COUR D'APPEL D'ORLÉANS
C H A M B R E C I V I L E
GROSSES + EXPÉDITIONS : le 05/07/2022
la SELARL JALLET & ASSOCIES
la SELARL RENARD - PIERNE
ARRÊT du : 05 JUILLET 2022
N° : - : N° RG 19/03584 - N° Portalis DBVN-V-B7D-GBZX
DÉCISION ENTREPRISE : Jugement du Tribunal de Grande Instance de TOURS en date du 11 Juillet 2019
PARTIES EN CAUSE
APPELANTE :- Timbre fiscal dématérialisé N°: 1265248841756884
La Compagnie d'assurances MACIF , inscrite au RCS de NIORT sous le n° D 781 452 511, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
2 et 4 rue de Pied de Fond
79037 NIORT CEDEX 9
représentée par Me Daniel JACQUES de la SELARL JALLET & ASSOCIES, avocat au barreau de TOURS
D'UNE PART
INTIMÉS : - Timbre fiscal dématérialisé N°: 1265250083040276
Monsieur [X] [L]
né le 05 Mai 1954 à BARBATRE (85000)
10 Allée de Rochefuret
37510 BALLAN MIRÉ
Madame [X] [Y] [N] épouse [L]
née le 13 Juin 1954 à CHOLET (49000)
10 Allée de Rochefuret
37510 BALLAN MIRÉ
représentés par Me Jacqueline PIERNE de la SELARL RENARD - PIERNE, avocat au barreau de TOURS
D'AUTRE PART
DÉCLARATION D'APPEL en date du :19 Novembre 2019
ORDONNANCE DE CLÔTURE du : 05 avril 2022
COMPOSITION DE LA COUR
Lors des débats, du délibéré :
Madame Anne-Lise COLLOMP, Président de chambre,
Monsieur Laurent SOUSA, Conseiller,
Mme Laure Aimée GRUA, Magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles.
Greffier :
Madame Fatima HAJBI, Greffier lors des débats et du prononcé.
DÉBATS :
A l'audience publique du 09 MAI 2022, à laquelle ont été entendus Madame Anne-Lise COLLOMP, Président de Chambre, en son rapport et les avocats des parties en leurs plaidoiries.
ARRÊT :
Prononcé le 05 JUILLET 2022 par mise à la disposition des parties au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.
FAITS ET PROCEDURE
Le 28 décembre 1994, M. et Mme [L] ont acquis une parcelle de terrain à bâtir sur la commune de Ballan Miré (37510).
Ils y ont fait construire, en 1995, une maison individuelle qui a été réceptionnée le 25 juillet 1995, et ils ont assuré ce bien auprès de la société MACIF dans le cadre d'un contrat d'assurance habitation qui inclut la garantie catastrophe naturelle.
En 2009, M. et Mme [L] ont constaté l'apparition de fissures affectant leur maison. Ils ont missionné un cabinet de diagnostic géothermique (cabinet EG sol) et une société d'ingénierie (la société Allo Expert), qui ont établi chacun un rapport, respectivement le 28 décembre 2009 et le 16 septembre 2010.
En 2010, ils ont de nouveau régularisé une déclaration de sinistre auprès de leur assureur.
En 2011, ils ont sollicité la prise en charge des désordres affectant leur maison dans le cadre de la garantie 'catastrophe naturelle' de leur contrat d'assurance, un arrêté ministériel en date du 27 juillet 2012 ayant reconnu l'état de catastrophe naturelle sur la commune de Ballan Miré pour les mouvements de terrain différentiels consécutifs à la sécheresse et à la réhydratation des sols du 1er juin 2011 au 30 juin 2011.
La société MACIF a oposé un refus partiel de la garantie catastrophe naturelle, estimant que les désordres dénoncés étaient apparus en 2009 et 2010, et a proposé de prendre en charge les seules aggravations liées à la sécheresse de 2011, à hauteur de 7 746,04 euros.
