C O U R D ' A P P E L D ' O R L É A N S
CHAMBRE SOCIALE - A -
Section 2
PRUD'HOMMES
Exp + GROSSES le 7 NOVEMBRE 2022 à
la SELARL LEXAVOUE POITIERS - ORLEANS
la SCP LAVISSE BOUAMRIRENE GAFTONIUC
LD
ARRÊT du : 7 NOVEMBRE 2022
N° : - 22
N° RG 19/02825 - N° Portalis DBVN-V-B7D-GAHQ
DÉCISION DE PREMIÈRE INSTANCE : Conseil de Prud'hommes - Formation de départage d'ORLEANS en date du 01 Août 2019 - Section : ACTIVITÉS DIVERSES
ENTRE
APPELANTE :
SA LA FRANÇAISE DES JEUX LA FRANCAISE DES JEUX prise en la personne de son Président en exercice et de tous autres représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège
[Adresse 1]
[Localité 5]
représentée par Me Isabelle TURBAT de la SELARL LEXAVOUE POITIERS - ORLEANS, avocat au barreau d'ORLEANS,
ayant pour avocat plaidant Me Béatrice BRUGUES-REIX de l'AARPI JASPER AVOCATS, avocat au barreau de PARIS
ET
INTIMÉS :
Monsieur [C] [E]
né le 30 Mars 1968 à [Localité 8]
[Adresse 3]
[Localité 4]
représenté par Me Pascal LAVISSE de la SCP LAVISSE BOUAMRIRENE GAFTONIUC, avocat au barreau d'ORLEANS
SNC [U] [U] prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège
[Adresse 2]
[Localité 7]
représentée par Me Agnès MENOUVRIER de la SCP LE METAYER ET ASSOCIES, avocat au barreau d'ORLEANS,
ayant pour avocat plaidant Me Anne ROBERT CASANOVA de la SELARL ROBERT-CASANOVA ET ASSOCIES, avocat au barreau de CHARTRES
SNC [V] [V] prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège
[Adresse 2]
[Localité 7]
représentée par Me Agnès MENOUVRIER de la SCP LE METAYER ET ASSOCIES, avocat au barreau d'ORLEANS, Me Anne ROBERT CASANOVA de la SELARL ROBERT-CASANOVA ET ASSOCIES, avocat au barreau de CHARTRES
Ordonnance de clôture : 12 mai 2022
A l'audience publique du 16 Juin 2022
LA COUR COMPOSÉE DE :
Madame Laurence DUVALLET, présidente de chambre, présidente de la collégialité,
Monsieur Alexandre DAVID, président de chambre,
Monsieur Xavier AUGIRON, conseiller.
Assistés lors des débats de Mme Fanny ANDREJEWSKI-PICARD, Greffier.
Puis ces mêmes magistrats ont délibéré dans la même formation et le 7 NOVEMBRE 2022 (délibéré initialement prévu le 29 SEPTEMBRE 2022), Madame Laurence DUVALLET, présidente de chambre, présidente de la collégialité, assistée de Mme Fanny ANDREJEWSKI-PICARD, Greffier, a rendu l'arrêt par mise à disposition au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
FAITS ET PROCÉDURE
La SAEM La Française des Jeux est une société détenue majoritairement par l'Etat bénéficiant d'un monopole d'Etat sur les jeux de loterie et les jeux de paris sportifs en points de vente et est en charge de leur exploitation. Elle dispose d'un réseau physique de distribution sur toute la France pour la commercialisation de ses produits qui est organisé autour d'intermédiaires qui en assurent la distribution auprès de détaillants agrées ( points presse, débitants de tabac, débits de boisson...).
Ces intermédiaires, ayant pour rôle de distribuer les produits de La Française des Jeux auprès des détaillants dans un secteur géographique déterminé exclusif moyennant un droit à commissions sur les sommes provenant des ventes, prospectaient et géraient les détaillants situés dans leur secteur géographique, recouvraient les mises collectées par les détaillants auprès des joueurs et reversaient les sommes ainsi perçues à La Française des Jeux qui assuraient leur répartition selon la réglementation applicable à chaque jeu.
Ils avaient , jusqu'en 2015, le statut de courtiers-mandataires, personnes physiques ou morales. Après cette date, la SAEM La Française des Jeux et les intermédiaires sont liés par un contrat de prestation de service.
Ces courtiers mandataires se sont regroupés en GIE en fonction de leur localisation géographique, ces GIE de rattachement mettant en commun des moyens pour assurer des services et opérations en lien avec l'activité de distribution assurée par les courtiers mandataires.
M. [A], aujourd'hui décédé, était un courtier mandataire de la SAEM La Française des Jeux à laquelle il était lié par un contrat d'exploitation de l'activité de distribution des produits de jeux de la FDJ du 7 février 1991, ses locaux étant situés à [Localité 10] [13] (45), son secteur étant les départements du Loiret et d'une partie du Loir et Cher. M. [A] faisait partie d'un GIE de courtiers mandataires [Adresse 11].
Selon contrat de travail à durée déterminée du 9 décembre 2002, M. [C] [E] a été engagé par M. [A], en qualité d'attaché commercial.
M. [A] est décédé le 3 février 2009. L'article 11 du contrat de courtier mandataire prévoit que dans pareille hypothèse, le GIE reprend, dans l'attente d'un repreneur, la gestion du secteur devenu vacant.
Par requête du 24 juillet 2012, M. [C] [E] a saisi le conseil de prud'hommes d'Orléans aux fins de faire reconnaître l'existence d'un lien de travail direct entre lui et la SAEM La Française des Jeux et obtenir sa condamnation au paiement d'un rappel de salaires relatif aux cinq dernières années et remise d'une attestation Pôle emploi.
Le 15 octobre 2012, l'activité de distribution des jeux a été reprise, dans le cadre d'un contrat d'exploitation à durée déterminé de cinq ans signé entre la SAEM La Française des Jeux et la SNC [U], société créée à cet effet, et gérée par M. [B], celui-ci exerçant déjà les fonctions de courtier mandataire de la FDJ pour le secteur de l'Eure et Loir (28) au moyen d'une société, la société [V]. Le secteur géographique confié à la SNC [U] est resté le même.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 23 avril 2014, la SNC [U], a proposé à M. [C] [E] une modification de son contrat de travail consistant en un transfert de son lieu de travail sur le site de [Localité 7] (28), un véhicule étant mis à sa disposition, d'autres salariés étant informés par lettre du 24 avril du transfert de l'exercice de l'activité à compter du 1er juin 2014 du site de la Chapelle [13] sur le site d'[Localité 9] (45) et de leur affectation les lundis au siège social de [U] situé à [Localité 7] en Eure et Loir (28) .
Des lettres étaient échangées entre M. [C] [E] et la SNC [U] et celui-ci exerçait ses fonctions dans les conditions précitées à compter du 1er juin 2014.
La société [U] a été appelée en la cause en août 2014.
Le 30 mars 2015, un contrat d'exploitation temporaire à durée déterminée a été conclu entre la SAEM La Française des Jeux et la société [V], après résiliation du contrat de courtier mandataire, organisant la reprise par cette dernière de l'activité de distribution sur les secteurs du Loiret et Loir et Cher avec celle du département de l'Eure et Loir.
Le contrat d'exploitation liant la société [U] et la SAEM La Française des Jeux a été résilié le 4 janvier 2016, avec effet rétroactif à la date du 30 mars 2015.
Par avenant du 13 juin 2016 signé entre M. [C] [E] et la société [U], il a été prévu que le salarié exerçait ses fonctions pour le compte de la SNC [V] à compter de cette date, avec reprise de son ancienneté et maintien des clauses du contrat de travail initial et de ses éventuels avenants. Il est précisé la transformation des relations commerciales entre la SNC [V] et la SAEM La Française des Jeux, la résiliation par cette dernière du contrat d'exploitation à effet au 23 octobre 2016 et la mise en place d'un nouveau contrat qui doit diminuer le chiffre d'affaires en sorte que la décision de fusionner les SNC [V] et [U] a été prise.
Par lettre du 14 juin 2016, M. [C] [E] a été convoqué à un entretien préalable à un licenciement pour motif économique fixé au 24 juin suivant.
Par lettre du 4 juillet 2016, M. [C] [E] a été licencié pour motif économique.
Le 5 septembre 2016, la SNC [V] a été appelée en la cause.
Le 24 novembre 2017, la SAEM La Française des Jeux et la SNC [V] signaient un nouveau contrat de prestataire entrant en application le 29 janvier 2018, modifant le secteur d'activité, perdant la partie du Loir et Cher, conservant le Loiret et l'Eure et Loir.
La SNC [V] décidait la fermeture du site d'[Localité 9] et le regroupement de ses activités à [Localité 7] (28).
Par jugement du 1er août 2019 auquel il convient de se reporter pour plus ample exposé des motifs, le conseil de prud'hommes d'Orléans, statuant en formation de départage, a :
- Rejeté la demande de communication de pièces formée par M. [C] [E],
- Déclaré recevable la demande de rappel de salaires formée par M. [C] [E],
- Dit que la SAEM la Française des jeux a été l'employeur de Mme [T] [Y] épouse [R] du 03 février 2009 au 15 octobre 2012,
- Dit que la SAEM la Française de jeux, la SNC [U] et la SNC [V] ont la qualité de coemployeurs de M. [C] [E] pour la période du 15 octobre 2012 au 4 juillet 2016,
- Condamné solidairement la SAEM la Française des jeux, la SNC [U] et SNC [V] à payer à M. [C] [E] la somme de 35600 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral subi,
-Dit que le licenciement du 13 juillet 2016 est dépourvu dc cause réelle ett sérieuse,
- Condamné solidairement la SAEM La Francaise des Jeux, la SNC [U] et la SNC [V] à payer à M. [C] [E] la somme de 18000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- Condamné solidairement la SAEM la Française des jeux, la SNC [U] et la SNC [V] à payer à M. [C] [E] la somme de 500 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect de la priorité de réembauche,
- Débouté M. [C] [E] de ses demandes formées au titre de l'indemnité de licenciement, au préavis et aux congés payés afférents,
- Débouté M. [C] [E] de sa demande de rappels de salaires,
- Débouté Mme [T] [Y] épouse [R] de sa demande de dommages et intérêts fondée sur des modifications du contrat de travail,
- Débouté M. [C] [E] de sa demande de dommages et intérêts fondée sur une fraude aux droits de représentation collective,
- Débouté les parties du surplus de leurs prétentions,
- Ordonne en application de l'article L1235-4 du code du travail à la SAEM La Française des Jeux, la SNC [U] et la SNC [V] de rembourser à Pôle emploi les indemnités chômage versées à M. [C] [E] suite à son licenciement, dans la limite de six mois d'indemnité de chômage,
- Dit n'y avoir lieu à exécution provisoire de la présente décision,
- Condamné la SAEM la Française des jeux, la SNC [U] et SNC [V] à payer à M. [C] [E] la somme de 2500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- Laissé les dépens à la charge de SAEM la Française des jeux, la SNC [U] et SNC [V].
