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22/11/2022 | FRANCE | N°19/01461

France | France, Cour d'appel d'Orléans, Chambre sécurité sociale, 22 novembre 2022, 19/01461


COUR D'APPEL D'ORLÉANS



CHAMBRE DES AFFAIRES DE SÉCURITÉ SOCIALE







GROSSE à :

Me Anicet LECATRE

Me Fabien CRECHET

CPAM DE LA NIEVRE

EXPÉDITION à :

[T] [N]

SAS [10]

MINISTRE CHARGÉ DE LA SÉCURITÉ SOCIALE

Tribunal de Grande Instance de NEVERS





ARRÊT du : 22 NOVEMBRE 2022



Minute n°515/2022



N° RG 19/01461 - N° Portalis DBVN-V-B7D-F5ND



Décision de première instance : Tribunal de Grande Instance de NEVERS en date du 04 A

vril 2019



ENTRE



APPELANT :



Monsieur [T] [N]

[Adresse 9]

[Localité 5]



Représenté par Me Anicet LECATRE, avocat au barreau de MOULINS



D'UNE PART,



ET



INTIMÉES :



SAS [10]

[Adre...

COUR D'APPEL D'ORLÉANS

CHAMBRE DES AFFAIRES DE SÉCURITÉ SOCIALE

GROSSE à :

Me Anicet LECATRE

Me Fabien CRECHET

CPAM DE LA NIEVRE

EXPÉDITION à :

[T] [N]

SAS [10]

MINISTRE CHARGÉ DE LA SÉCURITÉ SOCIALE

Tribunal de Grande Instance de NEVERS

ARRÊT du : 22 NOVEMBRE 2022

Minute n°515/2022

N° RG 19/01461 - N° Portalis DBVN-V-B7D-F5ND

Décision de première instance : Tribunal de Grande Instance de NEVERS en date du 04 Avril 2019

ENTRE

APPELANT :

Monsieur [T] [N]

[Adresse 9]

[Localité 5]

Représenté par Me Anicet LECATRE, avocat au barreau de MOULINS

D'UNE PART,

ET

INTIMÉES :

SAS [10]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Localité 7]

Représentée par Me Fabien CRECHET, avocat au barreau de PARIS

CPAM DE LA NIEVRE

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représentée par Mme [X] [S], en vertu d'un pouvoir spécial

PARTIE AVISÉE :

MONSIEUR LE MINISTRE CHARGÉ DE LA SÉCURITÉ SOCIALE

[Adresse 1]

[Localité 6]

Non comparant, ni représenté

D'AUTRE PART,

COMPOSITION DE LA COUR

Lors des débats et du délibéré :

Madame Sophie GRALL, Président de chambre,

Madame Carole CHEGARAY, Président de chambre,

Monsieur Laurent SOUSA, Conseiller,

Greffier :

Monsieur Alexis DOUET, Greffier lors des débats et du prononcé de l'arrêt.

DÉBATS :

A l'audience publique le 28 JUIN 2022.

ARRÊT :

- Contradictoire, en dernier ressort.

- Prononcé le 22 NOVEMBRE 2022 par mise à la disposition des parties au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2ème alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Madame Carole CHEGARAY, Président de chambre, et Monsieur Alexis DOUET, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

* * * * *

Le 30 juillet 2010, M. [T] [N], né le 9 juillet 1953, employé en qualité de technicien de montage par la société [10] depuis le 11 mai 1981, a établi une demande de reconnaissance de maladie professionnelle pour une 'douleur constante au niveau de l'épaule droite jusqu'au poignet', accompagnée d'un certificat médical initial établi le 29 avril 2010 constatant une périarthrite scapulo-humérale avec atteinte du supra-épineux.

La demande a fait l'objet d'une instruction par la caisse primaire d'assurance maladie de la Nièvre dans le cadre du tableau n° 57 A 'affections périarticulaires provoquées par certains gestes et postures de travail'.

Par décision du 12 avril 2011, la caisse primaire d'assurance maladie de la Nièvre a pris en charge la maladie déclarée au titre de l'article L. 461-1 alinéa 2 du Code de la sécurité sociale.

