C O U R D ' A P P E L D ' O R L É A N S
CHAMBRE SOCIALE - A -
Section 2
PRUD'HOMMES
Exp + GROSSES le 24 NOVEMBRE 2022 à
Me Alfred-roger MABOUANA-BOUNGOU
la SCP VALERIE DESPLANQUES
ARRÊT du : 24 NOVEMBRE 2022
N° : - 22
N° RG 20/01249 - N° Portalis DBVN-V-B7E-GFJL
DÉCISION DE PREMIÈRE INSTANCE : Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de TOURS en date du 07 Juillet 2020 - Section : COMMERCE
ENTRE
APPELANTE :
Madame [A] [K]
née le 01 Août 1977 à VENDÔME (41100)
[Adresse 3]
[Localité 2]
représentée par Me Alfred-roger MABOUANA-BOUNGOU, avocat au barreau de TOURS
ET
INTIMÉE :
SAS [F] [D] agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 4]
[Localité 1]
représentée par Me Valerie DESPLANQUES de la SCP VALERIE DESPLANQUES, avocat au barreau d'ORLEANS, Me Philippe GOBLET de la SELARL GP AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de REIMS
Ordonnance de clôture : 28 juillet 2022
A l'audience publique du 08 Septembre 2022
LA COUR COMPOSÉE DE :
Madame Laurence DUVALLET, présidente de chambre, présidente de la collégialité,
Madame Anabelle BRASSAT-LAPEYRIERE, conseiller,
Monsieur Xavier AUGIRON, conseiller.
Assistés lors des débats de Mme Fanny ANDREJEWSKI-PICARD, Greffier.
Puis ces mêmes magistrats ont délibéré dans la même formation et le 24 NOVEMBRE 2022, Madame Laurence DUVALLET, présidente de chambre, présidnte de la collégialité, assistée de Mme Fanny ANDREJEWSKI-PICARD, Greffier, a rendu l'arrêt par mise à disposition au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
FAITS et PROCÉDURE
Mme [A] [K] a été embauchée par la SARL Tours Sud Invest Hôtel qui deviendra la SAS Optima puis la SAS [F] [D], en qualité d'employée d'exploitation polyvalente suivant contrat de travail à durée indéterminée du 3 décembre 2007.
Cet emploi relève de la convention collective nationale des hôtels, cafés, restaurants.
Par avenant du 07 juillet 2011, Mme [K] a été promue assistante de direction à compter du 1er septembre 2011 après une période test de formation du 11 au 31 août 2011.
Du 23 février au 4 avril 2014, la salariée a été placée en arrêt pour accident du travail.
Se considérant discriminée, Mme [K] a, par requête du 12 avril 2016, saisi le conseil de prud'hommes de Tours aux fins de voir prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts exclusifs de l'employeur et obtenir diverses sommes en conséquence.
Par lettre du 31 mai 2016, Mme [K] a été convoquée à un entretien préalable prévu le 08 juin 2016 et a été licenciée le 15 juin suivant pour cause réelle et sérieuse.
Suivant jugement du 07 juillet 2020, le conseil de prud'hommes de Tours, section commerce, a :
- Débouté Mme [K] de l'ensemble de ses prétentions ;
- Débouté la société [F] [D] (JLB) de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamné Mme [K] aux entiers dépens d'instance.
Mme [K] a régulièrement interjeté appel le 08 juillet 2020 de cette décision en toutes ses dispositions.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 1er septembre 2022.
PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Aux termes de ses dernières conclusions remises au greffe par voie électronique le 08 octobre 2020, Mme [K], demande à la cour de :
$gt; la Recevoir en son appel et la dire bien fondée ;
En conséquence,
$gt; Infirmer la décision rendue par le conseil de prud'hommes de Tours le 7 juillet 2020;
Statuant à nouveau,
Au principal :
$gt; Prononcer la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts exclusifs de la SAS Jean Louis [D], avec effet au 18 août 2016 ;
$gt; Dire que cette résiliation produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Subsidiairement,
$gt; Dire que son licenciement intervenu le 18 août 2016 est sans cause réelle et sérieuse ;
En tout état de cause,
$gt; Condamner la SAS Jean Louis [D] à lui payer la somme de 40 608 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
$gt; Condamner la SAS Jean Louis [D] à lui remettre un bulletin de salaire et une attestation Pôle emploi conformes à l'arrêt rendu, et sous astreinte de 100 euros par jour de retard passé le délai de quinze jours suivant la notification de cette décision ;
$gt; Rejeter toute demande plus ample ou contraire aux présentes ;
$gt; Condamner la SAS Jean Louis [D] à lui payer la somme de 2 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
$gt; Condamner la même aux entiers dépens.
