cessation des paiements fixée au 31 décembre 2016 soit plus d'un an après la vente litigieuse, ne sont de nature à établir que l'insolvabilité de la société SDG au moment de la conclusion de l'acte argué de fraude paulienne en novembre 2015.

N'est donc pas rapportée la preuve d'un acte d'appauvrissement ayant entraîné l'insolvabilité du débiteur au moment de l'acte litigieux.

Il convient dès lors de s'interroger sur l'hypothèse, évoquée par M. [U] et admise en jurisprudence, d'une fraude paulienne constituée par une vente, consentie au prix normal, mais ayant eu pour effet de faire échapper un bien à ses poursuites en le remplaçant par un autre facile à dissimuler dès lors que l'acte a été accompli dans le but de nuire au créancier.

En premier lieu, il n'est nullement établi que le prix de vente du Moulin du Grotteaux a été dissimulé puisqu'il apparaît au contraire dans les comptes de la société SDG de l'année 2015.

De seconde part, le fait que la vente ait été consentie à une SCI dont M.[H] [P], également gérant de la société SDG, était associé à hauteur de [Cadastre 22],9 %, durant la procédure diligentée par M. [U] devant le tribunal de commerce ne suffit pas à établir une intention frauduleuse de celle-ci et l'intention de nuire aux créanciers, dès lors que la vente de ce bien, qui constituait le domicile de M. [P], faisait suite à la vente l'année précédente du [Adresse 25], laquelle vente avait été envisagée dès 2010 ainsi qu'il résulte des mandats de vente versés aux débats, et que la vente du [Adresse 25], exploité par la société SDG dans le cadre d'une activité de locations, s'inscrivait elle-même dans le contexte d'une cessation d'activité de la société suite au décès du père de [H] [P] qui en était auparavant le gérant.

[Adresse 28] constituait le domicile de [H] [P] et il n'est donc pas établi que la vente le 19 novembre 2015 de ce bien immobilier à une SCI dont il était le principal associé avait pour but de nuire aux intérêts de M. [U], alors que la vente a été consenti à un prix correspondant à la valeur vénale de ce bien et qu'il a été effectivement réglé.

Le défaut de paiement de la créance de M. [U] est en l'espèce consécutif non pas à la vente litigieuse, qui a permis à la société SDG d'obtenir des liquidités, lesquelles n'ont pas été dissimulées puisqu'elles apparaissent dans les comptes de la société, mais au fait que ces liquidités n'ont pas été affectées prioritairement au paiement de sa créance, ce qui n'est pas constitutif d'une fraude paulienne en l'absence d'organisation des paiements en matière civile pour les créanciers chirographaires, ce qu'était M. [U] qui n'avait pas à cette date fait inscrire d'hypothèque sur le bien litigieux et se trouvait donc au même rang que les autres créanciers de la société.

Le jugement sera en conséquence confirmé en ce qu'il a débouté M. [U] de l'ensemble de ses demandes.

Il convient également de rejeter la demande subséquente de M. [U] formée dans ses dernières conclusions, tendant à voir dire et juger que la société Les eaux belles paiera à M. [U] du compte CARPA de Maître [C] la somme de 23 796,32 euros qu'elle y a déposée.

Sur les demandes accessoires

M. [U], qui succombe, sera tenu aux dépens de la procédure d'appel.

Les circonstances de la cause ne justifient pas de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Statuant par arrêt réputé contradictoire et en dernier ressort,

CONFIRME en toutes ses dispositions critiquées le jugement entrepris ;

Y ajoutant :

DEBOUTE M. [U] de sa demande tendant à l'annulation du jugement de première instance;

REJETTE la demande de M. [U] tendant à voir dire et juger que la société Les eaux belles lui paiera du compte CARPA de Maître [C] la somme de 23 796,32 euros qu'elle y a déposée ;

REJETTE les demandes fondées sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE M. [U] aux dépens de la procédure d'appel.

Arrêt signé par Madame Anne-Lise COLLOMP, Président de Chambre et Madame Fatima HAJBI, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Orléans
Formation : Chambre civile
Numéro d'arrêt : 20/00063
Date de la décision : 23/01/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-01-23;20.00063 ?
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