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23/01/2023 | FRANCE | N°19/03944

France | France, Cour d'appel d'Orléans, Chambre civile, 23 janvier 2023, 19/03944


COUR D'APPEL D'ORLÉANS



C H A M B R E C I V I L E





GROSSES + EXPÉDITIONS : le 23/01/2023

la SELARL AVOCAT LOIRE CONSEIL

Me Aurélie VERGNE

ARRÊT du : 23 JANVIER 2023



N° : - : N° RG 19/03944 - N° Portalis DBVN-V-B7D-GCP2





DÉCISION ENTREPRISE : Jugement du Tribunal de Grande Instance d'ORLEANS en date du 18 Décembre 2019



PARTIES EN CAUSE



APPELANTE :- Timbre fiscal dématérialisé N°: 1265247343785011



S.A.R.L. NES immatriculée au RCS sous le n°501

471 668, agissant poursuites et diligences de sa gérante, Madame [A] [E], domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 5]

[Localité 7]



comparante en la personne de Mada...

COUR D'APPEL D'ORLÉANS

C H A M B R E C I V I L E

GROSSES + EXPÉDITIONS : le 23/01/2023

la SELARL AVOCAT LOIRE CONSEIL

Me Aurélie VERGNE

ARRÊT du : 23 JANVIER 2023

N° : - : N° RG 19/03944 - N° Portalis DBVN-V-B7D-GCP2

DÉCISION ENTREPRISE : Jugement du Tribunal de Grande Instance d'ORLEANS en date du 18 Décembre 2019

PARTIES EN CAUSE

APPELANTE :- Timbre fiscal dématérialisé N°: 1265247343785011

S.A.R.L. NES immatriculée au RCS sous le n°501 471 668, agissant poursuites et diligences de sa gérante, Madame [A] [E], domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 5]

[Localité 7]

comparante en la personne de Madame [A] [E]

assistée de Me Eric GRASSIN de la SELARL AVOCAT LOIRE CONSEIL, avocat au barreau d'ORLEANS

D'UNE PART

INTIMÉS : - Timbre fiscal dématérialisé N°: 1265246555995049

Madame [J] [W]

née le 23 Mars 1991 à [Localité 19]

[Adresse 1]

[Localité 2]

ayant pour avocat Me Aurélie VERGNE, avocat au barreau d'ORLEANS

Monsieur [D] [I]

né le 16 Mai 1964 à [Localité 20] (TUNISIE)

[Adresse 9]

[Localité 8]

n'ayant pas constitué avocat

D'AUTRE PART

DÉCLARATION D'APPEL en date du :23 Décembre 2019

ORDONNANCE DE CLÔTURE du : 08 novembre 2022

COMPOSITION DE LA COUR

Lors des débats, du délibéré :

Madame Anne-Lise COLLOMP, Président de chambre,

Monsieur Laurent SOUSA, Conseiller,

Madame Laure Aimée GRUA, Magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles.

Greffier :

Madame Fatima HAJBI, Greffier lors des débats et du prononcé.

DÉBATS :

A l'audience publique du 05 DECEMBRE 2022, à laquelle ont été entendus Madame Anne-Lise COLLOMP, Président de Chambre, en son rapport et les avocats des parties en leurs plaidoiries.

ARRÊT :

Prononcé le 23 JANVIER 2023 par mise à la disposition des parties au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

FAITS ET PROCEDURE :

Une procédure de saisie immobilière portant sur le lot n°6 d'un ensemble immobilier situé [Adresse 4], [Adresse 11], [Adresse 12], [Adresse 3] et [Adresse 6] à [Localité 14], cadastré section AO numéro [Cadastre 10], a été diligentée à l'encontre de M. [I] [D], propriétaire de ce local.

Par décision du juge de l'exécution du 10 avril 2015, M. [I] a été autorisé à vendre amiablement ledit bien immobilier au prix de 130 000 €.