Selon ses dernières conclusions remises au greffe par voie électronique le 28 décembre 2020, la SAS Jean Louis [D], relevant appel incident, demande à la cour de :
$gt; Déclarer mal fondé l'appel interjeté par Mme [K] ;
A titre principal :
$gt; Dire que les manquements de la SAS [F] [D] évoqués par Mme [K] dans ses écritures sont aussi inexistants qu'infondés ;
Mme [K] ayant fait l'objet d'un licenciement pour cause réelle et sérieuse, il n'y a plus lieu de statuer sur sa demande de résiliation judiciaire;
Subsidiairement,
$gt; Dire que reproches évoqués par la société sont avérés ;
$gt; Dire que Mme [K] s'est introduite dans la vie privée de M.[C] [B] et de Mme [W] ;
$gt; Dire que Mme [K] a outrepassé ses pouvoirs en usant de comportements assimilables à du harcèlement moral ;
$gt; Dire que la direction de la société, dans le cadre de son obligation de sécurité, a mené une enquête ;
$gt; Dire que les compte-rendus sont concordants quant aux agissements et comportements répétés de Mme [K] en dépit des écrits et des démarches de la direction ;
$gt; Dire que Mme [K] a persisté dans ses comportements négatifs à l'encontre de sa hiérarchie et de ses collègues ;
$gt; Dire que le licenciement prononcé par la société repose sur une cause réelle et sérieuse ;
$gt; Confirmer en tous points le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Tours ;
$gt; Condamner Mme [K] à la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
$gt; Condamner Mme [K] aux entiers dépens d'instance.
Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions, il est expressément renvoyé au jugement déféré et aux dernières conclusions des parties conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DECISION
- Sur les demandes au titre de la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts exclusifs de l'employeur
Le salarié peut solliciter la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur en cas de manquement suffisamment grave de celui-ci empêchant la poursuite du contrat de travail.
Si les griefs invoqués contre l'employeur sont fondés, la résiliation judiciaire produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse avec toutes conséquences de droit.
Si le salarié qui a sollicité la résiliation judiciaire est licencié en cours de procédure, la juridiction saisie doit tout d'abord statuer sur la demande de résiliation judiciaire, avant d'apprécier le bien fondé du licenciement, la résiliation judiciaire éventuellement prononcée prenant alors effet, non pas à la date de la décision judiciaire, mais à la date du licenciement.
Pour apprécier les manquements de l'employeur les juges du fond peuvent tenir compte de toutes les circonstances intervenues jusqu'au jour où ils statuent ou jusqu'au jour où la résiliation judiciaire intervient.
En l'espèce, Mme [K] reproche à son employeur des manquements graves se traduisant par des restrictions apportées à ses attributions, des sanctions et reproches injustifiés, des accusations non fondées, de la discrimination et un refus délibéré d'entendre et d'aborder de manière objective les plaintes qu'elle pouvait exprimer quant à la dégradation de ses conditions de travail. L'employeur s'en défend et expose que la salariée a confondu son poste avec celui d'un adjoint de direction, outre le fait qu'elle s'est lancée dans une cabale contre le nouveau directeur d'exploitation, M. [B], recruté en mai 2014 et une jeune collègue, Mme [W], engagée en janvier 2015.
Au préalable, il sera constaté que l'employeur critique la fiche Pôle emploi relative au poste d'assistante de direction d'hôtel-restaurant versée aux débats par la salariée sans cependant y apporter d'éléments contraires. Cette pièce sera donc retenue par la cour pour définir le profil du poste de la salariée ; il s'en évince que cette dernière était amenée à superviser et coordonner l'activité des équipes de l'établissement, à veiller à l'application des normes d'hygiène et de sécurité, à effectuer le suivi commercial et financier de la structure, selon les objectifs définis par la direction ; elle pouvait également participer à l'accueil et au service des clients mais aussi établir des tarifs de prestations de l'établissement et recruter du personnel.