M. et Mme [L] ont alors saisi le juge des référés du tribunal de grande instance de Tours qui, suivant ordonnance en date du 14 avril 2015, a ordonné une expertise confiée à M. [W] [J].
L'expert judiciaire a déposé son rapport le 11 juillet 2016.
Par acte du 28 avril 2017, M. et Mme [L] ont fait assigner devant le tribunal de grande instance de Tours la MACIF en indemnisation de leur entier préjudice.
Par jugement en date du 11 juillet 2019, le tribunal de grande instance de Tours a :
- condamné la Mutuelle assurance des commerçants et industriels de France et des cadres et salariés de l'industrie et du commerce «'MACIF'» à payer à Mme [X] [N] épouse [L] et à M. [X] [L] la somme de 122 319,12 euros en réparation de leur dommage matériel,
- condamné la Mutuelle assurance des commerçants et industriels de France et des cadres et salariés de l'industrie et du commerce «' MACIF'»' à rembourser aux époux [L] la somme de 232,80 € au titre des frais d'étude géotechnique,
- débouté les époux [L] de leurs plus amples demandes indemnitaires,
- condamné la Mutuelle assurance des commerçants et industriels de France et des cadres et salariés de l'industrie et du commerce «' MACIF'» à payer aux époux [L] la somme de 4 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la Mutuelle assurance des commerçants et industriels de France et des cadres et salariés de l'industrie et du commerce «'MACIF'» aux dépens de l'instance, en ce compris les frais d'expertise judiciaire,
- ordonné l'exécution provisoire du présent jugement.
Par déclaration en date du 19 novembre 2019, la compagnie d'assurance MACIF Siège Social a interjeté appel de tous les chefs de ce jugement sauf en ce qu'il a ordonné l'exécution provisoire.
Suivant conclusions récapitulatives notifiées par voie électronique le 31 juillet 2020, la MACIF demande à la cour de :
Infirmant le jugement du tribunal de grande instance de Tours en date du 11 juillet 2019,
- débouter purement et simplement M. et Mme [L] de l'ensemble de leurs demandes, fins et prétentions,
- voir condamner Mme [X] [N] épouse [L] et M. [X] [L] à verser à la MACIF une somme de 5.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- voir condamner les mêmes aux entiers dépens de première instance et d'appel, en ce compris les frais d'expertise judiciaire.
Suivant conclusions récapitulatives notifiées par voie électronique le 3 mars 2022, M. et Mme [L] demandent à la cour de :
Confirmant le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Tours, en date du 11 juillet 2019 ' RG n° 17/01538, Sur les points suivants,
- Condamner la Mutuelle assurance des commerçants et industriels de France et des cadres et salariés de l'industrie et du commerce dite «'MACIF'», à payer à Mme [X] [N] épouse [L] et M. [X] [L] les sommes de :
$gt;122 319,12 € au titre des travaux de remise en état,
$gt;232,80 € au titre de remboursement des frais avancés par les consorts [L],
Y ajoutant
$gt;986,35€ au titre des réparations et constat des aggravations,
Infirmant le jugement rendu par le tribunal de Grande Instance de Tours, en date du 11 juillet 2019 - RG n° 17/01538, sur les points suivants, il est demandé à la cour d'appel d'Orléans de :
- condamner la Mutuelle assurance des commerçants et industriels de France et des cadres et salariés de l'industrie et du commerce dite «'MACIF'», à payer à Mme [X] [N] épouse [L] et M. [X] [L] les sommes de :
$gt;20 000 € de dommages et intérêts au titre du préjudice de jouissance,
$gt;10 000 € de dommages et intérêts au titre de la résistance abusive de la MACIF,
- confirmer le jugement entrepris qui a condamné la MACIF à payer à Mme [X] [N] épouse [L] et M. [X] [L], une somme de 4000 € en première instance, et ajouter la condamnation de la MACIF au paiement d'une somme de 8000 € aux époux [L] au titre de l'article 700 en cause d'appel,
- condamner la MACIF à payer la totalité des dépens, qui comprendront notamment les frais de l'expertise judiciaire.
