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05/07/2022 | FRANCE | N°19/03563

France | France, Cour d'appel d'Orléans, Chambre civile, 05 juillet 2022, 19/03563


COUR D'APPEL D'ORLÉANS



C H A M B R E C I V I L E





GROSSES + EXPÉDITIONS : le 05/07/2022

la SELARL EXIGENS

Me Emilie BEAUQUIN





ARRÊT du : 05 JUILLET 2022



N° : - : N° RG 19/03563 - N° Portalis DBVN-V-B7D-GBYV





DÉCISION ENTREPRISE : Jugement du Tribunal de Grande Instance d'ORLEANS en date du 16 Octobre 2019



PARTIES EN CAUSE



APPELANTE :- Timbre fiscal dématérialisé N°: 1265249554619002



La SAS AUCHAN HYPERMARCHE agissant poursuites et

diligences de son représentant légal, la société AUCHAN RETAIL FRANCE, et en son établissement d'OLIVET, sis 600 avenue de Verdun, 45161 OLIVET

200 rue de la Recherche

59650 VILLENE...

COUR D'APPEL D'ORLÉANS

C H A M B R E C I V I L E

GROSSES + EXPÉDITIONS : le 05/07/2022

la SELARL EXIGENS

Me Emilie BEAUQUIN

ARRÊT du : 05 JUILLET 2022

N° : - : N° RG 19/03563 - N° Portalis DBVN-V-B7D-GBYV

DÉCISION ENTREPRISE : Jugement du Tribunal de Grande Instance d'ORLEANS en date du 16 Octobre 2019

PARTIES EN CAUSE

APPELANTE :- Timbre fiscal dématérialisé N°: 1265249554619002

La SAS AUCHAN HYPERMARCHE agissant poursuites et diligences de son représentant légal, la société AUCHAN RETAIL FRANCE, et en son établissement d'OLIVET, sis 600 avenue de Verdun, 45161 OLIVET

200 rue de la Recherche

59650 VILLENEUVE D'ASCQ

représentée par Me Alexis DEVAUCHELLE, avocat postulant au barreau d'ORLEANS et par Me Anthony BRICE, avocat plaidant au barreau de LILLE

D'UNE PART

INTIMÉE : - pas de Timbre fiscal dématérialisé

Le COMITÉ SOCIAL ET ÉCONOMIQUE D'ÉTABLISSEMENT DE

L'É TABLISSEMENT DISTINCT 'VAL DE LOIRE' venant aux droits du COMITE D'ETABLISSEMENT AUCHAN D'OLIVET

600 avenue de Verdun

45160 OLIVET

représentée par Me Emilie BEAUQUIN, avocat postulant au barreau d'ORLEANS et par Me Xavier VAN GEIT , avocat plaidant au barreau de PARIS

D'AUTRE PART

DÉCLARATION D'APPEL en date du :18 Novembre 2019

ORDONNANCE DE CLÔTURE du : 05 Avril 2022

COMPOSITION DE LA COUR

Lors des débats, du délibéré :

Madame Anne-Lise COLLOMP,, Président de chambre,

Monsieur Laurent SOUSA, Conseiller,

Madame Laure Aimée GRUA, Magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles.

Greffier :

Madame Fatima HAJBI, greffier lors des débats et du prononcé.

DÉBATS :

A l'audience publique du 09 MAI 2022, à laquelle ont été entendus Monsieur Laurent SOUSA, Conseiller, en son rapport et les avocats des parties en leurs plaidoiries.

ARRÊT :

Prononcé le 05 JUILLET 2022 par mise à la disposition des parties au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

FAITS ET PROCÉDURE

La société Auchan hypermarché dispose en France de 142 comités d'établissement distincts. Au niveau de l'entreprise est constitué un Comité central d'entreprise (CCE), dont les membres sont issus des comités d'établissement constitués au sein de l'entreprise.

Lors de la réunion du comité d'établissement Auchan Olivet du 8 juin 2017, une résolution a été votée nommant un expert-comptable, le cabinet Volentis, pour assister le comité d'établissement en vue de l'examen annuel de la situation économique, financière et sociale de l'établissement sur le fondement de l'article L.2325-35 du code du travail.

La société Auchan hypermarché s'est opposée à cette nomination par courrier du 14 juin 2017 estimant qu'une telle désignation d'expert ne ressortait pas des compétences du comité d'établissement.