En premier lieu, Mme [K] prétend que la société lui aurait supprimé l'accès à certains services, à savoir l'affichage électronique des tarifs journaliers et la messagerie manager. Elle soutient que ces attributions relevaient de ses fonctions d'assistante de direction et voit dans ces restrictions, des sanctions irrégulières. L'employeur, de son côté, affirme que la messagerie manager était réservée au directeur d'exploitation et considère que la salariée entretient une confusion entre les différents accès informatiques outre le fait que dans un contentieux social l'opposant à l'ancienne directrice, la société s'est trouvée confrontée à des fuites de documents, ce qui l'a amenée à sécuriser son réseau informatique.
Il apparaît que le 19 mai 2014, la salariée s'est plainte à la directrice des ressources humaines de ne plus avoir accès à la messagerie manager. Il n'est pas produit de réponse en retour mais, dans une note de service en date du 4 décembre 2014, la directrice des ressources humaines indique que des documents de la société ayant été subtilisés et utilisés à l'extérieur, des investigations étaient en cours pour déterminer l'auteur de ces détournements. Il s'évince également des échanges de courriers entre Mme [K] et la directrice des ressources humaines que le blocage de l'accès de la salariée à la messagerie manager est intervenue après de fortes présomptions à son encontre concernant la fuite desdits documents mais que la directrice, après avoir entendu ses explications, n'était pas hostile à lui rendre cet accès si l'enquête n'avait pas révélé qu'elle seule et le directeur en étaient détenteurs. Pour autant, à l'issue de vérifications, la directrice a pris la décision de couper l'accès de cette messagerie à la réception dans son intégralité afin de protéger le contenu de son réseau informatique de sorte qu'il ne peut être considéré qu'il s'agit d'une sanction dirigée contre Mme [K].
La salariée reproche également à son employeur de ne plus avoir été en mesure à partir du 24 septembre 2015 de modifier l'affichage électronique des tarifs journaliers et justifie par la production d'échanges de mail que le Président ne souhaitait plus ouvrir ce droit au-delà du profil directeur. L'employeur explique qu'il s'agissait d'une décision temporaire et indique qu'une solution a été trouvée, ce qui n'est pas remis en cause par la salariée ; en l'absence de plus amples éléments, il sera admis que ce manquement a cessé.
La salariée se plaint encore d'avoir été écartée du processus de recrutement du personnel de réception telles que des femmes de chambres en prenant l'exemple des circonstances du remplacement d'une employée polyvalente de réception. Elle produit un extrait du cahier de liaison comportant un message de Mme [V] proposant au Directeur le texte d'une offre d'emploi à diffuser sur la page facebook de l'hôtel ainsi que des curriculum vitae prétendument annotés par Mme [W]. L'employeur rappelle qu'il est seul habilité à recruter le personnel mais doit faire face à des absences inopinées, comme au cas d'espèce, et ne peut se priver des initiatives de ses employés ou des candidatures spontanées, enregistrées et non commentées par Mme [W] ; il s'étonne au surplus, compte tenu du turn over du secteur, du peu d'exemple de la salariée à l'appui de ses critiques.
Comme indiqué supra, Mme [K] avait la possibilité de procéder au recrutement du personnel contrairement à ce que soutient l'employeur. Néanmoins, le seul exemple qu'elle fournit ne peut suffire à établir qu'elle s'est trouvée privée de cette prérogative dans la mesure où le message de Mme [V] fait suite à une conversation avec le Directeur le 25 mars 2016, la veille du week-end de Pâques pour une embauche à partir du 2 avril suivant, ce qui accrédite l'urgence invoquée par l'employeur ; au surplus, il s'agit seulement d'un projet d'offre d'emploi par facebook soumis à l'appréciation du directeur ; quant aux curriculum vitae querellés, ils portent trace de mentions telles 'réception', 'en poste jusque septembre 2016" ou bien encore 'ok validée'ou '16 h demain ..., ce qui s'analyse en une simple gestion des candidatures et aucunement à leur traitement au fond par une autre personne que le directeur ou Mme [K].
Ainsi, le moyen invoqué par la salariée tenant à des restrictions apportées par son employeur à ses attributions, à des sanctions et reproches injustifiés ou encore à des accusations non fondées, ne peut prospérer.
