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21/06/2022 | FRANCE | N°19/03440

France | France, Cour d'appel d'Orléans, Chambre civile, 21 juin 2022, 19/03440


COUR D'APPEL D'ORLÉANS



C H A M B R E C I V I L E





GROSSES + EXPÉDITIONS : le 21/06/2022

la SELARL DEREC à ORLEANS

la SELARL GUILBERT à MONTARGIS



ARRÊT du : 21 JUIN 2022



N° : - : N° RG 19/03440 - N° Portalis DBVN-V-B7D-GBQO





DÉCISION ENTREPRISE : Jugement du Tribunal de Grande Instance de MONTARGIS en date du 16 Août 2019



PARTIES EN CAUSE



APPELANTS :- Timbre fiscal dématérialisé N°: 1265251382360514





Madame [X], [M], [T] [Y] é

pouse [F]

née le 27 Novembre 1949 à OUTARVILLE (45480)

17 route de Lorris

45260 PRESNOY



Monsieur [W] [F]

né le 23 Septembre 1948 à ESTOUY (45300)

17 route de Lorris

45260 PRESNOY
...

COUR D'APPEL D'ORLÉANS

C H A M B R E C I V I L E

GROSSES + EXPÉDITIONS : le 21/06/2022

la SELARL DEREC à ORLEANS

la SELARL GUILBERT à MONTARGIS

ARRÊT du : 21 JUIN 2022

N° : - : N° RG 19/03440 - N° Portalis DBVN-V-B7D-GBQO

DÉCISION ENTREPRISE : Jugement du Tribunal de Grande Instance de MONTARGIS en date du 16 Août 2019

PARTIES EN CAUSE

APPELANTS :- Timbre fiscal dématérialisé N°: 1265251382360514

Madame [X], [M], [T] [Y] épouse [F]

née le 27 Novembre 1949 à OUTARVILLE (45480)

17 route de Lorris

45260 PRESNOY

Monsieur [W] [F]

né le 23 Septembre 1948 à ESTOUY (45300)

17 route de Lorris

45260 PRESNOY

représentés par Me Pierre François DEREC de la SELARL DEREC, avocat au barreau d'ORLEANS substituée par Me Miguel BARATA, avocat au barreau d'ORLEANS

D'UNE PART

INTIMÉE : - Timbre fiscal dématérialisé N°: 1265249794279812

La S.C.I. MBC, prise en la personne de son gérant Monsieur [B] [A]

Le Noublain

45260 CHAILLY-EN-GATINAIS

ayant pour avocat postulant Me Isabelle GUILBERT de la SELARL GUILBERT, avocat au barreau de MONTARGIS et pour avocat plaidant Me Laure LE CHEVOIR de la SCP BOIVIN- LE CHEVOIR du barreau de SENS

D'AUTRE PART

DÉCLARATION D'APPEL en date du :31 Octobre 2019

ORDONNANCE DE CLÔTURE du : 22 mars 2022

COMPOSITION DE LA COUR

Lors des débats, du délibéré :

Madame Anne-Lise COLLOMP, Président de chambre,

Monsieur Laurent SOUSA, Conseiller,

Mme Fanny CHENOT, Conseiller.

Greffier :

Madame Fatima HAJBI, Greffier lors des débats et du prononcé.

DÉBATS :

A l'audience publique du 25 AVRIL 2022, à laquelle ont été entendus Monsieur Laurent SOUSA, Conseiller, en son rapport et les avocats des parties en leurs plaidoiries.

ARRÊT :

Prononcé le 21 JUIN 2022 par mise à la disposition des parties au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

FAITS ET PROCÉDURE

Suivant acte authentique du 17 mai 2014, la SCI MBC a acquis un bien immobilier situé 11 rue de Lorris 45260 Presnoy, figurant au cadastre sous les n° B 1347 et B 1348, bénéficiant aux termes de l'acte d'un droit au puits et d'un droit de passage sur la propriété voisine appartenant à M. et Mme [F], qui sont propriétaires des parcelles cadastrées B 256, 271 et 1566.