La SAEM La Française de Jeux et les SNC [U] et SNC [V] ont relevé appel de cette décision le 5 août 2019 pour la première et le 30 août 2019 pour les suivantes, les instances étant jointes sous le numéro 19/031825 par ordonnance du conseiller de la mise en état du 9 mars 2020.
PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Vu les dernières conclusions remises au greffe par voie électronique le 29 mars 2021, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens et prétentions conformément à l'article 455 du code de procédure civile et aux termes desquelles la SAEM La Française des Jeux, demande à la cour de :
- Déclarer la Française des Jeux bien fondée en son appel,
- Réformer le jugement entrepris en ce qu'il a :
- Déclaré recevable la demande de rappel de salaires formée par Monsieur [C] [E],
- Dit que la Française des Jeux a été l'employeur de Monsieur [C] [E] du 3 février 2009 au 15 octobre 2012,
- Dit que la Française des Jeux, la SNC [U] et la SNC [V] ont la qualité de coemployeurs de Monsieur [C] [E] pour la période du 15 octobre 2012 au 4 juillet 2016,
- Condamné solidairement la Française des Jeux, la SNC [U] et la SNC [V] à payer à Monsieur [C] [E] la somme de 35.600 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral subi
- Dit que le licenciement du 4 juillet 2016 est dépourvu de cause réelle et sérieuse
- Condamné solidairement la Française des Jeux, la SNC [U] et la SNC [V] à payer à Monsieur [C] [E] la somme de 18.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
- Condamné solidairement la Française des Jeux, la SNC [U] et la SNC [V] à payer à Monsieur [C] [E] la somme de 500 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect de la priorité de réembauchage
- Ordonné, en application de l'article L1235-4 du Code du travail, à la Française des Jeux, la SNC [U] et la SNC [V] de rembourser à Pôle Emploi les indemnités chômage versées à Monsieur [E] suite à son licenciement, dans la limite de six mois d'indemnités de chômage
- Débouté la Française des Jeux au surplus de ses demandes
- Condamné la Française des Jeux, la SNC [U] et la SNC [V] à payer à Monsieur [C] [E] la somme de 2.500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
En conséquence,
- Juger que Monsieur [E] a été successivement employé par le courtier [G] [A], par le GIE Centre entre le 3 février 2009 et le 14 octobre 2012, par la SNC [U] du 15 octobre 2012 au 12 juin 2016 et par la SNC [V] à compter du 13 juin 2016
- Juger que la Française des Jeux n'a pas été l'employeur de Monsieur [E]
- Juger que la Française des Jeux n'a pas davantage été coemployeur avec les sociétés [U] et [V]
En conséquence,
- Infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a reconnu que la Française des Jeux était l'employeur de Monsieur [E] entre 2009 et 2012 ,
- Infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a reconnu l'existence d'un coemploi avec les sociétés [U] et [V]
- Confirmer le jugement en ce qu'il a débouté Monsieur [E] du surplus de ses demandes
- Condamner Monsieur [E] à verser à la Française des Jeux la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile
- Condamner Monsieur [E] aux entiers dépens de première instance et d'appel.
&
Vu les dernières conclusions remises au greffe par voie électronique le 12 juin 2020, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens et prétentions conformément à l'article 455 du code de procédure civile et aux termes desquelles, la SNC [U] et la SNC Jackot demandent à la cour de :
- REFORMER LA DECISION ENTREPRISE du 1 er AOUT 2019 qui a :
- RECONNU la qualité de coemployeurs des SNC [U] et [V] avec la SAEM La Française des Jeux pour la période du 15/10/2012 au 4/07/2016 (et même antérieurement dans le quantum alloué aux salariés), et
- CONDAMNE solidairement les dites sociétés à payer à M. [E] 35.600 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral,
- DIT que le licenciement de M. [E] était dépourvu de cause réelle et sérieuse et les a CONDAMNE à verser à M. [E] 18.000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse;
- CONDAMNE solidairement à verser à M. [E] 500 € de dommages et intérêts pour non- respect de la priorité de réembauche,
- CONDAMNE à rembourser à POLE EMPLOI les indemnités chômage versées à M. [E] dans la limite de 6 mois,
- CONDAMNE à verser à M. [E] 2.500 € sur le fondement de l'article 700 du CPC, et aux entiers dépens.
- CONFIRMER la décision pour le surplus.
STATUANT A NOUVEAU,
1.VU les articles 564 CPC, 122 du CPC, et L1224-2 et suivants du code du travail,
- DECLARER IRRECEVABLES les demandes nouvelles devant la Cour de 100.000 € à titre de rappel de salaires,
- CONSTATER l'absence d'existence juridique de [U] avant 2012,
- METTRE HORS DE CAUSE, la société [U], pour la période de février 2009 au 15 octobre 2012,
- METTRE HORS DE CAUSE, la société [V] pour la période antérieure au 13 juin 2016,
- CONSTATER que [U] n'a pas été employeur du 4/02/2009 au 14/10/2012, et [V] n'a pas été employeur avant le 15/06/2016,
- CONSTATER qu'il n'existe pas de convention entre le GIE Région centre et les sociétés [U] et [V] avant le 15/10/2012,
- DECLARER TOUTE DEMANDE IRRECEVABLE portant tant sur les rappels de salaires non chiffrés, la provision, l'expertise judiciaire, ainsi que sur les dommages et intérêts pour préjudice moral, pour préjudice du fait du comportement déloyal des sociétés, préjudice de carrière,t autres demandes antérieurement au 15/10/2012 à l'égard des sociétés [U] et [V], y compris d'expertise comptable avant dire droit,
- DECLARER IRRECEVABLE car NOUVELLE en cause d'appel la demande de 100.000 € à titre de rappel de salaires,
SUBSIDIAIREMENT,
- DEBOUTER M. [E] de toute demande de rappel de salaire, et de provision
- DECLARER PRESCRITE toute demande de rappel de salaire antérieurement au 5 août 2011,
- DEBOUTER M. [E] de sa demande d'expertise sur le fondement de l'article 146 du CPC,
- DIRE QUE les éventuels rappels de salaire ou provision resteront à la charge du GIE ou de la SAEM FDJ
- CONDAMNER au besoin la SAEM LA FRANCAISE DES JEUX à payer le rappel de salaire des salariés du 4 février 2009 jusqu'à leur licenciement, et/ou la provision sollicitée
2.EN TOUT ETAT DE CAUSE CONCERNANT LES SOCIETES [U]
et [V],
- CONSTATER l'émission des bulletins de paie et des avenants aux contrats de travail remis aux salariés intimés à compter du 15/10/2012 et jusqu'à la rupture des contrats de travail,
- CONSTATER que le lien de subordination effectif à compter du 15/10/2012 était exercé par les sociétés [U] jusqu'au 14/06/2016 puis par [V] à compter du 15/06/2016 et ce jusqu'à la rupture des contrats de travail,
- CONSTATER que les sociétés [U] puis [V] ont toujours été employeurs des salariés intimés à compter respectivement des 15/10/2012 et 15/06/2016, et qu'ils ne pouvaient l'ignorer,
EN CONSEQUENCE,
- REFORMER LA DECISION ENTREPRISE ET,
- DIRE N'Y AVOIR LIEU à aucune solidarité des sociétés [U] et [V] avec la SAEM la FDJ,
- DEBOUTER Monsieur [E] de sa demande de solidarité sur le fondement de l'article 1202 du code civil,
- DIRE qu'il ne peut y avoir de condamnation des sociétés [U] et [V] à des dommages et intérêts pour préjudice moral compte tenu de leur qualité déclarée d'employeurs, ni antérieurement au 15/10/2012, ni postérieurement,
- CONSTATER qu'il n'existe pas de preuve de quelconque préjudice à l'égard des salariés ni de faute de leur part,
EN CONSEQUENCE :
- CONFIRMER la décision en ce qu'elle a débouté M. [E] de ses demandes de rappel de salaires, d'expertise, de dommages et intérêts fondées sur les modifications de son contrat de travail, de ses demandes de dommages et intérêts fondée sur une fraude aux droits de représentation collective, de son préjudice de carrière, et du surplus de ses prétentions,
- DEBOUTER M. [E] de toute demande de dommages et intérêts pour préjudice moral, pour comportement déloyal, pour préjudice de carrière, pour modification de son contrat de travail et de ses conditions de travail, et pour fraude aux droits de représentation collective et plus généralement pour toute demande de dommages et intérêts, et enfin pour toutes ses demandeVU les dispositions des articles L1222-1 ; L 1224-1 et L 1224-2-2°, L 1226-6, L2331-1 ; L1233-4 ; L1233-5 et R1233-1 du Code du Travail ;
3. Sur le fond et le licenciement économique :
- CONSTATER l'absence de poste « disponible » au sens de l'article L 1233-45 du code du travail, et le CDD saisonnier de M. [S],
- REFORMER la décision en ce qu'elle a déclaré le licenciement de Monsieur [E] nul voire sans cause réelle et sérieuse et en ce qu'il a alloué à titre de dommages et intérêts 18.000 € et en ce qu'elle a alloué 500 € à titre d'indemnité pour non- respect de la priorité de réembauche,
- DIRE QUE LE licenciement de M . [E] a une cause économique réelle et sérieuse, et que la recherche de reclassement a été effectuée conformément au droit social,
- DEBOUTER M. [E] de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, et de sa demande d'indemnité pour non-respect de la priorité de réembauche,
- DEBOUTER Monsieur [E] de l'ensemble de ses demandes, y compris d'article 700 du CPC et des dépens,
- REFORMER la décision entreprise en ce qu'elle a condamné les sociétés [U] et [V] à rembourser à POLE EMPLOI les indemnités de chômage versées à M. [E] dans la limite de 6 mois, et en ce qu'elle a octroyé 2.500 € sur le fondement de l'article 700 du CPC,
EN TOUT ETAT DE CAUSE :
- DIRE n'y avoir lieu à rembourser POLE EMPLOI les indemnités de chômage versées,
- DEBOUTER Monsieur [E] de toutes ses demandes, fins et conclusions,
- CONDAMNER RECONVENTIONNELLEMENT, Monsieur [C] [E], in solidum avec Messieurs [Y], [Z], [D], [I], [M], [F], et Mesdames [N] et [W] à verser chacun :
- 1.000 € à la société [U],
- 1.000 € à la société [V]
A titre de dommages et intérêts pour préjudice moral, et toute cause de préjudice
confondu,
- 2.500 € à la société [U],
- 2.500 € à la société [V]
Sur le fondement de l'article 700 du CPC
- Les CONDAMNER in solidum aux entiers dépens
&
Vu les dernières conclusions remises au greffe par voie électronique le 7 mai 2020, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens et prétentions conformément à l'article 455 du code de procédure civile et aux termes desquelles M. [C] [E], relevant appel incident, demande à la cour de :
- Dire et juger Monsieur [C] [E] recevable et bien fondé en son appel incident,
- Dire et juger Monsieur [C] [E] recevable et bien fondé en toutes ses demandes, fins et conclusions,
- Dire et juger irrecevables et, en tout état de cause, infondées les sociétés FRANCAISE DES JEUX, [U] et [V] en leurs appels principaux comme incidents sur celui de Monsieur [E],
En conséquence :
- Débouter les sociétés FRANCAISE DES JEUX, [U] et [V] de l'intégralité de leurs demandes,
- CONFIRMER le jugement RG 16/00221prononcé en toutes ses dispositions, SAUF en ce qu'il a :
- Débouté Monsieur [E] de sa demande tendant à voir requalifier la rupture du contrat de travail en un licenciement nul et de sa demande indemnitaire afférente,
- Débouté Monsieur [E] de sa demande au titre :
- du rappel de salaires,
- des dommages et intérêts, fondée sur les modifications du contrat de travail,
- des dommages et intérêts, fondée sur une fraude aux droits de représentation collective,
- Limité à la somme de 35 600 euros les dommages et intérêts en réparation du préjudice moral subi du fait du comportement déloyal des 3 entités envers le salarié,
- Limité à la somme de 18 000 euros l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- Limité à la somme de 10 000 euros les dommages et intérêts pour non-respect de la priorité de réembauche.