En second lieu, la salariée indique avoir été exclue du bénéfice d'une prime à la performance que la société a mise en place en janvier 2016 ; elle estime qu'il s'agit d'une pratique discriminatoire dans la mesure où aucun avenant à son contrat de travail n'a été signé la concernant pour la mettre en oeuvre contrairement aux autres salariés.
Aux termes des articles L. 1134-1 et suivants du code du travail, concernant les actions en justice fondées sur une discrimination, la personne s'estimant discriminée présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte, au vu desquels la partie défenderesse doit prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs, étrangers à toute discrimination, le juge formant sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toute mesure utile.
En l'espèce, à l'appui de ses prétentions, Mme [K] communique les avenants aux contrats de travail de M. [B], directeur d'établissement, de Mmes [V] et [W], employées d'exploitation polyvalentes, aux termes desquels il est convenu que leur rémunération comprenne une partie variable qualifiée de prime d'objectif à partir du 1er janvier 2016. S'il doit être relevé que seul l'exemplaire du directeur se trouve signé et que les primes d'objectifs portent des intitulés différents selon les avenants, il n'en demeure pas moins que Mme [K] n'a perçu aucune rémunération à ce titre. Il s'en déduit qu'elle présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte, au vu desquels l'employeur doit prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs, étrangers à toute discrimination.
L'employeur communique un projet d'avenant destiné à Mme [K] dans les mêmes termes que ceux de Mmes [W] et [V] en justifiant que les avenants litigieux n'ont pas été appliqués pour ces dernières, de sorte qu'il n'en résulte aucune différence de traitement avec Mme [K]. Dès lors, dans la mesure où la seule comparaison avec le Directeur ne saurait prospérer compte tenu de leur différence de statut, il doit être constaté que l'employeur apporte des éléments objectifs, étrangers à toute discrimination et il ne saurait lui être reproché un manquement à ce titre vis-à-vis de son assistante de direction.
En troisième lieu, Mme [K] reproche à son employeur un parti pris manifeste à son encontre en considérant ses doléances comme des attaques inadmissibles et injustifiées envers sa hiérarchie, sans lui permettre de s'expliquer. Elle estime en effet s'être élevée à bon droit contre l'ingérence dans l'organisation du travail de la relation amoureuse entre le directeur d'établissement et Mme [W], laquelle se permettait de ne pas badger ou bénéficiait d'aménagement de son temps de travail à son détriment ; elle considère également avoir été accusée à tort de harcèlement à l'égard de cette collègue et sommée de changer de comportement sans fondement, le seul objectif de cet avertissement déloyal étant, selon elle, de la licencier.
L'employeur réplique qu'au vu des difficultés rencontrées avec Mme [K], il a évoqué avec elle l'éventualité d'une rupture conventionnelle, ce qui l'a amenée à entrer en résistance alors que la direction s'est attachée à répondre précisément à chacun de ses nombreux courriers jusqu'à ce que Mme [W] révèle sa souffrance au travail dans un courrier en date du 2 janvier 2016 et invoque son droit d'alerte. Il indique qu'il a alors procédé à une enquête interne dont la restitution a été donnée à Mme [K] le 11 février 2016 lors d'un entretien au cours duquel elle a invectivé le directeur sur sa vie privée et révélé qu'elle s'était rendue à son domicile pour faire des photos de la voiture de Mme [W] devant chez lui. L'employeur prétend qu'en dépit d'un nouveau rappel à l'ordre donnée à la salariée quant à la nécessité d'entretenir des relations de travail sereines, de nouveaux incidents ont été dénoncés par le directeur, ce qui l'a conduit à engager une procédure de licenciement pour cause réelle et sérieuse à l'encontre de l'intéressée.
Mme [K] s'appuie principalement sur ses échanges épistolaires avec son employeur entre le 30 octobre 2015 et le 2 juillet 2016, bien que son licenciement soit intervenu le 15 juin 2016. Il s'en évince que si le premier courrier avait pour prétexte les discussions quant à une éventuelle rupture conventionnelle, celui du 20 novembre 2015, en retour de la réponse de l'employeur quatre jours plus tôt, a marqué un tournant dans le positionnement de la salariée, laquelle s'est clairement inscrite dans une critique de son directeur à raison de la relation amoureuse qu'il entretenait avec Mme [W] et qu'elle révélait alors à leur hiérarchie. Celle-ci a répondu courtoisement et factuellement à chaque point évoqué par la salariée jusqu'à son licenciement, notamment s'agissant des aménagements de travail de Mme [W], rendus nécessaires par la tenue de ses examens et sans préjudice des temps de repos de ses collègues.