La SCI MBC a fait assigner Mme [F] afin de faire respecter le droit au puits et le droit de passage, devant le tribunal de grande instance de Montargis. L'époux de la défenderesse, M. [W] [F] est intervenu volontairement à l'instance.

Par jugement du 16 août 2019, le tribunal a':

- dit que la demande de la SCI MBC est recevable';

- dit que la SCI MBC bénéficie d'un droit de passage et d'un droit au puits sur la propriété de Mme [X] [Y] épouse [F]';

- dit n'y avoir lieu à astreinte';

- condamné Mme [X] [Y] épouse [F] à payer à la SCI MBC une somme de 1'000'€ en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile';

- condamné Mme [X] [Y] épouse [F] aux dépens dont distraction au profit de Maître Isabelle Guilbert qui seront recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

Pour statuer ainsi, le tribunal a notamment considéré que les parcelles B 1347 et 1348 n'ont pas d'accès à la rue autre que piétonnier, car le maire de la commune a indiqué qu'elles ne bénéficiaient pas de droit de sortie sur la voie publique'; que le passage des véhicules ne peut se faire que par la parcelle B 256 où se trouvait autrefois une porte cochère'; qu'à supposer que la SCI ne dispose plus d'un droit de passage, elle bénéficie toujours d'un droit au puits qui emporte nécessairement le droit de passage.

Par déclaration du 31 octobre 2019, M. et Mme [F] ont expressément interjeté appel de tous les chefs du jugement.

Suivant conclusions récapitulatives notifiées par voie électronique le 31 janvier 2020, M. et Mme [F] demandent de':

- dire et juger leur appel recevable et bien fondé et en conséquence, y faisant droit, réformer le jugement attaqué pour':

- donner acte de son intervention à M. [F]';

- déclarer éteinte la servitude de passage qui s'exerce sur leur parcelle B 256 au bénéfice de la parcelle B 1347 de la SCI MBC, en raison de l'extinction de l'état d'enclave de cette dernière, et dire et juger la SCI MBC ne bénéficie d'aucun droit de passage à ce titre sur leur fonds';

- déclarer éteinte la servitude de puisage qui s'exerçait sur leur parcelle B 256 au bénéfice de la parcelle B 1348 de la SCI MBC, en raison de l'impossibilité d'usage et en tout état de cause du non-usage trentenaire, et dire et juger la SCI MBC ne bénéficie d'aucun droit au puits à ce titre sur leur fonds';

- subsidiairement, déclarer que l'exercice des servitudes précitées de passage et de puisage constitue un abus de droit, et dire et juger que les parcelles B 1347 et B 1348 de la SCI MBC ne bénéficient d'aucun droit de passage ni de puisage sur leur parcelle B 256';

- très subsidiairement, dire et juger que le droit au puits ne peut justifier un passage sur leur parcelle B 256 que pour accéder au puits par le trajet le plus court directement à partir de la parcelle B 1348 de la SCI MBC, qui ne pourra bénéficier d'un passage à aucun autre endroit';

- en toute hypothèse, rejeter toutes les demandes de la société MBC';

- condamner la société MBC à leur verser la somme de 3'000'€ à titre d'indemnité pour frais irrépétibles';

- condamner la société MBC au paiement des dépens, et accorder à la SELARL Derec, avocat, le droit prévu à l'article 699 du code de procédure civile.

Suivant conclusions récapitulatives notifiées par voie électronique le 17 mars 2020, la SCI MBC demande de':

- dire et juger M. et Mme [F] tant irrecevables que mal fondés en leurs demandes, et en conséquence, les en débouter';

- confirmer purement et simplement le jugement entrepris';

- condamner M. et Mme [F] à payer à la SCI MBC la somme de 3'000'€ en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile';

- condamner M. et Mme [F] en tous les dépens en application de l'article 699 du code de procédure civile.

Il convient de se référer aux conclusions récapitulatives des parties pour un plus ample exposé des moyens soulevés.

SUR QUOI, LA COUR :

Il convient de donner acte à M. [F] de son intervention volontaire, par ailleurs déjà formée devant le tribunal.