L'état de santé de M. [T] [N] a été déclaré consodidé par le médecin conseil de la caisse le 31 mai 2012 avec attribution d'une rente à partir du 1er juin 2012 compte tenu d'un taux d'incapacité permanente partielle fixé à 15 %. Par jugement du 3 octobre 2013, le tribunal du contentieux de l'incapacité de Dijon, saisi par M. [T] [N], a dit que les séquelles présentées à la date du 31 mai 2012 n'avaient pas été correctement évaluées et justifiaient l'attribution d'un taux d'incapacité permanente de 18 % tous éléments confondus.

M. [T] [N] a été déclaré inapte au poste de technicien monteur par le médecin du travail le 1er juin 2012. Il a été licencié le 17 septembre 2012.

Après échec de la procédure de conciliation, M. [T] [N] a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale de la Nièvre, le 17 mars 2016, d'une demande tendant à voir reconnaître que la maladie professionnelle dont il est atteint est due à la faute inexcusable de son employeur.

L'affaire a été transmise au Pôle social du tribunal de grande instance de Nevers en application de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016.

Par jugement du 4 avril 2019 (RG 16/00088) notifié le 9 avril 2019, le tribunal de grande instance de Nevers a :

- déclaré la décision commune et opposable à la caisse primaire d'assurance maladie de la Nièvre,

- débouté M. [T] [N] de sa demande de reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur en lien avec sa maladie professionnelle,

- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,

- dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Code de procédure civile,

- rappelé que dans les procédures dans lesquelles les recours avaient été introduits avant le 31 décembre 2018, il n'y avait ni frais ni dépens.

Suivant déclaration du 18 avril 2019, M. [T] [N] a interjeté appel de ce jugement.

Par arrêt du 21 septembre 2021, la Cour d'appel d'Orléans a :

- infirmé le jugement rendu le 4 avril 2019 (RG 16/00088) par le Pôle social du tribunal de grande instance de Nevers,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

- dit que la maladie professionnelle déclarée par M. [T] [N] est due à la faute inexcusable de son employeur, la société [10],

- fixé au maximum la majoration de la rente allouée à M. [T] [N],

- dit que cette majoration sera avancée par la caisse primaire d'assurance maladie de la Nièvre et, pour ce qui concerne les rapports caisse/assuré, qu'elle suivra l'évolution éventuelle du taux d'incapacité permanente partielle de M. [T] [N],

- dit que, pour ce qui concerne les rapports caisse/employeur, l'action récursoire de la caisse primaire d'assurance maladie de la Nièvre ne pourra s'exercer à l'encontre de la société [10], s'agissant de la majoration de la rente, que dans la limite du taux d'incapacité permanente de M. [T] [N] qui lui est opposable,

Avant dire droit sur la réparation des préjudices causés par la faute inexcusable de l'employeur,

- ordonné une expertise médicale de M. [T] [N] et désigné pour y procéder le docteur [G] [Y] qui, après avoir entendu les parties, s'être fait remettre tous documents utiles, et notamment le dossier médical complet de M. [T] [N] avec l'accord de celui-ci, et avoir examiné la vicitime, aura pour mission, la date de consolidation étant acquise au 31 mai 2012, de :

. convoquer l'ensemble des parties et leurs avocats, recueillir les dires et doléances de la victime, se procurer tous documents médicaux ou autres relatifs à la présente affaire et procéder en présence des médecins mandatés par les parties, avec l'assentiment de la victime, à un examen clinique détaillé en fonction des lésions initiales et des doléances exprimées par la victime,

. à partir des déclarations de la victime, au besoin de ses proches et de tout sachant, et des documents médicaux fournis, décrire en détail les lésions initiales, les modalités de traitement, en précisant les durées exactes d'hospitalisation et pour chaque période d'hospitalisation la nature des soins,

. déterminer, décrire, qualifier et chiffrer :

* les chefs de préjudices expressément énumérés par l'article L. 452-3 du Code de la sécurité sociale, à savoir :

¿ les souffrances endurées (sur une échelle de 1 à 7),

¿ le préjudice esthétique (sur une échelle de 1 à 7),

¿ le préjudice d'agrément défini comme l'impossibilité pour la victime de pratiquer régulièrement une activité spécifique sportive ou de loisirs,