Pour un plus ample exposé des faits et des moyens des parties, il convient de se reporter à leurs dernières conclusions récapitulatives.
MOTIFS
I - Sur la mise en oeuvre de la garantie
En application de l'article L. 125-1, alinéa 1er, du code des assurances, les contrats d'assurance soucrits par toute personne physique et garantissant les dommages à des biens situés en France ouvrent droit à la garantie de l'assuré contre les effets des catastrophes naturelles sur les biens faisant l'objet des contrats.
L'alinéa 3 de l'article L.125-1, alinéa 1er, du code des assurances dispose que sont considérés comme les effets de catastrophes naturelles les dommages matériels directs non assurables ayant eu pour cause déterminante l'intensité anormale d'un agent naturel, lorsque les mesures habituelles à prendre pour prévenir ces dommages n'ont pu empêcher leur survenance ou n'ont pu être prises.
Il résulte de ce texte que ne peuvent être considérés comme les effets des catastrophes naturelles au sens de l'article L. 125-1, alinéa 3 du code des assurances des dommages qui auraient été évités si l'installation avait été correctement réalisée, et qui n'ont pas eu pour cause déterminante l'intensité anormale d'un agent naturel (3ème Civ., 28 nov 2001, n°00-14.320).
L'état de catastrophe naturelle est constaté par arrêté interministériel qui détermine les zones et les périodes où s'est située la catastrophe ainsi que la nature des dommages couverts par la garantie.
En l'espèce, par arrêté interministériel du 11 juillet 2012, la commune de Ballan Miré a été reconnue en état de catastrophe naturelle pour les mouvements de terrains différentiels consécutifs à la sécheresse et à la réhydratation des sols du 1er avril 2011 au 30 juin 2011.
M. et Mme [L] ont sollicité la prise en charge par leur assureur des désordres affectant leur maison dans le cadre de la garantie catastrophe naturelle.
La MACIF s'oppose à cette demande. Elle soutient en effet que :
- la sécheresse de 2011 n'est pas la cause déterminante des désordres affectant la maison de M. et Mme [L], contrairement à ce qu'a retenu le premier juge ;
- M. et Mme [L] ne démontrent pas que les mesures habituelles à prendre pour prévenir ces dommages ont été prises.
1 - Sur la cause des désordres
Ainsi que l'a exactement relevé le premier juge, la mise en oeuvre de cette garantie n'est pas subordonnée au fait que l'intensité anormale d'un agent naturel soit la cause exclusive des dommages, il faut qu'elle ait joué un rôle prépondérant dans la réalisation du dommage.
L'expert judiciaire a constaté que la maison était affectée de désordres, consistant en des fissures affectant les quatre façades de la maison et les murs et les cloisons intérieurs, et l'affaissement du plancher, et il a retenu que ces désordres, devaient être attribués uniquement à la sensibilité des sols d'assises aux phénomènes de retrait/gonflement, accentuée par la présence de végétation.
La MACIF soutient en premier lieu que l'expert s'est trompé quant à la cause des désordres et que les désordres sont imputables à d'autres causes : elle soutient que ce sont au contraire des fautes de conception et d'exécution qui sont la cause première des désordres observés. Elle fonde son analyse sur les rappports réalisés par les cabinets EG sol et Allo Expert, qui mettent selon elle en lumière des fautes commises par le constructeur.
Elle souligne que selon le rapport EG sol, les causes probables des désordres sont :
- une inadéquation des fondations aux caractéristiques géomécaniques du terrain,
- la présence de terrains et de trottoirs imperméables de manière hétérogènes qui ne permettent pas de maintenir une teneur en eau homogène sous l'assise des fondations ;
- la présence de végétations trop proches des constructions,
- des regards d'eaux pluviales non étanches,
ce qui a conduit ce technicien à retenir que c'est une combinaison de facteurs qui ont fini par occasionner des désordres sur ce pavillon.