Par ailleurs, à réception de la dénonciation des faits de harcèlement par Mme [W] à l'encontre de Mme [K] en janvier 2016, la société a déclenché une enquête interne, après avoir échangé avec la médecine du travail, auditionnant les 27 et 28 janvier 2016, la victime présumée, le directeur mais aussi Mme [R], Mme [Y], Mme [P], Mme [N] et Mme [V]. Les salariées indiquent ne pas avoir remarqué de changement dans l'attitude du directeur à leur égard ou de différence par rapport à Mme [W]. En revanche, celle-ci relate un certain nombre d'incidents avec Mme [K], confirmée par Mme [V] et le directeur, lequel indique avoir déchiré les premières pages du cahier de consignes 2016 portant trace des doléances de la salariée à l'égard de Mme [W] en expliquant que ce n'était pas un cahier de plainte.
Les parties produisent chacune des extraits de ce document. Il en ressort que si selon Mme [K], Mme [W] ne badgeait pas régulièrement, cet écart n'est pas corroboré par des éléments objectifs ; en revanche, il apparaît que Mme [K] pouvait employer un ton inapproprié, faisant preuve d'autoritarisme mais aussi d'ironie déplacée comme par exemple le 1er septembre 2015 n'hésitant pas à écrire : 'si [C], Directeur, estime devoir déférer à la convocation de [M], employée d'exploitation polyvalent, merci de m'indiquer si en ma qualité d'adjointe à la direction, j'ai à être présente à cette réunion ' ou bien encore le 28 décembre 2015 'vous devez respecter et appliquer les instructions...qui vous sont laissées...ce n'est pas à [M] de décider de modifier le nombre de #...je n'ai pas à rattraper le bordel engendré par votre insubordination....'. L'employeur justifie par ailleurs de l'arrêt de travail pour maladie de Mme [W] du 2 février au 2 mars 2016.
Contrairement à ce qu'elle prétend, Mme [K] était entendue par le Président, la directrice des ressources humaines et le directeur le 11 février 2016 pour recueillir ses observations sur les dires de Mme [W] ainsi qu'en atteste son propre mail du 12 février 2016 aux termes duquel elle s'engageait à ne plus écrire dans le cahier de consignes et à ne pas débaucher avant l'arrivée de Mme [W]. Selon le directeur d'établissement, c'est à cette occasion qu'il apprenait que la salariée détenait des photos de lui et de sa vie privée. Il atteste du dépôt d'une main courante le 12 février 2016 relatant cet incident.
Le directeur d'établissement indique encore qu'après une période d'accalmie, il avait appris au mois de mai 2016 que Mme [K] s'était entretenue le 19 avril précédent avec deux salariées dans la salle du petit déjeuner alors qu'elles n'avaient pas à être sur leur lieu de travail et s'était ensuite montrée agressive avec la femme de chambre, Mme [N], à l'origine de ces révélations mais aussi avec Mme [V], réceptionniste, l'informant qu'il envisageait de la licencier.
La direction du travail procédait à un contrôle de l'établissement le 26 mai 2016 sans suite connue à ce jour.
Il n'apparaît pas, au vu de ces éléments, que l'employeur, ainsi que le prétend la salariée, ait adopté un positionnement partial à son égard sans lui laisser la possibilité de s'exprimer alors qu'il a répondu longuement à chacune de ses interpellations et a pris le soin de réaliser une enquête face aux faits de harcèlement moral portés à sa connaissance, ce qui est une réponse appropriée compte tenu de l'obligation de santé et sécurité au travail à laquelle il est tenu. Aucun manquement ne peut donc lui être reproché de ce chef.
En conséquence, par voie de confirmation du jugement, les manquements allégués par la salariée à l'encontre de son employeur ne sont pas fondés et sa demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail doit être rejetée.
- Sur le licenciement pour cause réelle et sérieuse
En application de l'article L. 1232-6 du code du travail, lorsque l'employeur décide de licencier un salarié il lui notifie sa décision par lettre recommandée avec accusé réception comportant l'exposé du ou des motifs de rupture du contrat de travail.