Par acte d'huissier du 24 juillet 2017, la société Auchan hypermarché a fait assigner devant le tribunal de grande instance d'Orléans le comité d'établissement Auchan d'Olivet aux fins de voir annuler la délibération par laquelle celui-ci a décidé de recourir à un expert-comptable pour l'assister en vue de l'examen annuel de la situation économique, financière et sociale de l'établissement Auchan d'Olivet.

Par jugement en date du 16 octobre 2019, le tribunal de grande instance d'Orléans a':

- débouté la société Auchan hypermarché de sa demande d'annulation de la délibération du comité d'établissement Auchan d'Olivet du 8 juin 2017 portant désignation d'un expert-comptable';

- débouté le comité d'établissement Auchan d'Olivet de sa demande de mise en 'uvre de l'expertise comptable sous une astreinte de 2'000 euros par jour de retard';

- condamné la société Auchan hypermarché à payer au comité d'établissement Auchan d'Olivet la somme de 4'000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile';

- condamné la société Auchan hypermarché aux dépens de la présente instance.

Pour statuer ainsi, le tribunal a notamment considéré que':

- la société n'expose pas en quoi l'établissement d'Auchan Olivet ne disposerait pas d'une autonomie suffisante en matière de gestion du personnel et de conduite de l'activité économique de l'établissement, justifiant donc l'étendue des compétences du comité d'établissement et notamment le droit à une information consultation annuelle au niveau de l'établissement et le droit de recourir à une expertise des comptes sur son périmètre';

- si la loi du 17 août 2015 a entendu redistribuer et rationaliser l'articulation entre le CCE et les CE, cette distribution des compétences concerne les consultations dites ponctuelles et il ne peut s'en déduire qu'il a été mis un terme à l'interprétation des textes qui conduisait à reconnaître le droit des comités d'établissement à recourir à une expertise comptable, dans le cadre des consultations dites récurrentes, de sorte que le comité d'établissement peut, lors de la consultation annuelle sur la situation économique et financière de l'établissement, se faire assister d'un expert-comptable'; qu'aucun élément ne permet d'établir que la désignation d'un expert-comptable par le comité d'établissement afin de lui permettre de connaître la situation économique, sociale et financière de l'établissement dans l'ensemble de l'entreprise et par rapport aux autres établissements avec lesquels il doit pouvoir se comparer est contraire aux dispositions du code du travail.

Par déclaration en date du 18 novembre 2019, la société Auchan hypermarché a interjeté appel de ce jugement en ce qu'il l'a déboutée de sa demande d'annulation de la délibération du comité d'établissement Auchan d'Olivet du 8 juin 2017 portant désignation d'un expert-comptable, l'a condamnée à payer au comité d'établissement Auchan d'Olivet la somme de 4'000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.

Suivant conclusions récapitulatives notifiées par voie électronique le 27 janvier 2020, la société Auchan hypermarché demande à la cour de':

A titre principal,

- infirmer le jugement en ce qu'il a l'a déboutée de sa demande d'annulation de la délibération du 8 juin 2017 portant désignant d'un expert-comptable, et condamnée aux frais irrépétibles et aux dépens';

Et, statuant de nouveau':

- annuler la délibération par laquelle le comité d'établissement de l'établissement Auchan d'Olivet, auquel succède le comité social et économique d'établissement de l'établissement «'Val de Loire'», a décidé de recourir à un expert-comptable pour l'assister en vue de l'examen annuel de la situation économique, financière et sociale de l'établissement Auchan d'Olivet';

- débouter le comité d'établissement de l'ensemble de ses demandes';

- condamner le comité d'établissement de l'établissement Auchan d'Olivet, auquel succède le comité social et économique d'établissement de l'établissement «'Val de Loire'», à lui verser la somme de 3'500 euros, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile';

A titre subsidiaire,

- juger caduque la délibération du 8 juin 2017 par laquelle le comité d'établissement de l'établissement Auchan d'Olivet, auquel succède le comité social et économique d'établissement de l'établissement «'Val de Loire'», a décidé de recourir à un expert-comptable pour l'assister en vue de l'examen annuel de la situation économique, financière et sociale de l'établissement Auchan d'Olivet';

- infirmer en conséquence le jugement en ce qu'il l'a condamnée à payer au comité d'établissement Auchan d'Olivet la somme de 4'000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, et l'a condamnée aux dépens de l'instance';

- débouter le comité d'établissement de l'ensemble de ses demandes';

- condamner le comité social et économique d'établissement de l'établissement «'Val de Loire'», à lui verser la somme de 3'500 euros, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Par ordonnance du 11 mai 2021, le conseiller de la mise en état a dit que le comité social et économique d'établissement de l'établissement distinct «'Val de Loire'» venant aux droits du Comité d'établissement Auchan d'Olivet n'était plus recevable à conclure dans la présente instance.