Elle souligne en second lieu que le rapport du cabinet Allo Expert mentionne également une pluralité de raisons :
'Nous nous trouvons sur un sol argileux avec des semelles à faible profondeur. (Pour un terrain argileux).
- Le constructeur faisait mention pour le « terrassement des fouilles » dans son descriptif : que la profondeur des semelles est déterminée par la limite hors gel et hors sécheresse : environ 60 cm. Si la profondeur hors gel est respectée, nous constatons que le hors sécheresse ne se trouve pas en péréquation avec les besoins des lieux.
- Compte tenu de la situation ' (argile) ' le descriptif du constructeur prévoyait aussi la mise en place d'un drain en PVC de 100 mm sur le périmètre de la maison. Ces travaux n'ont pas été exécutés et n'ont pas été proposés aux maîtres d'ouvrage lors de la réalisation du projet.
- La résistance mécanique du sol n'est pas constante.
- La principale cause des désordres qui se sont créés, se situe dans la non étanchéité des regards collectant les eaux EP, provoquant sur les argiles des phénomènes importants d'extraction et de contraction. Cette circulation d'eau hors réseaux a aussi participé activement à l'affouillement des matériaux du terre-plein, vraisemblablement du sable' ' (Matériau non homologué par faire ce genre de travail).
- Concernant les arbres et les racines qu'ils procurent dans le sous-sol, celles-ci ont été amplificateur d'assèchement des terres. Dans le cas présent, les racines n'ont pas été directement responsables des différents désordres ».
Toutefois, l'expert judiciare a réponduaux dires du conseil de la MACIF qui soutenait que la cause réelle des désordres se trouvait dans des malfaçons et des défauts constructifs, que (page 28 de son rapport) :
1°/ concernant le défaut d'étanchéité des regards d'eau pluviale :
que EG sol a effectivement noté un suintement d'eau après ouverture de sa fouille F3 à l'angle ouest du pignon sud-ouest, et a effectué deux autres sondages, mais que d'une part, compte tenu de la nature des sols, d'éventuelles fuites ne pourraient être que des facteurs aggravants et non principaux, que EG sol ne cite jamais ce défaut éventuel d'étanchéité comme étant la cause principale des désordres, et que toutes les façades de la maison sont d'ailleurs plus ou moins affectées par des fissures, sans qu'il ne soit simplement constaté des désordres ponctuels à proximité des regards ;
2°/ concernant la non-conformité du terre-plein évoquée par Allo Expert : il n'y a aucune non-conformité dans la mesure où le terre-plein a été décrit par le cabinet Allo Expert (article II.2.1.1 de son rapport), réserve étant faite d'une faute de frappe, comme constitué d'un blocage en sable et tout venant. Or un terre-plein sous dallage est pratiquement toujours fini avec une couche de réglage en sable tel que défini par le DTU 13.3 dallage, du tout-venant pouvant être utilisé pour réaliser la couche de forme sous la couche de réglage.
3°/ concernant le dimensionnement des fondations : que les fondations sont correctement dimensionnées, ainsi qu'il résulte du calcul de descentes de charges auquel il a procédé en page 17 de son rapport ('Un calcul de descentes de charges montre une charge maximale sur le refend entre la cuisine et le salon avec g + 3,45 T/ml et q = 0,65 T/ml en considérant que la charge ponctuelle provenant de l'appui de la poutre entre le salon et le séjour est reprise par une semelle ponctuelle. Avec la contrainte de sol admissible donnée par EG sol, une semelle filante d'une largeur de 41 cm convient pour cette charge. Un débord de 13 cm a été mis en évidence par EG sol, soit, en considérant une semelle filante centrée sur le mur, une largeur de 46 cm. Nous pouvons donc en conclure que les fondations sont correctement dimensionnées vis-à-vis des charges supportées'). Il ajoute, pour corroborer son analyse, qu'un problème de portance du sol se traduit par une apparition de désordres relativement rapide, tandis qu'en l'espèce, hormis les premières fissures apparues ponctuellement en 1996-1997, un délai de 14 ans s'est écoulé avant l'apparition des premiers désordres.