La date de la rupture du contrat de travail se situe à la date d'envoi de la lettre recommandée avec accusé réception.
La lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige opposant les parties, énonce les griefs qui seront examinés au visa de l'article L. 1235-1 du code du travail, le doute profitant au salarié. Il appartient au juge de vérifier la cause exacte du licenciement sans s'arrêter à la qualification donnée par l'employeur.
En application de l'article L. 1332-4 du code du travail aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l'exercice de poursuites pénales. Il est constant que la persistance d'un même comportement fautif autorise l'employeur à se prévaloir de faits même prescrits à la date de l'engagement de la procédure de licenciement.
En l'espèce, aux termes de la lettre de licenciement envoyée le 15 juin 2016, il est reproché à Mme [K] une exécution déloyale de son contrat de travail pour avoir :
- fait état de la prise de photos du directeur à son insu alors qu'elle était garée près de son domicile ;
- adopté un comportement ou des propos générateurs de plaintes et de stress de plusieurs salariées ;
- manqué à son obligation de loyauté envers la société en photographiant des documents mais aussi avoir reçu dans les locaux Me [X], son conseil et celui de l'ancienne directrice, pour les lui remettre et avoir fait pression sur une collègue pour obtenir une attestation,
- mis à l'écart Mme [W],
- proposé d'enfreindre la durée du travail.
Mme [K] conteste ces griefs qui, selon elle, ne sont pas établis.
S'agissant des photographies querellées, l'employeur produit la main courante déposée par le directeur d'établissement le 12 février 2016 en faisant état. De son côté, la salariée indique dans ses écritures avoir prétendu détenir des preuves photographiques de la relation amoureuse du directeur avec Mme [W] lors de l'entretien du 11 février 2016, en présence du Directeur mais aussi du PDG et de la directrice des ressources humaines, en précisant qu'il s'agissait d'un 'bluff' pour obtenir que le directeur admette une liaison qu'il niait jusque-là'. Ces seules explications permettent de retenir le grief invoqué.
Il est également reproché à Mme [K] un comportement et des propos générateurs de plaintes et de stress de plusieurs salariées, parmi lesquelles Mmes [O] [N], [L] [P] et [T] [V]. L'employeur expose en effet que Mme [N] s'est plainte de l'agressivité de Mme [K] à son égard, consécutivement au refus opposé par elle d'établir une attestation dans un litige prud'homal concernant l'ancienne directrice et aux faits rapportés au directeur quant à la présence indue de deux salariées à l'hôtel le 19 avril 2016. Il verse aux débats le courrier du directeur du 16 mai 2016 informant sa hiérarchie des incidents survenus en son absence ainsi qu'une attestation de Mme [N] rapportant précisément les faits dont elle a été le témoin ainsi que ceux qui l'ont conduite à partir en pleurs, outre le fait qu'elle s'est sentie soupçonnée de vol. Concernant Mme [V], l'employeur produit l'attestation de celle-ci aux termes de laquelle il apparaît que Mme [K], le 6 mai 2016, l'a informée que M. [B] voulait la licencier, ce qui était mensonger.
Mme [K] répond à ces critiques en produisant un courriel du 30 mai 2016 adressé à la direction où elle expose que les femmes de chambre contestent son autorité et ses instructions et que l'écoute favorable que leur accorde le directeur la discrédite. Elle précise qu'au surplus elle n'avait aucun intérêt à harceler une femme de chambre, le procès de l'ancienne directrice ayant connu une issue favorable et ses collègues étant légitimes à venir à l'hôtel. Elle observe également que l'employeur ne justifie pas de faits concernant Mme [P]. Elle fait encore valoir à propos de Mme [V], qu'elle n'a fait que rapporter les dires de Mme [W] comme en atteste Mme [G], une ancienne collègue, selon laquelle Mme [W] ne supportait plus Mme [V] et qu'elle serait la prochaine à partir, outre le fait que le travail de l'intéressée n'était pas exempt de critiques même après son départ, le cahier de consignes du 20 août 2016 en témoigne.