¿ la perte ou la diminution des possibilités de promotion professionnelle,

* le préjudice sexuel,

* la nécessité de l'aménagement du logement et celle d'un véhicule adapté,

* le déficit fonctionnel temporaire,

* s'il y a lieu, la nécessité de recourir à une tierce personne avant la consolidation,

- rappelé que M. [T] [N] devra répondre aux convocations de l'expert et qu'à défaut de se présenter sans motif légitime et sans en avoir informé l'expert, l'expert est autorisé à dresser un procès-verbal de carence et à déposer son rapport après deux convocations restées infructueuses,

- ordonné la consignation par la caisse primaire d'assurance maladie de la Nièvre auprès du régisseur de la Cour, dans les 60 jours à compter de la notification du présent arrêt, de la somme de 1 200 euros à valoir sur la rémunération de l'expert,

- dit que l'expert devra donner connaissance de ses premières conclusions aux parties et répondre à toutes observations écrites de leur part dans le délai qu'il leur aura imparti avant d'établir son rapport définitif,

- dit que l'expert adressera son rapport au greffe de la Cour ainsi qu'aux parties dans les quatre mois après qu'il aura reçu confirmation du dépôt de la consignation,

- alloué à M. [T] [N] la somme de 1 500 euros à titre de provision à valoir sur l'indemnisation de ses proéjudices,

- dit que la caisse primaire d'assurance maladie de la Nièvre fera l'avance de ladite provision et que la société [10] la remboursera de cette somme ainsi que des frais d'expertise,

- dit que l'expert pourra en tant que de besoin être remplacé par simple ordonnance du président de la chambre de la sécurité sociale,

- renvoyé l'affaire à l'audience de la chambre de la sécurité sociale de la Cour d'appel d'Orléans du mardi 25 janvier 2022 à 9 heures,

- dit que la notification du présent arrêt vaudra convocation régulière des parties à cette audience,

- réservé les demandes au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile et des dépens.

L'expert a déposé son rapport définitif au greffe le 23 février 2022 et l'affaire a été évoquée en ouverture de rapport à l'audience du 28 juin 2022.

Dans ses conclusions après expertise visées par le greffe le 28 juin 2022 et soutenues oralement à l'audience du même jour, M. [T] [N] demande à la Cour de :

- déclarer recevables et bien fondées les demandes de M. [T] [N],

- fixer comme suit les indemnités à lui revenir en application de l'article L. 452-3 du Code de la sécurité sociale ainsi qu'en application de la décision du Conseil constitutionnel du 18 juin 2010 et de la jurisprudence de la 2ème chambre civile de la Cour de cassation,

* déficit fonctionnel temporaire 4 706,80 euros

* souffances physiques et morales 7 000 euros

* préjudice esthétique temporaire 1 500 euros

* préjudice esthétique permanent 800 euros

* préjudice d'agrément 3 000 euros

* nécessité de la présence ou de l'assistance d'une tierce personne

avant consolidation 3 186 euros

* frais de déplacement expertise [Y] 84,60 euros

- dire que la caisse primaire d'assurance maladie fera l'avance de ces sommes à M. [T] [N] en deniers ou quittances valables pour tenir compte de la provision de 1 500 euros versée,

- débouter la société [10] de ses demandes, fins et conclusions,

- condamner la société [10] à payer et porter à M. [T] [N] la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Dans ses conclusions après expertise médicale visées par le greffe le 28 juin 2022 et soutenues oralement à l'audience du même jour, la société [10] demande à la Cour de :

- dire et juger que seul le taux d'incapacité permanente de 8 % fixé par le jugement définitif du TCI de Paris du 12 juillet 2016 lui est opposable,

- dire et juger en conséquence que la caisse primaire d'assurance maladie de la Nièvre ne pourra récupérer auprès d'OTIS qu'une somme ne pouvant pas dépasser l'idemnité en capital afférente à ce taux de 8 %, soit 3 563,92 euros, montant en vigueur à la date de l'arrêt de la Cour du 21 septembre 2021,

- limiter l'indemnisation de M. [T] [N] aux montants suivants, sous déduction de la provision de 1 500 euros allouée à ce dernier :

* 4 202,50 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire

* 4 000 euros au titre des souffrances physiques et morales endurées

* 400 euros au titre du préjudice esthétique permanent

* 2 832 euros au titre de l'assistance tierce personne avant consolidation

- débouter M. [T] [N] du surplus de ses demandes, sauf les frais de déplacement,

Subsidiairement,

- limiter l'indemnisation du préjudice d'agrément à 1 500 euros,

- débouter M. [T] [N] du surplus de ses demandes, sauf les frais de déplacement.