Il ajoute, en page 30 de son rapport, que pour les semelles, une hauteur de 20 cm convient parfaitement et correspond à la hauteur minimale retenue par les règles de l'art, puisque l'annexe 2 du DTU 13-12, qui s'appliquait lors de la construction, prévoit que la hauteur minimale d'une semelle filante est la moitié du débord de la fondation par rapport au mur plus l'enrobage des aciers (4 à 5 cm dans les fondations), et qu'il n'y a donc aucun sous-dimensionnement des fondations.
Force est de constater qu'en revanche, le cabinet Allo Expert, qui indique dans son rapport, au soutien de son allégation relative à l'insuffisance de la hauteur des semelles, que 'cette hauteur prescrite se confirme après contrôle de calcul', ne détaille pas le calcul en question.
L'expert judiciaire en conclut, après avoir écarté ces hypothèses, que la cause réelle des désordres est bien la sécheresse (page 30), le sol se rétractant sous l'effet de la sécheresse et se gonflant lors de sa réhydration, et la structure reposant sur ce sol subissant ces mouvements de sol.
Il en résulte que l'expert a, au terme d'un rapport motivé et argumenté, écarté les causes alternatives enviagées par les cabinets Eg sol et Allo expert. La MACIF ne produit aucun élément permettant de contredire les analyss approfondies de l'expert judiciaire.
La MACIF souligne également que la sécheresse de 2011 ne peut pas être la cause déterminante de désordres qui sont apparus deux ans auparavant. Elle admet que la sécheresse de 2011 a pu participer à l'aggravation des désordres, mais elle ne peut pas, selon elle, avoir eu une quelconque implication dans les désordres qui se sont tous manifestés deux ans auparavant.
Il est constant que des désordres sont apparus dès 2009 puisque M. et Mme [L] ont déposé une déclaration de sinistre en octobre 2009, dans laquelle ils ont mentionné les désordres suivants :'apparition et agravement d'une fissure importante au bas du pignon sud sur toute la longueur du pignon + fissures sur deux porte-fenêtres devant et derrière + 1 carrelage éclaté à l'intérieur du séjour et un 'fil' de cassure se prolongeant sur 4 autres carreaux. A l'intérieur un affaissement de 10 mm existe entre la plinthe et le sol carrlé sur le même pignon'.
Ils ont, en octobre 2010, déclaré à la MACIF que différentes fissures étaient apparues au cours de l'année 2010 et que celles mentionnées en octobre 2009 s'étaient intensifiées.
L'expert judiciaire a quant à lui constaté les désordres suivants :
- à l'extérieur, les désordres affectent les 4 façades de la maison : la façade nord-ouest est fissurée sur toute sa longueur, la façade sud-est (côté jardin) sur un peu plus de la moitié de sa longueur, le pignon sud-ouest pratiquement sur toute sa longueur et le pignon nord-est partiellement.
- à l'intérieur, des fissures affectent les murs et cloisons, et il y a un affaissement important du dallage dans le séjour-salon, qui se traduit par l'apparition d'espaces plus ou moins importants entre le carrelage et les plinthes et par des fissures dans le carrelage ainsi que sur la cheminée posée sur le dallage.
Il résulte du rapport Allo Expert que le pignon nord-est n'était pas affecté de fissures en 2009.
Il résulte également du rapport de l'expert que les désordres existants antérieurement se sont fortement agravés après la sécheresse de 2011. L'expert illustre son propos par une photo de la fissure du carrelage, considérablement plus importante qu'en 2009 (p.19 du rapport).