Puis, statuant à nouveau,
AVANT DIRE DROIT,
Condamner la FRANCAISE DES JEUX à verser aux débats, sous astreinte de 1000 € par jour :
- Copie de tout acte de cession, rachat, reprise de la convention de courtage que le GIE Centre a pu signer avec la succession [A], laquelle d'ordre public doit viser le transfer social du personnel,
- Copie intégrale du contrat l'unissant à Monsieur [B] et à la société [U] dont il est le dirigeant, actuel courtier auquel la FRANCAISE DES JEUX a entendu rattacher socialement les concluants,
- Copie de l'ensemble des éléments relatifs au niveau de rémunération du personnel FRANCAISE DES JEUX et tous avantages perçus par eux, prévus par le statut collectif de l'entreprise,
- Copie de toutes les factures afférentes au nettoyage de ses locaux ou de tous contrats de travail des personnes qu'elle emploie à ce titre,
- Ordonner le cas échéant expertise judiciaire telle que détaillée ci-dessous tout en accordant provisions telles que détaillées,
AU SURPLUS, AU FOND,
I - Sur la qualité d'employeur de la FRANCAISE DES JEUX et le co-emploi,
1 - Condamner la société LA FRANCAISE DES JEUX à verser à Monsieur [C] [E] un rappel de salaire pour la période écoulée depuis le 4 février 2009 et jusqu'à la fin de la relation de travail en 2016, correspondant à la différence entre le montant de la rémunération qu'il a perçu depuis cette date et celle qu'il était en droit de percevoir en tant que salarié de LA FRANCAISE DES JEUX, dont le montant est à parfaire, au vu des éléments dont il est sollicité la communication sous astreinte,
LE CAS ECHEANT AVANT DIRE DROIT DESIGNER TEL EXPERT EN PAYE POUVANT ETRE EXPERT COMPTABLE VU LA COMPLEXITE DU PROBLEME AVEC POSSIBLITE DE SE FAIRE COMMUNIQUER TOUTES PIECES UTILES DONT LA GRILLE DES SALARIES EN VIGUEUR AU SEIN DE LA FDJ,
ACCORDER ALORS PROVISION DE 25000 EUROSA MONSIEUR [E] LUI PERMETTANT A LA FOIS DE RECEVOIR PREMIERE INDEMNISATION ET DE FAIRE FACE A LA PROVISION SUR EXPERTISE,
A DEFAUT D'EXPERTISE AVANT DIRE DROIT, FIXER A 100000 EUROS, A PARFAIRE AU VU DES ELEMENTS DU STATUT COLLECTIF FDJ DONT IL EST SOLLICITES LA COMMUNICATION, LE COMPLEMENT A VERSER A MONSIEUR [E],
2 - Condamner solidairement les sociétés FRANCAISE DES JEUX, [V] et [U], aux droits de laquelle vient aujourd'hui [V], à verser à titre de dommages et intérêts en réparation des préjudices subis du fait du comportement déloyal de ces entités envers Monsieur [C] [E], la somme de 70.000 € nette de CSG CRDS,
A défaut,
- Confirmer le jugement prononcé le 1.08.2019, RG n° F 16/00221, en ce qu'il a condamné solidairement les sociétés FRANCAISE DES JEUX, [U] et [V] à verser à Monsieur [C] [E] une somme de 35 600 € à titre de dommages et intérêts en réparation des préjudices subis du fait du comportement déloyal des entités,
3 - Condamner solidairement les sociétés FRANCAISE DES JEUX, [V] et [U], aux droits de laquelle vient aujourd'hui [V], à verser la somme de 6.000 € nets de CSG CRDS à Monsieur [C] [E] à titre de dommages et intérêts en réparation des préjudices subis du fait des modifications de son contrat et de ses conditions de travail,
4 - Condamner les mêmes à indemniser Monsieur [C] [E] du préjudice découlant de la fraude aux droits de représentation collective soit 7000 €, nette de CSG CRDS et de toute autre charge sociale,
II. Sur le licenciement notifié par [V] à M. [E]
AU PRINCIPAL
- Dire et juger que le licenciement notifié à M. [E] est nul,
En conséquence,
- Condamner solidairement les sociétés FRANCAISE DES JEUX, [V] et [U], aux droits de laquelle vient aujourd'hui [V], à verser à Monsieur [E] la somme de 45.000 € nets de CSG CRDS à titre d'indemnité pour licenciement nul,
A TITRE SUBSIDIAIRE
- Confirmer le jugement prononcé le 1.08.2019, RG n° F 16/00221, en ce qu'il a dit et jugé que le licenciement notifié à M. [E] est dépourvu toute de cause réelle et sérieuse,
En conséquence,
- Condamner solidairement les sociétés FRANCAISE DES JEUX, [V] et [U], aux droits de laquelle vient aujourd'hui [V], à verser à Monsieur [E] la somme de 45.000 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
A défaut,
- Confirmer le jugement prononcé le 1.08.2019, RG n° F 16/00221, en ce qu'il a condamné les sociétés FRANCAISE DES JEUX, [U] et [V] à verser à Monsieur [C] [E] une somme de 18 000 € à titre de dommages et intérêts en réparation des préjudices subis du fait du comportement déloyal des entités,
III. En toutes hypothèses,
- Condamner solidairement les sociétés FRANCAISE DES JEUX, [V] et [U], aux droits de laquelle vient aujourd'hui [V], à verser à Monsieur [E] une somme de 10 000 € à titre d'indemnité pour non-respect de la priorité de réembauche,
- Confirmer le jugement prononcé le 1.08.2019, RG n° F 16/00221, en ce qu'il a condamné les sociétés FRANCAISE DES JEUX, [U] et [V] à verser à Monsieur [C] [E] une somme de 2 500 euros au titre des frais irrépétible de première instance, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- Condamner en outre solidairement les sociétés FRANCAISE DES JEUX, [V] et [U], aux droits de laquelle vient aujourd'hui [V] à verser à Monsieur [C] [E], au titre des frais irrépétibles exposés au stade de l'appel, la somme de 12500 €, de l'article 700 du code de procédure civile,
- Condamner solidairement les sociétés FRANCAISE DES JEUX, [V] et [U], aux droits de laquelle vient aujourd'hui [V], aux entiers dépens,
- Débouter les sociétés FRANCAISE DES JEUX, [V] et [U], aux droits de laquelle vient aujourd'hui [V], de toutes demandes plus amples ou contraires,
&
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 12 mai 2022.
MOTIFS DE LA DECISION
- Sur le transfert de l'activité de distribution des jeux de la FDJ de l'intermédiaire
L'article L.1224-1 du code du travail prescrit au repreneur d'une activité de reprendre les emplois qui y sont attachés : 'Lorsque survient une modification dans la situation juridique de l'employeur, notamment par succession, vente, fusion, transformation du fonds, mise en société de l'entreprise, tous les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l'entreprise. '
Aux termes de l'article L.1224-2 du même code, 'Le nouvel employeur est tenu, à l'égard des salariés dont les contrats de travail subsistent, aux obligations qui incombaient à l'ancien employeur à la date de la modification, sauf dans les cas suivants :
1° Procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire ;
2° Substitution d'employeurs intervenue sans qu'il y ait eu de convention entre ceux-ci.
Le premier employeur rembourse les sommes acquittées par le nouvel employeur, dues à la date de la modification, sauf s'il a été tenu compte de la charge résultant de ces obligations dans la convention intervenue entre eux.'
Selon la Cour de cassation, les dispositions de l'article L.1224-1 du code du travail, interprété à la lumière de la Directive n° 2001/23/CE du 12 mars 2001, sont applicables en cas de transfert d'une entité économique autonome qui conserve son identité et dont l'activité est poursuivie ou reprise. Constitue une entité économique autonome un ensemble organisé de personnes et d'éléments corporels ou incorporels permettant l'exercice d'une activité économique qui poursuit un objectif propre (Soc. 23 octobre 2007, pourvoi n° 06-45.289 publié au bulletin) .
Le transfert d'une entité économique autonome ne s'opère que si des moyens corporels ou incorporels significatifs et nécessaires à l'exploitation de l'entité sont repris, directement ou indirectement, par le nouvel exploitant et que l'activité se maintient ou se poursuit ( Soc. 17 décembre 2013, pourvoi n°12-13.503).