Dans ses conclusions soutenues oralement à l'audience du 28 juin 2022, la caisse primaire d'assurance maladie de la Nièvre demande à la Cour de :

- noter que la caisse s'en remet à la sagesse de la juridiction quant au montant de l'indemnisation complémentaire accordée à M. [T] [N],

- dire et juger que la caisse exercera son action récursoire à l'encontre de la société [10],

- dire que les montants payés par la caisse seront récupérés selon les dispositions des articles L. 452-2 et L. 452-3 du Code de la sécurité sociale.

En application de l'article 455 du Code de procédure civile, il est renvoyé aux écritures des parties pour un plus ample exposé des faits et moyens développés au soutien de leurs prétentions respectives.

MOTIFS

Les conclusions de l'expert -que les parties ne remettent pas en cause- sont les suivantes :

'Déficit fonctionnel temporaire 25 % du 29/04/2010 au 26/09/2011

100 % le 27/09/2011

50 % du 28/09/2011 au 07/10/2011

25 % du 08/10/2011 au 08/12/2011

10 % du 07/12/2011 au 30/05/2012

Souffrances endurées 3 / 7

Dommage esthétique 0,5 / 7

Promotion professionnelle néant

Préjudice d'agrément néant

Dommage sexuel néant

Frais de logement adapté/ Frais de véhicule adapté néant

Tierce personne 2 heures par semaine du 29/04/2010 au 26/09/2011

1 heure 30 par jour du 28/09/2011 au 7/10/2011

2 heures par semaine du 08/10/2011 au 08/12/2011 non retenu après consolidation'.

Sur le déficit fonctionnel temporaire :

Le déficit fonctionnel temporaire de la victime souffrant d'une maladie professionnelle due à la faute inexcusable de l'employeur peut être indemnisé au titre des préjudices non couverts par le livre IV du Code de la sécurité sociale. Il inclut, pour la période antérieure à la consolidation, l'incapacité fonctionnelle totale ou partielle, ainsi que le temps d'hospitalisation et les pertes de qualité de la vie et des joies usuelles de la vie courante durant la maladie traumatique.

M. [T] [N] sollicite l'allocation de la somme de 4 706, 80 euros calculée sur la base de 28 euros par jour comme suit :

- déficit fonctionnel temporaire partiel à 25 % du 29.04.2010 au 26.09.2011, soit 7 euros x 516 jours = 3 612 euros

- déficit fonctionnel temporaire total le 27.09.2011, soit 28 euros

- déficit fonctionnel temporaire partiel à 50 % du 28.09.2011 au 07.10.2011, soit 14 euros x 10 jours = 140 euros

- déficit fonctionnel temporaire partiel à 25 % du 08.10.2011 au 08.12.2011, soit 7 euros x 62 jours = 434 euros

- déficit fonctionnel temporaire partiel à 10 % du 07.12.2011 au 30.05.2012, soit 2,80 euros x 176 jours = 492,80 euros

total : 4 706,80 euros.

La société [10] propose la somme de 4 202,50 euros sur la base de 25 euros par jour au lieu de 28 euros.

Le barème indicatif d'indemnisation des cours d'appel proposant à ce titre une indemnisation de 25 à 33 euros par jour, l'estimation de M. [T] [N] fondée sur une valeur moyenne de 28 euros apparaît justifiée au vu des éléments de l'espèce, la société [10] ne motivant pas sa demande d'évaluation au bas de la fourchette.

Il convient donc d'allouer à M. [T] [N] la somme de 4 706,80 euros en réparation du déficit fonctionnel temporaire.