L'expert judiciaire rétorque, en réponse au refus de la MACIF d'indemniser les travaux de confortement, qu'attribuer le coût des travaux de confortement uniquement à la sécheresse de 2009 n'aurait pas de sens, la sécheresse de 2011 ayant été plus importante que celle de 2009.
Ainsi, si la sécheresse de 2009 a pu jouer un rôle dans l'apparition de désordres, il résulte du rapport d'expertise judiciaire que la sécheresse de 2011, d'une intensité beaucoup plus importante et qui a d'ailleurs donné lieu à un arrêté de catastrophe naturelle, a eu un rôle prépondérant dans la survenance du dommage en ce qu'elle est à l'origine de nouveaux désordres et a agravé dans des proportions importantes les désordres existants.
Or, ainsi que l'a exactement relevé le premier juge, la mise en oeuvre de la garantie catastrophe naturelle n'est pas subordonnée au fait que l'intensité anormale d'un agent naturel soit la cause exclusive des dommages, mais au fait qu'il ait joué un rôle prépondérant dans la réalisation du dommage. L'apparition de désordres dès 2009 n'exclut pas que les désordres, dans leur état postérieur à la sécheresse de 2011, aient pour cause prépondérante cette sécheresse d'une intensité anormale, ainsi que l'a retenu l'expert.
C'est dès lors vainement que la MACIF soutient que la sécheresse de 2011 n'a pas pu être la cause déterminante des désordres, celle-ci ayant au contraire eu un rôle prépondérant dans la réalisation du dommage..
La MACIF soutient en second lieu que les demandeurs ne démontrent pas que les mesures à prendre pour prévenir les dommages ont été insuffisantes ou n'ont pu être utilement mises en place.
2 - Sur l'absence de réalisation des travaux préconisés
La garantie imposée par l'article L.125-1 du code des assurances ne peut jouer que si les dommages étaient inévitables, c'est-à-dire si leur survenance n'a pas pu être empêchée par les mesures habituelles de précaution destinées à les prévenir.
LA MACIF soutient que M. et Mme [L] n'ayant pas procédé aux travaux préconisés par les cabinets EG sol et Allo experts, 'les mesures habituelles' à prendre n'ont pas été prises de sorte que sa garantie n'est pas mobilisable.
Le cabinet EG sol a en effet préconisé un certain nombre de mesures que le maître d'ouvrage devra 'faire son possible pour adopter' afin, précise t-il, de 'limiter le phénomène de gonflement/retrait de la fraction argileuse en minimisant les variations de teneur en eau. Elles ne permettent pas de stopper le phénomène de tassements :
- vérification de la compatilité de la structure (descentes de charges) avec le taux de travaux du sol et les valeurs de tassements annoncés ;
- Diagnostic structurel (fondations, chainages,') ;
- Tous les réseaux sous et autour de l'ouvrage seront contrôlés ;
- Une vérification de l'étanchéité des descentes EP devra impérativement être réalisée et les fuites éventuelles devront être réparées rapidement ;
- L'étanchéité des canalisations d'évacuation ainsi que la mise en place de joints souples aux raccordements seront contrôlés ;
- Mise en place d'un trottoir périphérique et/ou d'une géomembrane d'1,50 m de large au minimum pour limiter l'évaporation à proximité des murs de façade sur toute la périphérie du pavillon avec une pente permettant d'éloigner les eaux de l'habitation ;
- Mise en place d'un drainage périphérique pour le captage des écoulements superficiels avec une distance de 2m minimum à respecter entre la construction et le drain (mise en place selon le DTU 20.1) ;
- Les arbres à proximité de l'ouvrage devront être éliminés ou une tranchée coupe-racine devra être réalisée. Nous rappelons que les distances minimales à respecter vis-à-vis du pavillon sont d'une fois la hauteur adulte pour les arbres isolés et de 1,5 fois la hauteur adulte pour les haies ;
- Le rebouchage des fissures sera réalisé à l'aide d'un matériau souple (type silicone) afin d'éviter toutes infiltrations d'humidité ou d'eau à l'intérieur de la maison;
- Des témoins seront mis en place au niveau des fissures afin de suivre leur évolution ».
