COUR D'APPEL D'ORLÉANS
CHAMBRE DES AFFAIRES DE SÉCURITÉ SOCIALE
GROSSE à :
SCP FROMONT BRIENS
SELARL [2]
CPAM D'INDRE ET LOIRE
EXPÉDITION à :
[O] [C]
SAS [10]
MINISTRE CHARGÉ DE LA SÉCURITÉ SOCIALE
Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de TOURS
ARRÊT du : 25 OCTOBRE 2022
Minute n°461/2022
N° RG 17/03575 - N° Portalis DBVN-V-B7B-FS5H
Décision de première instance : Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de TOURS en date du 16 Octobre 2017
ENTRE
APPELANT :
Monsieur [O] [C]
[Adresse 7]
[Localité 5]
Représenté par Me Alexia MARSAULT de la SELARL 2BMP, avocat au barreau de TOURS, substituée par Me Sylvie GUILLEMAIN, avocat au barreau de TOURS
D'UNE PART,
ET
INTIMÉES :
SAS [10]
[Adresse 8]
[Adresse 8]
[Localité 6]
Représentée par Me Olivier THIBAUD de la SCP FROMONT BRIENS, avocat au barreau de PARIS
CPAM D'INDRE ET LOIRE
[Adresse 3]
[Localité 4]
Représentée par Mme [B] [W], en vertu d'un pouvoir spécial
PARTIE AVISÉE :
MONSIEUR LE MINISTRE CHARGÉ DE LA SÉCURITÉ SOCIALE
[Adresse 1]
[Localité 9]
Non comparant, ni représenté
D'AUTRE PART,
COMPOSITION DE LA COUR
Lors des débats et du délibéré :
Madame Sophie GRALL, Président de chambre,
Madame Carole CHEGARAY, Président de chambre,
Monsieur Laurent SOUSA, Conseiller,
Greffier :
Monsieur Alexis DOUET, Greffier lors des débats et du prononcé de l'arrêt.
DÉBATS :
A l'audience publique le 31 MAI 2022.
ARRÊT :
- Contradictoire, en dernier ressort.
- Prononcé le 25 OCTOBRE 2022, après prorogation du délibéré, par mise à la disposition des parties au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2ème alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.
- signé par Madame Carole CHEGARAY, Président de chambre, et Monsieur Alexis DOUET, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La société [10] est spécialisée dans le secteur d'activité de la construction de locomotives et autre matériel ferroviaire roulant.
M. [O] [C], né en 1965, a été embauché par la société [10], selon un contrat à durée indéterminée en date du 26 avril 2001, en qualité de monteur mécanicien.
Le 15 décembre 2015, une déclaration d'accident du travail a été établie par la société [10] concernant M. [O] [C], faisant état d'un accident survenu le 14 décembre 2015 à 07h10 dans les circonstances suivantes : 'En saluant ses collègues à son arrivée, se cogne le genou sur une poubelle puis trébuche sur le tuyau d'air comprimé - Choc et chute'.
Il résulte d'un certificat médical établi le 26 janvier 2016 par le CHRU de [Localité 11] que M. [O] [C] présentait une 'rupture complète du LCA du genou gauche, entorse du LLE du genou gauche, chondropathie femoro-tibiale externe gauche'.
L'accident a été pris en charge par la caisse primaire d'assurance maladie d'Indre et Loire au titre de la législation sur les risques professionnels le 28 décembre 2015.
L'état de santé de M. [O] [C] a été déclaré consolidé le 22 mars 2017 avec attribution d'un taux d'IPP de 7 % ainsi qu'il ressort de ses écritures.
Le 3 mars 2017, M. [O] [C] a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale de Tours d'une demande tendant à voir reconnaître que l'accident dont il a été victime le 14 décembre 2015 est dû à la faute inexcusable de son employeur.
Par jugement en date du 16 octobre 2017, notifié par lettre en date du 16 novembre 2017, le tribunal des affaires de sécurité sociale de Tours a :
- dit que la société [10] en sa qualité d'employeur n'a pas commis une faute inexcusable à l'occasion de l'accident dont a été victime M. [O] [C] le 14 décembre 2015,
- débouté M. [O] [C] de ses demandes,
- dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Code de procédure civile.