Au cas particulier, l'existence d'une entité économique autonome, consistant dans l'activité de distribution des jeux de la FDJ sur un secteur géographique déterminé en qualité d'intermédiaire entre la SAEM La Française des Jeux et les détaillants agréés, et de son transfert de plein droit dans les conditions de l'article L.1224-1 du code du travail, ne sont pas contestés par les parties.
La cour constate, au demeurant, à chaque changement d'exploitant, la reprise de divers moyens corporels ( reprise des locaux, de véhicules, du matériel tels que les machines, le mobilier, présentoirs, livrets de jeux ou l'informatique) et incorporels (le droit exclusif d'exercer cette activité résultant d'un contrat commercial conclu avec la SAEM La Française des Jeux), éléments significatifs et nécessaires à l'exploitation de cette entité économique autonome.
Sont en débat la question des conséquences de l'application des dispositions de l'article L.1224-1 du code du travail, au regard de celles de l'article L.1224-2 du code du travail, entre les exploitants successifs de cette entité économique autonome, la SAEM La Française des Jeux étant recherchée en qualité d'employeur ou de coemployeur des salariés affectés à cette entité économique autonome exploitée initialement par M. [A], courtier-mandataire, lié à la SAEM La Française des Jeux par un contrat de mandat de 1991.
- Sur la qualité d'employeur et de coemployeur et la mise hors de cause de la SAEM La Française des Jeux et la demande en paiement d'un rappel de salaires
Les salariés soutiennent que la SAEM La Française des Jeux est l'employeur véritable du personnel engagé par les courtiers mandataire ou responsables de secteur, ces derniers n'ayant aucune marge de manoeuvre dans l'exercice de leur activité et se contentant de répercuter les consignes et directives très précises de la SAEM La Française des Jeux en l'état à son personnel, les courtiers mandataires étant pilotés par la filiale Française de Patrimoine. Quel que soit le montage juridique de l'exploitation, la SAEM La Française des Jeux apparaît comme employeur ou coemployeur. Elle définit l'organisation du travail et le contenu des fonctions du personnel, assure la formation du personnel, fournit le matériel dont les véhicules, les équipements informatiques, et contrôle les performances commerciales des salariés, l'établissement de stockage et centre de paiement est un établissement de la Française des Jeux. La SAEM La Française des Jeux, en organisant son réseau de distribution, vide de leur substance les contrats commerciaux passés avec ses responsables de secteur ou courtiers mandataires et orchestre, par le biais de ces conventions, la gestion du personnel de ces entreprises. Les salariés se voient imposer leur nouvel employeur, sans signer d'avenant.
M. [C] [E] soutient que sur toute la période, la SAEM La Française des Jeux a été soit l'employeur direct des salariés, particulièrement entre février 2009 et octobre 2012, le GIE région Centre n'ayant pas d'existence légale à défaut de comporter deux membres et a été maintenu fictivement, la résiliation des lignes téléphoniques étant opérée. La Française des Jeux a repris en réalité l'activité de M. [A] à son décès et a géré le personnel, dont la politique salariale, et validait les comptes de la 'tutelle [A]'.
Il ajoute qu'à compter du 15 octobre 2012 et jusqu'à la fin de la relation contractuelle, la SAEM La Française des Jeux a été coemployeur des sociétés [U] et [V], celles-ci, employeurs en titre, n'étant que des sociétés écrans dans un montage douteux et opaque qui s'est exercé en fraude des droits des salariés et à leur préjudice ceux-ci étant placés dans une incertitude de la réalité de leur situation. La SAEM La Française des Jeux agit comme employeur à l'égard du personnel. Est caractérisée une triple confusion d'activité, d'intérêt et de direction entre les sociétés et la SAEM La Française des Jeux, permise par la situation de monopole d'Etat et l'organisation de toute l'activité de ses intermédiaires.
Il fait valoir que c'est après la saisine de la juridiction prud'homale que le GIE région Centre a cessé toute activité, celle-ci étant reprise, le 15 octobre 2012, par la société [U], créée à cet effet et gérée par M. [B], dans le cadre d'un contrat d'exploitation signée avec la SAEM La Française des Jeux et qu'a ensuite été orchestrée la reprise par la société [V], également gérée par M. [B] et la prétendue fusion des deux entités afin de faire échec aux droits en matière de représentation collective.
La SAEM La Française des Jeux rappelle l'absence de dirigeants communs et de liens capitalistiques avec les SNC [U] et [V]. Elle soutient que ses interventions s'inscrivent dans le cadre des contrats commerciaux qui la lient aux mandataires, lesquels conservent la complète maîtrise de la gestion de leur personnel pour l'exercice de l'activité. Elle soutient que l'activité consistant en une entité économique autonome se trouve transférée de plein droit aux différents repreneurs, GIE de la tutelle Reuillon région Centre, société [U] et [V], sans besoin d'un avenant et que les salariés ne démontrent pas l'existence d'un lien de subordination de sa part, ni que les conditions du coemploi sont réunies, qu'il s'agisse de la triple confusion d'activité, d'intérêt et de direction, et de l'existence d'une immixtion permanente de sa part dans leur gestion sociale et économique aboutissant à priver ces intermédiaires de toute autonomie. Son intervention se limite à fournir les moyens et les matériels aux prestataires indépendants dans le cadre de l'animation de sa politique commerciale et à vérifier le respect de ces consignes pour sa politique et son image.
Les SNC [U] et [V] soutiennent que la situation de coemploi n'existe pas, il est rappelé l'absence de dirigeants communs et de liens capitalistiques avec la SAEM La Française des Jeux. Les sociétés [U] et [V] disposent de leur structure administrative et comptable et sont autonomes financièrement et dans leur gestion. La SAEM La Française des Jeux n'a jamais fourni directement de travail à M. [C] [E] ou tout autre salarié, ni payé directement une rémunération ou contrôlé l'exécution de son travail par le salarié qui n'était pas placé sous son autorité. Il faut distinguer la gestion de l'activité de distribution commerciale des produits FDJ organisée par le mandant et la gestion du personnel dédié à cette activité et prendre en compte l'autonomie financière et d'organisation propre à chaque mandataire pour exécuter son mandat.
Elles ajoutent qu'elles ne peuvent être concernées par les demandes afférentes à la période antérieure au 15 octobre 2012, en l'absence de toute convention avec le GIE région Centre pour la reprise de l'entité économique autonome (article L.1224-2 2° du code du travail ), la société [U] n'existant même pas à cette période. Elle oppose la prescription de trois ans pour la demande en paiement de salaire au titre du statut FDJ.
Les deux sociétés contestent toute fraude, le montage étant clair, avec deux secteurs géographiques distincts, deux structures juridiques distinctes liés à la SAEM La Française des Jeux par des contrats commerciaux, en qualité de courtier mandataire, ou de contrats d'exploitation temporaire. Chaque salarié a été informé du transfert de l'activité avec ou sans modification de leur contrat de travail et proposition d'un avenant en cas de modification, les bulletins de salaire et avenants étant sans ambiguité sur l'identité de l'employeur. La société [U] maintient son existence en raison de la procédure en cours. Il ne peut être retenu aucune faute à leur endroit, ni au titre d'un préjudice moral, ni au titre des droits à la représentation collective, en l'absence d'effectifs et de demande de constitution d'une UES.
***
L'existence d'une relation de travail ne dépend ni de la volontée exprimée par les parties, ni de la dénomination qu'elles ont donnée à leur convention, mais des conditions de fait dans lesquelles s'exerce l'activité du salarié et de l'existence d'un lien de subordination. Le lien de subordination est caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné (Soc., 29 juin 2022, pourvoi n° 20-15.062 ).
Il appartient au salarié de démontrer l'existence d'un lien de subordination de la SAEM La Française des Jeux à son égard à compter du décès de M. [A].
Au cas particulier, il apparaît qu'au cours de cette période de février 2009 à octobre 2012, les salariés ont exécuté leur prestation et perçu leur rémunération, aucune contestation n'étant émise sur ce point, le GIE des courtiers mandataires FDJ région Centre ou M. [O] n'ayant d'ailleurs pas été attraits à la procédure.
Il résulte du contrat de courtier mandataire signé entre la SAEM La Française des Jeux et M. [A] le 7 février 1991, en son article 3, que ce dernier agit au nom et pour le compte de La Française des Jeux auprès des détaillants inscrits sur des listes figurant en annexes et qu'il s'oblige à diffuser des produits précis visés au contrat qu'il se voit confier en exclusivité, la Française des Jeux se réservant le droit de ne pas confier au courtier mandataire la distribution de produits nouveaux qu'elle pourrait décider de distribuer par tout autre canal et le droit de cesser toute commercialisation d'un ou plusieurs produits existants. Ce contrat précise que les courtiers agissent comme tels lorsqu'ils rapprochent la Française des Jeux des détaillants et en qualité de mandataire de la Française des Jeux lorsqu'ils agissent au nom et pour le compte de celle-ci.
Il résulte de l'article 2 de ce même contrat qu'il est conclu intuitu personae, en sorte qu'il est résilié de plein droit notamment en cas de décès du courtier mandataire, les héritiers ou ayants droit pouvant présenter trois personnes physiques de leur choix à l'agrément de La Française des Jeux.
Il résulte de l'article 11 de ce même contrat relatif à la résiliation, qu'en cas de résiliation pour cause de décès, les fonctions du courtier mandataire sont assurées par le GIE qui assume la charge et les obligations du contrat, sans aucune indemnité du fait de cet intérim, le GIE percevant les commissions inhérentes au contrat.
Le fait que les héritiers de M. [A] n'aient pas proposé à la SAEM La Française des Jeux de personnes susceptibles de reprendre le contrat de courtier en application de l'article 2 n'est pas un fait tangible, une telle présentation étant une simple possibilité, la cour d'appel n'étant en possession d'aucun élément justifiant cette situation dont il ne peut rien être conclu.
Conformément aux clauses du contrat de courtier mandataire, la reprise de l'activité a été dévolue au GIE des Courtiers mandataires FDJ Région Centre auquel était rattaché M. [A], ainsi que cela résulte des pièces de la procédure et notamment de la lettre adressée aux détaillants du secteur de M. [A] le 6 février 2009 , ce document étant établi et signé par le GIE Région centre (pièce 4-1 salariés). Dans une telle configuration, il n'apparaît pas que la signature d'un nouveau contrat commercial avec le GIE région Centre était requise et qu'il pourrait se déduire de l'absence de signature d'un tel contrat la preuve de la reprise de l'activité en propre par la SAEM La Française des Jeux.