L'acte de vente a été dressé par Maître [X], notaire, le 30 octobre 2015, entre M. [D] [I] et Mme [J] [W], et le juge de l'exécution a constaté la vente amiable par jugement du 8 janvier 2016.

Ce local était donné à bail commercial à la société NES qui avait acquis de M. [T] [K] et Mme [S] [P], par acte du 20 décembre 2007, le fond de commerce de bar discothèque exploité dans ce local, fonds de commerce comprenant le bail commecial.

Par acte d'huissier du 28 février 2018, la société NES a fait assigner M. [D] [I] et Mme [J] [W] devant le tribunal de grande instance d'Orléans afin d'obtenir la nullité de la vente.

Par jugement en date du 18 décembre 2019, le tribunal de grande instance d'Orléans a:

- rejeté l'ensemble des demandes formulées par la société NES ;

- dit n'y avoir lieu à l'exécution provisoire de la présente décision ;

- condamné la société NES à payer à Mme [W] une indemnité de 1000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- rejeté tous autres chefs de demande.

Par déclaration du 23 décembre 2019, la société NES a interjeté appel de ce jugement en qu'il a rejeté sa demande tendant à voir prononcer la nullité de la vente du bien immobilier en raison du non-respect de l'article L 145-46-1 du code de commerce, rejeté sa demande d'indemnité de procédure, et l'a condamnée à payer à Mme [W] une indemnité de 1000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

M. [D] [I] n'a pas constitué avocat. La déclaration d'appel lui a été signifiée par acte d'huissier déposé à l'étude le 4 février 2020.

Suivant conclusions récapitulatives notifiées par voie électronique le 22 mars 2020, la société NES demande à la cour de :

- recevant l'appel, le dire fondé ;

Infirmant,

- prononcer la nullité de la vente ci-après désignée : acte de Me [X], notaire de la SCP Dupuy-Denus, Louessard et Pellegrin, notaires associés à [Adresse 15], en date du 30 octobre 2015, contenant vente par Monsieur [D] [I], né le 26 mai 1964 à [Localité 20] (Tunisie), domicilié à [Localité 17], 10 rue des Dahlias, au profit de Mme [J] [Z] [W], née le 23 mars 1991 à [Localité 18], domiciliée à [Localité 16], [Adresse 13], moyennant le prix principal de 130.000 €, portant sur le lot n°6 d'un ensemble immobilier situé à [Localité 14], [Adresse 11], [Adresse 12], [Adresse 3] et [Adresse 6], et [Adresse 4], cadastré section AO n°[Cadastre 10], ledit acte publié au service de la publicité foncière d'[Localité 14] 1, le 4 février 2016, volume 2016 P n°885. M. [I] était propriétaire du bien en question aux termes d'un acte de Me [L], notaire à [Localité 14] en date du 30 avril 2008, ledit acte publié au service de la publicité foncière d'[Localité 14] 1, le 20 mai 2008, volume 2008 P, n°3241 ;

- condamner solidairement les intimés à payer à la société NES la somme de 3.500,00 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- dire que l'arrêt à intervenir sera publié au service de la publicité foncière d'[Localité 14] 1;

- condamner enfin les intimés aux dépens qui seront distraits à Me Tardif par application de l'article 699 du code de procédure civile.

Ces conclusions ont été signifiées à l'intimé défaillant par acte d'huissier remis à personne le 27 avril 2020.

Suivant conclusions récapitulatives notifiées par voie électronique le 14 juin 2020, Mme [J] [W] demande à la cour de :

- confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions et en conséquence ;

- débouter la SARL NES de l'ensemble de ses demandes ;

- condamner la SARL NES à payer à Mme [W] la somme de 3.000 € à titre d'indemnité pour frais irrépétibles ;

- condamner la SARL NES aux entiers dépens.

Ces conclusions ont été signifiées à l'intimé défaillant par acte d'huissier remis à personne le 16 juin 2020.