Suivant déclaration du 12 décembre 2017, M. [O] [C] a interjeté appel de ce jugement.
Par arrêt du 1er juin 2021, la Cour d'appel d'Orléans a :
- infirmé le jugement rendu le 16 octobre 2017 par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Tours en ce qu'il a dit que la société [10], en sa qualité d'employeur, n'a pas commis une faute inexcusable à l'occasion de l'accident dont a été victime M. [O] [C] le 14 décembre 2015 et en ce qu'il a débouté M. [O] [C] de ses demandes,
Statuant à nouveau et y ajoutant,
- dit que l'accident dont M. [O] [C] a été victime le 14 décembre 2015 est dû à la faute inexcusable de son employeur, la société [10],
- fixé au maximum la majoration de l'indemnité allouée à M. [O] [C],
- dit que la caisse primaire d'assurance maladie d'Indre et Loire en versera le montant à M. [O] [C] et le récupérera auprès de la société [10],
Avant dire droit sur le montant de la réparation des préjudices causés par la faute inexcusable de l'employeur,
- ordonné une expertise médicale de M. [O] [C],
- commis pour y procéder le docteur [Z] [R], expert inscrit sur la liste établie par la Cour d'appel d'Orléans, qui, après avoir entendu les parties, s'être fait remettre tous documents utiles, et notamment le dossier médical complet de M. [O] [C] avec l'accord de celui-ci, et avoir examiné la victime, aura pour mission de :
1°) décrire les blessures subies lors de l'accident du 14 décembre 2015,
2°) indiquer leur traitement, leur évolution et préciser les troubles en rapport direct avec l'accident,
3°) déterminer, décrire, qualifier et chiffrer :
* les chefs de préjudices expressément énumérés par l'article L. 452-3 du Code de la sécurité sociale, à savoir :
. les souffrances endurées (sur une échelle de 1 à 7),
. le préjudice esthétique (sur une échelle de 1 à 7),
. le préjudice d'agrément, défini comme l'impossibilité pour la victime de pratiquer régulièrement une activité spécifique sportive ou de loisirs,
. la perte ou la diminution des possibilités de promotion professionnelle,
* le préjudice sexuel,
* la nécessité de l'aménagement du logement et celle d'un véhicule adapté,
* le déficit fonctionnel temporaire,
* s'il y a lieu, la nécessité de recourir à une tierce personne avant la consolidation,
- dit que l'expert devra donner connaissance de ses premières conclusions aux parties et répondre à toutes observations écrites de leur part dans le délai qu'il leur aura imparti avant d'établir son rapport définitif,
- dit que l'expert déposera son rapport au greffe de la cour avant le 30 septembre 2021,
- alloué à M. [O] [C] la somme de 2 500 euros à titre de provision à valoir sur l'indemnisation de ses préjudices,
- dit que la caisse primaire d'assurance maladie d'Indre et Loire fera l'avance de la dite provision ainsi que des frais de la mesure d'expertise, et dit que la société [10] la remboursera de ces sommes,
- renvoyé l'affaire à l'audience du 26 octobre 2021 à 9 h,
- réservé les demandes au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile et des dépens.
Le docteur [Z] [R] a été remplacé par le docteur [T] [Y], suivant ordonannce du 27 juillet 2021. Le docteur [Y] a déposé son rapport au greffe le 26 novembre 2021. L'affaire a été utilement évoquée en ouverture de rapport à l'audience du 31 mai 2022.