Il convient de se référer aux conclusions récapitulatives des parties pour un plus ample exposé des moyens soulevés.

SUR QUOI, LA COUR,

Sur la validité de l'expertise comptable

L'appelante soutient que les mesures d'expertise prévues par les dispositions de l'ancien article L.2325-35 I 1°, 1° bis et 2° du code du travail trouvaient leur justification dans l'existence d'une procédure consultative'; que dans les entreprises alors dotées d'un comité central d'entreprise et de comités d'établissement, les consultations annuelles auxquelles les dispositions de l'ancien article L.2325-35 I 1°, 1° bis et 2° du code du travail se référaient relevaient de la seule compétence du comité central d'entreprise, de sorte que la délibération adoptée le 8 juin 2017, par le comité d'établissement de l'établissement Auchan d'Olivet doit être annulée'; que les consultations annuelles visées à l'ancien article L.2323-6 du code du travail relevaient de la seule compétence du comité central d'entreprise, de sorte que l'ancien comité d'établissement de l'établissement Auchan d'Olivet ne pouvait pas recourir à un expert-comptable pour l'assister en vue de l'examen annuel de la situation économique et financière de l'établissement, de même que pour l'examen annuel de la situation sociale de l'établissement'; qu'en effet, la consultation annuelle prévue par les anciens articles L. 2323-6 1° et L. 2323-10 et L. 2323-11 du code du travail concernait les orientations stratégiques de l'entreprise, et non pas les orientations stratégiques d'une partie seulement de celle-ci'; qu'au sein des entreprises dotées d'établissements distincts, il en résulte que les comités d'établissement constitués au sein de l'entreprise n'avaient en aucun cas légalement vocation à être consultés, chaque année, sur les orientations stratégiques de l'entreprise'; qu'il ne pourrait être soutenu que ces dispositions pourraient être interprétées en ce sens que tout comité d'établissement avait légalement vocation à être consulté, chaque année, sur les orientations stratégiques de l'établissement'; que la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences, et la formation professionnelle relèvent de la marche générale de l'entreprise et de l'exercice, par le chef d'entreprise, de ses pouvoirs, et qu'il excède ainsi les limites des pouvoirs délégués aux chefs d'établissement'; que s'agissant de la consultation annuelle prévue par les anciens articles L. 2323-6 2° et L. 2323-12 et L. 2323-13 du code du travail, elle concerne la marche générale de l'entreprise, et non la marche d'une partie seulement de l'entreprise'; que la compétence exclusive du comité central d'entreprise résulte du fait que l'expert doit émettre un avis sur les orientations stratégiques et la situation économique et financière de l'entreprise, mais également des caractéristiques attachées à la base de données économiques et sociales mentionnée à l'ancien article L.2323-8 du code du travail, et de la nature des informations que le code du travail imposait à l'employeur de mettre à disposition dans cette base, en vue des consultations annuelles visées à l'ancien article L.2323-6 du code du travail'; qu'il résulte des dispositions de l'ancien article L. 2323-3 du code du travail que, dans les entreprises dotées d'établissements distincts, seul le comité central d'entreprise avait légalement vocation à exprimer un avis dans le cadre des consultations prévues aux anciens articles L. 2323-10, L. 2323-12, L. 2323-15 du code du travail et la capacité de fixer, par accord avec l'employeur, le délai de consultation applicable'; qu'il résulte clairement des dispositions de l'ancien article L. 2323-7 du code du travail que, dans les entreprises dotées d'établissements distincts, il n'était pas légalement possible de conclure un accord d'établissement pour définir les modalités des consultations annuelles portant sur la situation économique et financière de l'entreprise, et sur la politique sociale de l'entreprise, les conditions de travail et l'emploi'; que la compétence exclusive du comité central d'entreprise résulte également de la teneur des dispositions de l'ancien article L. 2323-11 du code du travail, qui admettaient que la consultation sur les orientations stratégiques de l'entreprise puisse être effectuée au niveau du comité de groupe'; que la compétence exclusive du comité central d'entreprise, au titre des trois consultations annuelles prévues par l'ancien article L. 2223-6 du code du travail est affirmée par la doctrine et par la jurisprudence.

