COUR D'APPEL D'ORLÉANS
CHAMBRE DES AFFAIRES DE SÉCURITÉ SOCIALE
GROSSE à :
CPAM DES BOUCHES DU RHONE
Me Emily JUILLARD
EXPÉDITION à :
SAS [6]
MINISTRE CHARGÉ DE LA SÉCURITÉ SOCIALE
Pôle social du Tribunal judiciaire d'ORLEANS
ARRÊT DU : 21 JUIN 2022
Minute n°305/2022
N° RG 20/01677 - N° Portalis DBVN-V-B7E-GGIP
Décision de première instance : Pôle social du Tribunal judiciaire d'ORLEANS en date du 13 Juillet 2020
ENTRE
APPELANTE :
CPAM DES BOUCHES DU RHONE
[Adresse 4]
[Localité 1]
Représentée par Mme [T] [L], en vertu d'un pouvoir spécial
D'UNE PART,
ET
INTIMÉE :
SAS [6]
[Adresse 7]
[Adresse 7]
[Localité 2]
Représentée par Me Emily JUILLARD, avocat au barreau de PARIS, substituée par Me Esther BERNARD-FAYOLLE, avocat au barreau de PARIS
PARTIE AVISÉE :
MONSIEUR LE MINISTRE CHARGÉ DE LA SÉCURITÉ SOCIALE
[Adresse 3]
[Localité 5]
Non comparant, ni représenté
D'AUTRE PART,
COMPOSITION DE LA COUR
Lors des débats :
En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 15 FEVRIER 2022, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Sophie GRALL, Président de chambre, chargé du rapport.
Lors du délibéré :
Madame Sophie GRALL, Président de chambre,
Madame Carole CHEGARAY, Président de chambre,
Monsieur Laurent SOUSA, Conseiller
Greffier :
Monsieur Alexis DOUET, Greffier lors des débats et du prononcé de l'arrêt.
DÉBATS :
A l'audience publique le 15 FEVRIER 2022.
ARRÊT :
- Contradictoire, en dernier ressort
- Prononcé le 21 JUIN 2022, après prorogation du délibéré, par mise à la disposition des parties au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2ème alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.
- Signé par Madame Sophie GRALL, Président de chambre et Monsieur Alexis DOUET, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le Magistrat signataire.
* * * * *
Mme [K] [C], employée en qualité de manutentionnaire par la société [6] depuis 2000, a établi une déclaration de maladie professionnelle portant sur une douleur de l'épaule droite.
Le certificat médical initial établi le 14 août 2017 par le médecin traitant a constaté une 'douleur et impotence fonctionnelle de l'épaule droite dans le cadre d'une rupture transfixiante incomplète du semi épineux associé à une tendinopathie distale + tendinopathie subscapulaire et infra épineux avec épanchement intra articulaire abondant'.
La maladie déclarée a été prise en charge au titre de la législation relative aux risques professionnels.
Le certificat médical final établi le 9 février 2018 par le médecin traitant a constaté l'existence de 'séquelles à type de scapulalgie droite mécanique. Examen clinique: amyotrophie (trapèze + sus épineux + deltoïde), impotence fonctionnelle en abduction à 90°, examen clinique douloureux lors de la palpation et des mouvements passifs'.
La date de consolidation a été fixée au 9 février 2018 par le médecin conseil de la caisse primaire d'assurance maladie des Bouches du Rhône.
Suivant notification de décision en date du 2 mai 2018, la caisse primaire d'assurance maladie des Bouches du Rhône a, après examen des éléments médico-administratifs du dossier du salarié et des conclusions du service médical, informé la société [6] que le taux d'incapacité permanente de Mme [K] [C] était fixé à 10 %.
Par lettre du 27 juin 2018, la société [6] a saisi le tribunal du contentieux de l'incapacité d'Orléans d'une contestation de cette décision.
L'instance a été reprise par le Pôle social du tribunal de grande instance d'Orléans à compter du 1er janvier 2019.
Le tribunal de grande instance est devenu le tribunal judiciaire le 1er janvier 2020 par l'effet de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019.
En application de l'article R.142-16 du code de la sécurité sociale, le tribunal a ordonné une consultation confiée au Docteur [U] [V].