Le cabient EG sol préconise encore qu'après mise en oeuvre de ces mesures, le pavillon soit mis en observation pendant un an minimum, délai après lequel 'une reprise en sous-oeuvre pourra ensuite être envisagée'.
Toutefois, l'expert judiciaire considère que la réalisation de ces travaux n'aurait rien chagé, compte tenu de la préconisation d'une mise en observation de la maison pendant un an après la réalisation de ces travaux, dans la mesure où la sécheresse de 2011 serait ainsi intervenue avant d'éventuels travaux de reprise en sous-oeuvre, de sorte que l'ouvrage aurait en tout état de cause été affecté par les effets de cette sécheresse d'une intensité anormale.
Le cabinet Allo Expert a également préconisé, dans son rapport du 16 septembre 2010, un certain nombre de mesures, au nombre desquelles des travaux de reprise en sous-oeuvre : 'nous proposons d'approfondir l'assise des semelles des fondations existantes sur ces 3 côtés (pignon façade nord-ouest, pignon sud-ouest et façade sur-est) afin de supprimer et de combler tous les vides qui se sont créés sous l'ensemble de la construction et de s'affranchir de tout écart d'amplitude hydraulique important. Les maçonneries sur les semelles ayant été reprises en sous oeuvre seront désolidarisées du reste des maçonneries existantes qui n'auront pas été reprises. Les travaux seront réalisés par une reprise en sous-oeuvre. La réalisation se fera par phases alternées. La largeur des fondations reprises ne sera pas inférieures à celle existante. Le travail de mise en oeuvre se fera à l'aide d'un béton armé coulé en pleine fouille. Les semelles seront descendues à moins 160 cm par rapport au niveau zéro du terrain naturel'.
Force est en premier lieu de constater que ce rapport n'étant antérieur que de quelques mois au début de l'épisode de sécheresse de 2011 (qui a débuté le 1er avril 2011 selon l'arrêté de catastrophe naturelle), cela n'a laissé à M. et Mme [L] qu'un délai relativement bref, qui plus est durant la période hivernale, pour mettre en oeuvre l'ensemble de ces mesures, au rang desquelles des travaux de reprise en sous-oeuvre.
En second lieu, l'expert judiciaire, s'agissant précisément de ces travaux de reprise en sous-oeuvre, considère que cette préconisation de reprise partielle, concernant seulement un peu plus de la moitié des fondations, aurait été insuffisante compte tenu de la sécheresse de 2011, d'autant que la profondeur de reprise en sous-oeuvre préconisée, de 1,60 m, est moindre que celle proposée par Temsol après la sécheresse de 2011, de 2,50 m.
Or seul le défaut de réalisation de mesures qui auraient pu empêcher la survenance des désordres est de nature à faire obstacle à la mise en oeuvre de cette garantie.
Dans la mesure où il résulte du rapport précis et motivé de l'expert judiciaire, non contredit par les pièces produites par la MACIF, que les mesures préconisées par les cabinets EG sol et Allo Expert, à supposer pour ces derniers que M. et Mme [L] aient disposé du temps nécessaire pour y procéder avant la sécheresse de 2011, n'auraient pas empêché la survenance des désordres consécutifs à la sécheresse de l'année 2011, le défaut de mise en oeuvre de ces mesures par M. et Mme [L] n'est pas de nature à faire obstacle à la mise en oeuvre de la garantie de la MACIF.
En conséquence, le jugement sera confirmé en ce qu'il a condamné la MACIF à garantir les dommages.
II - S'agissant des sommes réclamées
M. et Mme [L] sollicitent la confirmation du jugement en ce que la MACIF a été condamné à leur verser les sommes de :
- 122 319,12 euros au titre des travaux de remise en état,
- 232,80 euros au titre des remboursements des frais avancés par M. et Mme [L].