Sur la servitude de passage

Les appelants soutiennent qu'à l'origine, c'est uniquement en raison de l'état d'enclave de la parcelle bâtie B 1347 qu'un droit de passage a été institué à son profit sur la parcelle 256 via la parcelle B 1348'; que dans un tel cas, même si la servitude est conventionnelle ou établie par destination du père de famille, le propriétaire du fonds servant est fondé à demander l'extinction de la servitude si le fonds dominant cesse d'être enclavé, par application de l'article 685-1 du code civil'; que les pièces produites montrent clairement que les parcelles B 1347 (immeuble bâti) et B 1348 (cour) ne sont pas dépourvues d'accès à la route, puisqu'elles sont au contraire directement contiguës à celle-ci, et que la parcelle B 1348, non bâtie, appartenant désormais au même propriétaire que celui de la parcelle B 1347 avec qui elle communique, offre un accès direct et totalement libre à la voie publique'; qu'il importe peu que la commune de Presnoy ait indiqué que les parcelles 1347 et 1346 ne bénéficient pas de droit de sortie sur la rue ni que le trottoir ne soit pas abaissé à leur endroit pour permettre plus facilement l'accès des véhicules, dès lors qu'il suffit à la société MBC de demander à la commune cet accès et la réalisation de l'aménagement de trottoir adéquat pour en bénéficier.

L'intimée réplique que si en cas de cessation de l'enclave, une décision de justice peut voir cette cessation constatée et mettre fin à un droit de passage, tel n'est pas le cas en l'espèce'; que les appelants reconnaissent qu'il est impossible à la SCI d'accéder directement à la route en l'état de la situation actuelle de sa propriété et ils soutiennent qu'il suffit à la SCI d'en faire la demande à la commune'; que cependant, elle a fait cette demande à la commune qui a opposé un refus'; que pour dire que si la SCI MBC n'est plus enclavée, la juridiction doit au préalable rechercher d'une part si les travaux demandés ont un coût proportionné ou disproportionné à l'usage et d'autre part rechercher s'il s'agit d'une simple commodité ou bien s'il s'agit d'une impossibilité pour la SCI MBC, comme le lui oppose la commune compte tenu de la dangerosité de l'accès direct de sa parcelle à la voie publique'; que le droit de passage utilisé par la SCI est un chemin qui appartient au fonds de M. et Mme [F] qu'ils n'utilisent jamais, lesquels utilisent une autre entrée pour leur propriété'; que la commune a entretenu la voirie et créé des ralentisseurs pour améliorer la sécurité des riverains en tenant compte de la situation existante, et les époux [F] n'évoquent pas une situation qui aurait été modifiée depuis qu'ils se sont porté acquéreurs en 2010.

L'article 682 du code civil dispose que «'le propriétaire dont les fonds sont enclavés et qui n'a sur la voie publique aucune issue, ou qu'une issue insuffisante, soit pour l'exploitation agricole, industrielle ou commerciale de sa propriété, soit pour la réalisation d'opérations de construction ou de lotissement, est fondé à réclamer sur les fonds de ses voisins un passage suffisant pour assurer la desserte complète de ses fonds, à charge d'une indemnité proportionnée au dommage qu'il peut occasionner'».

L'article 685-1 du code civil dispose':

«'En cas de cessation de l'enclave et quelle que soit la manière dont l'assiette et le mode de la servitude ont été déterminés, le propriétaire du fonds servant peut, à tout moment, invoquer l'extinction de la servitude si la desserte du fonds dominant est assurée dans les conditions de l'article 682.

À défaut d'accord amiable, cette disparition est constatée par une décision de justice'».

En l'espèce, l'acte authentique de vente immobilière du 17 mai 2014, des consorts [V] au profit de la SCI MBC, mentionne au titre des servitudes':

«'Aux termes de l'acte d'échange reçu par Maître [L] [Z], notaire à Lorris, le 21 septembre 1985, publié au service de la publicité foncière de Montargis le 8 novembre 1985 volume 6467 n°11, il a été rappelé ce qui suit littéralement rapporté':

«'La propriété de M. et Mme [R] (aujourd'hui B 1347) bénéficie d'un droit de passage sur celle de M et Mme [E] (aujourd'hui B 256) ['] pour accéder au chemin départemental n° 38 de Lorris à Château-Landon, depuis la porte charretière.

Les propriétés de M. et Mme [R] et de M. et Mme [I] (aujourd'hui B 1348, 1349, 1346 et 269) ont droit au puits se trouvant sur celle de M. et Mme [E].

Concernant ces servitudes, aux termes d'un acte de partage [U] reçu par Maître [P], notaire à Lorris, le 22 avril 1911, il a été stipulé ce qui suit littéralement rapporté':

«'La cour de la maison du Bonhomme, dont partie est comprise en l'article 1 du premier lot (aujourd'hui B 1348) et partie en l'article 1 du deuxième lot (aujourd'hui B 256) ne sera traversée par aucune clôture pour marquer la limite des deux lots. Elle devra toujours rester libre pour l'aisance commune des habitations dépendant respectivement desdits lots, celles faisant partie de l'article 1 du premier lot ayant droit de circuler, même avec chevaux, voitures et bestiaux, mais sans stationner dans la portion de cour appartenant au deuxième lot, et réciproquement. Chacun des copartageants ne pourra laisser séjourner pendant plus de vingt-quatre heures dans la portion de cour lui appartenant aucun objet quelconque, à l'exception toutefois des matériaux nécessaires aux réparations et reconstructions dont auraient besoin les maisons et bâtiments ayant accès dans ladite cour, lesquels matériaux devront être placés de manière à gêner le moins possible la circulation et ne devront rester déposés que pendant le délai le plus court [...]'»

L'acte authentique du 21 décembre 2010, aux termes duquel M. et Mme [F] ont acquis les parcelles qui sont désormais contiguës à celles de la SCI MBC, rappelle les termes précités de l'acte de partage [U] du 22 avril 1911.

Au regard des pièces versées aux débats, il convient de relever que les parcelles figurant au cadastre sous les n° 1347, 1348 (propriété de la SCI MBC) et n° 256 (propriété de M. et Mme [F]) sont toutes trois alignées le long de la voie publique dénommée route de Lorris':

La parcelle B 1347 est toutefois bâtie en limite de la route de sorte que l'accès à la cour située derrière le bâtiment était enclavé, justifiant la constitution d'une servitude de passage par la parcelle n° 256 ayant accès sur la voie publique par un chemin contournant la parcelle B 1348, située entre les parcelles B 1347 et B 256.

La SCI MBC a acquis la parcelle n° 1348, contiguë à la parcelle n° 1347, dont tant les photographies que les plans versés aux débats établissent qu'elle n'est pas enclavée, et qu'elle dispose d'un accès direct sur la voie publique, comme la parcelle n° 256 appartenant aux appelants.

La cour relève d'ailleurs que le droit de passage sur la parcelle n° 256 n'était constitué qu'au profit de la parcelle n° 1347 qui appartenait antérieurement à un propriétaire distinct de celui possédant la parcelle n° 1348.

Les appelants produisent un constat établi par un huissier de justice le 17 février 2020, aux termes duquel l'accès par la parcelle n° 1347 est déjà utilisé':

«'Sur place, l'ensemble immobilier n°11, correspondant aux parcelles cadastrales 1347 et 1348, est directement contigu au trottoir. Une aire de stationnement en calcaire gravillonné est aménagée à l'extrémité Est de l'habitation, et le jardin de celle-ci, implanté sur la parcelle 1348, est délimité du reste par un grillage métallique torsadé recouvert pour partie d'un brise-vue. On accède à la maison par un portillon en bois installé dans le prolongement Nord du retour de l'habitation.

Le long du trottoir, l'aire de stationnement de format rectangulaire aménagée à l'extrémité de l'ensemble immobilier n°'11 est d'une largeur de 7,40 mètres, correspondant à la distance entre le pignon Est de l'habitation n°11 et la fin de la parcelle n°'1348.

Des lattes de bois sont déposées dans le caniveau le long du trottoir, celui-ci étant d'une hauteur de 11 centimètres, sur toute la largeur de cette aire de stationnement, de sorte que de toute évidence celle-ci est d'ores et déjà utilisée par les habitants de la maison pour y circuler et stationner leurs véhicules. L'accès à leur habitation s'effectue par cette aire calcaire, directement contiguë à leur portillon donnant sur une terrasse puis à la porte d'entrée.

De toute évidence, l'accès à l'ensemble immobilier portant le n°'11, et plus précisément la parcelle 1348, se fait d'ores et déjà directement par le domaine public, sans passer par la parcelle n°'256 des requérants, de sorte que la parcelle 1348 n'est pas enclavée mais bien accessible du domaine public, sans aucun obstacle ou difficulté'».

Si le trottoir n'est pas abaissé devant la parcelle n° 1348, à la différence de l'accès au chemin assiette du droit de passage sur la parcelle n° 256, il convient de constater que ce trottoir d'une hauteur de 11'cm ne fait pas obstacle au passage des véhicules pour accéder aux parcelles n° 1348 et 1347 constituant désormais une seule et même propriété.

L'intimée qui allègue le maintien de l'état d'enclave produit des courriers du maire de la commune de Presnoy qui opposaient un refus d'accorder «'un droit de sortie de véhicule sur la départementale D38'» au n° 11 de la route de Lorris, pour le motif suivant':

«'Cette sortie sans visibilité sur une départementale présente un caractère de dangerosité pour la circulation. Il existe déjà 2 sorties à proximité immédiate qui ont posé problème lors du choix du positionnement d'un plateau ralentisseur avec les services départementaux'».

Les demandes formulées par la SCI auprès du maire de la commune ne sont pas communiquées aux débats, de sorte que la nature exacte des demandes n'est pas connue.

En outre, tout propriétaire a le droit d'accéder à sa propriété à pied ou en véhicule sauf dispositions législatives ou réglementaires contraires. En l'espèce, il n'est justifié d'aucun arrêté municipal interdisant l'accès de la SCI MBC en véhicule à sa propriété depuis la voie publique par la parcelle n° 1348, malgré le caractère dangereux mentionné par le maire de la commune, lequel n'a pas interdit l'accès à la parcelle n° 256, située à quelques mètres.

Les photographies prises par l'huissier de justice lors de son constat du 17 février 2020 ne permettent pas de constater la présence d'un plateau ralentisseur devant ou à proximité immédiate de l'accès à la voie publique de la parcelle n° 1348.

Il s'ensuit que les courriers du maire de la commune de Presnoy ne sont pas de nature à caractériser un état d'enclave de la propriété de la SCI MBC constituée des parcelles figurant au cadastre sous les n° 1347 et 1348.

Au regard de l'ensemble de ces éléments, il convient de constater la disparition de l'état d'enclave de la parcelle figurant au cadastre sous le n° 1347.

Sur la servitude de puisage

Les appelants expliquent qu'aux termes de l'article 703 du code civil, les servitudes cessent lorsque les choses se trouvent en tel état qu'on ne peut plus en user, et en application de l'article 706 du même code, la servitude est éteinte par le non-usage pendant trente ans'; qu'en l'espèce, le droit au puits ne peut plus s'exercer, faute de possibilité de tirer effectivement de l'eau du puits'; qu'en tout état de cause, cela fait plus de trente ans qu'elle n'a pas été exercée, de sorte que la servitude doit être déclarée éteinte.

L'intimée fait valoir que le puits n'est pas asséché et le droit d'usage n'a donc pas disparu'; que les appelants ne rapportent nullement la preuve que ce droit n'a pas été utilisé depuis plus de 30 ans'; que la servitude n'est donc pas éteinte.

L'existence de la servitude de puisage est reconnue par les parties, et l'acte de vente au profit de la SCI MBC relate celle-ci comme suit': «'Les propriétés de M. et Mme [R] et de M. et Mme [I] (aujourd'hui B 1348, 1349, 1346 et 269) ont droit au puits se trouvant sur celle de M. et Mme [E]'».

L'article 703 du code civil dispose que les servitudes cessent lorsque les choses se trouvent en tel état qu'on ne peut plus en user. Toutefois, les appelants ne démontrent pas qu'il ne peut plus être fait usage du puits. L'extinction de la servitude sur ce fondement n'est donc pas établie.

L'article 706 du code civil dispose que la servitude est éteinte par le non-usage pendant trente ans. L'article 707 du code civil précise le délai commence à courir du jour où l'on a cessé d'en jouir, lorsqu'il s'agit de servitudes discontinues comme tel est le cas d'une servitude de puisage.

Il incombe à la partie qui n'a pas la possession actuelle de la servitude de démontrer qu'elle avait été exercée depuis moins de 30 ans, ainsi que l'a jugé la Cour de cassation (3e Civ., 17 février 1993, pourvoi n° 90-19.364).

La SCI MBC qui revendique la reconnaissance de la servitude de puisage en application de son titre, et qui n'a pas accès au puits, ne rapporte pas la preuve d'un usage du puits litigieux remontant à moins de trente ans. En conséquence, la servitude de puisage au profit de la parcelle n° 1348 est éteinte par non-usage.

En conséquence, il convient de débouter la SCI MBC de l'ensemble de ses demandes formées à l'encontre de M. et Mme [F], et d'infirmer le jugement en ce qu'il a dit que la SCI MBC bénéficie d'un droit de passage et d'un droit au puits sur la propriété de Mme [X] [Y] épouse [F].

Sur les demandes accessoires

Le jugement sera infirmé en ses chefs statuant sur les dépens et les frais irrépétibles. Compte tenu de la solution donnée au litige, la SCI MBC sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel, dont distraction au profit de la SELARL Derec, et sera condamnée aux appelants la somme de 2'000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

INFIRME le jugement en ce qu'il a':

- dit que la SCI MBC bénéficie d'un droit de passage et d'un droit au puits sur la propriété de Mme [X] [Y] épouse [F]';

- condamné Mme [X] [Y] épouse [F] à payer à la SCI MBC une somme de 1'000'€ en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile';

- condamné Mme [X] [Y] épouse [F] aux dépens dont distraction au profit de Maître Isabelle Guilbert qui seront recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile';

CONFIRME le jugement pour le surplus';

STATUANT À NOUVEAU sur les chefs infirmés et Y AJOUTANT':

CONSTATE que la propriété de la SCI MBC située 11 route de Lorris 45260 Presnoy, constituée des parcelles cadastrées B 1347 et B 1348 n'est pas enclavée';

DIT que la servitude de passage au profit de la parcelle cadastrée B 1347 appartenant à la SCI MBC et située 11 route de Lorris 45260 Presnoy, s'exerçant sur la parcelle cadastrée B 256 appartenant à M. et Mme [F] et située 17 rue de Lorris 45260 Presnoy, a disparu';

DIT que la servitude de puisage au profit de la parcelle cadastrée B 1348 appartenant à la SCI MBC et située 11 route de Lorris 45260 Presnoy, s'exerçant sur le puits situé sur la parcelle cadastrée B 256 au 17 rue de Lorris 45260 Presnoy, propriété de M. et Mme [F], est éteinte';

DÉBOUTE la SCI MBC de l'ensemble de ses demandes';

CONDAMNE la SCI MBC à payer à M. et Mme [F] la somme de 2'000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile';

CONDAMNE la SCI MBC aux entiers dépens de première instance et d'appel';

DIT que la SELARL Derec pourra recouvrer directement contre la partie condamnée ceux des dépens dont elle a fait l'avance sans en avoir reçu provision.

Arrêt signé par Madame Anne-Lise COLLOMP, Président de Chambre et Madame Fatima HAJBI, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Orléans
Formation : Chambre civile
Numéro d'arrêt : 19/03440
Date de la décision : 21/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-21;19.03440 ?
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