Par jugement rendu le 13 juillet 2020, notifié par lettre du 15 juillet 2020, le Pôle social du tribunal judiciaire d'Orléans a:
- déclaré recevable le recours formé par la société [6],
- accueilli favorablement la requête,
- dit que le rapport d'évaluation des séquelles présentées par Mme [K] [C] à la date du 9 février 2018, tel qu'il est rédigé, et les pièces médicales fournies par la caisse primaire d'assurance maladie ne permettent pas de justifier le taux d'incapacité permanente partielle attribué par le médecin conseil,
- dit que le taux d'incapacité permanente partielle opposable à l'employeur doit être ramené à 6 %,
- dit que cette décision est exécutoire dans les rapports entre la société [6] et la caisse primaire d'assurance maladie des Bouches du Rhône, la situation de Mme [K] [C] restant inchangée en ce qui concerne le calcul de sa rente.
Suivant déclaration d'appel du 13 août 2020, la caisse primaire d'assurance maladie des Bouches du Rhône a relevé appel de ce jugement.
Aux termes d'écritures soutenues oralement à l'audience, la caisse primaire d'assurance maladie des Bouches du Rhône demande à la Cour de:
- infirmer le jugement entrepris.
- confirmer le taux initialement fixé par le médecin conseil de la caisse primaire d'assurance maladie à 10 % pour les séquelles de la maladie professionnelle de Mme [K] [C] du 14 août 2017 et le déclarer opposable à la société [6].
Si la Cour ne s'estimait pas suffisamment informée,
- ordonner la mise en oeuvre d'une expertise médicale.
- débouter la société [6] de toutes ses demandes.
Aux termes de conclusions soutenues oralement à l'audience, la société [6] demande à la Cour de:
A titre principal,
- constater que la caisse primaire d'assurance maladie ne justifie pas du bien-fondé du taux d'incapacité permanente partielle attribué à Mme [K] [C] à la date de consolidation.
En conséquence,
- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions.
A titre subsidiaire,
- constater que le taux d'incapacité permanente partielle de 10 % attribué à Mme [K] [C] par la caisse primaire d'assurance maladie n'est pas justifié.
En conséquence,
- ramener le taux d'incapacité permanente partielle de Mme [K] [C] à un taux qui ne saurait dépasser les 6 %.
En application de l'article 455 du Code de procédure civile, il est renvoyé, pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, à leurs écritures respectives.
SUR CE, LA COUR:
Aux termes de l'article L. 434-2 du Code de la sécurité sociale le taux de l'incapacité permanente est déterminé d'après la nature de l'infirmité, l'état général, l'âge, les facultés physiques et mentales de la victime ainsi que d'après ses aptitudes et sa qualification professionnelle, compte tenu d'un barème indicatif d'invalidité.
L'article R. 434-32 du même code prévoit que:
'au vu de tous les renseignements recueillis, la caisse primaire se prononce sur l'existence d'une incapacité permanente et, le cas échéant, sur le taux de celle-ci et sur le montant de la rente due à la victime ou à ses ayant droit.
Les barèmes indicatifs d'invalidité dont il est tenu compte pour la détermination du taux d'incapacité permanente, d'une part, en matière d'accidents du travail et d'autre part, en matière de maladies professionnelles sont annexés au présent livre. Lorsque ce dernier barème ne comporte pas de référence à la lésion considérée, il est fait application du barème indicatif d'invalidité en matière d'accidents du travail'.
Les annexes I et II au Code de la sécurité sociale prises en application de cet article définissent les barèmes indicatifs d'invalidité applicables en matière d'accidents du travail et de maladie professionnelle et rappellent que le barème n'a qu'un caractère indicatif. Les taux d'incapacité proposés sont des taux moyens, et le médecin chargé de l'évaluation garde, lorsqu'il se trouve devant un cas dont le caractère lui paraît particulier, l'entière liberté de s'écarter des chiffres du barème, il doit alors exposer clairement les raisons qui l'y ont conduit.
Le taux d'incapacité permanente partielle doit s'apprécier à la date de consolidation.
En l'espèce, la date de consolidation a été fixée au 9 février 2018. Le taux d'incapacité permanente partielle de Mme [K] [C], née le 31 décembre 1956, a été évalué à 10 % par le médecin conseil de la caisse primaire d'assurance maladie à la date de consolidation au titre des séquelles suivantes: 'Rupture de la coiffe des rotateurs droits traitée médicalement chez une personne droitière. Séquelles à type de limitation légère de tous les mouvements de l'épaule dominante, élévations antérieure et latérale restant supérieures à 90°'.
Le Docteur [U] [V], médecin consultant désigné par le tribunal, a émis un avis en ces termes: 'l'examen du médecin conseil retrouvait une antépulsion très légèrement limitée en passif, une abduction passive normale, une rotation externe active normale et le mouvement main-tête est réalisé, une rotation interne active légèrement diminuée (confirmé par un main fesse en L4), une rétropulsion en limitation légère et une adduction devant être supposée normale. L'assurée se plaint surtout de douleurs qui ne donnent lieu cependant qu'à la prise d'antalgique de palier 1. Le tout sur état interférant arthrosique. Même en retenant la qualification manuelle de l'assurée, il semble impossible de justifier le taux de 10 % etce rapport ne permet pas d'opposer à l'employeur un taux supérieur à 6 %'.
La caisse primaire d'assurance maladie des Bouches du Rhône critique le jugement entrepris en ce qu'il a adopté les conclusions du médecin consultant.
Elle soutient qu'en attribuant un taux de 10 % tenant compte de la limitation fonctionnelle, de l'âge et de la qualification professionnelle, le médecin conseil a fait une juste application du barème au regard de l'examen clinique.
Elle fait valoir, en ce sens, qu'il n'existe pas d'autre état dégénératif que celui provoqué par la maladie professionnelle, que la gestuelle professionnelle répétée sur plusieurs années a favorisé une usure tendineuse dont les manifestations ont été objectivées par l'imagerie, qu'il n'y a donc pas lieu de suivre l'avis du médecin consultant désigné par le tribunal en minorant le taux d'incapacité permanente partielle à 6 % à raison d'un état antérieur, que les séquelles décrites correspondent à des douleurs et à une limitation fonctionnelle de l'épaule droite dominante et que la limitation est significative sur les mouvements principaux ainsi qu'en atteste également le certificat médical final établi par le médecin traitant de la salariée.
La société [6] se prévaut, pour sa part, d'un avis médical établi le 5 décembre 2018 par le Docteur [Z] [H], médecin qu'elle a mandaté, dont les conclusions sont les suivantes: 'Considérant
- la maladie professionnelle représentée par des tendinopathies non rompues de l'épaule gauche, traitée médicalement, sans complication,
- l'âge de l'assurée,
- l'état dégénératif arthrosique pouvant, à lui seul, expliquer la douleur et la gêne fonctionnelle,
- les séquelles constituées par une limitation légère de certains mouvements et non pas de tous les mouvements,
- la reprise du travail au même poste manuel dans les conditions antérieures,
nous estimons, en référence au barème, que le taux d'IP ne saurait dépasser 6 %'.
Le barème indicatif d'invalidité (accident du travail) propose, pour ce qui concerne l'atteinte des fonctions articulaires (1.1.2), s'agissant de l'épaule, un taux de 10 à 15 % pour une limitation légère de tous les mouvements côté dominant, auquel on ajoute, le cas échéant, selon la limitation des mouvements, 5 % en cas de périarthrite douloureuse.
Au cas présent, rien ne permet d'établir que l'état dégénératif arthrosique n'est pas imputable à la maladie professionnelle de sorte que le taux d'incapacité permanente partielle ne saurait être minoré à raison d'un état antérieur.
Il y a lieu, en outre, de tenir compte de la qualification manuelle de Mme [K] [C] dans l'évaluation du taux d'incapacité permanente partielle.
Etant observé, par ailleurs, qu'il ressort de l'examen clinique effectué par le médecin conseil que les séquelles consistent en une limitation légère de plusieurs mouvements de l'épaule, il s'ensuit que le taux de 10 % qui correspond à la fourchette basse du barème est justifié.
Il convient, par conséquent, d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a accueilli favorablement la requête, dit que le rapport d'évaluation des séquelles présentées par Mme [K] [C] à la date du 9 février 2018, tel qu'il est rédigé, et les pièces médicales fournies par la caisse primaire d'assurance maladie ne permettent pas de justifier le taux d'incapacité permanente partielle attribué par le médecin conseil, dit que le taux d'incapacité permanente partielle opposable à l'employeur doit être ramené à 6 %, et statuant à nouveau, de dire que le taux d'incapacité permanente partielle opposable à l'employeur doit être fixé à 10 %.
Compte tenu de la solution donnée au présent litige, il y a lieu de condamner la société [6] aux dépens d'appel.
PAR CES MOTIFS:
Infirme le jugement rendu le 13 juillet 2020 par le Pôle social du tribunal judiciaire d'Orléans en ce qu'il a accueilli favorablement la requête, dit que le rapport d'évaluation des séquelles présentées par Mme [K] [C] à la date du 9 février 2018, tel qu'il est rédigé, et les pièces médicales fournies par la caisse primaire d'assurance maladie ne permettent pas de justifier le taux d'incapacité permanente partielle attribué par le médecin conseil, dit que le taux d'incapacité permanente partielle opposable à l'employeur doit être ramené à 6 %;
Statuant à nouveau;
Dit que le taux d'incapacité permanente partielle opposable à l'employeur doit être fixé à 10 %;
Condamne la société [6] aux dépens d'appel.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,