La mention sur cet écrit ' La Française des Jeux via le GIE Centre reprend l'activité' de M. [A] ne constitue pas un aveu ou même la preuve que la SAEM La Française des Jeux venait aux droits de M. [A] mais tend à informer les détaillants de l'organisation de l'activité de ce dernier à la suite de son décès, pour leur permettre de 'poursuivre la commercialisation des jeux de la Française des Jeux sans perturbation excessive' .
Le fait que le GIE des Courtiers mandataires FDJ Région Centre n'ait plus comporté en son sein qu'un seul membre avec la survenance du décès de M. [A], fait de nature à interférer sur son mode de fonctionnement, est sans incidence sur la caractérisation de la qualité d'employeur de la SAEM La Française des Jeux à l'égard du salarié, cette qualité dépendant des circonstances de fait sur l'existence d'un lien de subordination.
La cour d'appel relève, par ailleurs, que M. [O], était le cas échéant, susceptible d'être employeur de fait dès lors qu'il en a exercé les attributions et qu'il a repris l'entité économique autonome. Ce qui résulte des pièces.
Le GIE des Courtiers mandataires FDJ Région Centre, qui n'avait pas fait l'objet d'une dissolution, a fonctionné, sous la direction de M. [O], courtier et responsable de la tutelle mise en place au décès de M. [A] sous le libellé 'GIE Centre Tutelle JM REUILLON', pendant la période de février 2009 à octobre 2012, date de reprise de l'activité par la SNC [U], la lettre adressée le 21 avril 2009 aux sociétés de téléphonie pour résilier les lignes ouvertes au nom du GIE ne pouvant suffire à caractériser toute cessation d'activité de sa part (pièce 12 des salariés ), alors que la preuve de son activité résulte de différentes pièces de la procédure, lesquelles confirment également que le GIE région centre avait la qualité d'employeur des salariés : des bulletins de paie des différents salariés parties au litige établis à son nom, des courriers émanant du GIE, particulièrement une lettre du 12 avril 2010 à son nom, signée de son gérant M. [O], adressée à des salariés, leur rappelant sa qualité d'employeur et leur apportant des réponses sur l'octroi de primes pour l'exercice 2009 et des augmentations consenties au mérite pour l'exercice 2010 (pièce 8 FDJ), demande de formation des collaborateurs présentée auprès de la FDJ (pièces 39 et s.), courriel du 28 septembre 2012 faisant état de sa remise à M. [B], gérant de l'entreprise succédant au GIE région Centre, des bulletins de paie et des contrats de travail des collaborateurs (pièce 18-4) ou encore un courrier du 28 décembre 2012 confirmant la cessation de toute activité du GIE région Centre à la suite de la cessation d'activité du GIE Centre Tutelle JM [A] le 14 octobre précédent (pièce 7) . Sont également produits différents échanges de la SAEM La Française des Jeux avec M. [O], agissant en qualité de gérant de tutelle, ayant trait à l'organisation et au fonctionnement de l'activité commerciale de distribution des produits FDJ auprès des détaillants, confirmant l'exercice par le GIE Région centre de cette fonction d'intermédiaire (pièces 18 et s, envoi des comptes pour validation, dispense de caution pour certaines enseignes, information sur des campagnes de jeux et livraison de matériel...) .
Sur ce point, il ne résulte pas des pièces produites devant la cour la caractérisation d'un lien de subordination de la SAEM La Française des Jeux à l'égard de M. [C] [E] ou de tout autre salarié par la fourniture directe de directives ou qu'elle se serait substituée à M. [O] dans ses rapports avec le personnel.
La cour d'appel relève tout d'abord que le contrat commercial liant M. [A] à la SAEM La Française des Jeux mentionne que le courtier mandataire organise librement son activité de courtier mandataire. Celui signé le 15 octobre 2012 avec la société [U] mentionne, en son article 14, l'indépendance de l'intermédiaire qui assume seul l'entière responsabilité liée à l'exécution de l'ensemble des missions qui lui sont confiées au titre du contrat d'exploitation, sans lien de subordination avec La Française des Jeux et, en son article 15 relatif au personnel de l'intermédiaire, que celui-ci recrute, encadre, et rémunère seul les membres de son personnel, qu'il assure directement la direction, la discipline et la sécurité du personnel. Il est précisé que l'intermédiaire s'engage à mobiliser des professionnels dotés de compétences et de l'expérience nécessaires pour assurer une prestation de qualité mais également qu'il définit seul le nombre et le profil des membres de l'équipe qu'il affectera à chaque mission.
Il ne peut être déduit de la lettre précitée du 6 février 2009 mentionnant une reprise de l'activité de M. [A] par 'la Française des Jeux via le GIE Centre'que la SAEM La Française des Jeux a exercé aux lieu et place du GIE des Courtiers mandataires FDJ Région Centre, signataire de ce document, le pouvoir de direction et de sanction sur le personnel salarié de M. [A] qui passait au service de la nouvelle entité en application de l'article L.1224-1 du code du travail.
Les échanges de courriels entre M. [O] agissant en qualité de gérant de la tutelle JM [A] et de la SAEM La Française des Jeux portant sur la fourniture et l'entretien des véhicules professionnels dont le véhicule de fonction de M. [A] utilisé par M. [O] (pièces 16 et s. Des salariés, pièces 32-2) révèlent que la SAEM La Française des Jeux mettait à la disposition de M. [A] et de son successeur la flotte de véhicules nécessaires à l'exercice de l'activité, sans qu'on puisse en déduire un quelconque lien de subordination entre les salariés et la SAEM La Française des Jeux.
Il n'est produit aucun élément établissant que M. [O] aurait appliqué aux salariés des consignes ou des ordres émanant de la SAEM La Française des Jeux dans l'exercice quotidien de leurs fonctions, que celle-ci aurait assuré la gestion du personnel (planning , horaires) et notamment le pouvoir de recrutement ou disciplinaire et qu'elle se serait ainsi substituée à M. [O] dans l'exercice de ses fonctions d'employeur qui lui étaient dévolues dans le cadre de la tutelle JM [A].
Les différents échanges entre la SAEM La Française des Jeux et M. [O] invoqués par le salarié relèvent d'une pratique commerciale entre sociétés, certes très encadrée par le mandant et révélant en effet des liens étroits entre celui-ci et les mandataires mais se justifiant par la nature de l'activité et le monopole d'Etat, et afin de maîtriser et garantir une distribution et une offre des produits de La Française des Jeux identiques sur tout le territoire national.
La transmission des tableaux de performance des commerciaux ou des différents mandataires (pièces 26) ou les échanges sur des incidents de paiement concernant les détaillants agréés et la suspension ou réouverture de leur droit à vendre les produits de La Française des Jeux (pièces 35 et suivantes) ne correspondent pas à des instructions données par la SAEM La Française des Jeux aux salariés eux-mêmes mais concernent leur employeur, le gérant de la tutelle JM [A], en sa qualité de courtier mandataire, démontrent que la SAEM La Française des Jeux encadre strictement l'activité de distribution de ses produits et veille ainsi à ses intérêts commerciaux.
Le courriel du 28 septembre 2012 de M. [O] interrogeant La Française des Jeux sur la répartion du paiement d'heures supplémentaires pour les périodes antérieure et postérieure au 15 octobre 2012 ne démontre pas que celle-ci gérait le temps de travail des salariés, mais s'analyse comme un questionnement d'un dirigeant, dont l'activité est reprise par une autre entreprise sans interruption, de la gestion des opérations financières et comptables sur cette période de transition (pièce 18-4). Cet échange relève de l'organisation de l'activité commerciale entre les deux mandataires.
Il résulte de ces éléments qu'il n'est pas démontré que la SAEM La Française des Jeux avait la qualité d'employeur de M. [L] [K] [Y] pour la période du 9 février 2009 au 15 octobre 2012, le jugement devant être infirmé.
Il ne pourrait pas davantage être retenue une situation de coemploi, les conditions n'étant pas réunies pour les raisons suivantes.
La Cour de cassation a dit pour droit, au visa de l'article L.1221-1 du code du travail que, hors l'existence d'un lien de subordination, une société faisant partie d'un groupe ne pouvait être considérée comme un coemployeur, à l'égard du personnel employé par une autre, que s'il existait entre elles, au-delà de la nécessaire coordination des actions économiques entre les sociétés appartenant à un même groupe et de l'état de domination économique que cette appartenance pouvait engendrer, une confusion d'intérêts, d'activités et de direction se manifestant par une immixtion dans la gestion économique et sociale de cette dernière (Soc., 2 juillet 2014, n° 13-15.209 et s., Bull. 2014, V, n° 159, Molex ; Soc., 6 juillet 2016, n° 14-27.266 et s., Bull. 2016, V, n° 146, Continental ; Soc., 6 juillet 2016, n° 14-26.541, Bull. 2016, V, n° 145, Proma ; Soc., 6 juillet 2016, n° 15-15.481 à 15-15.545, Bull. 2016, V, n° 147, 3 Suisses).
Par un arrêt publié du 25 novembre 2020, elle a précisé les critères applicables en matière de coemploi et dit que, hors l'existence d'un lien de subordination, une société faisant partie d'un groupe ne peut être qualifiée de coemployeur du personnel employé par une autre que s'il existe, au-delà de la nécessaire coordination des actions économiques entre les sociétés appartenant à un même groupe et de l'état de domination économique que cette appartenance peut engendrer, une immixtion permanente de cette société dans la gestion économique et sociale de la société employeur, conduisant à la perte totale d'autonomie d'action de cette dernière ( Soc., 25 novembre 2020, pourvoi n° 18-13.769 publié). Cette définition a été confirmée récemment (Soc., 28 septembre 2022, pourvoi n° 20-21.155 et s.)
Rien n'exclut la possibilité d'un coemploi entre sociétés n'appartenant pas à un groupe de sociétés dès lors que l'une s'immiscerait de manière permanente dans la gestion économique et sociale d'une autre, aboutissant à sa perte totale d'autonomie.
Il n'est pas contesté que sur cette période, les sociétés [U] puis [V] sont apparues comme les employeurs 'officiels' des salariés, cette situation étant confirmées par les bulletins de salaire produits établis au nom de ces sociétés et de correspondances avec les salariés portant sur des décisions de réorganisation de l'activité prises par leur gérant, M. [B], quant au changement de lieu de travail (pièces 49-G, 50-B par exemple).
Pour les motifs précédemment développés relatifs aux consignes prescrites par La Française des Jeux relevant des échanges commerciaux entre des sociétés liées par des contrats de mandat dont ceux des 15 octobre 2012 et 30 mars 2015, il ne peut être retenu que la SAEM La Française des Jeux aurait exercé au cours de cette seconde période un pouvoir de subordination sur les salariés.