Sur les souffrances endurées :

En application de l'article L. 452-3 du Code de la sécurité sociale, sont réparables les souffrances physiques et morales subies par la victime souffrant d'une maladie professionnelle causée par la faute inexcusable de l'employeur, qui ne sont pas indemnisées au titre du déficit fonctionnel permanent.

M. [T] [N] sollicite l'allocation de la somme de 7 000 euros. La société [10] propose celle de 4 000 euros.

L'expert a évalué à 3 /7 les souffrances endurées par M. [T] [N], correspondant à la chirurgie et à l'astreinte aux soins. Compte tenu du barème indicatif d'indemnisation des cours d'appel proposant pour une cotation de 3 / 7 de 4 000 à 8 000 euros et des éléments du dossier (notamment la persistance d'une scapulalgie droite), il y a lieu d'allouer à M. [T] [N] la somme de 6 000 euros en réparation des souffrances endurées.

Sur le préjudice esthétique :

Le préjudice esthétique visé par l'article L. 452-3 du Code de la sécurité sociale répare les atteintes physiques, voire l'altération de l'apparence physique, subies par la victime souffrant d'une maladie professionnelle causée par la faute inexcusable de l'employeur.

M. [T] [N] sollicite la somme de 1 500 euros au titre du préjudice esthétique temporaire et celle de 800 euros au titre du préjudice esthétique permanent. La société [10] propose la somme de 400 euros au titre du seul préjudice esthétique permanent, à l'exclusion de tout préjudice esthétique temporaire.

L'expert a retenu un dommage esthétique en raison de la cicatrice opératoire qu'il a coté à 0,5 / 7.

A l'appui de sa demande de réparation d'un préjudice esthétique temporaire, M. [T] [N] fait état de l'immobilisation de son membre supérieur droit pendant six semaines, ce qui ne relève pas du préjudice esthétique. Il sera donc débouté de ce chef.

Eu égard au barème indicatif d'indemnisation des cours d'appel proposant pour une cotation de 1/7 jusqu'à 2 000 euros et à la cotation de l'expert à 0,5 / 7 en raison d'une cicatrice opératoire à l'épaule droite 'à la limite de la visibilité' selon le rapport d'expertise, la somme de 400 euros proposée par la société [10] en réparation du préjudice esthétique permanent apparaît satisfactoire.

Sur le préjudice d'agrément :

Le préjudice d'agrément, réparable en application de l'article L. 452-3 du Code de la sécurité sociale, est constitué par l'impossibilité pour la victime souffrant d'une maladie professionnelle causée par la faute inexcusable de l'employeur de continuer à pratiquer régulièrement une activité spécifique sportive ou de loisirs. Il ne se confond ni avec la perte de qualité de la vie et des joies usuelles de la vie courante durant la maladie traumatique qui est prise en compte au titre du déficit fonctionnel temporaire, ni, pour la période postérieure à cette date, avec la perte de qualité de la vie et les troubles ressentis par la victime dans ses conditions d'existence personnelles, familiales et sociales qui sont compris dans le déficit fonctionnel permanent.

M. [T] [N] sollicite à ce titre la somme de 3 000 euros, faisant valoir qu'avant son opération de l'épaule, il faisait du vélo avec son épouse mais aussi de la voile et du canoë qu'il a du arrêter de peur de tomber (vélo) et en raison de douleurs positionnelles (voile-canoë).

L'expert n'a pas retenu de préjudice d'agrément. M. [T] [N] ne justifie pas de l'exercice régulier de l'activité de voile-canoë antérieurement à sa maladie, les attestations versées aux débats n'en faisant pas mention. Quant aux rallyes vélo auxquels M. [T] [N] ne peut plus participer selon les attestations de ses proches, outre le fait qu'aucune pièce justificative de cette pratique antérieure n'est produite en dehors des attestations, il n'est pas établi que le siège des lésions de la maladie et leur nature empêchent M. [T] [N] de faire du vélo.

M. [T] [N] sera donc débouté de ce chef.

Sur l'assistance par tierce personne :

Le besoin d'assistance par une tierce personne dans les actes de la vie quotidienne que la victime souffrant d'une maladie professionnelle due à la faute inexcusable de l'employeur ne peut réaliser, peut être indemnisé, avant consolidation, au titre des préjudices non couverts par le livre IV du Code de la sécurité sociale.