L'appelante fait également valoir que l'analyse des pouvoirs délégués à M. [V] [O], directeur de l'établissement Auchan d'Olivet et président de l'ancien comité d'établissement de l'établissement Auchan d'Olivet, confirme en l'espèce que les consultations annuelles visées à l'ancien article L.2323-6 du code du travail relevaient de la seule compétence du comité central d'entreprise'; que c'est de manière erronée que le comité a fait valoir que la société ne tirerait aucune conséquence, au regard du présent litige, du fait que les mesures d'expertise prévues par les dispositions de l'article L. 2325-35 1°, 1° bis et 2° du code du travail trouvent leur justification dans l'existence d'une procédure consultative'; que la référence que fait le comité à l'article 8 du préambule de la constitution de 1946 n'est pas de nature à démontrer la légalité de la délibération litigieuse'; que l'ancien article L. 2325-36 du code du travail, auquel le comité fait référence, évoque la seule situation de l'entreprise, et ne saurait en toute hypothèse être appliqué indépendamment de l'objet des mesures d'expertise prévues par le code du travail'; que l'autonomie dont bénéficiait l'établissement Auchan d'Olivet, si elle justifiait l'existence d'un comité d'établissement, n'était de toute évidence pas assez importante pour qu'on puisse conclure à la nécessité d'une consultation annuelle sur la situation financière, sur la politique sociale, les conditions de travail et l'emploi de l'établissement'; qu'au vu de l'état du droit à la date du litige, il n'était donc manifestement plus possible de déduire l'existence d'une obligation de consultation (et la possibilité qui en résulte de recourir à l'assistance d'un expert-comptable) du seul constat de l'existence d'un comité d'établissement.

Suivant procès-verbal du 8 juin 2017, le comité d'établissement d'Auchan Olivet a adopté une résolution portant «'nomination d'un expert-comptable en vue de l'examen annuel de la situation, économique, financière et sociale de l'établissement article L 2325-35'».

L'article L.2325-35 du code du travail, dans sa version issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 applicable, dispose':

«'I.-Le comité d'entreprise peut se faire assister d'un expert-comptable de son choix':

1° En vue de la consultation annuelle sur la situation économique et financière prévue à l'article L. 2323-12';

1° bis En vue de l'examen des orientations stratégiques de l'entreprise prévu à l'article L. 2323-10';

2° En vue de la consultation annuelle sur la politique sociale de l'entreprise, les conditions de travail et l'emploi définie à l'article L. 2323-15';

3° Dans les conditions prévues à l'article L. 2323-34, relatif aux opérations de concentration';

4° Dans les conditions prévues aux articles L. 2323-50 et suivants, relatifs à l'exercice du droit d'alerte économique';

5° Lorsque la procédure de consultation pour licenciement économique d'au moins dix salariés dans une même période de trente jours, prévue à l'article L. 1233-30, est mise en 'uvre';

6° Dans les conditions prévues aux articles L. 2323-35 à L. 2323-44, relatifs aux offres publiques d'acquisition'».

L'article L.2325-36 du code du travail dans sa version alors applicable, dispose que «'la mission de l'expert-comptable porte sur tous les éléments d'ordre économique, financier ou social nécessaires à la compréhension des comptes et à l'appréciation de la situation de l'entreprise'».

L'article L.2323-12 du code du travail dans sa version résultant de la loi n° 2015-994 du 17 août 2015 alors applicable, dispose que':

«'La consultation annuelle sur la situation économique et financière de l'entreprise porte également sur la politique de recherche et de développement technologique de l'entreprise, y compris sur l'utilisation du crédit d'impôt pour les dépenses de recherche, et sur l'utilisation du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi.

L'avis du comité d'entreprise est transmis à l'organe chargé de l'administration ou de la surveillance de l'entreprise'».

L'article L.2327-15 du code du travail dans sa version résultant de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 applicable en l'espèce, relatif aux attributions du comité d'établissement, dispose que celui-ci «'a les mêmes attributions que le comité d'entreprise, dans la limite des pouvoirs confiés au chef de cet établissement'».