Pour un plus ample exposé des faits et des moyens des parties, il convient de se reporter à leurs dernières conclusions récapitulatives.

MOTIFS

Sur la demande d'annulation de la vente

En application de l'article L. 145-46-1 du code de commerce :

'Lorsque le propriétaire d'un local à usage commercial ou artisanal envisage de vendre celui-ci, il en informe le locataire par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, ou remise en main propre contre récépissé ou émargement. Cette notification doit, à peine de nullité, indiquer le prix et les conditions de la vente envisagée. Elle vaut offre de vente au profit du locataire. Ce dernier dispose d'un délai d'un mois à compter de la réception de cette offre pour se prononcer. En cas d'acceptation, le locataire dispose, à compter de la date d'envoi de sa réponse au bailleur, d'un délai de deux mois pour la réalisation de la vente. Si, dans sa réponse, il notifie son intention de recourir à un prêt, l'acceptation par le locataire de l'offre de vente est subordonnée à l'obtention du prêt et le délai de réalisation de la vente est porté à quatre mois'.

Cette disposition, introduite par la loi du n° 2014-626 du 18 juin 2014 qui a institué un droit de préemption au bénéfice du locataire en cas de mise en vente des locaux à usage commercial ou artisanal, s'applique à toute cession d'un local intervenant à compter du sixième mois qui suit la promulgation de la loi, soit le 18 décembre 2014 (3e Civ., 12 novembre 2020, pourvoi n° 19-16.927) de sorte qu'elle était applicable lorsque M. [I] a vendu le 30 octobre 2015 à Mme [W] le local donné à bail commercial à la société NES.

Cette vente est intervenue dans le cadre d'une procédure de saisie immobilière, mais amiablement sur autorisation du juge, conformément aux dispositions des articles R.322-20 et suivants du code des procédures civiles d'exécution.

Il est constant que les dispositions de l'article L. 145-46-1 du code de commerce relatives au droit de préférence du preneur à bail commercial ne s'appliquent pas en cas de vente judiciaire et ne sont notamment pas applicables aux ventes qui interviennent sur adjudication, qu'il s'agisse d'une adjudication judiciaire, ou d'une adjudication volontaire décidée par le propriétaire (3e Civ., 17 mai 2018, pourvoi n° 17-16.113, Bull. 2018, III, n° 51).

Il est constant que ces dispositons ne sont pas non plus applicables en cas de vente de gré à gré d'un actif immobilier dépendant d'une liquidation judiciaire, une telle vente étant faite d'autorité de justice tandis que l'article L145-46-1 du code de commerce concerne le cas où le propriétaire d'un local commercial ou artisanal envisage de le vendre. Il en résulte qu'un telle vente ne peut donner lieu à l'exercice d'un droit de préemption par le locataire commercial (Com., 23 mars 2022, pourvoi n° 20-19.174 publié).

Conformément aux dispositions de l'article L.145-46-1 précité, qui prévoit que le droit de préférence qu'il instaure est applicable 'lorsque le propriétaire d'un local à usage commercial ou artisanal envisage de vendre celui-ci', le droit de préférence est applicable en cas de vente volontaire intervenant à l'initiative du propriétaire. Il s'ensuit qu'en cas de vente contrainte, le droit de préférence n'a pas lieu de s'appliquer.

S'agissant du cas de la vente amiable sur autorisation judiciaire intervenant dans le cadre d'une procédure de saisie immobilière, celle-ci est prévue par les articles L322-1 et suivant du code des procédures civiles d'exécution, dans un chapitre intitulé 'La vente de l'immeuble saisi'.

L'article L.322-1 prévoit que les biens sont vendus soit à l'amiable sur autorisation judiciaire, soit par adjudication. Il s'agit donc bien d'une modalité de vente d'un immeuble saisi, ce dont il résulte que le vendeur y est contraint, quand bien même il ferait le choix de procéder à cette vente à l'amiable.