S'agissant de la seconde hypothèse de coemploi, la cour d'appel ne peut que constater que la preuve d'une immixtion permanente de la SAEM La Française des Jeux dans la gestion économique et sociale des sociétés [U] et [V] conduisant à leur perte totale d'autonomie n'est pas rapportée.
S'agissant de la triple confusion d'intérêts, d'activité et de direction, elle n'est pas caractérisée, la situation de monopole d'Etat de la SAEM La Française des Jeux sur la commercialisation des jeux de loterie et de paris sportifs, son organisation centralisée et la coordination des actions commerciales et l'étroitesse des liens commerciaux qu'il induit ne permettant en eux-mêmes de retenir l'existence d'un coemploi, les intermédiaires, bien que tenus de se conformer à la politique commerciale définie contractuellement, restant libres de contracter ou non avec la SAEM La Française des Jeux, puis de gérer et d'administrer librement leur société ou entité.
S'il y a des intérêts communs, les activités de la SAEM La Française des Jeux et des sociétés [U] et [V] sont distinctes et il ne peut être retenu une confusion de direction, les gérants de sociétés ou les courtiers conservant la maîtrise de l'organisation de leur propre structure et particulièrement la gestion sociale de leur personnel.
L'utilisation de matériels sérigraphiés FDJ ou de cartes de visite mentionnant les liens avec la Française des Jeux est compatible avec le statut de mandataire de cette société et les fonctions de représentation de la SAEM La Française des Jeux auprès des détaillants.
L'immixtion invoquée et les pièces produites relèvent des relations commerciales librement consenties, une domination d'une société sur une autre étant admise sans pour autant caractériser le coemploi dès lors qu'elle n'aboutit pas à une immixtion permanente de la première sur la gestion économique de la seconde qui se trouverait ainsi privée de toute autonomie.
La cour ne constate, par ailleurs, aucun élément d'immixtion dans la gestion sociale des sociétés [U] puis [V], notamment en matière de recrutement ou de départ, de salaires, primes ou commissions, régimes sociaux, évolution de carrière.., pas même occasionnelle. En outre, les correspondances avec les salariés portant sur la relation de travail sont à l'entête de la société [U] ( courrier du 11 octobre 2012 et du 23 avril 2014 , pièces 1 et s, 11, 12 et s de [U], par exemple). La clause du contrat d'exploitation du 15 octobre 2012 (article 15 précitée) précisant que la gestion du personnel reste l'affaire de l'intermédiaire n'est pas utilement contredite par les salariés.
Ainsi, la société [U] a décidé, au printemps 2014, de réduire la surface du local commercial en transférant l'activité du site de la [Localité 10] [13] sur le site d'[Localité 9] et de réorganiser la partie administrative de son activité par un regroupement à [Localité 7] en Eure et Loir. C'est elle qui informe les salariés (pièce 9, 10 Sociétés [U] et [V]).
Cette réorganisation aboutit notamment à proposer à la salariée chargée du nettoyage des locaux une réduction de son temps de travail puis à son licenciement en raison de son refus et à la décision d'externaliser cette prestation (pièce 23, 24, 27 Sociétés [U] et [V]) .
Les salariés exerçant des fonctions administratives se voient proposer par la société [U] une modification de leur contrat de travail le 23 avril 2014 dans le cadre de l'article L.1222-6 du code du travail ( pièces 11, 12 Sociétés [U] et [V]).
Ces décisions, dont rien n'établit qu'elles résultent de la volonté de la SAEM La Française des Jeux qui aurait capté les prérogatives de la société [U] attachées à sa condition d'employeur qu'elle-même revendique (pièces 16, 18 des Sociétés [U] et [V]), attestent que le mandataire est resté décideur de son organisation et de ses choix de gestion et n'a pas perdu son autonomie.
Il n'est pas plus démontré que l'organisation d'une réunion le 25 septembre 2017 par la SAEM La Française des Jeux ayant pour objet la mise en place d'une nouvelle forme d' organisation commerciale entraînant l'application de nouvelles procédures commerciales et financières auprès des intermédiaires et des détaillants aurait emporté immixtion dans la gestion sociale de l'entreprise.
Le fait de passer au service d'un employeur à un autre au gré des signatures des contrats de courtier ou d'exploitation ne caractérise pas une immixtion dans la gestion sociale des sociétés de la part de la SAEM La Française des Jeux, mais résulte de l'application de la loi et du caractère d'ordre public de l'article L.1224-1 du code du travail, étant rappelé que la signature d'un avenant n'était pas nécessaire et que les salariés n'ignoraient pas pour le compte de quelle société ou structure ils exécutaient leur prestation, les bulletins de salaire mentionnant précisément l'employeur.
Il résulte de ces éléments qu'une immixtion permanente de la SAEM La Française des Jeux dans la gestion économique et sociale des sociétés [U] et [V], tout comme dans celle du GIE des courtiers mandataires FDJ région Centre avant elle, aboutissant à leur totale perte d'autonomie n'est pas établie.
Ainsi, il ne peut être retenu la qualité de coemployeur de la SAEM La Française des Jeux en l'absence de tout lien de subordination direct à son égard et de preuve d'une immixtion permanente dans la gestion sociale et économique de ses employeurs aboutissant à les priver de toute autonomie.
Le jugement doit être infirmé.
Dès lors, les demandes tendant à la production de pièces de la SAEM La Française des Jeux, ou d'expertise avant dire droit pour procéder à une évaluation de salaire dus au titre de la qualité de salarié de cette société assortie d'une provision ou à défaut en paiement d'un rappel de salaire doivent, par voie de confirmation du jugement entrepris, être rejetées.
- Sur la demande en paiement de dommages-intérêts pour préjudice moral :
Le salarié invoque un préjudice moral résultant d'un comportement déloyal dans l'exécution du contrat de travail tenant à la confusion entretenue par les trois sociétés quant l'identité de l'employeur par leur montage 'douteux' et un défaut d'information, le transfert des contrats de travail s'effectuant notamment sans signature d'avenant.
La cour rappelle tout d'abord qu'aucun avenant n'était requis en raison de l'application de plein droit des dispositions de l'article L.1224-1 du code du travail.
En l'absence de lien contractuel entre le salarié et la SAEM La Française des Jeux qui n'est pas reconnue employeur ou coemployeur, cette demande présentée contre cette dernière doit être rejetée.
Les sociétés [U] et [V] ne peuvent être concernées par la première période entre février 2009 et octobre 2012, en l'absence de toute convention entre la SNC [U] et le GIE Région Centre concernant la reprise de cette activité, en application de l'exclusion précisément visée par l'article L.1224-2 2° du code du travail, l'existence d'un contrat commercial à défaut d'être tripartite, la société [U] n'en étant pas signataire, ne pouvant opérer reprise des dettes par le nouvel employeur.
En outre, toujours sur cette période, il n'est pas contestable que les salariés étaient informés du décès de M. [A] et qu'ils ont été en contact, notamment épistolaires, avec M. [O], membre du GIE des courtiers mandataires FDJ région Centre, chargé de l'administration de la tutelle JM [A], ayant la qualité d'employeur sur cette période, les bulletins de salaire le mentionnant d'ailleurs explicitement. Aucune faute n'est caractérisée.
S'agissant de la période suivante et d'une demande recevable à l'égard des seules sociétés [U] et [V], la cour d'appel constate que les salariés ont été informés par le repreneur du changement d'employeur par lettre du 11 octobre 2012 pour le transfert entre le GIE et la société [U]. Les lettres échangées courant avril 2014 sur le changement de site entre [Localité 10] St Mesmin et [Localité 9] confirment également que les salariés identifiaient leur employeur en la personne de la société [U].
En ce qui concerne le passage au service de la société [V], formalisé par lettre du 13 juin 2016 et avenant à la suite de la résiliation du contrat d'exploitation temporaire de l'activité consentie à la société [U], il ressort des pièces que la société [V], représentée par son gérant, a été sélectionnée par la SAEM La Française des Jeux, dans le cadre de la réorganisation commerciale 'optimisée' qu'elle menait et rappelée aux différents contrats, pour reprendre le territoire géré jusqu'alors par la société [U], le contrat d'exploitation entre la SAEM La Française des Jeux et la société [V] signé le 30 mars 2015, emportant la fusion des secteurs d'activité exploités par les deux sociétés [U] et [V] dont M. [B] est le gérant. La SAEM La Française des Jeux a procédé à la résiliation de son contrat d'exploitation la liant à la société [U] par acte du 4 janvier 2016, avec effet rétroactif fixé au 30 mars 2015.
La circonstance que la SAEM La Française des Jeux et la société [U] aient décidé d'une résiliation avec effet rétroactif au 30 mars 2015, ce qui n'est pas une faute en soi, concerne les seuls rapports entre sociétés et est sans incidence sur la relation de travail, le transfert ne produisant ses effets qu'au jour où le nouvel exploitant est effectivement mis en mesure de diriger l'entreprise grâce au transfert des moyens d'exploitation.
Or, l'examen des circonstances de fait confirme que la société [U] a poursuivi son activité, le regroupement des secteurs et leur gestion commune n'étant opérés qu'en juin 2016, la société [U], étant toujours l'employeur des salariés, les bulletins de salaire de décembre 2015 la mentionnant toujours comme tel.
S'il est avéré que les salariés n'ont pas été informés, en son temps, de la signature par la société [V] du nouveau contrat d'exploitation temporaire du 30 mars 2015 pour le secteur du Loiret, cette situation, pour autant, n'a eu aucune incidence sur l'exécution du contrat de travail qui s'est poursuivie dans les mêmes conditions, avec un même interlocuteur pris en la personne de M. [B], gérant des sociétés, les salariés étant remplis de leurs droits, aucune demande n'étant formée au titre de l'exécution du contrat de travail. Il n'est pas démontré l'existence d'un préjudice.
Par voie d'infirmation du jugement entrepris, il convient de rejeter la demande en paiement de dommages-intérêts pour préjudice moral présentée par M. [C] [E].
- Sur la demande en paiement de dommages-intérêts pour atteinte aux droits de la représentation collective :
M. [C] [E] soutient que par les montages opérés, tout a été fait par les sociétés pour éviter une représentation du personnel, la structure du Loiret étant limitée à 10 salariés et le gérant des sociétés [U] et [V] étant invité à éclater ses structures. A la suite d'une demande de constitution d'une unité économique et sociale (UES) entre [Localité 12] et [Localité 6] où certains salariés étaient affectés depuis 2014 et la mise en place d'institutions représentatives du personnel, le gérant a décidé de procéder à la fusion des sociétés [U] et [V] alors que les conditions de constitution étaient réunies, le gérant ayant pris soin de licencier du personnel en 2016, dont un salarié qui avait été par le passé élu du personnel, pour diminuer les effectifs. L'employeur devait saisir le tribunal d'instance et organiser des élections, il y a délit d'entrave et atteinte aux droits de salariés qui avaient intérêt à être représentés compte tenu des modifications importantes dans le réseau de distribution.