Il est exact qu'aucun fait n'est soumis à l'appréciation de la cour s'agissant de Mme [P] et il doit être admis que les incidents concernant Mme [N] ne sont corroborés par aucun autre élément que les dires de cette dernière de sorte qu'au bénéfice du doute, il sera considéré que les griefs en résultant ne sont pas caractérisés. En revanche, Mme [K] ne conteste pas avoir avisé sa collègue de travail, Mme [V], de l'éventualité de son licenciement, sur les seuls propos de Mme [G], sans s'être assurée de la fiabilité de cette information dont la gravité méritait un autre traitement en sa qualité d'assistante de direction si ce n'est pour 'jeter la discorde dans l'entreprise et créer un ressenti défavorable à l'encontre du directeur voir un trouble manifeste' ainsi que le fait justement valoir l'employeur. Le grief est donc avéré.
Sur le manque de loyauté reproché à Mme [K] aux motifs qu'elle aurait photographié des documents de la société et les aurait remis à son conseil dans les locaux de l'entreprise, l'employeur s'appuie sur l'attestation de Mme [N], femme de chambre, dont il ressort que le 9 décembre 2015 vers 7 h 30, elle a vu sa collègue remettre un document bleu et blanc à Me [X] tandis que Mme [L] témoigne l'avoir surprise prendre des photographies de documents qui lui semblaient être les plannings. La salariée dit ne pas s'en souvenir et observe que le litige prud'homal avec l'ancienne directrice était en tout état de cause achevé et qu'il lui était loisible de s'entretenir avec son conseil sans que cela constitue un acte de déloyauté. En l'absence de plus amples éléments de preuve, il sera considéré que le grief allégué n'est pas établi.
L'employeur déplore encore l'attitude de mise à l'écart de Mme [W] par Mme [K] qu'elle qualifie 'd'EEP' alors que le personnel est habituellement désigné par son prénom. La salariée lui objecte pertinemment que ce fait est prescrit pour avoir été évoqué en février 2016 sans qu'il démontre qu'elle ait de nouveau utilisé ce vocable dans ses rapports avec Mme [W] après cette date.
Enfin, l'employeur évoque un mail du 20 avril 2016 aux termes duquel Mme [K] a proposé de faire la nuit alors qu'elle avait travaillé le matin même de 6 heures à 14 h 30, voyant dans cette posture un stratagème déjà utilisé par l'ancienne directrice pour le pousser à enfreindre la législation du travail. La salariée s'en défend, affirmant n'avoir agi que pour pallier l'imprévision du directeur et conformément à ses instructions. Sur la base de ces seuls éléments, le grief ne saurait prospérer.
En conséquence de ces développements, subsistent deux des cinq griefs reprochés à Mme [K], en l'occurence, le fait d'avoir prétendu en présence de personnel de la société détenir des photographies de la vie privée du directeur à son insu et d'avoir adopté un comportement ou des propos générateurs de plaintes et de stress à l'égard de Mme [V], ces comportements inadaptés étant suffisant à caractériser une exécution déloyale de son contrat de travail par la salariée ainsi qu'il lui est reproché aux termes de sa lettre de licenciement.
La décision déférée sera donc confirmée en ce qu'elle a dit le licenciement de Mme [K] fondé sur une cause réelle et sérieuse et a rejeté sa demande en paiement d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et sa demande de remise de bulletin de salaire et attestation Pôle emploi rectifiés.
- Sur les autres demandes, les dépens et les frais irrépétibles :
Le jugement querellé est confirmé en ses dispositions relatives aux dépens et aux frais irrépétibles.
Mme [K] qui succombe principalement sera condamnée aux dépens d'appel ainsi qu'à payer à la SAS [F] [D] la somme complémentaire de 1 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle sera en conséquence déboutée de sa propre demande d'indemnité de procédure.
PARCESMOTIFS
La Cour, statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
Confirme le jugement rendu entre [A] [K] et la SAS [F] [D] le 7 juillet 2020 par le conseil de prud'hommes de Tours en toutes ses dispositions;
Y ajoutant :
Condamne [A] [K] à payer à la SAS [F] [D] une somme complémentaire de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile;
Condamne Mme [A] [K] aux dépens d'appel et la déboute de sa propre demande d'indemnité de procédure ;
Et le présent arrêt a été signé par le président de chambre et par le greffier.
Et le présent arrêt a été signé par le président de chambre, président de la collégialité, et par le greffier
Fanny ANDREJEWSKI-PICARD Laurence DUVALLET