M. [T] [N] sollicite l'allocation de la somme de 3 186 euros calculée sur la base d'un taux horaire de 18 euros, soit :

- du 29.04.2010 au 26.09.2011 : 2 heures par semaine, soit 146 heures x 18 euros = 2 628 euros

- du 28.09.2011 au 07.10.2011 : 1 h 30 par jour, soit 15 heures x 18 euros = 270 euros

- du 08.10.2011 au 08.12.2011 : 2 h par semaine, soit 16 heures x 18 euros = 288 euros

total : 3 186 euros.

La société [10] propose la somme de 2 832 euros sur la base d'un taux horaire de 16 euros et non de 18 euros.

Le barème indicatif d'indemnisation des cours d'appel proposant à ce titre une indemnisation selon un taux horaire de 16 à 25 euros, l'estimation de M. [T] [N] fondée sur une valeur moyenne de 18 euros apparaît justifiée au vu des éléments de l'espèce, la société [10] ne motivant pas sa demande d'évaluation au bas de la fourchette.

Il convient donc d'allouer à M. [T] [N] la somme de 3 186 euros au titre de l'assistance par tierce personne.

Sur les frais de déplacement à l'expertise :

M. [T] [N] sollicite à ce titre la somme de 84,60 euros, soit pour se rendre à [Localité 8] 128 km (aller-retour) x 0,661 euros (barème kilométrique 2022 pour un véhicule 7 CV). La société [10] ne s'y oppose pas. Il sera fait droit à ce chef de demande.

Sur l'action récursoire de la caisse :

Les sommes précédemment allouées seront directement versées à M. [T] [N] par la caisse primaire d'assurance maladie de la Nièvre, sous déduction de la provision de 1 500 euros déjà réglée, laquelle en récupèrera le montant auprès de la société [10].

S'agissant de l'indemnisation complémentaire prévue à l'article L. 452-2 du Code de la sécurité sociale, il s'avère que, dans les rapports caisse/employeur, le tribunal du contentieux de l'incapacité de Paris a fixé à 8 % le taux d'incapacité permanente partielle opposable à la société [10]. Il en résulte que l'action récursoire de la caisse concernant l'indemnisation au titre de l'article L.452-2 du Code de la sécurité sociale sera limitée à la majoration de l'indemnité en capital prévue au 2ème alinéa dudit article.

Sur les autres demandes :

La société [10], qui succombe, supportera la charge des dépens d'appel, en ce compris les frais d'expertise, et sera condamnée à payer à M. [T] [N] la somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS:

Vu l'arrêt de cette cour du 21 septembre 2021,

Vu le jugement du tribunal du contentieux de l'incapacité de Paris du 12 juillet 2016,

Fixe ainsi qu'il suit l'indemnisation des préjudices de M. [T] [N] :

au titre du déficit fonctionnel temporaire 4 706,80 euros

au titre des souffances endurées 6 000 euros

au titre du préjudice esthétique 400 euros

au titre de l'assistance par tierce personne avant consolidation 3 186 euros

au titre des frais de déplacement expertise [Y] 84,60 euros ;

Déboute M. [T] [N] de ses demandes formées au titre du préjudice esthétique temporaire et du préjudice d'agrément ;

Dit que la caisse primaire d'assurance maladie de la Nièvre versera directement à M. [T] [N] les indemnités fixées par le présent arrêt, sous déduction de la provision de 1 500 euros déjà réglée, et qu'elle en récupérera le montant auprès de la société [10] ;

Dit que dans les rapports de la caisse primaire d'assurance maladie de la Nièvre et de la société [10], l'action récursoire de la caisse concernant l'indemnisation au titre de l'article L. 452-2 du Code de la sécurité sociale sera limitée à la majoration de l'indemnité en capital prévue au 2ème alinéa dudit article ;

Condamne la société [10] aux dépens d'appel, en ce compris les frais d'expertise avancés par la caisse ;

Condamne la société [10] à payer à M. [T] [N] la somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Orléans
Formation : Chambre sécurité sociale
Numéro d'arrêt : 19/01461
Date de la décision : 22/11/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-11-22;19.01461 ?
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