Dans ses conclusions visées par le greffe le 31 mai 2022 et soutenues oralement à l'audience, M. [O] [C] demande à la Cour de :
Vu l'arrêt de la Cour d'appel d'Orléans du 1er juin 2021,
Vu le rapport d'expertise médicale établi le 21 setembre 2021 par le docteur [T] [Y], expert judiciaire,
- dire et juger M. [O] [C] tant recevable que bien fondé en ses demandes d'indemnités relatives aux préjudices indemnisables tels que dégagés par le médecin expert,
- fixer à la somme totale de 34 912,25 euros l'indemnisation du préjudice personnel subi par M. [O] [C] du fait de la faute inexcusable commise par son employeur, la société [10], somme se décomposant comme suit :
* souffrances endurées : 8 000 euros
* préjudice esthétique : 1 000 euros
* préjudice d'agrément : 5 000 euros
* frais de véhicule adapté : 12 836 euros
* frais d'aménagement de son logement : 1 000 euros
* déficit fonctionnel temporaire : 2 296,25 euros
* assistance tierce personne avant consolidation : 3 780 euros
* préjudice sexuel : 1 000 euros
- dit que la caisse primaire d'assurance maladie d'Indre-et-Loire procédera au paiement de ces sommes, sous déduction de la provision de 2 500 euros versée à M. [O] [C] au cours de l'instance, à charge pour elle d'en récupérer ensuite le remboursement auprès de la société [10], ainsi que des frais d'expertise,
- débouter la société [10] de toutes demandes, fins et prétentions contraires,
- condamner la société [10] à régler à M. [O] [C] la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile,
- condamner la société [10] aux entiers dépens.
Dans ses conclusions visées par le greffe le 31 mai 2022 et soutenues oralement à l'audience du même jour, la société [10] demande à la Cour de :
Vu l'arrêt de la Cour d'appel d'Orléans du 1er juin 2021,
Vu l'article L. 452-3 du Code de la sécurité sociale,
Vu l'article 700 du Code de procédure civile,
Vu la jurisprudence précitée,
- sur les souffrances endurées, limiter à 3 500 euros l'indemnité due à M. [O] [C],
- sur le préjudice esthétique, à titre principal débouter M. [O] [C] de sa demande d'indemnisation ; à titre subsidiaire, limiter à 500 euros l'indemnité due à ce titre,
- sur le préjudice d'agrément, à titre principal débouter M. [O] [C] de sa demande d'indemnisation ; à titre subsidiaire, limiter à 1 000 euros l'indemnité due à ce titre,
- sur les frais de logement adapté, limiter à 600 euros l'indemnité due à M. [O] [C],
- sur les frais de véhicule adapté, à titre principal, débouter M. [O] [C] de sa demande d'indemnisation ; à titre subsidiaire, limiter à 8 310 euros l'indemnité due à ce titre,
- sur les frais d'assistance à tierce personne, limiter à 2 100 euros l'indemnité due à M. [O] [C],
- sur le préjudice sexuel, à titre principal débouter M. [O] [C] de sa demande d'indemnisation ; à titre subsidiaire, limiter à 500 euros l'indemnité due à ce titre,
en tout état de cause,
- débouter M. [O] [C] de sa demande au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
- condamner M. [O] [C] à la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
A l'audience, la caisse primaire d'assurance maladie d'Indre-et-Loire s'en est rapportée.
En application de l'article 455 du Code de procédure civile, il est renvoyé aux écritures des parties pour un plus ample exposé des faits et moyens développés au soutien de leurs prétentions respectives.
MOTIFS
Les prestations accordées aux victimes d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle sont définies aux articles L. 431-1, L. 432-1, L. 432-6 et suivants, L. 433-1 et suivants, L. 434-1 et suivants ainsi que L. 435-1 et suivants du Code de la sécurité sociale.
Lorsque l'accident du travail est causé par la faute inexcusable de l'employeur, les articles L.452-1, L. 452-2 alinéa 1et L. 452-3 alinéa 1 du même code prévoient que la victime a droit à une indemnisation complémentaire, aux conditions 'définies aux articles suivants', à savoir que :
'la victime ... reçoit une majoration des indemnités [en capital ou sous forme de rente] qui lui sont dues en vertu du présent livre'.
'Indépendamment de la majoration de rente qu'elle reçoit en vertu de l'article précédent, la victime a droit de demander à l'employeur devant la juridiction de sécurité sociale la réparation du préjudice causé par les souffrances physiques et morales par elle endurées, de ses préjudices esthétique et d'agrément ainsi que de celle du préjudice résultant de la perte ou de la diminution de ses possibilités de promotion professionnelle...'.
Par décision n° 2010-8 QPC du 18 juin 2010, le Conseil constitutionnel a déclaré conformes à la Constitution lesdits articles L. 452-1, L. 452-2 alinéa 1 et L. 452-3 alinéa 1, sous la réserve d'interprétation énoncée au considérant 18, selon laquelle les dispositions de ces textes ne sauraient toutefois, sans porter une atteinte disproportionnée aux droits des victimes d'actes fautifs, faire obstacle à ce que ces mêmes personnes, devant les juridictions de sécurité sociale, puissent demander à l'employeur dont la faute inexcusable a causé l'accident du travail, réparation de l'ensemble des dommages non couverts par le livre IV du Code de la sécurité sociale - Accidents du travail et maladies professionnelles (dispositions propres et dispositions communes avec d'autres branches).
En l'espèce, le médecin expert a émis en réponse à chacun des chefs de sa mission les conclusions suivantes aux termes de son rapport déposé au greffe le 26 novembre 2021, après examen clinique de M. [O] [C] le 21 septembre 2021 :
'Les blessures subies lors de l'accident du 14 décembre 2015 sont une entorse grave du genou avec rupture du ligament croisé antérieur et lésion méniscale latérale.
Le traitement de cette lésion ainsi que son évolution ont été rapportés dans les commémoratifs. Après une tentative de traitement médical avec rééducation, il a finalement été réalisé une ligamentoplastie et une réinsertion du ménisque latéral. Il persiste actuellement des douleurs séquellaires qui ont été mentionnées dans les doléances.
L'évolution s'est également faite vers une dépression qui a motivé un suivi psychiatrique qui, d'après la lettre du psychiatre, semble être la conséquence de ce traumatisme.
Les souffrances endurées avec les périodes d'immobilisation, les périodes avec un appui partiel, la nécessité d'une intervention, les nombreuses séances de kinésithérapies et les conséquences psychologiques sont estimées à 2,5/7.
Le préjudice esthétique se résume à des cicatrices de petite taille et assez peu visibles. Il est estimé à 0,5/7.
Il existe un préjudice d'agrément compte tenu du fait que le patient fréquentait assidûment une salle de sport comme en témoignent les documents fournis et du fait qu'il pratiquait régulièrement le footing. En raison des séquelles persistantes au niveau de son genou, il ne peut plus réaliser les exercices qu'il faisait auparavant notamment en ce qui concerne les membres inférieurs.
Il semblerait qu'au sein de la société, le patient aurait pu avoir la possibilité d'une promotion professionnelle soit par une amélioration de son salaire comme monteur, soit par une promotion pour devenir contrôleur. Le patient nous dit qu'il n'a jamais eu aucun problème au sein de l'entreprise, qu'il a même été volontaire pour travailler pendant huit mois de nuit ou pour venir les samedis quand cela était nécessaire. On ne connaît pas la version de Faiveley sur ce qui aurait pu être envisagé en l'absence de survenue de cet accident.
Depuis l'accident, le patient fait part d'une perte importante de la libido et du fait qu'il n'a quasiment plus de rapports sexuels avec sa compagne.
Il est actuellement locataire d'une maison avec étage. La salle de bains est à l'étage et ne comprend qu'une baignoire. Il dispose par ailleurs d'une voiture avec boîte manuelle. Compte tenu des séquelles persistant au niveau du genou droit, il serait justifié qu'il puisse bénéficier d'une douche standard et éventuellement d'un véhicule automatique.
Le déficit fonctionnel temporaire peut se décomposer de la façon suivante :
- du 14 décembre 2015 au 11 août 2016 : 25 %. ATP : 5 heures par semaine
- du 12 août 2016 au 25 septembre 2016 : 10 %. Pas d'ATP
- le 26 septembre 2016 : 100 % car hospitalisation
- du 27 septembre 2016 au 15 novembre 2016 : 25 %. ATP : 5 heures par semaine
- du 16 novemre 2016 au 21 mars 2017 : 10 %. Pas d'ATP
consolidation au 22 mars 2017.
La nécessité de recourir à une tierce personne avant la consolidation a été détaillée en même temps que le déficit fonctionnel temporaire'.
Ces conclusions claires et argumentées notamment par le biais des réponses aux dires des conseils des parties annexées au rapport ne sont pas critiquées et serviront de base à l'évaluation des préjudices subis par M. [O] [C].
Sur les souffrances endurées :
En application de l'article L. 452-3 du Code de la sécurité sociale, sont réparables les souffrances physiques et morales subies par la victime de l'accident du travail causé par la faute inexcusable de son employeur qui ne sont pas indemnisées au titre du déficit fonctionnel permanent. Sont donc seules indemnisées à ce titre les souffrances endurées pendant la période antérieure à la consolidation de l'état de la victime, les souffrances permanentes dela victime étant quant à elles indemnisées par la rente d'accident du travail majorée accordée à l'intéressé.
M. [O] [C] se prévaut à ce titre des périodes d'immobilisation, des périodes avec appui partiel, de l'intervention chirurgicale subie, des nombreuses séances de kinésithérapie réalisées ainsi que des conséquences psychologiques de l'accident liées aux atteintes portées à son intégrité physique. Il sollicite à ce titre l'allocation de la somme de 8 000 euros.
La société [10] relève que l'expert a évalué les souffrances endurées par M. [O] [C] à 2,5/7, soit un niveau de préjudice se situant entre 'léger' et 'modéré' et propose compte tenu des montants de réparation normalement attribués par la cour de céans de ramener la somme sollicitée à 3 500 euros.
L'expert a évalué à 2,5/7 les souffrances endurées par M. [O] [C] en tenant compte outre les périodes d'immobilisation, les périodes avec appui partiel, la nécessité d'une intervention chirurgicale et les nombreuses séances de kinésithérapie, le retentissement psychologique lié à l'accident en ces termes : 'on peut effectivement penser que la survenue de cette entorse du genou dans le cadre d'un accident de travail, du fait des caractéristiques de sa survenue et du fait des difficultés de récupération, soit responsable de conséquences psychologiques ayant nécessité une prise en charge médicale psychiatrique'.
Au vu de ces éléments et du référentiel indicatif de l'indemnisation du préjudice corporel des cours d'appel, il y a lieu d'allouer à M. [O] [C] la somme de 6 000 euros en réparation de ce chef de préjudice.
Sur le préjudice esthétique :
Le préjudice esthétique visé par l'article L. 452-3 du Code de la sécurité sociale répare les atteintes physiques voire l'altération de l'apparence physique subies par la victime de l'accident du travail causé par la faute inexcusable de l'employeur.
M. [O] [C] sollicite l'allocation de la somme de 1 000 euros à ce titre. La société [10] fait valoir que pour une évaluation de 0,5/7, soit en deça du niveau minimum très léger, la cour de céans accorde généralement une indemnisation de 500 euros.
L'expert indique que le préjudice esthétique se résume à des cicatrices de petite taille et assez peu visibles et l'a estimé à 0,5/7.
Compte tenu de ces éléments, il convient d'allouer à M. [O] [C] la somme de 500 euros en réparation de ce chef de préjudice.
Sur le préjudice d'agrément :
Le préjudice d'agrément réparable en application de l'article L. 452-3 du Code de la sécurité sociale est constitué par l'impossibilité pour la victime de l'accident du travail causé par la faute inexcusable de l'employeur de continuer à pratiquer régulièrement une activité sportive ou de loisir spécifique. Il ne se confond ni avec la perte de la qualité de vie et des joies usuelles de la vie courante durant la maladie traumatique qui est prise en compte au titre du déficit fonctionnel temporaire, ni, pour la période postérieure à cette date, avec la perte de la qualité de vie et les troubles ressentis par la victime dans ses conditions d'existence personnelles, familiales et sociales qui sont compris dans le déficit fonctionnel permanent.
M. [O] [C] fait valoir qu'il fréquentait assidûment une salle de sport et pratiquait régulièrement le footing avant son accident du travail et qu'il n'est pas en état de reprendre ses activités physiques antérieures au regard des séquelles impactant son genou gauche consécutivement à cet accident, comme l'a relevé l'expert.
La société [10] expose que pour être indemnisé au titre du préjudice d'agrément, le salarié doit rapporter la preuve de la réalité de sa pratique régulière d'une activité spécifique sportive ou de loisirs avant l'accident et de son niveau sportif ; qu'en l'espèce, M. [O] [C] ne justifie pas d'une telle pratique, ne serait-ce qu'en produisant une facture d'adhésion à une salle de sport ; qu'au surplus, M. [O] [C] a évoqué une chute en descendant les escaliers en 2019, laquelle aurait causé une rupture des ligaments croisés du genou droit ayant donné lieu à une intervention chirurgicale, de sorte que M. [O] [C] était déjà dans l'impossibilité de faire du footing avant son accident du travail ; qu'il convient de le débouter de ce chef de préjudice.
L'expert a retenu l'existence d'un préjudice d'agrément compte tenu du fait notamment que le patient fréquentait assidûment une salle de sport 'comme en témoignent les documents fournis' et du fait qu'il pratiquait régulièrement le footing. En réponse à un dire de la société [10] eu égard à l'accident de 2019, il a maintenu l'existence de ce préjudice en observant qu'au vu de l'examen clinique de M. [O] [C], celui-ci n'était pas en état de reprendre ses activités physiques antérieures indépendamment de la survenue de cet accident de 2019, ajoutant qu''il est évident que si le patient peut apporter la preuve de sa pratique sportive avant l'accident subi en 2015, il n'en sera que plus facile de retenir ce préjudice'.
Il résulte de ce qui précède, nonobstant les conséquences de l'accident survenu à l'autre genou, que M. [O] [C] n'a pas justifié de sa pratique sportive régulière auprès de l'expert, malgré la mention 'des documents fournis' vague et imprécise dont il ne saurait être tiré aucune conséquence. M. [O] [C] ne verse pas davantage devant la cour de pièce justificative à cet égard, ni abonnement à une salle de sport ou facture y afférent ni même une attestation corroborant ses dires.
Dans ces conditions, il apparaît que la réalité du préjudice d'agrément tel que défini plus haut n'est pas établie. M. [O] [C] sera donc débouté de sa demande à ce titre.
Sur les frais de logement et de véhicules adapté :
M. [O] [C] se prévaut des conclusions de l'expert selon lesquelles compte tenu des séquelles persistant au niveau de son genou gauche, il serait justifié qu'il puisse bénéficier d'une douche dans son logement et d'un véhicule automatique, l'expert ajoutant que quand bien même ces aménagements n'avaient pas encore été réalisés et que le patient avait jusque là pu vivre sans, ceci ne constituait pas une raison suffisante pour en rester là.
Ainsi que le relève la société [10], les conclusions de l'expert sont à nuancer concernant le véhicule automatique dont la préconisation a été assortie de l'adverbe 'éventuellement' : 'Compte tenu des séquelles persistant au niveau de son genou, il serait justifié qu'il puisse bénéficier d'une douche standard et éventuellement d'un véhicule automatique'.
Les conclusions de l'expert n'étant pas décisives sur ce point et M. [O] [C] n'apportant aucun élément de nature à justifier de la nécessité d'adapter son véhicule, il ne sera pas fait droit à la demande relative aux frais d'un véhicule muni d'une boîte de vitesse automatique.
La nécessité de l'installation d'une douche n'est pas remise en cause par la société [10] qui en conteste seulement le coût. Au vu des éléments fournis par M. [O] [C], il convient de faire droit à sa demande de 1 000 euros qui n'apparaît pas excessive.
Sur le déficit fonctionnel temporaire :
Ce préjudice inclut, pour la période antérieure à la consolidation, l'incapacité fonctionnelle totale ou partielle ainsi que le temps d'hospitalisation et les pertes de qualié de la vie et des joies usuelles de la vie courante durant la maladie traumatique.
M. [O] [C] sollicite à partir de la détermination par l'expert de l'existence d'un déficit fonctionnel temporaire par périodes définies, comme mentionné plus haut, et sur la base d'une indemnisation journalière de 25 euros, l'allocation de la somme de 2 296,25 euros.
La société [10] ne discute pas ce poste de préjudice.
L'indemnisation sollicitée par M. [O] [C], en rapport avec le référentiel indicatif des cours d'appel, sera entérinée.
Sur l'assistance par tierce personne avant consolidation :
L'expert a retenu que M. [O] [C] a dû bénéficier de l'aide d'une tierce personne à raison de 5 heures hebdomadaires du 14 décembre 2015 au 11 août 2016 et du 27 septembre 2016 au 15 novembre 2016, rappelant en réponse à un dire de la société [10] qu''il est difficile de réaliser un certain nombre de gestes dans la vie courante dans les suites immédiates d'une entorse grave du genou ou d'une ligamentoplastie. On ne dispose pas de la flexion du genou. Il est très difficile voire impossible d'enfiler des chaussettes, de se chausser, de se laver les pieds, d'enfiler un pantalon. La mobilité est réduite pour tous les gestes de la vie courante et dans ces conditions il ne me semble pas disproportionné qu'une aide de 5 heures par semaine soit attribuée de façon temporaire pendant les périodes définies dans mon rapport'.
M. [O] [C] retient pour la détermination de la réparation de ce préjudice un taux horaire de 18 euros et sollicite la somme 3 780 euros, soit de 210 heures x 18 euros (incluant les congés payés et les charges sociales par référence au tarif d'aide à domicile en vigueur dans la région).
La société [10] ne conteste pas les périodes d'assistance définies par l'expert, mais seulement le taux horaire.
Il apparaît que le taux horaire de 10 euros proposé par la société [10] est manifestement insuffisant. Tenant compte du tarif horaire de 18 euros tel que sollicité par M. [O] [C], il convient de lui allouer la somme de 3 780 euros en réparation de ce préjudice.
Sur le préjudice sexuel :
Il est constant que le préjudice sexuel qui comprend tous les préjudices touchant à la sphère sexuelle est apprécié à part entière, distinctement du préjudice d'agrément.
L'expert mentionne dans son rapport que le patient fait part d'une perte importante de la libido et du fait qu'il n'a quasiment plus de rapports sexuels avec sa compagne.
Quand bien même il ne s'agit que des doléances de M. [O] [C], il est vraisemblable que les conséquences de l'accident du travail qui ont eu un fort retentissement psychologique chez celui-ci, comme en atteste l'évolution de la lésion vers une dépression ayant motivé un suivi psychiatrique, se soient manifestées par une perte importante de la libido. Il convient donc d'allouer à M. [O] [C] la somme de 1 000 euros en réparation de ce préjudice.
Sur les autres demandes :
Il convient de relever que M. [O] [C] ne formule pas de prétention au titre de l'incidence professionnelle à l'occasion de cette instance.
Les sommes allouées seront versées directement à M. [O] [C] par la caisse primaire d'assurance maladie d'Indre et Loire qui en récupèrera le montant auprès de la société [10], employeur.
La société [10], qui succombe, suppportera la charge des dépens et sera condamnée à verser à M. [O] [C] la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS:
Vu l'arrêt rendu le 1er juin 2021,
Fixe ainsi qu'il suit l'indemnisation des préjudices de M. [O] [C] :
- au titre des souffrances endurées :6 000 euros
- au titre du préjudice esthétique :500 euros
- au titre des frais de logement :1 000 euros
- au titre du déficit fonctionnel temporaire :2 296,25 euros
- au titre de l'assistance par tierce personne : 3 780 euros
- au titre du préjudice sexuel : 1 000 euros ;
Déboute M. [O] [C] de ses demandes formées au titre du préjudice d'agrément et des frais de véhicule adapté ;
Dit que la caisse primaire d'assurance maladie d'Indre et Loire versera directement à M. [O] [C] les indemnités fixées par le présent arrêt, sous déduction de la provision de 2 500 euros déjà perçue, et qu'elle en récupèrera le montant auprès de la société [10] ainsi que les frais d'expertise ;
Condamne la société [10] aux dépens d'appel ;
Condamne la société [10] à verser à M. [O] [C] la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,