La mise en place d'un comité d'établissement suppose que cet établissement dispose d'une autonomie suffisante en matière de gestion du personnel et de conduite de l'activité économique de l'établissement, et en application des articles L.2323-12, L.2325-35 et L.2325-36 du code du travail, alors applicables, le droit du comité central d'entreprise d'être assisté pour l'examen annuel de la situation économique et financière de l'entreprise ne prive pas le comité d'établissement du droit d'être assisté par un expert-comptable afin de lui permettre de connaître la situation économique, sociale et financière de l'établissement dans l'ensemble de l'entreprise et par rapport aux autres établissements avec lesquels il doit pouvoir se comparer, ainsi que l'a jugé la Cour de cassation (Soc., 16 janvier 2019, pourvoi n° 17-26.660'; Soc., 11 septembre 2019, pourvoi n° 18-14.993'; Soc., 11 mars 2020, pourvoi n° 18-26.138'; Soc., 4 novembre 2020, pourvoi n° 19-11.738).

En l'espèce, la compétence du comité social d'entreprise pour ordonner une expertise comptable n'exclut donc pas celle du comité d'établissement Auchan Olivet pour se faire également assister d'un expert-comptable afin de lui permettre de connaître la situation économique, sociale et financière de l'établissement dans l'ensemble de l'entreprise.

Les moyens soulevés par l'appelant tendent à voir réduire le champ des attributions du comité d'établissement en excluant de celui-ci la possibilité d'ordonner une expertise comptable, alors que le législateur n'a pas prévu une telle limitation en calquant les attributions du comité d'établissement sur celles du comité d'entreprise dans les dispositions de l'article L.2327-15 du code du travail dans sa version alors applicable, quand bien même les dispositions auxquelles cet article renvoie ont été rédigées eu égard aux missions du comité d'entreprise.

Les moyens de l'appelant contestant la possibilité pour le comité d'établissement de se faire assister par un expert-comptable sont donc inopérants.

De même, si la société dénie au comité d'établissement Auchan Olivet l'autonomie suffisante pour l'application des textes régissant la procédure consultative et l'expertise, il y a lieu de rappeler que la mise en place d'un comité d'établissement suppose que cet établissement dispose d'une autonomie suffisante en matière de gestion du personnel et de conduite de l'activité économique de l'établissement, ainsi que la Cour de cassation l'a jugé tant sous l'empire des textes anciens que ceux applicables au litige (Soc., 18 novembre 2009, pourvoi n° 08-16.260, Soc., 4 novembre 2020, pourvoi n° 19-11.738).

Le comité d'établissement Auchan Olivet disposait donc de l'autonomie suffisante pour ordonner une expertise comptable sur le fondement de l'article L.2325-35 du code du travail dans sa version alors applicable.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a débouté la société Auchan hypermarché de sa demande d'annulation de la délibération du comité d'établissement Auchan d'Olivet du 8 juin 2017 portant désignation d'un expert-comptable.

Sur la caducité de l'expertise comptable

L'appelante soutient que l'expertise comptable est caduque, car postérieurement à la délibération en litige, et au jugement entrepris, l'établissement distinct qui avait servi de cadre à l'élection du comité d'établissement de l'établissement Auchan d'Olivet a disparu'; que le comité d'établissement de l'établissement Auchan d'Olivet a lui-même disparu, du fait de la mise en 'uvre des dispositions relatives au comité social et économique'; que les consultations qui constituent la cause de la délibération en litige ne pourront donc plus avoir lieu, du fait de la disparition de l'instance représentative du personnel qui estimait à cet égard devoir être consultée et, plus généralement, de l'établissement ayant servi de cadre à la mise en place de cette même instance'; qu'il est désormais impossible de mener à leur terme les procédures consultatives qui constituaient la cause de la délibération en litige'; que le comité social et économique d'établissement de l'établissement «'Val de Loire'» a été mis en place dans le cadre d'un périmètre qui ne coïncide pas avec celui de l'ancien comité d'établissement de l'établissement Auchan d'Olivet'; que l'actuel comité social et économique d'établissement de l'établissement «'Val de Loire'» ne saurait exprimer quelque avis que ce soit concernant la situation économique ou sociale d'un ancien établissement distinct dont le périmètre ne coïncide pas avec son propre cadre de mise en place'; que l'impossibilité de poursuivre l'exécution de la délibération en litige dans le cadre de l'actuel comité social et économique d'établissement de l'établissement «'Val de Loire'» résulte du fait que celui-ci est légalement et conventionnellement dépourvu de toute prérogative en ce qui concerne les consultations récurrentes et, par voie de conséquence, les expertises qui sont attachées à celles-ci, au regard de la nouvelle architecture mise en place par l'ordonnance n° 2017-1386 et la disparition de toute prérogative en matière de consultations récurrentes.

Suivant accord relatif à la définition des établissements distincts au sein de l'unité économique et sociale Auchan Retail Exploitation en date du 28 mars 2019 et entré en vigueur le 1er avril 2019, les sociétés constituant ladite unité économique et sociale incluant la société Auchan hypermarché, et les organisations syndicales représentatives, ont défini le périmètre des établissements distincts.

Alors que l'ancien comité d'établissement de l'établissement Auchan d'Olivet n'avait pour périmètre que l'établissement constitué de l'hypermarché Auchan d'Olivet, le nouvel établissement incluant ce dernier, et dénommé «'Val de Loire'», comprend également les hypermarchés de Blois, Gien et St-Jean, ainsi que les supermarchés de Jargeau, La Ferté Saint Aubin, Olivet et Saint Jean de Braye.

L'expertise comptable ordonnée le 8 juin 2017 par le comité d'établissement d'Auchan Olivet ne peut porter que sur l'examen annuel de la situation, économique, financière et sociale de cet hypermarché.

La caducité peut atteindre un acte qui bien que régulièrement formé, a perdu, postérieurement à son élaboration, un élément essentiel nécessaire à sa perfection, en raison de la survenance d'un événement extérieur.

En l'espèce, il est ni allégué ni justifié que l'hypermarché Auchan d'Olivet, sur lequel porte l'expertise comptable prononcée par le comité d'établissement n'existerait plus. L'expertise comptable régulièrement prononcée par le comité d'établissement existant au jour de sa délibération ne peut donc être considérée comme caduque, quand bien même le site d'Olivet est désormais inclus dans un comité social et économique au périmètre élargi, ce qui n'est pas de nature à faire obstacle à l'exécution de la mesure d'expertise de nature à informer le nouveau comité sur la situation du site d'Olivet.

Selon l'article 9 VI de l'ordonnance n° 2017-1386 du 22 septembre 2017, dans sa rédaction issue de la loi de ratification du 29 mars 2018, l'ensemble des biens, droits et obligations, créances et dettes des comités d'entreprise, des comités d'établissement, des comités centraux entreprises, des délégations uniques du personnel, des comités d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail et des instances prévues à l'article L. 2391-1 du code du travail dans sa rédaction antérieure à la publication de la présente ordonnance, existant à la date de publication de la présente ordonnance sont transférés de plein droit et en pleine propriété aux comités sociaux et économiques prévus au titre Ier du livre III de la deuxième partie du code du travail mis en place au terme du mandat en cours des instances précitées et au plus tard au 31 décembre 2019.

Il résulte de ces dispositions qu'une délibération d'un comité d'établissement décidant du recours à une expertise-comptable sur le fondement de l'article L.2325-35 du code du travail dans sa rédaction précitée, antérieurement au déroulement du premier tour des élections professionnelles, ne devient pas caduque de plein droit par suite de la mise en place postérieure du comité social et économique nouvellement élu, ainsi que l'a d'ailleurs jugé la Cour de cassation s'agissant d'une expertise pour risque grave prononcée par un comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (Soc., 31 mars 2021, pourvoi n° 19-23.654).

En conséquence, la demande de caducité formée par l'appelante sera rejetée.

Sur les demandes accessoires

Compte-tenu de la solution donnée au litige, il y a lieu de confirmer le jugement en ses chefs statuant sur les dépens, et les frais irrépétibles. La société Auchan hypermarché sera condamnée aux dépens d'appel. La demande formée par l'appelante au titre des frais irrépétibles sera rejetée.

PAR CES MOTIFS,

Statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

CONFIRME le jugement en toutes ses dispositions critiquées';

Y AJOUTANT':

REJETTE la demande de caducité de l'expertise-comptable ordonnée par le comité d'établissement Auchan Olivet le 8 juin 2017, et sa demande d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile';

CONDAMNE la société Auchan hypermarché aux entiers dépens d'appel.

Arrêt signé par Madame Anne-Lise COLLOMP, Président de Chambre et auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Orléans
Formation : Chambre civile
Numéro d'arrêt : 19/03563
Date de la décision : 05/07/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-07-05;19.03563 ?
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