Les conditions de constitution d'une UES, se caractérisant par une unité économique résultant de la concentration des pouvoirs de direction à l'intérieur d'un périmètre considéré ainsi que par la similarité ou la complémentarité des activités déployées par ses différentes entités et une unité sociale résultant de la similarité de statut social et des conditions de travail de la communauté des travailleurs pouvant se traduire par une certaine permutabilité des salariés, apparaissent réunies pour la période d'exercice d'une activité de distribution des produits de la FDJ par les sociétés [U] et [V] chacune sur un secteur, sous la réserve de la condition d'effectif requise pour la mise en place des institutions représentatives du personnel qui doit être appréciée au niveau de cet ensemble.
L'existence d'une UES peut être reconnue par accord collectif signé aux conditions de droit commun par les syndicats représentatifs ou par décision de justice.
Or, il résulte de la procédure que c'est seulement le 25 mai 2016 que les salariés ont écrit au gérant des sociétés [U] et [V] pour solliciter une telle constitution (pièce 63 des salariés). Si l'employeur pouvait, avant cette date, engager une négociation en vue de la constitution d'une UES, il n'y était pas tenu en l'absence de toute demande ou de saisine de la juridiction compétente en cette matière, en sorte qu'aucun manquement ne peut être retenu à l'encontre des sociétés [U] et [V] sur la période antérieure au 25 mai 2016.
Sur la période postérieure, le gérant des sociétés [U] et [V] n'a opposé aucun refus ; il a pris une décision qui a rendu la demande caduque, consistant à procéder à la fusion ou l'absorption des sociétés et au regroupement des activités relevant de son pouvoir de gestion. Cette décision est conforme aux contrats commerciaux les liant à la SAEM La Française des Jeux, le contrat d'exploitation temporaire consenti à la société [U] ayant été résilié en janvier 2016 par la SAEM La Française des Jeux au profit de la société [V], signataire d'un contrat d'exploitation temporaire le 30 mars 2015 pour les secteurs précédemment confié à [U] et celui de [V], son contrat de courtier mandataire ayant été résilié le 22 mai 2014 à effet au 23 octobre 2016, étant observé que le fait que la résiliation du contrat de [U] produise effet rétroactif dès le 30 mars 2015 ne concerne que les relations commerciales des trois sociétés et est sans incidence sur la réalité de la relation de travail qui n'a pas évolué avant 2016.
Il n'est pas établi enfin que la décision de licencier trois salariés courant juin 2016, intervenant après la décision de réunir les deux entités et proposition d'avenants au personnel de la société [U], avait pour objet de faire échec aux droits de la représentation collective, les effectifs comptabilisés postérieurement à ces licenciements étant de 14 salariés minimum, hors temps partiel ( registre du personnel , pièce 99 des sociétés [U] et [V]), la lettre adressée à la direccte le 13 juillet 2016 sur son projet de réorganisation visant jusqu'à 19 salariés (pièce 67). Une instrumentalisation n'est pas avérée.
Par voie de confirmation du jugement entrepris, il convient de rejeter la demande en paiement de dommages-intérêts présentée par M. [C] [E] à ce titre.
- Sur la demande en paiement de dommages-intérêts pour modification des conditions de travail et du contrat de travail
M. [C] [E] allègue une modification de ses attributions à compter de novembre 2014, sans son accord, ni signature d'un avenant et une modification de son lieu de travail, la contraignant à aller travailler à [Localité 7] en Eure et Loir et à partager un véhicule commun avec ses collègues. Il sollicite une somme totale de 6000 euros.
Les SNC [U] et [V] s'opposent à cette demande. Elles contestent un changement de fonction. M. [C] [E] a accepté le changement de lieu de travail.
M. [C] [E] , engagé en qualité d'employé commercial à temps plein, justifie d'un document non daté lui confiant des tournées logistiques (livraison de colis, dépannages consommables...) les mercredi, jeudi et vendredi. La SNC [V] se limite à faire valoir que la personne qui aurait notifié un changement de fonctions serait désignée par le salarié dans ses écritures comme étant 'M. [J]' qui n'est pas salarié de la société. Or, M. [C] [E] indique que c'est un supérieur hiérarchique nommé 'M. [P]' qui a notifié ce changement et il est acquis que cette personne faisait partie du personnel de la société Framarie, était coordinateur commercial et ainsi le supérieur hiérarchique de M. [C] [E]. En outre, la SNC [V] ne combat pas utilement le fait que cette affectation emporte changement de fonctions de M. [C] [E]. La cour d'appel retient une modification, au moins partielle, de ses fonctions.
Celui-ci ne démontre pas utilement en revanche la suppression alléguée d'une prime.
De même, il a accepté la modification de son lieu de travail intervenue en 2014 après l'envoi par la société [U] d'une proposition de modification de son contrat de travail sur le fondement de l'article L.1222-6 du contrat de travail sur laquelle il avait émis des réserves, sans pour autant opter ensuite pour un refus tel qu'il pouvait le faire.
Le préjudice en résultant pour M. [C] [E] sera justement réparé par l'octroi de la somme de 1000 euros, mise à la charge des sociétés [V] et [U]. Le jugement sera infirmé sur ce point.
- Sur la demande en nullité du licenciement pour motif économique
M. [C] [E] soutient la nullité de son licenciement au motif que son véritable employeur est la SAEM La Française des Jeux et que n'ayant jamais donné son accord pour voir son contrat de travail transféré à la SNC [U] puis à la SNC [V], celles-ci ne sont pas son employeur. En l'absence de lien juridique avec elles, son licenciement a été signé par une personne n'ayant pas autorité ni pouvoir pour cela. Enfin, le licenciement prononcé par les SNC [U] et [V] ne peut produire effet à l'égard du coemployeur.
La qualité d'employeur et coemployeur de la SAEM La Française des Jeux est écartée. Le transfert du contrat de travail de M. [C] [E] auprès des SNC [U] et [V] résulte de l'application de plein droit des dispositions d'ordre public de l'article L.1224-1 du code du travail en sorte que son accord préalable n'était pas requis et que le transfert est effectif. Le licenciement a ainsi été prononcé par des personnes ayant qualité, étant observé que la sanction d'une telle irrégularité n'est pas la nullité du licenciement.
Cette demande en nullité du licenciement doit être rejetée et le jugement confirmé sur ce point.
- Sur la cause réelle et sérieuse du licenciement économique
M. [C] [E] soutient que l'employeur ne justifie pas d'une cause réelle et sérieuse de licenciement économique, notamment en l'absence de concurrence, que la baisse d'un taux de commission ne peut constituer la menace pesant sur la compétitivité, le licenciement ayant pour objet de faire des économies et réduire ses charges et que son poste n'est pas supprimé.
La SNC [V] expose que ses conditions d'activité commerciale sont modifiées de manière très importante avec le changement opéré par la Française des Jeux qui la concerne directement, entraînant une modification totale des prestations et du taux de commissionnement avec baisse du chiffre d'affaires, obligeant à anticiper les modifications engendrées.
Selon l'article L.1233-3 dans sa version applicable au litige 'Constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques.'
La Cour de cassation y a ajouté notamment la réorganisation de l'entreprise. Celle-ci, si elle n'est pas justifiée par des difficultés économiques ou par des mutations technologiques, doit être indispensable à la sauvegarde de la compétitivité de l'entreprise ou du secteur d'activité du groupe auquel elle appartient. Cette notion n'implique pas l'existence au jour du licenciement de difficultés économiques mais une menace, qui peut tenir à l'évolution d'un marché, source des difficultés futures commandant des mesures d'anticipation.
La lettre de licenciement qui fixe les limites du litige évoque un projet de réorganisation nécessaire afin de sauvegarder la compétitivité de la société [V]. Elle fait référence à la résiliation de son contrat commercial par la SAEM La Française des Jeux à effet au 23 octobre 2016 avec conclusion d'un nouveau contrat à des conditions aboutissant à une diminution du chiffres d'affaires, la conduisant à absorber la SNC [U] afin de réduite ses coûts et à supprimer des postes, des fonctions identiques étant occupées par plusieurs salariés au sein des deux sociétés.
Il appartient à l'employeur de démontrer le caractére réel et sérieux du motif économique du licenciement.
Le motif économique du licenciement s'apprécie à la date du licenciement, même s'il peut être tenu compte d'éléments postérieurs.
Par les motifs précédemment évoqués, la cour d'appel constate l'existence de relations commerciales très étroites et très encadrées entre la SAEM La Française des Jeux et ses intermédiaires tels que les SNC [U] et [V]. Alors même que la SNC [V] n'est pas confrontée à un exercice concurrentiel de son activité sur le secteur géographique attribué contractuellement de manière exclusive, il est établi que l'environnement économique et commercial dans lequel elle évolue s'est très sensiblement modifié depuis plusieurs années avec le lancement du projet FDJ2020, la SAEM La Française des Jeux ayant décidé la centralisation et l'automatisation de la distribution de ses produits afin de livrer directement ses détaillants à délai rapproché depuis son nouvel entrepôt automatisé basé à Roissy. Cette automatisation a pour effet de mettre fin à la distribution traditionnelle manuelle de La Française des Jeux et ainsi de décharger les représentants locaux de La Française des Jeux des tâches logistiques, et d'internaliser la fonction commerciale et territoriale chez FDJ auprès de ses détaillants. Il est établi que début 2017, la SAEM La Française des Jeux avait achevé la première étape de la transformation de son réseau commercial avec la reprise des secteurs en région et que 2/3 de ses ventes étaient désormais gérés par FDJ Réseau, sa filiale commerciale et 1/3 par des sociétés de développement commercial tenues par d'anciens courtiers mandataires ( communiqués de presse du 13 avril 2016 et 25 janvier 2017, articles de presse).
Dans le cadre de la mise en oeuvre de ce projet, la SAEM La Française des Jeux a résilié, en 2014, de nombreux contrats de courtiers mandataires dont celui de la société [V] le 22 mai 2014 à effet au 23 octobre 2016. La résiliation du contrat d'exploitation temporaire de la SNC [U] intervenue en janvier 2016, avant son terme fixé en 2017 et le regroupement de secteurs décidé avec le nouveau contrat signé avec la société [V] en mars 2015 s'inscrit également dans ce contexte.
Il est démontré qu'avec cette réorganisation de son activité commerciale, la SAEM La Française des Jeux a renégocié les conditions de rémunération de ses intermédiaires, le taux de commission passant sous le seuil de 1% (0,95% pour la société Jackot en mars 2015) contre 1,3% précédemment, représentant un manque à gagner très important pour les intermédiaires. La SNC [V] affirme, sans être contredite, que son taux est passé à 0,55 % fin 2017.
La réalité de cette perte de chiffre d'affaires à venir est confirmée par le versement d'une indemnité de fin de contrat, perçue en 2016 par la société [V], d'ailleurs évoquée par la salariée dans ses écritures. Si cette indemnité vise à compenser à court terme la perte d'un chiffre d'affaires et une diminution de revenus, elle n'est pas destinée pour autant à permettre à l'intermédiaire de poursuivre son activité dans les mêmes conditions.
Par ailleurs, il est constant qu'en 2017, la SNC [V] a perdu une partie de son secteur composé des détaillants se trouvant dans la zone du Loir et Cher qui lui était attribuée avec le secteur historiquement exploité par M. [A].
Il apparaît également que fin 2017, le site logistique d'[Localité 9] (45) a été fermé pour ne conserver qu'un seul site situé à [Localité 7] (28).
Il est ainsi démontré que la SNC [V] s'est trouvée confrontée à de nouvelles conditions commerciales, avec perte d'une partie de ses activités et baisse de son taux de commission impactant notablement ses résultats. Elle justifie ainsi d'une menace pesant sur sa compétitivité nécessitant une réorganisation de son activité afin de rationnaliser ses coûts et assurer sa pérennité lors de la mise en place définitive de la gestion directe de la distribution par la SAEM La Française des Jeux. Il est justifié de la suppression de poste d'attaché commercial et de tâches logistiques .
Ainsi que l'a retenu le conseil de prud'hommes, le motif économique du licenciement de M. [C] [E] apparaît réel et sérieux.
M. [C] [E] invoque ensuite un manquement à l'obligation de reclassement.
Les SNC [U] et [V] invoquent l'absence de poste disponible et des recherches de reclassement externes.
Selon l'article L.1233-4 du code du travail, dans sa version applicable au litige, 'Le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé ne peut être opéré sur les emplois disponibles, situés sur le territoire national dans l'entreprise ou les autres entreprises du groupe dont l'entreprise fait partie.
Le reclassement du salarié s'effectue sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu'il occupe ou sur un emploi équivalent assorti d'une rémunération équivalente. A défaut, et sous réserve de l'accord exprès du salarié, le reclassement s'effectue sur un emploi d'une catégorie inférieure. Les offres de reclassement proposées au salarié sont écrites et précises.'
La SAEM La Française des Jeux n'ayant pas la qualité de coemployeur de M. [C] [E], il ne peut être retenu une absence de recherche sérieuse et complète de reclassement au sein de l'ensemble des sociétés concernées.
Il est constant que la SNC [V] ne fait pas partie d'un groupe et que la SNC [U] a cessé toute activité et que son personnel est passé au service de la SNC [V] en application de l'article L.1224-1 du code du travail.
Le registre du personnel de la société [V] établi au 12 avril 2017, confirme l'absence, au moment du licenciement, l'absence de tout poste disponible susceptible d'être offert à M. [C] [E], compte tenu de la petite taille de la SNC [V], le compte rendu d'entretien préalable établi par le conseiller des salariés n'étant pas, par ailleurs, de nature à établir le contraire.
Il est enfin attesté de démarches entreprises auprès d'autres mandataires de la SAEM La Française des Jeux, auxquelles la SNC [V] n'était pas tenue, afin de rechercher un reclassement externe du salarié.
Il en résulte que la société [V] a respecté son obligation de reclassement.
Par voie d'infirmation du jugement entrepris, il convient de dire le licenciement économique de M. [C] [E] fondé sur une cause réelle et sérieuse et de rejeter sa demande en paiement de dommages-intérêts pour licenciement dénué de cause réelle et sérieuse.
- Sur le remboursement des allocations de chômage
Il convient d'infirmer le jugement en ce qu'il a condamné la SAEM La Française des Jeux et les SNC [U] et [V] à rembourser à Pôle emploi les indemnités de chômage versées à M. [C] [E] dans la limite de six mois.
- Sur la priorité de réembauche
M. [C] [E] a sollicité par lettre du 6 septembre 2016 le bénéfice de la priorité de réemchauche. Il fait valoir qu'au cours de l'été 2017, la société [V] a engagé un salarié déjà recruté en contrat à durée déterminée au cours de l'été 2016 et a engagé un autre attaché commercial en septembre sans lui avoir préalablement proposé ces postes. Il fait sommation aux sociétés de produire leur registre du personnel sur cette période.
Les sociétés [V] et [U] font valoir que le salarié engagé pendant un mois du 26 juillet au 26 août 2016 était embauché régulièrement à cette période pour remplacer un salarié lors de ses congés annuels en sorte que le poste n'était pas disponible. Elle conteste toute embauche de personnel à un autre date.
En cas de litige il appartient à l'employeur d'apporter la preuve qu'il a satisfait à son obligation en établissant soit qu'il a proposé les postes disponibles, soit en justifiant de l'absence de tels postes.
S'agissant du recrutement effectué en août 2016 pour un mois, n'est pas disponible le poste occupé en remplacement temporaire de salarié en congés payés. En outre, la cour constate qu'à cette date, M. [C] [E] était encore salarié de l'entreprise et en cours de préavis, celui-ci ayant quitté l'entreprise le 5 septembre 2016. Il n'était pas éligible à la priorité de réembauche dont il n'a demandé le bénéfice qu'à son départ, le 6 septembre 2016.
Les sociétés contestent l'existence d'un poste d'attaché commercial disponible en septembre 2017. Elles font valoir également que M. [C] [E] n'était, lui-même, pas disponible, en étant en formation avec le Pôle emploi.
Le fait d'être en formation professionnelle à la date d'embauche allégué d'un salarié en septembre 2017 n'est pas de nature à justifier l'absence de proposition d'un poste au titre de la priorité de réembauche.
Les sociétés ne justifient pas de l'absence de poste disponible susceptible d'être offert à M. [C] [E], notamment par la production de document, tel que le registre du personnel, sur cette période d'un an.
La cour d'appel retient le non respect à la priorité de réembauche qui ouvre droit à une indemnité, selon l'article L.1235-13 du code du travail dans sa version applicable au litige, qui ne peut être inférieure à deux mois de salaire, l'effectif de la société [V] étant passé à plus de 11 salariés avec la reprise du personnel de la société [U] opérée en juin 2016. Le salarié perd ainsi une possibilité de retrouver éventuellement un emploi et justifie d'un préjudice.
La SNC [V] sera condamnée à verser à M. [C] [E] la somme de 4500 euros. Le jugement sera infirmé sur ce point.
- Sur la demande en paiement de dommages-intérêts des sociétés [U] et [V]
Les sociétés [U] et [V] ne justifient pas d'un préjudice moral résultant de la procédure et du comportement des parties.
Par voie de confirmation du jugement entrepris, leur demande sera rejetée.
- Sur les demandes présentées au titre de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens:
Il convient d' infirmer le jugement sur ce point en ce qu'il a condamné la SAEM La Française des Jeux à payer une somme à M. [C] [E] sur le fondement l'article 700 du code de procédure civile.
Il sera en revanche confirmé en ce qu'il a condamné les SNC [U] et [V] à lui payer la somme de 2500 euros.
L'équité ne commande pas de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Les demandes de l'ensemble des parties présentées à ce titre seront rejetées.
Les sociétés [U] et [V] supporteront la charge des dépens de première instance et d'appel.
PAR CES MOTIFS,
La cour, statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, contradictoirement et en dernier ressort ,
Infirme le jugement rendu le 1er août 2019, entre M. [C] [E], la SAEM La Française des Jeux et les sociétés [U] et [V] par le conseil de prud'hommes d'Orléans, section activités diverses, mais seulement en ce qu'il :
- dit que la SAEM La Française des Jeux a été l'employeur de M. [C] [E] du 3 février 2009 au 15 octobre 2012,
- dit que la SAEM La Française des Jeux et les SNC [U] et SNC [V] ont la qualité de coemployeurs de M. [C] [E] pour la période du 15 octobre 2012 au 4 juillet 2016,
- condamne solidairement la SAEM La Française des Jeux et les SNC [U] et SNC [V] à payer à M. [C] [E] la somme de 35 600 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice moral subi,
- dit le licenciement de M. [C] [E] dépourvu de cause réelle et sérieuse,
- condamne solidairement la SAEM La Française des Jeux et les SNC [U] et SNC [V] à payer à M. [C] [E] la somme de 18 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- rejette la demande en paiement de dommages-intérêts pour modification des conditions et du contrat de travail présentée par M. [C] [E] ;
- condamne la SAEM La Française des Jeux et les SNC [U] et SNC [V] à payer à M. [C] [E] la somme de 500 euros au titre d'indemnité pour non respect de la priorité de réembauche ;
- condamne la SAEM La Française des Jeux à payer à M. [C] [E] la somme de 2500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.
Confirme ce jugement pour le surplus,
Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant :
- Dit que la SAEM La Française des Jeux n'a pas la qualité d'employeur pour la période du 3 février 2009 au 15 octobre 2012 , ni celle de coemployeur avec les SNC [U] et [V] à l'égard de M. [C] [E] ;
- Rejette les demandes en paiement de dommages-intérêts pour préjudice moral et atteinte aux droits de la représentation collective présentées par M. [C] [E] contre la SAEM La Française des Jeux et les SNC [U] et SNC [V];
- Dit que le licenciement économique de M. [C] [E] est fondé sur une cause réelle et sérieuse ;
- Rejette la demande en paiement de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse présentée par M. [C] [E] ;
- Condamne la SNC [V] à payer à M. [C] [E] la somme de 4500 euros au titre d'indemnité pour non respect de la priorité de réembauche ;
- Condamne solidairement les SNC [V] et [U] à payer à M. [C] [E] la somme de 1000 euros au titre de dommages-intérêts pour modification du contrat de travail ;
- Rejette les demandes des parties présentées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Dit que les SNC [V] et [U] supporteront la charge des dépens de première instance et d'appel.
Et le présent arrêt a été signé par le président de chambre, président de la collégialité, et par le greffier
Fanny ANDREJEWSKI-PICARD Laurence DUVALLET