Au demeurant, l'article L.322-3 du code précité prévoit que : 'La vente amiable sur autorisation judiciaire produit les effets d'une vente volontaire. Elle ne peut pas donner lieu à rescision pour lésion'. Cette vente amiable n'est donc pas qualifiée par le législateur de vente volontaire, mais en produit seulement les effets, exception faite de la rescision pour lésion.

Cette vente intervient alors que le bien est rendu indisponible par l'effet de la signification du commandement de payer valant saisie (article R.321-13 du code précité), sur autorisation du juge de l'exécution (article R.322-15), celui-ci fixant le montant du prix en-deça duquel l'immeuble ne peut être vendu eu égard aux conditions économiques du marché ainsi que, le cas échéant, des conditions particulières de la vente (article R322-21), et il fixe la date de l'audience à laquelle l'affaire sera rappelée. A cette audience, le juge ne peut accorder un délai supplémentaire que si le demandeur justifie d'un engagement écrit d'acquisition et qu'à fin de permettre permettre la rédaction et la conclusion de l'acte authentique de vente (même article). Conformément à l'article R.322-22, le débiteur accomplit les diligences nécessaires à la conclusion de la vente amiable et doit en rendre compte au créancier poursuivant, sur sa demande et le créancier poursuivant peut, à tout moment, assigner le débiteur devant le juge aux fins de voir constater sa carence et ordonner la reprise de la procédure sur vente forcée. Le prix de vente est consigné à la Caisse des Dépôts et Consignations. A l'audience à laquelle l'affaire est rappelée, le juge s'assurer que l'acte de vente est conforme aux conditions qu'il a fixées et que le prix a été consigné, et il ne constate la vente que lorsque ces conditions sont remplies. A défaut de pouvoir constater la vente amiable, le juge ordonne la vente forcée (article R.322-25).

Il résulte de ces dispositions qu'en dépit du terme de 'vente amiable' sur autorisation judiciaire, il ne s'agit pas d'une vente revêtant un caractère volontaire puisque la vente du bien saisi s'impose au propriétaire, la vente amiable étant une alternative à la vente sur adjudication qui est ordonnée à défaut, qu'elle intervient sur un bien rendu indisponible par l'effet du commandement de payer valant saisie, et a lieu dans un délai contraint sous la direction et le contrôle du juge de l'exécution qui l'autorise et fixe le prix de vente minimum.

En considération de l'ensemble de ces éléments, la vente amiable sur autorisation judiciaire intervenant dans le cadre d'une procédure de saisie immobilière est une vente faite d'autorité de justice qui n'a pas le caractère d'une vente volontaire, de sorte que le droit de préférence du locataire d'un bail commercial prévu par l'article L. 146-45-1 du code de commerce n'est pas applicable.

En conséquence, les dispositions de l'article L145-46-1 du code de commerce n'étaient pas applicables à la vente consentie par M. [I] à Mme [W] de sorte que le jugement sera confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de la société NES tendant à l'annulation de la vente intervenue au profit de Mme [W].

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

La société NES, qui succombe, sera tenue aux dépens de la procédure d'appel.

Les circonstances de la cause justifient de condamner la société NES à payer à Mme [W] une somme de 1500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Statuant par mise à disposition au greffe, publiquement, par défaut et en dernier ressort,

CONFIRME en ses dispositions entreprises le jugement attaqué ;

Y ajoutant :

CONDAMNE la société NES à payer une somme de 1500 euros à Mme [W] [J] sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la société NES aux dépens de la procédure d'appel.

Arrêt signé par Madame Anne-Lise COLLOMP, Président de Chambre et Madame Fatima HAJBI, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Orléans
Formation : Chambre civile
Numéro d'arrêt : 19/03944
Date de la décision : 23/01/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-01-23;19.03944 ?
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