Il convient de confirmer le jugement, qui leur a alloué les sommes de :
- 122 319,12 euros correspondant aux travaux de reprise préconisés par l'expert,
- 232,80 euros correspondant au coût de l'étude réalisée en 2013 par M. [S].
Ils sollicitent, en outre, la condamnation de la MACIF à leur verser une somme de 986,35 euros au titre des 'réparations et constat des aggravations'.
Ils ne justifient toutefois pas du préjudice dont ils demandent réparation à ce titre. Ils seront déboutés de cette demande.
Enfin, ils sollicitent l'infirmation du jugement en ce qu'il a rejeté leur demande en paiement d'une somme de 20 000 euros au titre de leur préjudice de jouissance, et d'une somme de 10 000 euros au titre de la résistance abusive de la MACIF.
S'agissant de leur préjudice de jouissance, ils expliquent que sur la base de l'article 1240 du code civil, la MACIF n'a pas pris la mesure à l'occasion de la sécheresse de 2011 des action qu'elle aurait dû mettre en oeuvre. Ils exposent que leur préjudice de jouissance consiste soit dans le désagrément généré par d'importants travaux en leur présence, soit par la nécessité pour eux de déménager le temps de l'organisation desdits travaux, alors que si un véritable traitement des causes et conséquences de l'épisode de sécheresse avait été mis en oeuvre dès leurs premières déclarations, toutes ces démarches actuelles n'auraient pas lieu d'être et sans doute qu'une certaine forme d'aggravation du dommage sur l'immeuble aurait pu être jugulée.
Néanmoins, d'une part il n'est pas démontré que l'assureur aurait manqué à ses obligations en ne prenant pas en charge, en 2009 et 2010, les désordres déclarés par M. et Mme [L] à défaut d'arrêté de catastrophe naturelle pour ces années là et alors qu'il n'est pas établi qu'hors le cadre de la garantie catastrophe naturelle, ces dommages étaient garantis par le contrat d'assurance.
D'autre part, la nécessité pour M. et Mme [L] de déménager pendant les travaux, pas plus que le désagrément généré par d'importants travaux en leur présence, ne peuvent être imputés à faute à la MACIF dans la mesure où il n'est pas démontré que la prise en charge des dommages déclarés en 2009 dès ce moment là aurait été de nature à éviter de tels désagréments.
M. et Mme [L] seront en conséquence déboutés de leur demande de condamnation au titre d'un préjudice de jouissance.
S'agissant enfin de la demande en paiement d'une somme de 10 000 euros au titre de la résistance abusive de la MACIF, M. et Mme [L] expliquent que l'entêtement et le refus de l'assureur de considérer le bien-fondé de leurs réclamations est constitutif d'une faute qui leur a causé un préjudice en ce qu'ils ont dépensé temps et énergie pour tenter de trouver une issue à leur dossier, dont les pourparlers ont débuté en 2011.
Toutefois, le refus de la MACIF de garantir l'intégralité de leur préjudice ne saurait être considéré comme constitutif d'un abus dès lors qu'il n'est pas établi qu'elle ait agir de mauvaise foi ni commis une erreur grossière équipollente au dol.
Ils seront donc déboutés de leur demande à ce titre.
Sur les dépens et les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile
La MACIF, qui succombe, sera tenue aux dépens d'appel.
Les circonstances de la cause justifient de condamner la MACIF à payer à M. et Mme [L] une somme de 2500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, contradictoirement et en dernier ressort,
CONFIRME en toutes ses dispositions critiquées le jugement entrepris,
Y ajoutant :
CONDAMNE la MACIF à payer à M. et Mme [L] une somme de 2500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE la MACIF aux dépens d'appel.
Arrêt signé par Madame Anne-Lise COLLOMP, Président de Chambre et Madame Fatima HAJBI, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT