COUR D'APPEL D'ORLÉANS
C H A M B R E C I V I L E
RENVOI CASSATION
GROSSES + EXPÉDITIONS : le 26/09/2022
Me Estelle GARNIER-ORLÉANS
la SCP GUILLAUMA PESME-ORLÉANS
Me Alexis DEVAUCHELLE-ORLÉANS
ARRÊT du : 26 SEPTEMBRE 2022
N° : - : N° RG 21/02124 - N° Portalis DBVN-V-B7F-GNHR
DÉCISIONS ENTREPRISES :
Arrêt de la cour de cassation en date du 08 juillet 2021
Arrêt de la cour d'appel de BOURGES en date du 28 novembre 2019
Jugement du tribunal de grande instance de LIMOGES en date du 08 septembre 2016
PARTIES EN CAUSE
DEMANDEURS DEVANT LA COUR DE RENVOI
Monsieur [T] [L]
né le [Date naissance 17] 1953 à [Localité 35]
[Adresse 12]
[Localité 20]
représenté par Me Estelle GARNIER, avocat postulant au barreau d'ORLÉANS et ayant pour avocat plaidant Me Raphaël SOLTNER de la SELARL SELARL SOLTNER-MARTIN du barreau de LIMOGES,
La Société SMACL ASSURANCES, inscrite au RCS de NIORT sous le n° 301 309 605, agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège,agissant en qualité d'assureur de M. [T] [L]
[Adresse 6]
[Localité 25]
représentée par Me Estelle GARNIER, avocat postulant au barreau d'ORLÉANS et ayant pour avocat plaidant Me Raphaël SOLTNER de la SELARL SELARL SOLTNER-MARTIN du barreau de LIMOGES,
D'UNE PART
DEFENDEURS DEVANT LA COUR DE RENVOI
Monsieur [H] [N]
né le [Date naissance 7] 1986 à [Localité 42]
[Adresse 30]
[Localité 26]
représenté par Me Christophe PESME de la SCP GUILLAUMA PESME, avocat postulant au barreau d'ORLEANS et ayant pour avocat plaidant Me Jean VALIERE-VIALEIX de la SELARL SELARL ELIGE LIMOGES - CABINET VALIERE-VIALEIX du barreau de LIMOGES
Monsieur [W] [O]-[G]
né le [Date naissance 15] 1965 à [Localité 36]
[Adresse 18]
[Localité 32]
représenté par Me Christophe PESME de la SCP GUILLAUMA PESME, avocat postulant au barreau d'ORLEANS et ayant pour avocat plaidant Me Jean VALIERE-VIALEIX de la SELARL SELARL ELIGE LIMOGES - CABINET VALIERE-VIALEIX du barreau de LIMOGES
La Société MUTUELLE ASSURANCE INSTITUTEUR FRANCE - MAIF es qualité d'assureur de Monsieur [H] [N] et de Monsieur [W] [O]-[G], agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domicilés audit siège en cette qualité
[Adresse 13]
[Localité 25]
représentée par Me Christophe PESME de la SCP GUILLAUMA PESME, avocat postulant au barreau d'ORLEANS et ayant pour avocat plaidant Me Jean VALIERE-VIALEIX de la SELARL SELARL ELIGE LIMOGES - CABINET VALIERE-VIALEIX du barreau de LIMOGES
Madame [D] [Z]
née le [Date naissance 1] 1984 à [Localité 28]
[Adresse 5]
[Localité 28]
ayant pour avocat postulant Me Alexis DEVAUCHELLE, du barreau d'ORLEANS et représentée par Me Frédéric LONGEAGNE, avocat plaidant au barreau de LIMOGES
Monsieur [P] [Z]
né le [Date naissance 3] 1956 à [Localité 38]
[Adresse 4]
[Localité 28]
ayant pour avocat postulant Me Alexis DEVAUCHELLE, du barreau d'ORLEANS et représentée par Me Frédéric LONGEAGNE, avocat plaidant au barreau de LIMOGES
Madame [I] [U] épouse [Z]
née le [Date naissance 2] 1961 à [Localité 37]
[Adresse 4]
[Localité 28]
ayant pour avocat postulant Me Alexis DEVAUCHELLE, du barreau d'ORLEANS et représentée par Me Frédéric LONGEAGNE, avocat plaidant au barreau de LIMOGES
Madame [K] [E]
née le [Date naissance 9] 1966 à [Localité 28]
[Adresse 45]
[Localité 29]
n'ayant pas constitué avocat
Monsieur [M] [Y]
né le [Date naissance 16] 1953 à [Localité 40] (ITALIE)
[Adresse 8]
[Localité 24]
n'ayant pas constitué avocat
Madame [B] [V]
[Adresse 11]
[Localité 28]
n'ayant pas constitué avocat
La Société MUTUELLE ASSURANCE TRAVAILLEUR MUTUALISTE - MATMUT es qualité d'assureur de Monsieur [Y] agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 22]
[Localité 23]
n'ayant pas constitué avocat
S.A. AXA FRANCE IARD es qualité d'assureur de Madame [V]
agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 19]
[Localité 31]
n'ayant pas constitué avocat
La CPAM DE CHARENTE MARITIME agissant pour le compte de la CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE LA HAUTE VIENNE
[Adresse 21]
[Localité 10]
n'ayant pas constitué avocat
La Société MUTUELLE DE POITIERS ASSURANCES agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 33]
[Localité 27]
n'ayant pas constitué avocat
La CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE LA HAUTE VIENNE Prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au dit siège,
[Adresse 14]
[Localité 28]
n'ayant pas constitué avocat
D'AUTRE PART
DÉCLARATION DE SAISINE en date du :18 Août 2021
ORDONNANCE DE CLÔTURE du : 14 juin 2022
COMPOSITION DE LA COUR
Lors des débats :
En l'absence d'opposition des parties ou de leurs représentants :
Madame Anne-Lise COLLOMP, Président de chambre,
Monsieur Laurent SOUSA, Conseiller,
Après délibéré au cours duquel Madame Anne-Lise COLLOMP, Président de chambre et Monsieur SOUSA, Conseiller, ont rendu compte à la collégialité des débats à la Cour composée de:
Madame Anne-Lise COLLOMP, Président de chambre,
Monsieur Laurent SOUSA, Conseiller,
Madame Laure- Aimée GRUA, Magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles
Greffier :
Madame Fatima HAJBI, Greffier lors des débats et du prononcé.
DÉBATS :
A l'audience publique du 27 JUIN 2022, à laquelle ont été entendus Monsieur Laurent SOUSA, Conseiller, en son rapport et les avocats des parties en leurs plaidoiries.
ARRÊT :
Prononcé le 26 SEPTEMBRE 2022 par mise à la disposition des parties au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.
FAITS ET PROCÉDURE
Le 25 août 2013, sur l'autoroute A20 à proximité de [Localité 28] (87), M. [N] a perdu le contrôle de son véhicule Renault Scénic qui s'est immobilisé sur la bande d'arrêt d'urgence. Le véhicule Toyota Yaris de M. [Y], qui s'était arrêté sur cette bande d'arrêt d'urgence afin de lui porter secours, a été percuté par le véhicule Nissan de M. [O]-[G], puis par le véhicule Opel Corsa de Mme [D] [Z].
Mme [D] [Z] est sortie de son véhicule et a manifesté l'intention de retourner à son véhicule afin de prendre son chat. Un véhicule Honda conduit par M. [L] a alors heurté le véhicule Nissan de M. [O]-[G] renversant ainsi Mme [D] [Z].
Mme [D] [Z] et ses parents, M. et Mme [P] et [I] [Z] ont fait assigner M. [N] et son assureur la société Mutuelle assurances instituteurs de France (Maif), M. [Y] et son assureur la société Mutuelle assurance des travailleurs mutualistes (Matmut), M. [O]-[G] et son assureur la Maif, Mme [B] [V] et son assureur la société Axa France Iard, et M. [L] et son assureur, la société SMACL Assurances, en indemnisation de leurs préjudices.
M. [T] [L] et la SMACL Assurances ont fait assigner Mme [K] [E] et la Mutuelle de Poitiers son assureur au motif que le véhicule conduit par [K] [E] aurait participé à la réalisation du carambolage en obstruant la voie de gauche.
M. [N] et M. [L] ont été condamnés pour blessures involontaires par jugement du tribunal correctionnel de Limoges du 18 juin 2015. M. [L] a toutefois été relaxé par un arrêt de la Cour d'appel de Limoges en date du 19 février 2016.
Mme [D] [Z] et M. et Mme [P] et [I] [Z] ont saisi le juge de la mise en état du tribunal de grande instance de Limoges qui, par ordonnance du 2 février 2016, a condamné solidairement M. [O]-[G] et M. [L] ainsi que leurs assureurs à payer à Mme [D] [Z] une provision de 15'000 euros.
Par jugement en date du 8 septembre 2016 assorti de l'exécution provisoire, le tribunal de grande instance de Limoges a':
- dit que l'accident de la circulation dont Mme [D] [Z] a été victime est un accident complexe impliquant plusieurs véhicules automobiles';
- dit que lors de la réalisation du dommage, Mme [D] [Z] était piéton et que son droit à indemnisation des préjudices subis du fait de l'accident de la circulation survenu le 25 août 2013 est intégral';
- déclaré [D] [Z], [I] [U] épouse [Z] et [P] [Z] recevables en leur action en réparation de leurs préjudices, exercée à l'encontre de M. [O]-[G], la Maif, M. [L] et la SMACL en ce que les véhicules terrestres à moteur conduits par MM. [O]-[G] et [L] étaient impliqués dans l'accident complexe de la circulation dont [D] [Z] a été victime';
- déclaré MM. [O]-[G] et [L] responsables des conséquences dommageables pour [D] [Z] et [I] [U] épouse [Z] et [P] [Z] de l'accident de la circulation survenu à [Localité 28] le 25 août 2013';
- déclaré bien fondé le recours en garantie exercé par M. [L] et son assureur la SMACL à l'encontre de M. [O]-[G] et son assureur d'une part, et M. [N] et son assureur d'autre part';
- dit que M. [O]-[G], solidairement avec la Maif, d'une part et M. [N], solidairement avec la Maif, d'autre part, M. [L] et la SMACL enfin seront tenus des condamnations prononcées au titre des provisions allouées à hauteur d'un tiers chacun';
En conséquence,
- condamné M. [N], solidairement avec la Maif et M. [O] [G], solidairement avec la Maif, à garantir M. [L] et la SMACL, au titre des condamnations provisionnelles prononcées contre eux à hauteur d'un tiers chacun';
- condamné M. [N] à relever M. [O]-[G] indemne de la condamnation au titre de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur d'un tiers';
- condamné M. [L] à relever M. [O]-[G] indemne de la condamnation au titre de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur d'un tiers';
- mis hors de cause [K] [E] et la Mutuelle de Poitiers, [B] [V] et AXA Assurances, [M] [Y] et la Matmut';
- ordonné une expertise médicale intermédiaire avant consolidation, confiée au docteur [R], avec consignation à la charge de Mme [D] [Z]';
- condamné solidairement M. [O]-[G] lui-même solidairement avec son assureur, la Maif, d'une part, et M. [L], solidairement avec la SMACL, d'autre part, à payer à titre de provision à valoir sur l'indemnisation définitive de leurs préjudices la somme de 50'000'€ à [D] [Z] et la somme de 2'200'€ en réparation de leur préjudice matériel, outre celle de 11'000'€ à chacun en réparation de leur préjudice d'affection à [I] [U] épouse [Z] et [P] [Z]';
- condamné M. [O]-[G] solidairement avec la Maif d'une part, in solidum avec M. [L] solidairement avec la SMACL d'autre part à verser à [D] [Z], [I] [U] épouse [Z] et [P] [Z], pris ensemble, la somme de 3'000'€ sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile';
- condamné M. [L], solidairement avec la SMACL Assurances à verser à Mme [K] [E] la somme de 1'500'€ sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile';
- condamné M. [L], solidairement avec la SMACL Assurances à verser à la Mutuelle de Poitiers Assurances la somme de 1'500'€ sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile';
- condamné solidairement [D] [Z], [I] [U] épouse [Z] et [P] [Z] à verser à [M] [Y] et la Matmut pris ensemble la somme de 1'500'€ sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile';
- condamné M. [O]-[G] solidairement avec la Maif d'une part, M. [L] solidairement avec la SMACL d'autre part et M. [N], solidairement avec la Maif enfin, à hauteur d'un tiers chacun, aux entiers dépens de l'instance, les frais de la procédure de référé ayant abouti à l'ordonnance du 4 février 2015 ainsi que les frais et honoraires du professeur [R] au titre de l'expertise ordonnée par l'ordonnance de référé du 4 février 2015, dont distraction au profit de Maître Longeagne et de Maître Valleron, avocats';
- dit que les frais d'assignation de Mme [K] [E] et la Mutuelle de Poitiers son assureur resteront à la charge de M. [L] et la SMACL Assurances';
- déclaré le jugement commun à la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Vienne';
- débouté les parties de leurs autres demandes contraires ou supplémentaires.
M. [L] et son assureur ont interjeté appel de ce jugement.
Par un arrêt du 30 novembre 2017, la cour d'appel de Limoges a confirmé le jugement déféré en toutes ses dispositions, en retenant notamment que':
- Mme [Z] n'avait plus la qualité de conducteur au moment de l'accident et que la qualité de piéton devait lui être reconnue de sorte que son droit à indemnisation est intégral';
- M. [L] a commis une faute d'imprudence en n'adaptant pas sa vitesse et sa conduite aux conditions de circulation et aux obstacles prévisibles.
M. [L], la SMACL, M. [N], et M. [O]-[G] et leurs assureurs ont formé un pourvoi en cassation.
Par un arrêt du 17 janvier 2019, la 2e chambre civile de la Cour de cassation (pourvois n° 18-11.320 et 18-11.440) a cassé l'arrêt rendu par la cour d'appel de Limoges en toutes ses dispositions et a renvoyé la cause et les parties devant la cour d'appel de Bourges, aux motifs que':
- les collisions successives étant intervenues dans un même laps de temps et dans un enchaînement continu de sorte qu'elles constituaient un seul et même accident, ce dont il résultait que Mme [Z] avait conservé sa qualité de conducteur d'un des véhicules impliqués, de sorte que la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé les dispositions de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985';
- l'autorité de la chose jugée au pénal s'étendant aux motifs qui sont le soutien nécessaire du chef de dispositif prononçant la décision, il ressort des motifs de l'arrêt de relaxe du 19 février 2016 que l'existence d'une faute résultant de ce que M. [L] n'aurait pas adapté sa vitesse et sa conduite à la disposition des lieux et à l'humidité de la chaussée n'était pas établie, de sorte la cour d'appel a violé l'article 1351, devenu 1355 du code civil, et l'article 1382, devenu 1240, du code civil.
Statuant sur renvoi après cassation, la cour d'appel de Bourges a, par arrêt en date du 29 novembre 2019':
- confirmé le jugement rendu le 8 septembre 2016 par le tribunal de grande instance de Limoges en l'intégralité de ses dispositions, sauf en ce qu'il a dit que lors de la réalisation du dommage, Mme [D] [Z] était piéton et que son droit à indemnisation des préjudices subis du fait de l'accident de la circulation survenu le 25 août 2013 était intégral';
Et, statuant de ce seul chef réformé,
- dit que lors de la réalisation du dommage, Mme [D] [Z] avait la qualité de conductrice';
- dit qu'aucune faute de nature à limiter ou exclure son droit à indemnisation ne peut être reprochée à Mme [D] [Z]';
Et y ajoutant,
- condamné in solidum M. [L], solidairement avec la SMACL, M. [O]-[G], solidairement avec la Maif et M. [N], solidairement avec la Maif, à verser à Mme [D] [Z] et à M. et Mme [Z] pris ensemble la somme de 4'000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile';
- condamné solidairement M. [L] et la SMACL à verser à M. [Y] et à la Matmut, pris ensemble, la somme de 2'000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile';
- rejeté toutes autres demandes plus amples ou contraires';
- condamné in solidum M. [L], solidairement avec la SMACL, M. [W] [O]-[G], solidairement avec la Maif et M. [N], solidairement avec la Maif, aux entiers dépens en cause d'appel, le bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile étant accordé à Me Hervé Rahon, avocat.
M. [L] et la SMACL ont formé un pourvoi en cassation à l'encontre de l'arrêt de la cour d'appel de Bourges.
Par un arrêt du 8 juillet 2021, la 2e chambre civile de la Cour de cassation a cassé et annulé l'arrêt de la cour d'appel de Bourges du 28 novembre 2019 sauf en ce qu'il a dit que lors de la réalisation du dommage, Mme [D] [Z] avait la qualité de conductrice et condamné solidairement M. [L] et la société Smacl assurances à verser à M. [Y] et à la société Mutuelle assurance des instituteurs de France, pris ensemble, la somme de 2'000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, puis la Cour de cassation a renvoyé les parties devant la cour d'appel d'Orléans, sauf sur ces points, après avoir mis hors de cause M. [Y] et la Matmut.
La cassation est intervenue pour les motifs suivants':
- violation de l'article 1382, devenu 1240 du code civil, et de l'article 4 de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985': «'la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences qui résultaient de ses constatations selon lesquelles, en quittant la position où elle s'était initialement rangée, pour revenir vers son véhicule accidenté, Mme [Z] s'était exposée à un risque plus grand d'accident, ce dont il résultait qu'elle avait commis une faute en relation avec son dommage, a violé les textes susvisés'»';
- violation de l'article 1351, devenu 1355 du code civil, l'article 1251 du même code dans sa rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance du 10 février 2016 et l'article 1382, devenu 1240, du même code': «'en retenant à l'encontre de M. [L] une faute consistant à ne pas avoir maintenu une distance de sécurité entre son véhicule et celui qui le précédait, comme le prévoit l'article R. 412-12 du code de la route, alors qu'il ressort des motifs de l'arrêt de relaxe du 19 février 2016 que l'existence d'une faute caractérisée de M. [L] n'était pas établie, le juge correctionnel, qui n'est pas lié par la qualification donnée à la prévention, ayant vérifié que les faits dont il était saisi n'étaient constitutifs d'aucune infraction, la cour d'appel a violé les textes susvisés'».
Par déclaration en date du 18 août 2021, M. [T] [L] et la société SMACL Assurances ont saisi la cour d'appel d'Orléans. Cette procédure a été enrôlée sous le n° RG 21/2124.
Par déclaration en date du 14 septembre 2021, M. [W] [O]-[G], M. [H] [N] et la Maif ont saisi la cour d'appel d'Orléans. Cette procédure a été enrôlée sous le n° RG 21/2367.
La jonction des procédures sous le numéro RG 21/02124 a été ordonnée par ordonnance du 15 novembre 2021.
Mme [K] [E], M. [M] [Y], Mme [B] [V], la CPAM de la Haute-Vienne, la société Mutuelle de Poitiers assurances, la société Mutuelle Assurance Travailleur Mutualiste ' Matmut, la société Axa France Iard et la CPAM de Charente-Maritime n'ont pas constitué avocat.
La déclaration de saisine du 18 août 2021 a été signifiée à la CPAM de la Haute-Vienne par acte d'huissier délivré à personne morale le 21 septembre 2021 à la requête de M. [T] [L] et la SMACL Assurances.
La déclaration de saisine du 14 septembre 2021 a été signifiée à la CPAM de Charente-Maritime par acte d'huissier délivré à personne morale le 1er octobre 2021 à la requête de M. [W] [O]-[G], M. [H] [N] et de la Maif.
Suivant conclusions récapitulatives notifiées par voie électronique le 6 décembre 2021, M. [L] et la société SMACL Assurances demandent à la cour de':
- déclarer recevable et bien fondé leur appel à l'encontre du jugement rendu par le tribunal de grande instance de Limoges du 8 septembre 2016':
- réformer le jugement déféré en ce qu'il a':
dit que l'accident de la circulation dont [D] [Z] a été victime est un accident complexe impliquant plusieurs véhicules automobiles';
dit que le droit de [D] [Z] à indemnisation des préjudices subis du fait de l'accident de la circulation survenu le 25 août 2013 est intégral';
déclaré [D] [Z], [I] [U] épouse [Z] et [P] [Z] recevables en leur action en réparation de leurs préjudices, exercée à l'encontre de M. [O]-[G] et la Maif et M. [L] et la SMACL en ce que les véhicules terrestres à moteur conduits par M. [O]-[G] et [T] [L] étaient impliqués dans l'accident complexe de la circulation dont [D] [Z] a été victime';
déclaré M. [O]-[G] et M. [L] responsables des conséquences dommageables pour [D] [Z], [I] [U] épouse [Z] et [P] [Z] de l'accident de la circulation survenu à [Localité 28] le 25 août 2013';
dit M. [O]-[G], solidairement avec la Maif, d'une part, et M. [N], solidairement avec la Maif, d'autre part, M. [L] et la SMACL enfin seront tenus des condamnations prononcées par le jugement au titre des provisions allouées à hauteur d'un tiers chacun';
condamné M. [N], solidairement avec la Maif, et M. [O]-[G], solidairement avec la Maif, à garantir M. [L] et la SMACL, au titre des condamnations provisionnelles prononcées contre eux par le jugement qu'à hauteur d'un tiers chacun';
condamné M. [L] à relever M. [O]-[G] indemne de la condamnation au titre de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur d'un tiers';
condamné solidairement M. [O]-[G] lui-même solidairement avec son assureur la Maif d'une part, et M. [L], solidairement avec la SMACL, d'autre part, à payer à titre de provision à valoir sur l'indemnisation définitive de leurs préjudices les sommes de 50'000'€ à [D] [Z], et de 2'200'€ en réparation de leur préjudice matériel, outre celle de 11'000'€ à chacun en réparation de leur préjudice d'affection à [I] [U] épouse [Z] et [P] [Z]';
condamné M. [O]-[G] solidairement avec la Maif d'une part, in solidum avec M. [L], solidairement avec la SMACL, d'autre part, à verser à [D] [Z], [I] [U] épouse [Z] et [P] [Z] pris ensemble, la somme de 3'000'€ sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile';
condamné M. [O]-[G] solidairement avec la Maif d'une part, M. [L], solidairement avec la SMACL, d'autre part, et M. [N], solidairement avec la Maif enfin, à hauteur d'un tiers chacun, aux entiers dépens de l'instance, aux frais de la procédure de référé ayant abouti à l'ordonnance du 4 février 2015 ainsi qu'aux frais et honoraires du professeur [R] au titre de l'expertise ordonnée par l'ordonnance de référé du 4 février 2015, dont distraction au profit de Me Longeagne et de Me Valleron, avocats';
ordonné l'exécution provisoire';
débouté les parties de leurs autres demandes contraires ou supplémentaires';
- vu l'autorité de la chose jugée assortissant l'arrêt de la cour d'appel de Limoges du 19 février 2016 quant au fait que M. [L] n'a commis aucune faute, déclarer irrecevables toutes prétentions dirigées à son encontre, ainsi qu'à l'encontre de la SMACL';
- déclarer MM. [N] et [O]-[G] responsables de l'accident complexe qui a eu lieu le 25 août 2013 et des conséquences dommageables qui en résultent pour Mme [Z]';
-juger que Mme [Z], en sa qualité de conductrice, au regard des dispositions de l'article 4 de la Loi du 5 juillet 1985, a commis une succession de fautes de nature à exclure, et à tout le moins, à limiter l'indemnisation des dommages qu'elle a subis';
En conséquence de ce qui précède, avoir réformé le jugement entrepris, et statuant à nouveau':
A titre principal,
- déclarer toutes parties, sinon irrecevables, à tout le moins mal fondées en toutes leurs demandes, fins et conclusions dirigées à l'encontre de M. [L] et de la SMACL, et les en débouter';
- mettre hors de cause M. [L] de toute responsabilité, à l'instar de M. [Y], et de Mmes [E] et [V], et ne retenir que les responsabilités exclusives de MM. [N] et [O]-[G]';
- exclure le droit à indemnisation de Mme [Z] eu égard aux fautes qu'elle a commises dans la survenance de son préjudice';
Subsidiairement, dans l'hypothèse où les fautes de Mme [Z] ne seraient pas exclusives de son droit à indemnisation,
- en réduire substantiellement le montant dans une proportion de 80'%';
- condamner MM. [N] et [O]-[G], ainsi que la Maif ès qualités d'assureur, à relever indemne, et garantir M. [L] de toute condamnation et contribution à la charge finale de l'indemnisation qui pourrait être prononcée à son encontre';
En tout état de cause,
- rejeter toutes demandes, fins et conclusions plus amples ou contraires aux présentes';
- condamner solidairement les parties succombantes à verser à M. [L] et à la SMACL la somme de 5'000'€ au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile outre aux entiers dépens de première d'instance et d'appel, exposés tant devant les cours d'appel de Limoges, Bourges et de céans, en accordant à Maître Garnier le bénéfice de l'article 699 du code de procédure civile.
Ces conclusions ont été signifiées à la CPAM de la Haute-Vienne par acte d'huissier du 8 décembre 2021. Elles n'ont pas été signifiées aux autres intimés défaillants.
Suivant conclusions récapitulatives notifiées par voie électronique le 20 octobre 2021, M. [N], M. [O]-[G] et la Maif demandent à la cour de':
Statuant sur renvoi après cassation et dans les limites de celle-ci,
- réformer le jugement du tribunal de grande instance de Limoges du 8 septembre 2016';
En conséquence,
- dire et juger qu'il s'agit d'un accident complexe de la circulation, unique et indivisible';
- dire et juger que Mme [Z] avait la qualité de conductrice au moment de l'accident';
- dire et juger que Mme [Z] a commis des fautes de conduite au sens de l'article 4 de la loi du 5 juillet 1985';
A titre principal,
- dire et juger que M. [O] [G] et sa compagnie d'assurances, la Maif ne peuvent être tenus à indemniser le préjudice de Mme [D] [Z]';
A titre subsidiaire, et dans l'hypothèse dans laquelle la cour d'appel estimerait que la faute de conduite commise par Mme [Z] n'est pas exclusive de son droit à indemnisation';
- réduire le droit à indemnisation de Mme [Z] dans une proportion d'au moins 50'%';
- dire et juger que l'ensemble des véhicules impliqués doivent être tenus à réparation sans qu'il y ait lieu à rechercher les véhicules qui seraient à l'origine du dommage subi par Mme [Z]';
- prononcer une condamnation solidaire entre tous les véhicules impliqués';
En conséquence,
- dire et juger que l'indemnisation du préjudice de Mme [Z] sera réduite en proportion de la faute retenue soit à hauteur de 50'% au moins';
- dire que cette réduction s'appliquera également au préjudice réclamé par les consorts [Z], parents de Mme [Z]';
En conséquence,
Sur le préjudice de Mme [Z],
- donner acte à la Maif de ce qu'elle accepte de verser une provision à hauteur de 50'000'€, hors réduction';
Sur le préjudice des parents,
- donner acte de la proposition sur la demande au titre des frais de déplacement à hauteur de 3'000'€, hors réduction';
- donner acte de la proposition sur le préjudice d'affection à hauteur de 8'000'€ chacun, hors réduction';
Enfin et toujours subsidiairement,
- rejeter le recours en garantie exercé par M. [L] et son assureur, la SMACL à l'encontre de M. [O]-[G] et de son assureur d'une part et à l'encontre de M. [N]';
Statuant sur la demande reconventionnelle de M. [O]-[G] et de M. [N] et de leur assureur la Maif,
- décider d'un partage par 1/3 compte tenu de la faute évidente et prééminente de M. [L], que M. [W] [O]-[G] et son assureur, la Maif, M. [N] [H] et son assureur, la Maif';
En tout état de cause,
- condamner toutes parties perdantes à une somme de 4'000'€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile et en tous les dépens de la présente procédure de 1re instance et d'appel';
Ces conclusions n'ont pas été signifiées aux intimés défaillants.
Suivant conclusions récapitulatives notifiées par voie électronique le 7 octobre 2021, Mme [D] [Z], M. [P] [Z] et Mme [I] [U] épouse [Z] demandent à la cour de':
- dire et juger en tous points mal fondé l'appel interjeté tant par M. [L] et sa compagnie d'assurances, SMACL, que par M. [O]-[G] et sa compagnie d'assurances, la Maif, et M. [H] [N] et sa compagnie d'assurances, la Maif à l'encontre du jugement rendu par le tribunal de grande instance de Limoges le 8 septembre 2016';
- dire et juger que Mme [D] [Z], en sa qualité de conductrice, n'a commis aucune faute de nature à exclure ou même réduire son droit à indemnisation dans le cadre de l'accident dont elle a été victime lequel droit à indemnisation est intégral';
- confirmer la décision querellée sauf à l'infirmer du chef du quantum et porter à la somme de 100'000'€ la provision allouée et,
- condamner, solidairement M. [O]-[G], lui-même solidairement avec son assureur la Maif d'une part, et M. [L], solidairement avec son assureur la SMACL Assurances d'autre part à payer à titre de provision à valoir sur l'indemnisation définitive de son préjudice, la somme de 100'000'€ à Mme [D] [Z]';
- débouter pour le surplus M. [L], la compagnie SMACL Assurances M. [N], M. [O]-[G] et la compagnie Maif de l'ensemble de leurs demandes';
En toutes hypothèses,
- condamner solidairement M. [O]-[G] et sa compagnie d'assurances la Maif, M. [L] et sa compagnie d'assurances SMACL, et M. [N] et sa compagnie d'assurances, la Maif, ou toute autre partie succombante, à verser à Melle [D] [Z] une indemnité d'un montant de 8'000'€ sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés devant la cour';
- condamner solidairement M. [O]-[G] et sa compagnie d'assurances la Maif, M. [L] et sa compagnie d'assurances SMACL, et M. [N] et sa compagnie d'assurances, la Maif à verser à M. et Mme [P] [Z] une indemnité d'un montant de 5'000'€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés devant la cour';
- condamner solidairement M. [O]-[G] et sa compagnie d'assurances la Maif, M. [L] et sa compagnie d'assurances SMACL, et M. [N] et sa compagnie d'assurances, la Maif, aux entiers dépens en accordant à Maître Alexis Devauchelle, avocat, le bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Il convient de se référer aux conclusions récapitulatives des parties pour un plus ample exposé des moyens soulevés.
La cour a demandé aux appelants de communiquer, en cours de délibéré, le croquis de l'accident établi par les enquêteurs, ce qu'ils ont fait par note communiquée par RPVA le 13 juillet 2022.
M. [L] et la société SMACL Assurances ont communiqué une note en délibéré accompagnée d'une pièce, le 22 août 2022, sur un point sur lequel la cour n'avait pas autorisé de note en délibéré. Par courrier notifié au RPVA le 23 août 2022, les consorts [Z] ont sollicité le rejet de cette note en délibéré et de la pièce qui y était jointe.
SUR QUOI, LA COUR,
Il convient de rappeler qui suivant arrêt du 8 juillet 2021, la Cour de cassation a définitivement mis hors de cause M. [Y] et la Matmut, quand bien même ils sont visés dans la déclaration de saisine de la présente cour, établie par MM. [O]-[G] et [N], et la Maif.
Il résulte également de cet arrêt qu'il est désormais définitivement jugé que Mme [D] [Z] avait la qualité de conductrice, la cour d'appel de Bourges ayant infirmé le jugement entrepris en ce qu'il a dit qu'elle avait la qualité de piéton, et statué à nouveau par un chef non atteint par la cassation.
Sur la recevabilité de la note en délibéré du 22 août 2022
Aux termes de l'article 445 du code de procédure civile, après la clôture des débats, les parties ne peuvent déposer aucune note à l'appui de leurs observations, si ce n'est en vue de répondre aux arguments développés par le ministère public, ou à la demande du président dans les cas prévus aux articles 442 et 444.
La cour n'ayant pas préalablement autorisé le dépôt de note en délibéré autre que pour produire le croquis de l'accident, la note adressée par M. [L] et la société SMACL assurances après la clôture des débats doit être déclarée irrecevable.
Sur l'ouverture du droit à indemnisation de Mme [D] [Z]
Les appelants indiquent que Mme [D] [Z] a été victime d'un accident complexe impliquant les véhicules conduits par M. [N], M. [Y], M. [O]-[G], Mme [V], Mme [E] et M. [L]'; qu'il convient de déclarer MM. [N] et [O]-[G] responsables de l'accident
complexe qui a eu lieu le 25 août 2013 et des conséquences dommageables qui en résultent pour Mme [Z].
MM. [N] et [O]-[G], et leur assureur, la Maif, soutiennent qu'il convient de confirmer la qualification faite par le tribunal de cet accident, s'agissant effectivement d'un accident dit «'complexe'»'; qu'une fois l'accident qualifié de complexe, la cour retiendra la qualité de conductrice d'un véhicule terrestre à moteur de Mme [Z]'; que la qualité de piéton retenue par le tribunal est contestée, car contraire à une normale et juste appréciation des faits et aux règles de droit applicables en matière d'accident complexe de la circulation'; que la qualité de conducteur ou de piéton de la victime ne peut changer au cours d'un accident reconnu comme un accident unique et indivisible'; que le tribunal, a considéré à tort que seuls les véhicules de MM. [O]-[G] et [L] étaient impliqués dans l'accident à l'origine du dommage subi par Mme [Z], alors qu'en matière d'accident complexe et unique de la circulation, tous les véhicules sont impliqués dans l'accident, sans qu'il y ait lieu de rechercher lequel de ceux-ci seraient à l'origine du dommage subi par une victime de cet accident'; qu'en cas de condamnation de la Maif, elle ne pourra être que solidaire avec l'ensemble des véhicules impliqués compte tenu du caractère complexe, unique et indivisible de l'accident.
Les consorts [Z] expliquent que dans la survenance d'un accident complexe sont impliqués au sens de l'article 1er de la loi de 1985, tous les véhicules qui sont intervenus à quelque titre que ce soit, de sorte que l'accident complexe ne saurait être disséqué en une série d'accidents successifs'; que la victime peut agir en indemnisation contre l'un quelconque des véhicules impliqués sans avoir à justifier ou identifier lequel des véhicules est directement la cause de son dommage'; que Mme [D] [Z] a été heurtée par le véhicule Nissan appartenant à M. [O]-[G], lui-même percuté par le véhicule Honda conduit par M. [L] alors que, descendue de son véhicule accidenté, elle avait la qualité de piéton'; qu'au regard de l'article 3 de la loi de 1985, Mme [D] [Z] est bien fondée à rechercher la responsabilité tant de M. [O]-[G] que de M. [L] qui seront condamnés solidairement avec leurs compagnies d'assurances, à réparer l'entier préjudice par elle subi du fait de l'accident.
En application de l'article 1er de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 tendant à l'amélioration de la situation des victimes d'accidents de la circulation et à l'accélération des procédures d'indemnisation, un véhicule terrestre à moteur est impliqué dans un accident de la circulation, au sens de ce texte, dès lors qu'il a joué un rôle quelconque dans sa réalisation.
Il s'ensuit que lorsque plusieurs véhicules sont intervenus dans la survenance du même accident de la circulation, leurs conducteurs et gardiens sont tenus d'en réparer les conséquences dommageables envers les victimes, sans qu'il soit nécessaire de caractériser une faute à leur charge, ainsi que l'a jugé la Cour de cassation (2e Civ., 11 janvier 2001, pourvoi n° 98-17.829).
Constitue ainsi un seul et même accident dit «'complexe'», les collisions intervenues dans un même
laps de temps et dans un enchaînement continu (2e'Civ., 2'octobre 2008, pourvoi n°'07-15.902'; 2e Civ., 17 juin 2010, pourvoi n° 09-67.338).
En l'espèce, le procès-verbal de constatations établi par la police nationale établit la chronologie des évènements comme suit':
«'Un premier véhicule "A", en l'espèce un Renault Scénic ['] conduit par [N] [H] ['] se retrouve en sens inverse de la marche sur la bande d'arrêt d'urgence pour une raison ignorée en tapant au passage la glissière béton. En fin de course, le nez de son véhicule empiète légèrement sur la voie de droite. La chaussée est glissante en raison de la pluie tombée depuis le début de la journée.
Un second véhicule "B", en l'espèce une Toyota Yaris ['] conduit par [Y] [M] ['] assiste à la perte de contrôle de "A". Il ralentit, actionne ses feux de détresse, fait signe aux autres véhicules qui le suivent de ralentir. Malgré ses multiples mises en garde, il se serait fait percuter par un troisième véhicule "C", en l'espèce une Nissan Almera ['] conduit par [O]-[G] [W] [']. "C" percute donc "B" par l'arrière. "B" s'immobilise sur la voie de gauche à la perpendiculaire des voies obstruant complètement la circulation sur cette file. [']
"C" se retrouve immobilisé sur la bande d'arrêt d'urgence.
Viendrait ensuite le véhicule "D" en l'espèce une Opel Corsa ['] conduit par [Z] [D], "D1", ['] qui aurait percuté "C" puis "B".
"D" s'immobilise sur la file de gauche à hauteur du nez de "B".
Ensuite, un cinquième véhicule "E" en l'espèce une Ford Fiesta ['] conduit par [V] [B], "E1" ['] se serait aperçue de l'accident et aurait tenté de le signaler.
Un dernier véhicule "F", en l'espèce une Honda Accord ['] conduit par [L] [T], "F1" ['] percute "E" par l'arrière puis finit par s'encastrer violemment dans l'arrière du véhicule "C".
"E1" réussit à corriger sa trajectoire et évite de peu la collision avec le flot de circulation immobilisé sur la voie de gauche et la bande d'arrêt d'urgence. [']
De nos constatations, et ce sous toute réserve, il semblerait que "D1" soit sortie de son véhicule pour porter assistance aux premiers accidentés et se soit fait percuter suite au choc de"F" dans "C".'»
Les collisions telles que relatées par les enquêteurs sont donc intervenues dans un même laps de temps et dans un enchaînement continu, de sorte que Mme [D] [Z] a été victime d'un accident complexe, ce qui détermine sa qualité de conducteur ou de piéton dès lors que celle-ci ne peut changer au cours de l'accident reconnu comme un accident unique ou indivisible (2e Civ., 1er juillet 2010, pourvoi n° 09-67.627'; 2e Civ., 12 mai 2011, pourvoi n° 10-20.186).
Ainsi qu'il a été précédemment exposé, il est désormais définitivement jugé que Mme [D] [Z] avait la qualité de conductrice et non de piéton lors de l'accident du 25 août 2013.
Mme [D] [Z] dispose d'une action en réparation de ses dommages à l'encontre de l'ensemble des conducteurs et gardiens des véhicules impliqués dans l'accident complexe. Elle a cependant fait le choix de ne diriger son action qu'à l'encontre de MM. [O]-[G] et [L] et leurs assureurs respectifs, la loi du 5 juillet 1985 n'obligeant pas les victimes d'un accident de la circulation à agir à l'encontre de l'ensemble des débiteurs d'indemnisation.
Le tribunal n'a donc pas considéré que seuls les véhicules de MM. [O]-[G] et [L] étaient impliqués dans l'accident à l'origine du dommage subi par Mme [Z], mais il a jugé que l'action exercée par celle-ci à l'encontre de ces deux conducteurs était fondée en raison de l'implication de leurs véhicules dans l'accident qui résultent des pièces versées aux débats.
Le tribunal ne pouvait, sans modifier l'objet du litige et statuer au-delà de ce qui lui était demandé, juger que les autres conducteurs impliqués dans l'accident étaient également redevables d'une provision à l'égard des consorts [Z] qui n'agissaient pas à leur encontre.
Le jugement déféré à la cour sera donc confirmé en ce qu'il a dit que l'accident de la circulation dont Mme [D] [Z] a été victime est un accident complexe impliquant plusieurs véhicules automobiles et déclaré les consorts [Z] recevables en leur action en réparation de leurs préjudices, exercée à l'encontre de MM. [O]-[G] et M. [L], conducteurs de véhicules impliqués dans l'accident complexe de la circulation, et leurs assureurs respectifs, la Maif et la SMACL assurances.
Sur l'étendue du droit à indemnisation de Mme [D] [Z]
M. [L] et son assureur soutiennent qu'il est désormais constant que Mme [Z] avait bien la qualité de conductrice et que, dans ces conditions, il doit être tenu compte de ses fautes dans la survenance de son propre préjudice'; que Mme [Z] a commis une première faute consistant en un défaut de maîtrise de son véhicule, dès lors que, connaissant le caractère accidentogène de cette portion d'autoroute, elle a réagi brutalement et de façon totalement inadaptée aux circonstances de l'accident'; que le fait qu'elle n'ait pas été poursuivie par le procureur de la République de Limoges ne signifie pas qu'elle n'a pas commis une faute civile d'imprudence ou de défaut de maîtrise dans la conduite de son véhicule'; que Mme [Z] a commis une seconde faute assimilée à une véritable faute inexcusable de nature à exclure son droit à indemnisation'; qu'elle a en effet pris le risque de se faire percuter en revenant à l'arrière de son véhicule'; qu'il ne fait aucun doute que Mme [Z] n'aurait subi aucun préjudice, autre que matériel, si elle s'était tenue en sécurité à bonne distance de son véhicule.
MM. [N] et [O] [G] et leur assureur font valoir que la qualité de conducteur ou de piéton de la victime ne peut changer au cours d'un accident unique et indivisible'; que l'absence de poursuites pénales à l'encontre de Mme [Z] ne suffit pas à établir une absence de faute'; qu'il y a bien un lien causal entre le défaut de maîtrise de Mme [Z] l'ayant conduit à heurter le véhicule de M. [Y] et le fait qu'elle ait elle-même été ensuite heurtée par d'autres véhicules, sa voiture accidentée constituant un obstacle sur la chaussée'; que Mme [Z] n'est pas restée maître de son véhicule et n'a pas réduit sa vitesse en essayant de poursuivre sa trajectoire sur la voie de gauche de l'autoroute, laquelle était entièrement libre'; que ce comportement est constitutif d'un défaut de maîtrise caractérisant la faute de conduite au sens de l'article 4 de la loi du 5 juillet 1985, et ce d'autant plus que Mme [Z] est domiciliée à [Localité 39], et connaît donc le caractère accidentogène des lieux'; que Mme [Z] a également commis une faute comportementale en revenant à sa voiture pour récupérer son chat'; qu'il doit donc être jugé qu'elle a commis des fautes de nature à exclure son droit à indemnisation'; qu'à titre subsidiaire, il y a lieu de réduire le droit à indemnisation de Mme [Z] à hauteur d'au moins 50'%.
Les consorts [Z] répliquent que Mme [D] [Z] a percuté le seul véhicule de M. [Y], mais nullement ceux de MM. [L], [O] [G] et [N]'; qu'à la suite de ce choc elle se trouvait en pleine possession de ses facultés physiques et a ainsi pu seule s'extraire de son véhicule, marcher vers le rebord de la chaussée, puis revenir vers sa voiture'; qu'elle n'a fait l'objet d'aucune poursuite pénale par le Procureur de la République de Limoges'; que le lien de causalité entre la conduite du véhicule et le dommage subi par la victime, qui est descendue de son véhicule, est inexistant, puisque Mme [D] [Z] a été percutée par un autre véhicule indépendamment de toute faute de conduite de sa part'; qu'il n'est pas établi ni démontré que Mme [D] [Z] ait commis une imprudence ou un défaut de maîtrise, peu important sa connaissance supposée et un emprunt régulier des lieux, au demeurant non avérés'; que Mme [D] [Z] n'a pas commis de faute en se rendant à l'arrière du véhicule pour aller récupérer son chat, d'autant qu'il en aurait été de même s'il s'était agi par exemple d'un enfant à secourir ou d'une personne à mobilité réduite'; qu'au regard de la configuration des lieux, dépourvue de possibilité d'abri, Mme [D] [Z] ne pouvait s'estimer en pleine sécurité sur la partie latérale de la chaussée constituée non d'un rail de sécurité, mais d'un mur de béton aux abords duquel les véhicules accidentés s'étaient échoués'; que le fait de quitter la proximité de ce mur afin de revenir vers son véhicule, n'est pas de nature à caractériser une augmentation considérable du risque auquel elle se trouvait alors exposée, surtout lorsque l'on considère que ses facultés psychiques d'appréciation de sa situation se trouvaient légitimement perturbées du fait de l'accident important dont elle venait d'être victime et de la crainte qu'elle nourrissait alors pour son animal de compagnie'; que le fait pour un automobiliste en état de choc, pris au beau milieu d'un carambolage, de vouloir se protéger et protéger toute personne ou un animal de compagnie, se trouvant encore dans le véhicule, parait tout à fait légitime et une telle attitude est conforme à celle qu'aurait eu un individu raisonnable placé dans la même situation'; que le droit à indemnisation de Mme [D] [Z] est donc intégral.
Mme [D] [Z] ayant la qualité de conducteur et non de piéton au cours de l'accident complexe de la circulation du 25 août 2013, elle ne peut se prévaloir de l'application de l'article 3 de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985.
Aux termes de l'article 4 de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985, «'la faute commise par le conducteur du véhicule terrestre à moteur a pour effet de limiter ou d'exclure l'indemnisation des dommages qu'il a subis'».
Lorsque plusieurs véhicules sont impliqués dans un accident de la circulation, chaque conducteur a droit à l'indemnisation des dommages qu'il a subis, sauf s'il a commis une faute ayant contribué à la réalisation de son préjudice et appartient alors au juge d'apprécier souverainement si cette faute a pour effet de limiter l'indemnisation ou de l'exclure, en faisant abstraction du comportement des autres conducteurs (Ch. mixte, 28 mars 1997, pourvoi n° 93-11.078'; 2e Civ., 10 février 2022, pourvoi n° 20-18.547).
La faute du conducteur ne peut être de nature à limiter ou à exclure son droit à réparation que s'il est démontré qu'elle a joué un rôle causal dans la réalisation de son dommage (Ass. plén., 6 avril 2007, pourvoi n° 05-81.350).
Ainsi, le défaut de maîtrise ou la vitesse excessive ne peut être considérée comme une faute du conducteur victime lorsqu'il n'a joué aucun rôle causal (Cass. crim., 27'juin 2006, pourvoi n°'05-86.372, 05-87.343, 05-14.929 et 05-87.114').
En l'espèce, M. [N], conducteur du 1er véhicule accidenté entravant les voies, un véhicule Renault Scénic, a déclaré au cours de l'enquête pénale ouverte suite à l'accident':
«'Je circulais sur la voie de droite de l'autoroute A20 dans le sens [Localité 41]/[Localité 44], quand peu après la sortie pour [Localité 43], mon véhicule s'est mis à tirer vers la gauche. J'ai tenté de redresser tranquillement, sans à coup mais en vain, mon véhicule continuait de tirer à gauche si bien qu'il s'est retrouvé en travers, a heurté le mur central puis est parti en toupie sur la droite. Je ne sais pas quelle partie de mon véhicule a heurté, mais je me suis retrouvé immobilisé sur la bande d'arrêt d'urgence à contre-sens de la circulation. [']
Une petite voiture blanche est arrivée et s'est arrêtée sur la bande d'arrêt d'urgence en warning avant moi. Je suis sorti de ma voiture, abasourdi, j'ai vu le monsieur et la dame dans la voiture et je tentais de leur dire par des gestes que je n'avais pas compris ce qui se passait. Un jeune homme qui se trouvait en haut du mur me disait de me hisser pour me mettre en sécurité. J'ai entendu un crissement de pneus et une voiture est venue heurter l'arrière de la voiture blanche qui s'était arrêtée pour porter secours. Dans le choc, la voiture blanche a avancé et est venue heurter l'avant de mon véhicule. Je n'ai pas vu, car à ce moment-là, je me suis mis à courir pour ne pas me faire écraser, mais j'ai bien senti ma voiture bouger. J'ai réussi à monter sur le mur. Par la suite, on a aidé le couple de la voiture blanche à monter aussi. La dame de cette troisième voiture est sortie et on lui demandait de monter sur le mur. Là, elle nous a dit qu'elle avait un animal dans la voiture qu'elle voulait récupérer. Elle bougeait et là, un autre véhicule est arrivé et a heurté sa voiture. C'est là que la jeune femme a été heurtée par un des véhicules, mais je ne sais pas trop comment. Tout s'est passé très vite. Elle a disparu. Je me suis reculé, choqué et quand je suis revenu, j'ai vu qu'elle était allongée en vie, les jambes fortement abîmées'».
Le conducteur du 2e véhicule accidenté de marque Toyota Yaris, M. [Y], a déclaré aux enquêteurs':
«'Je circulais sur la voie de droite de l'autoroute A20 venant de [Localité 41] en direction de [Localité 44]. Arrivé sur [Localité 28], j'ai vu au loin, une voiture qui faisait des têtes à queues et qui a finit sa course contre le mur, sur la bande d'arrêt d'urgence à contre-sens de la circulation. Voyant cela, j'ai mis mes warnings et je me suis arrêté sur la bande d'arrêt d'urgence à une dizaine de mètres du véhicule. Il devait rester environ 50 centimètres entre ma voiture et le mur sur ma droite pour permettre à ma passagère de sortir porter secours au conducteur.
Ma passagère est sortie et c'est au moment où je m'apprêtais à sortir de mon véhicule pour faire ralentir les véhicules que j'ai été violemment percuté à l'arrière par un véhicule de couleur gris de marque Nissan.
Suite au choc, mon véhicule est resté droit sur la bande d'arrêt d'urgence sans heurter le véhicule de face.
Je suis alors sorti de mon véhicule et des gens qui se trouvaient en haut sur le mur nous ont aidé à grimper là-haut pour nous mettre en sécurité. Nous sommes montés sur le capot de la voiture et les gens nous ont pris les mains et tirés. Ce sont les pompiers qui par la suite nous ont fait descendre par l'échelle.
Une fois en sécurité, les autres chocs ont eu lieu. Je n'ai pas vu les chocs seulement entendus, car je tournais le dos, en essayant de joindre la Police avec mon portable. Lorsque je me suis retourné, j'ai constaté que mon véhicule se trouvait en travers de la voie de droite. Un autre véhicule avait percuté l'arrière du véhicule qui m'avait percuté et un autre véhicule est venu heurter de nouveau l'arrière du véhicule qui m'avait percuté. Je n'ai pas vu les chocs'».
La passagère de ce second véhicule, Mme [X], a témoigné des faits suivants':
«'Voyant le véhicule qui faisait des têtes à queue, nous nous sommes arrêtés sur la bande d'arrêt d'urgence. Je suis descendue de mon côté après avoir regardé s'il ne venait pas de véhicule. Je m'avance vers le véhicule qui se trouvait à contre-sens de la circulation. J'ai demandé au conducteur si ça allait. Il m'a répondu «'oui'». J'ai alors eu de suite l'idée de passer par-dessus le mur. À ce moment-là, j'ai entendu un coup de frein terrible et j'ai vu la Nissan qui circulait sur la voie de droite, se déporter sur la bande d'arrêt d'urgence, elle était quasiment le long du mur et est venue heurter notre véhicule. Elle a dû le heurter vers l'arrière droit qui a eu pour effet de décaler notre véhicule sur la gauche le faisant avancer sur une dizaine de mètres. La Nissan s'est donc retrouvée entre le mur sur sa droite et notre véhicule Yaris. Je voyais le véhicule arriver sur moi et du coup, je suis incapable de dire si je me suis jetée en arrière pour l'éviter ou si c'est le véhicule qui m'a touchée et m'a projetée en arrière contre le mur. Mon index gauche a touché ce véhicule, car j'ai mal au doigt. Suite au choc contre le mur, j'ai le sacrum de cassé. Les gens qui se trouvaient en haut du mur me faisaient signe de monter. J'ai donc contourné les véhicules, je suis montée sur le véhicule Scénic gris qui était à contre-sens de la circulation et les gens m'ont hissée au-dessus du mur. Une fois que j'étais là, une voiture gris clair est arrivée et a percuté l'arrière de notre véhicule ce qui a eu pour effet de le mettre perpendiculaire à la route. La conductrice est descendue de son véhicule, a contourné les véhicules puis est revenue sur ses pas pour récupérer son chat. Au moment où elle se retournait pour revenir à son véhicule, un autre véhicule a perdu le contrôle, s'est retrouvé le long du mur sur la bande d'arrêt d'urgence, a percuté l'arrière de la Nissan qui a été projetée en avant sur les jambes de la conductrice de la voiture grise qui s'est retrouvée les jambes sous la voiture'».
M. [O]-[G], conducteur du 3e véhicule accidenté, de marque Nissan, a déclaré ne pas avoir de souvenir de l'accident, et n'a fait aucune déclaration sur l'accident de Mme [Z].
Mme [D] [Z], conductrice du 4e véhicule accidenté, de marque Opel, a déclaré':
«'Je circulais à bord de mon véhicule personnel Opel Corsa immatriculé [Immatriculation 34]. Mon chat se trouvait sur la plage arrière. Je circulais sur l'A20 dans le sens [Localité 41]-[Localité 44] sur la voie de droite. Je roulais à une vitesse de 110'km/h. En arrivant pratiquement dans le virage, j'ai constaté la présence de véhicules accidentés sur les voies. Voyant cela, j'ai tout freiné et j'ai donné un coup de volant à gauche. Là, je suis allée heurter la glissière béton sur ma gauche qui m'a projeté sur les voies. J'ai fini ma course contre un véhicule blanc. Une fois mon véhicule immobilisé, je suis sortie du côté conducteur, je suis allée à l'arrière de ma voiture pour récupérer mon chat et là, je ne sais plus. Je me suis faite percutée'».
M. [L], conducteur du 5e véhicule accidenté, de marque Honda, a déclaré':
«'Je venais de passer le radar, je suivais une voiture, j'étais sur la file de gauche. D'un seul coup, j'ai vu que cette voiture à la sortie du virage avait pilé. Donc, comme j'avais quand même une bonne distance de sécurité, j'ai voulu l'éviter en changeant de file et là je me suis retrouvé devant un mur de voitures arrêtées devant moi. J'ai freiné et je n'ai pas pu m'arrêter, ma voiture a glissé. J'ai heurté une Nissan qui était impliqué dans l'accident. [...]
J'étais entre 100 et 110, comme je vous l'ai dit, je venais de passer le radar'».
M. [A], témoin de l'accident du véhicule Honda de M. [L] et du choc subséquent subi par Mme [Z], a relaté ce qui suit aux enquêteurs':
«'Nous étions à environ quinze mètres des véhicules accidentés quand un véhicule qui nous suivait mais qui circulait sur la voie de droite, a serré sur la droite, a longé le muret sur sa droite et est venu percuter les véhicules déjà accidentés sur la bande d'arrêt d'urgence. ['] j'ai vu le derrière de la Honda se lever lors du choc. Je précise que lors du choc de ce véhicule Honda bleu foncé contre les véhicules accidentés, l'Opel Corsa grise qui se trouvait sur la voie de droite a été projetée sur la voie de gauche sur laquelle elle a heurté une voiture Ford Fiesta blanche qui nous précédait. Cette voiture a continué à rouler tant bien que mal et s'est stationnée sur la bande d'arrêt d'urgence un peu plus haut. Elle avait tout son côté droit endommagé.
Je précise aussi que lors du choc du véhicule Honda bleu foncé contre la Nissan, j'ai vu un piéton qui se trouvait juste devant ce véhicule être fauché par ce dernier. C'était une dame que j'ai retrouvée allongée à plat ventre sur la bande d'arrêt d'urgence devant la Nissan et juste derrière le coffre de la Toyota. Dans la Nissan se trouvait encore le conducteur qui ne pouvait pas sortir de son véhicule'».
Il résulte de ces éléments que Mme [D] [Z] est sortie indemne de son véhicule et a pu se déplacer pour contourner les véhicules accidentés présents sur les voies et se rendre sur la bande d'arrêt d'urgence, n'ayant subi aucune lésion avant d'être percutée par le véhicule Nissan projeté par le véhicule Honda.
La faute alléguée de Mme [D] [Z] consistant en un éventuel défaut de maîtrise de son véhicule ne peut être de nature à limiter ou à exclure son droit à réparation dès lors que ce défaut de maîtrise n'a joué aucun rôle causal dans la réalisation de son dommage, survenu postérieurement. Le moyen relatif à une faute de conduite de la victime est donc inopérant.
S'agissant de la faute de comportement alléguée, les témoignages précités et les constatations des enquêteurs permettent d'établir que Mme [D] [Z] est sortie de son véhicule pour se rendre sur la bande d'arrêt d'urgence, après avoir percuté le véhicule.
Les photographies versées aux débats et les témoignages précédemment relatés permettent de constater que le lieu de l'accident ne comporte pas de barrière de sécurité en bordure d'autoroute derrière laquelle les conducteurs et passagers auraient pu se placer pour garantir leur sécurité. La bande d'arrêt d'urgence est longée par un mur d'une hauteur supérieure à celle d'un homme, formant un terre-plein surplombant l'autoroute, lequel ne présente pas d'accès aux piétons. Si les occupants des deux premiers véhicules accidentés sont parvenus à se réfugier sur le terre-plein longeant l'autoroute, M. [Y] et Mme [X] ont dû monter sur un des véhicules accidentés pour se surélever afin de se hisser sur le terre-plein à l'aide de personnes se trouvant sur celui-ci. À l'arrivée des pompiers, les deux occupants des deux premiers véhicules accidentés n'ont pu être évacués qu'au moyen d'une échelle comportant huit barreaux, apportée par les services de secours, tel que cela apparaît sur les photographies prises le jour de l'accident.
Il est établi que parvenue à la bande d'urgence qui ne constituait pas un lieu sécurisé, Mme [D] [Z] a manifesté l'intention de retourner à son véhicule pour y aller chercher son chat.
Après la perte de contrôle du premier véhicule, les collisions se sont enchaînées très rapidement tel qu'en ont attesté les témoins': M. [N] a ainsi déclaré qu'une fois sorti de son véhicule il s'était mis à courir pour ne pas se faire écraser et s'agissant de l'accident de Mme [D] [Z] «'Tout s'est passé très vite'»'; les véhicules circulaient à 100 à 110'km/h et le lieu de l'accident est situé après un virage'; M. [Y] était en train de téléphoner à la police lorsque deux nouvelles collisions sont survenues qu'il n'a constaté qu'après s'être retourné'; Mme [X] était elle-même encore sur la bande d'arrêt d'urgence lorsque le véhicule Nissan est venu percuter son propre véhicule de sorte qu'elle s'est jetée en arrière pour l'éviter.
Selon M. [N], Mme [D] [Z] bougeait lorsqu'elle a été heurtée par un véhicule. Mme [X] a quant à elle précisé que Mme [D] [Z] a été renversé par un véhicule «'au moment où elle se retournait pour revenir à son véhicule'».
Compte-tenu de la succession rapide des collisions, Mme [D] [Z] n'a pas eu le temps de se rendre à l'arrière de son véhicule pour prendre son chat, contrairement à ce que soutiennent les appelants. Il est en effet établi avec certitude qu'elle a été heurtée par le véhicule Nissan qui était situé sur la bande d'arrêt d'urgence, et qui est demeuré sur celle-ci après avoir été percuté par le véhicule Honda, alors que le véhicule Opel Corsa de la victime était immobilisé sur la première voie de l'autoroute. Mme [D] [Z] n'a donc pas eu le temps de quitter la bande d'arrêt d'urgence où elle était parvenue après être sortie de son véhicule, lorsqu'elle a été renversée par le véhicule Nissan lui-même percuté par un autre véhicule. Le croquis établi par les enquêteurs permet également de constater que Mme [D] [Z] a été percutée alors qu'elle se trouvait sur la bande d'arrêt d'urgence et non à proximité de son véhicule pour y prendre son chat.
Il s'agit donc de déterminer si le seul fait pour Mme [D] [Z] d'initier ce mouvement avec l'intention de retourner à l'arrière de son véhicule a pu jouer un rôle causal dans la réalisation de son dommage.
Après l'immobilisation de son véhicule, la première action de Mme [D] [Z] a été de sortir de son véhicule et de se rendre sur la bande d'arrêt d'urgence longée d'un terre-plein surélevé qui ne présente pas d'accès aux piétons.
Au regard de la configuration des lieux, Mme [D] [Z] n'aurait pas pu se hisser sur le terre-plein surplombant l'autoroute dans le laps de temps très court pendant lequel elle avait décidé d'initier son retour vers son véhicule avant d'être heurté par un véhicule sur la bande d'arrêt d'urgence, étant rappelé que Mme [X], descendue de son véhicule avant Mme [D] [Z], avait évité de justesse d'être heurtée par un véhicule avant de réussir à se réfugier sur le terre-plein longeant les voies de circulation.
Il résulte de l'ensemble de ces considérations qu'au moment du choc, il n'est pas démontré que Mme [D] [Z] a commis une faute ayant contribué à la réalisation de son préjudice. Son droit à indemnisation est donc intégral.
Sur la provision allouée à la victime directe de l'accident
Mme [D] [Z] soutient qu'aucune offre d'indemnisation depuis la date de l'accident et en tout cas dans le délai légal résultant de la loi Badinter, n'a été formulée par aucune compagnie d'assurances'; que les conclusions du rapport d'expertise du professeur [R] du 10 avril 2015 met en avant l'importance du préjudice subi, alors que son état n'était pas encore consolidé'; qu'il y a lieu de confirmer le jugement en ce qu'une mesure d'expertise médicale a été ordonnée et en ce qu'il a accordé une provision complémentaire'; qu'au regard de l'importance du préjudice tel que mis en avant par le rapport [C] du 17 avril 2018, du temps passé depuis le jugement dont appel, de l'absence d'offre des compagnies d'assurance, le quantum de la provision allouée sera porté à la somme de 100'000 euros.
La MAIF indique que Mme [D] [Z] a déjà perçu une somme de 15'000 euros à titre de provision suite à l'ordonnance du juge de la mise en état du tribunal du 2 février 2016'; qu'elle accepte la provision de 50'000 euros allouée en première instance compte tenu des conclusions du rapport médical définitif'; qu'il ne pourra être fait droit à une provision supérieure à cette somme de 50'000 euros, notamment compte tenu de la réduction du droit à indemnisation d'au moins 50'%'; qu'ainsi, le montant de la provision accordé sera en tout état de cause dans les proportions de la faute retenue de la conductrice soit à hauteur d'au moins 50'%.
L'expertise prononcée par le jugement entrepris n'est pas contestée, et a d'ailleurs été exécutée par le docteur [C]. Le jugement sera confirmé de ce chef.
Il résulte du rapport d'expertise établi par le professeur [R] le 10 avril 2015 que Mme [D] [Z] a été victime le 25 août 2013 d'un grave poly-traumatisme routier, ayant justifié 11 opérations et ayant pour conséquence':
- une fracture ouverte de l'olécrane gauche';
- une fracture ouverte Cauchoix ll du fémur droit';
- un fracas du bassin associant fracture des deux cotyles, disjonction symphysaire et fracture de l'aileron sacré gauche';
- une fracture vertébrale T12 et des apophyses transverses L1, L2, L3, L5';
- une luxation ouverte du genou gauche avec destruction des plans ligamentaires croisés et internes';
- une paralysie sciatique gauche complète.
L'état de Mme [D] [Z] n'était pas consolidé lors du dépôt du rapport de M. [R] qui a évalué certains postes de préjudices comme suit':
- déficit temporaire fonctionnel total depuis le 25 août 2013 jusqu'au 10 avril 2015';
- préjudice esthétique temporaire de 4/7';
- répercussion professionnelle en raison d'un arrêt de travail depuis le 25 août 2013';
- souffrances endurées qui ne peuvent être inférieures à 6/7';
- préjudice esthétique non inférieur à 3/7';
- déficit fonctionnel permanent supérieur à 40'%.
Le rapport d'expertise établi par le docteur [C] le 17 avril 2018 mentionne':
- une date de consolidation de l'état de Mme [D] [Z] alors âgée de 33 ans fixée au 29 novembre 2017';
- un déficit fonctionnel temporaire total du 25 août 2013 au 14 décembre 2015 et de 75'% du 15 décembre 2015 jusqu'à la date de consolidation';
- un déficit fonctionnel permanent de 59'%.
Par ordonnance définitive du juge de la mise en état du tribunal de grande instance de Limoges en date du 2 février 2016, il a été alloué à Mme [D] [Z] une provision de 15'000 euros.
Le jugement déféré à la cour a condamné solidairement M. [O]-[G] solidairement avec son assureur la MAIF, d'une part, et M. [L] solidairement avec la SMACL, d'autre part, à payer à Mme [D] [Z] une provision à valoir sur l'indemnisation de son préjudice d'un montant de 50'000 euros.
Au regard de l'évaluation des postes de préjudices résultant des rapports d'expertise établis par les docteurs [R] et [C], et de l'importance des dommages subis par Mme [D] [Z] notamment en termes de souffrances endurées et de déficit fonctionnel permanent, les provisions allouées sont très inférieures au niveau de liquidation du dommage corporel qui interviendra devant le tribunal judiciaire de Limoges à l'issue d'une procédure particulièrement longue.
En conséquence, il convient d'infirmer le jugement en ce qu'il a condamné M. [O]-[G] solidairement avec son assureur la MAIF, d'une part, et M. [L] solidairement avec la SMACL au paiement d'une provision de 50'000 euros à Mme [D] [Z], afin de les condamner solidairement au paiement d'une provision de 100'000 euros au regard de l'importance du dommage subi et de l'ancienneté de l'accident.
Sur la provision allouée aux victimes indirectes de l'accident
MM. [N] et [O]-[G] et leur assureur, la MAIF, font valoir que, s'agissant les frais divers des proches, le domicile des parents [Z] est situé à 10 kilomètres aller-retour du centre hospitalier de [Localité 28], et que l'état de santé de leur fille ne nécessitait pas de visites quotidiennes'; que dans ces conditions et en l'absence de justificatif démontrant les frais de transport, qu'il ne pourra être qu'alloué une somme de manière forfaitaire de 2'200 euros, hors réduction'; que le préjudice d'affection doit être réduit à de justes proportions, lequel doit prendre en considération le retentissement pathologique objectivé que la perception du handicap de la victime entraîne chez ses parents qui doivent justifier d'un lien affectif réel, au contact de la souffrance de la victime directe.
M. [P] [Z] et Mme [I] [U] épouse [Z] demandent la confirmation du jugement quant aux provisions qui leur ont été allouées tant au titre de leurs frais de transport que de leur préjudice d'affection.
En l'absence de réduction du droit à indemnisation de la victime directe de l'accident, les victimes indirectes ont également le droit à l'indemnisation intégrale de leur préjudice.
Le jugement a condamné solidairement M. [O]-[G] solidairement avec son assureur la MAIF d'une part, et M. [L], solidairement avec la SMACL, d'autre part, à payer à titre de provision la somme de 2'200'euros en réparation du préjudice matériel de M. [P] [Z] et de Mme [I] [U] épouse [Z] correspondant à leurs frais de transport.
Dans le dispositif de leurs conclusions récapitulatives qui seul saisit la cour en application de l'article 954 du code de procédure civile, MM. [N] et [O]-[G] et leur assureur, la MAIF, demandent de leur «'donner acte de la proposition sur la demande au titre des frais de déplacement à hauteur de 3'000'€, hors réduction'». Il s'ensuit que la cour n'est pas saisie d'une demande tendant à voir fixer la provision allouée au titre des frais de transport des parents de Mme [D] [Z] à une somme inférieure à celle fixée par le tribunal, de sorte que la cour ne peut que confirmer le jugement de ce chef.
Les proches de la victime directe qui subit un handicap ont le droit à l'indemnisation du préjudice moral certain et personnel qu'ils subissent, dont le quantum est tributaire de l'importance du dommage corporel de la victime directe.
Les attestations versées aux débats établissent la proximité affective de M. [P] [Z] et Mme [I] [U] épouse [Z] avec leur fille qui a subi un grave accident à l'âge de 29 ans, le préjudice moral conséquent qui s'en est suivi et l'aide qu'ils lui ont apporté après l'accident. Au regard de l'importance du dommage corporel affectant leur fille, la provision a été justement fixée à 11'000 euros à valoir sur l'indemnisation du préjudice d'affection subi par chacun d'entre eux. Le jugement sera donc également confirmé de ce chef.
Sur les recours entre co-auteurs
M. [L] et son assureur, la société SMACL assurances, soutiennent que lorsque plusieurs véhicules sont impliqués, la charge définitive de l'indemnisation est répartie comme en matière de responsabilité du fait des choses'; que la répartition à proportion d'un tiers par co-auteur, retenue par le tribunal, ne tient pas compte des fautes respectives commises par MM. [N] et [O]-[G] et de l'absence de faute de M. [L], et est ainsi entaché d'une erreur de droit'; que MM. [N] et [O]-[G] ont été condamnés par jugement du tribunal correctionnel de Limoges du 18 juin 2015 respectivement pour blessures involontaires avec incapacité n'excédant pas trois mois et conduite à une vitesse excessive eu égard aux circonstances'; que ce jugement définitif ayant autorité de chose jugée, la juridiction civile ne peut que retenir une faute commise par ces deux conducteurs'; qu'au regard de l'arrêt de la Cour de cassation du 8 juillet 2021, il convient de réformer le jugement du tribunal de grande instance de Limoges du 8 septembre 2016 en ce qu'il retient une faute de M. [L] qui a été relaxé par la juridiction pénale.
MM. [N] et [O]-[G] et leur assureur, la Maif, répliquent que le jugement doit être confirmé en ce qu'il a été jugé que les fautes des trois co-auteurs étaient d'égale gravité justifiant ainsi un partage à hauteur d'un tiers chacun'; que l'implication et la participation fautive à l'accident de M. [L] sera confirmé, dès lors que c'est la collision très violente occasionnée par le véhicule de celui-ci qui est à l'origine des blessures de Mme [Z] et non les accidents antérieurs'; que l'appréciation d'une faute civile étant différente de celle de la faute pénale à laquelle est tenue la juridiction répressive, la relaxe de M. [L] prononcée par la cour d'appel de Limoges pour l'infraction de blessures involontaires n'a aucune incidence sur la faute civile qui relève de la seule appréciation du juge du fond'; que M. [L] a incontestablement commis un défaut de maîtrise de son véhicule au regard des dispositions de l'article R.412-6 du code de la route'; que la faute de M. [L] réside donc dans le fait qu'il n'a pas pu éviter l'accident à l'inverse d'autres conducteurs qui se trouvaient exactement dans la même configuration que lui'; que la demande de M. [L] et de son assureur tendant à obtenir, en cas de condamnation, d'être relevé indemne par les autres parties sera purement et simplement rejetée.
Le conducteur d'un véhicule terrestre à moteur impliqué dans un accident de la circulation, et condamné à réparer les dommages causés à un tiers, ne peut exercer un recours contre un autre conducteur impliqué que sur le fondement des articles'1382 et 1251 du code civil dans leur version antérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance n°'2016-131 du 10 février 2016, et la contribution de chacun des coauteurs a lieu en proportion des fautes respectives.
Il est établi que MM. [O]-[G], [L] et [N] étaient tous les trois conducteurs de véhicules impliqués dans l'accident de la circulation du 25 août 2013.
M. [L] poursuivi devant le tribunal correctionnel de Limoges pour avoir, étant conducteur d'un véhicule terrestre à moteur, par maladresse, imprudence, inattention, négligence ou manquement à une obligation de sécurité ou de prudence imposée par la loi ou le règlement, involontairement causé une incapacité totale de travail supérieure à trois mois sur la personne de [D] [Z], en l'espèce en perdant le contrôle de son véhicule et en percutant des véhicules déjà accidentés sur l'autoroute, percutant ainsi la victime.
Statuant sur l'appel de M. [L] à l'encontre du jugement du tribunal correctionnel de Limoges du 18 juin 2015, la cour d'appel de Limoges l'a relaxé, par arrêt rendu le 19 février 2016 par la chambre des appels correctionnels.
Il est constant que l'autorité de la chose jugée au pénal s'étend aux motifs qui sont le soutien nécessaire du chef de dispositif prononçant la décision.
La chambre des appels correctionnels de la cour d'appel de Limoges a statué à l'égard de M. [L], pour les motifs suivants':
«'Attendu que le jugement déféré a déclaré M. [L] coupable aux motifs, d'une part que le changement de file constituait une imprudence puisqu'il avait fait le choix non de freiner dans un premier temps, mais de changer de voie pour doubler par la droite le véhicule qui le précédait et qui freinait, d'autre part qu'il lui revenait d'adapter sa vitesse et sa conduite à la disposition des lieux a fortiori sur une chaussée humide';
Attendu cependant qu'il n'est pas établi que le choix de changer de file avant de freiner ait constitué en l'espèce une faute';
Attendu en effet que la bande d'arrêt d'urgence a une largeur limitée et qu'avant le lieu de l'accident, l'autoroute A20 décrit une courbe avec un dévers à droite en descendant, qu'ainsi, lorsqu'il a pris la décision de changer de file avant de freiner, M. [L] ne bénéficiait que d'une visibilité réduite vers l'avant et n'avait pas encore découvert que le bande d'arrêt d'urgence et la voie de droite étaient totalement obstruées';
Attendu au surplus qu'il ressort des déclarations de Mme [J] et de M. [S], passagers de M. [L], que malgré le freinage, l'allure de son véhicule ne ralentissait pas, qu'il apparaît au vu de ces éléments que la chaussée était caractérisée par une perte d'adhérence';
Attendu enfin que Mme [J] et M. [S] ont indiqué également que M. [L] roulait à une allure normale';
Attendu qu'il résulte de ce qui précède que l'existence d'une faute caractérisée de M. [L] n'est pas établie, qu'il doit donc être renvoyé des fins de la poursuite'».
Il ressort des motifs de l'arrêt de relaxe du 19 février 2016 que l'existence d'une faute de M. [L], résultant de ce qu'il n'aurait pas adapté sa vitesse et sa conduite à la disposition des lieux et à l'humidité de la chaussée n'est pas établie.
La chambre des appels correctionnels, saisie de faits de blessures involontaires par maladresse, imprudence, inattention, négligence ou manquement à une obligation de sécurité ou de prudence imposée par la loi ou le règlement, et qui n'était pas liée par la qualification donnée à la prévention, a considéré qu'ils n'étaient constitutifs d'aucune infraction résultant notamment d'une violation d'une disposition du code de la route.
Cette décision ayant autorité de chose jugée sur le civil, MM. [N] et [O]-[G], ainsi que leur assureur, la Maif, sont mal fondés à soutenir que M. [L] aurait commis une faute résultant d'un défaut de maîtrise de son véhicule.
MM. [N] et [O]-[G] ne contestent pas avoir chacun commis une faute et considèrent que ces fautes étant d'égale gravité, la contribution à la dette entre les co-auteurs doit s'opérer par parts viriles, ainsi que le tribunal l'a jugé.
Le comportement fautif de M. [N] est établi par sa condamnation pénale irrévocable pour les faits de conduite d'un véhicule à une vitesse excessive eu égard aux circonstances lors de l'accident. Il en est de même pour M. [O]-[G] pour les faits de blessures involontaires avec incapacité n'excédant pas trois mois par conducteur d'un véhicule, au préjudice de Mme [D] [Z].
Aucune partie ne contestant le partage par parts viriles opéré par le tribunal entre MM. [N] et [O]-[G], il y a lieu de confirmer celui-ci, ce qui conduit à une répartition de la charge finale de la dette entre eux par moitié non par tiers, au regard de l'absence de faute de M. [L].
En conséquence, il convient d'infirmer le jugement en ce qu'il a dit que M. [L] et la SMACL enfin seront tenus des condamnations prononcées au titre des provisions allouées à hauteur d'un tiers, dans les rapports avec les co-auteurs de l'accident, et condamné MM. [N] et [O]-[G] et leur assureur, la Maif, à les garantir à hauteur d'un tiers chacun. Les recours des co-auteurs à l'encontre de M. [L] et de son assureur seront rejetés.
Le codébiteur tenu in solidum, qui a exécuté l'entière obligation, ne peut, comme le codébiteur solidaire, même s'il agit par subrogation, répéter contre les autres débiteurs que les part et portion de chacun d'eux. En conséquence, M. [L] et son assureur sont bien fondés à exercer un recours pour la totalité des provisions qu'ils auraient réglées aux victimes, à l'encontre de M. [N] et de la Maif d'une part et de M. [O]-[G] et de la MAIF d'autre part, ce recours étant limité à la part de chacun des co-auteurs fautifs, soit la moitié des sommes dues aux victimes.
Sur les demandes accessoires
Compte tenu des motifs précédemment exposés, il convient d'infirmer le jugement ce qu'il a condamné M. [L] solidairement avec la SMACL aux dépens de première instance et condamné M. [L] à relever M. [O]-[G] indemne de la condamnation au titre de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur d'un tiers. Il convient également d'infirmer le jugement en ce qu'il a dit que M. [O]-[G] solidairement avec la Maif et M. [N], solidairement avec la Maif ne supporteront qu'un tiers chacun des dépens de l'instance, pour fixer leur part à la moitié des dépens.
MM. [O]-[G] et [N] et leur assureur, la Maif, seront condamnés in solidum aux entiers dépens d'appel y compris ceux exposés devant la cour d'appel de Limoges et de Bourges dont les arrêts ont été cassés, en application de l'article 639 du code de procédure civile. Me Garnier et Me Devauchelle bénéficieront du droit de recouvrement direct des dépens en application de l'article 699 du code de procédure civile.
MM. [O]-[G] et [N] et leur assureur, la Maif, seront également condamnés in solidum à payer aux appelants la somme de 3'000 euros et aux consorts [Z], la somme de 4'000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS,
Statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
Vu l'arrêt de la Cour de cassation du 8 juillet 2021, pourvoi n° 20-11.133';
DÉCLARE irrecevable la note en délibéré communiquée le 22 août 2022 par M. [L] et la société SMACL assurances';
CONSTATE que M. [Y] et la Matmut ont déjà été mis hors de cause';
CONSTATE que le jugement prononcé par le tribunal de grande instance de Limoges le 8 septembre 2016 a été infirmé en ce qu'il a dit que lors de la réalisation du dommage, Mme [D] [Z] était piéton, et ce par des dispositions de l'arrêt de la cour d'appel de Bourges du 29 novembre 2019 non atteintes par la cassation, aux termes desquelles il a été définitivement jugé que lors de la réalisation du dommage, Mme [D] [Z] avait la qualité de conductrice';
INFIRME le jugement prononcé par le tribunal de grande instance de Limoges le 8 septembre 2016 en ce qu'il a':
- condamné solidairement M. [O]-[G] lui-même solidairement avec son assureur la Maif d'une part, et M. [L], solidairement avec la SMACL, d'autre part, à payer à titre de provision à valoir sur l'indemnisation définitive de leurs préjudices la somme de 50'000'€ à [D] [Z]';
- dit que M. [O]-[G], solidairement avec la Maif, d'une part et M. [N], solidairement avec la Maif, d'autre part, M. [L] et la SMACL enfin seront tenus des condamnations prononcées au titre des provisions allouées à hauteur d'un tiers chacun';
- condamné M. [N], solidairement avec la Maif et M. [O] [G], solidairement avec la Maif, à garantir M. [L] et la SMACL, au titre des condamnations provisionnelles prononcées contre eux par le jugement à hauteur d'un tiers chacun';
- condamné M. [L] à relever M. [O]-[G] indemne de la condamnation au titre de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur d'un tiers';
- condamné M. [L] solidairement avec la SMACL à hauteur d'un tiers aux entiers dépens de l'instance';
- fixé à un tiers la charge des dépens de première instance incombant à M. [O]-[G] solidairement avec la Maif d'une part, et à M. [L] solidairement avec la SMACL d'autre part';
CONFIRME le jugement pour le surplus';
STATUANT À NOUVEAU sur les chefs infirmés':
CONDAMNE in solidum M. [O]-[G] et son assureur, la Maif, M. [L] et son assureur la société SMACL assurances, à payer à Mme [D] [Z] une provision à valoir sur l'indemnisation définitive de ses préjudices d'un montant de 100'000'euros';
DIT que la charge finale de la dette d'indemnisation ne sera supportée que par M. [N] et M. [O]-[G] à hauteur de moitié chacun';
CONDAMNE M. [N] et la Maif à garantir M. [L] et la société SMACL assurances des provisions réglées aux consorts [Z], dans la limite de la moitié des provisions fixées par le présent arrêt';
CONDAMNE M. [O]-[G] et la Maif à garantir M. [L] et la société SMACL assurances des provisions réglées aux consorts [Z], dans la limite de la moitié des provisions allouées';
REJETTE les recours formés par MM. [N] et [O]-[G] et la Maif à l'encontre de M. [L] et la société SMACL assurances';
DIT que les dépens de première instance tels que précisés par le jugement seront supportés par M. [O]-[G] et la Maif d'une part, et M. [N] et la Maif d'autre part, à hauteur de la moitié chacun';
Y AJOUTANT':
CONDAMNE in solidum MM. [O]-[G] et [N] et la Maif à payer à M. [L] et la société SMACL assurances la somme de 3'000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile';
CONDAMNE in solidum MM. [O]-[G] et [N] et la Maif à payer à Mme [D] [Z], M. [P] [Z] et Mme [I] [U] épouse [Z] la somme de 4'000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile';
CONDAMNE in solidum MM. [O]-[G] et [N] et la Maif aux entiers dépens d'appel y compris ceux exposés devant la cour d'appel de Limoges et de Bourges dont les arrêts ont été cassés';
DIT que Me Garnier et Me Devauchelle pourront recouvrer directement contre la partie condamnée ceux des dépens dont ils ont fait l'avance sans en avoir reçu provision.
Arrêt signé par Madame Anne-Lise COLLOMP, Présidente de Chambre et Madame Fatima HAJBI, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT