COUR D'APPEL D'ORLÉANS
CHAMBRE CIVILE - TRIBUNAL PARITAIRE DES BAUX RURAUX
EXPÉDITIONS le : 13/06/2022
COPIES aux PARTIES
[C] [N]
[F] [Y], [H] [E] épouse [Y], [M] [X]
Me Denis EVRARD
la SCP AVOCATS BUSINESS CONSEILS
ARRÊT du : 13 JUIN 2022
N° : - N° RG : N° RG 21/02663 - N° Portalis DBVN-V-B7F-GOMI
DÉCISION ENTREPRISE : Jugement du Tribunal paritaire des baux ruraux d'ORLEANS en date du 10 Septembre 2021
PARTIES EN CAUSE
APPELANT
Monsieur [C] [N]
Ferme d'Athouas
45300 MAREAU AUX BOIS
comparant
assisté de Me Denis EVRARD, avocat au barreau de SENS
D'UNE PART
INTIMÉS :
Monsieur [F] [Y]
435 La Tuilerie
45470 LOURY
comparant
assisté de Me Jean-Christophe TREBOUS de la SCP AVOCATS BUSINESS CONSEILS, avocat au barreau de BOURGES
Madame [H] [E] épouse [Y]
435 La Tuilerie
45470 LOURY
représentée par Me Jean-Christophe TREBOUS de la SCP AVOCATS BUSINESS CONSEILS, avocat au barreau de BOURGES
Monsieur [M] [X]
237 avenue Eugène Milon
45470 LOURY
représenté par Jean-Christophe TREBOUS de la SCP AVOCATS BUSINESS CONSEILS, avocat au barreau de BOURGES
D'AUTRE PART
DÉCLARATION D'APPEL en date du 05 Octobre 2021
COMPOSITION DE LA COUR
Lors des débats, du délibéré :
Madame Anne-Lise COLLOMP, Président de chambre,
Monsieur Laurent SOUSA, Conseiller,
Madame Fanny CHENOT, Conseiller.
Greffier :
Madame Fatima HAJBI, Greffier lors des débats et du prononcé.
DÉBATS :
A l'audience publique du 28 MARS 2022, à laquelle ont été entendus Madame Anne-Lise COLLOMP, Président de Chambre, en son rapport et les avocats des parties en leurs plaidoiries.
ARRÊT :
Prononcé le 13 JUIN 2022 par mise à la disposition des parties au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.
FAITS ET PROCEDURE
Selon acte authentique du 31 octobre 2003, M. [F] [Y] et Mme [H] [E] épouse [Y] (M. et Mme [Y]) ont consenti à M. [C] [N] à titre de bail rural à long terme:
-dix-huit parcelles de terre situées sur la commune de Loury (Loiret) d'une contenance totale de 33 ha 02 a et 41 ca,
-un hangar, un puits et une canalisation cadastrés section ZK numéro 78 lieudit «'devant la tuilerie'» d'une contenance de 00 ha 26 a et 32 ca, sur la commune de Loury (Loiret),
-une parcelle de terre située sur la commune de Traînou (Loiret) lieudit «'La Dudinière'» cadastrée section ZH numéro 92, d'une contenance de 8 ha 20 a 50 ca,
-trois parcelles de terre d'une contenance totale de 05 ha 75 a 31 ca situées sur la commune de Chilleurs aux Bois (Loiret),
-une parcelle de terre cadastrée section YK numéro 75 lieudit «'Ronville le Fort'» à Neuville aux Bois (Loiret) d'une contenance de 00 ha 36 a.
Ce bail a été consenti pour une durée de dix-huit ans, à compter du 1er novembre 2003 et jusqu'au 31 octobre 2021, moyennant le paiement d'un fermage annuel global de 7311 euros (6300 € pour les terres, 630 € pour le hangar et 381 € pour le puits et la canalisation).
M. [F] [Y] et Mme [H] [E] épouse [Y] ont donné congé à M. [C] [N] des parcelles de terre, du hangar, du puits et de la canalisation objet du bail du 31 octobre par acte d'huissier délivré le 12 février 2020, pour la date du 31 octobre 2021. Ce congé est motivé par le souhait des époux [Y] de reprendre ces biens au profit de leur petit-fils [M] [X] né le 18 juillet 1992, demeurant à Loury, exerçant la profession d'ingénieur technico-commercial et justifiant de cinq diplômes listés dans le congé et comportant tous une spécialisation agricole, pour exploitation à titre individuel des parcelles et installations concernées par ce dernier.
Par requête en date du 29 mai 2020, M. [C] [N] a saisi le tribunal paritaire des baux ruraux d'une action en contestation du congé-reprise qui lui a été signifié le 12 février 2020 par M. [F] [Y] et Mme [H] [E].
M. [M] [X] est intervenu volontairement à l'instance.
Par jugement en date du 10 septembre 2021, le tribunal paritaire des baux ruraux d'Orléans a :
-Déclaré recevable l'intervention volontaire de M. [M] [X],
-Débouté M. [C] [N] de l'ensemble de ses prétentions,
-Validé le congé pour reprise du 12 février 2020 à effet au 31 octobre 2021,
-Débouté les parties du surplus de leurs prétentions,
-Dit n'y avoir lieu à exécution provisoire de la présente décision,
-Condamné M. [C] [N] à verser à M. [F] [Y], Mme [H] [E] épouse [Y] et M. [M] [X] la somme de 600 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
-Laissé les dépens à la charge de M. [C] [N].
Par déclaration en date du 6 octobre 2021, M. [C] [N] a interjeté appel de ce jugement en ce qu'il l'a débouté de l'ensemble de ses prétentions, a validé le congé pour reprise du 12 février 2020 à effet au 31 octobre 2021, l'a condamné à verser à M. [F] [Y], Mme [H] [E] épouse [Y] et M. [M] [X] la somme de 600 € au titre de l'article 700 et laissé les dépens à sa charge.
A l'audience du 28 mars 2022, M. [C] [N], se référant à ses conclusions du 6 décembre 2021, demande à la cour de :
-Infirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal paritaire des baux ruraux d'Orléans le 10 septembre 2021 sous le numéro RG 51-20-000002,
Et, statuant à nouveau,
-Annuler le congé délivré à M. [C] [N] le 12 février 2020 à la requête des époux [Y]-[E] au profit de M. [M] [X],
-Dire et juger que le bail à ferme que les époux [Y]-[E] ont consenti à M. [C] [N] le 31 octobre 2003 sur les 47ha 34a 22ca de terres, et bâtiments, ci-dessus désignés, est renouvelé pour une durée de 9 années entières et consécutives à compter du 1er novembre 2021,
-Condamner les époux [Y]-[E] in solidum à payer à M. [C] [N] une indemnité de 5000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,
-Condamner les intimés in solidum aux dépens de première instance et d'appel.
Se référant à leurs conclusions du 25 février 2022, M. [F] [Y], Mme [H] [E] épouse [Y] et M. [M] [X] demandent à la cour de :
In limine litis,
-Déclarer caduque et, à défaut nulle et de nul effet, la déclaration d'appel de M. [C] [N] enregistrée par le Greffe de la cour d'appel le 6 octobre 2021 sous le numéro 21/02222,
-Débouter en conséquence M. [C] [N] de l'intégralité de ses moyens, fins et conclusions,
A défaut, au fond,
-Confirmer le jugement entrepris et rendu par le tribunal paritaire des baux ruraux d'Orléans le 10 septembre 2021 en ce qu'il a :
$gt;Déclaré recevable l'intervention volontaire de M. [M] [X],
$gt;Débouté M. [C] [N] de l'ensemble de ses prétentions,
$gt;Validé le congé pour reprise du 12 février 2020 à effet du 31 octobre 2021,
$gt;Débouté les parties du surplus de leurs prétentions,
$gt;Laissé les dépens à la charge de M. [C] [N],
En toute hypothèse,
-Rejeter les demandes, fins et conclusions de l'appelant,
-Condamner M. [C] [N] au paiement d'une indemnité de 4000 € à verser à M. [F] [Y], Mme [H] [E] épouse [Y] et M. [M] [X] sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
-Condamner M. [C] [N] aux entiers dépens d'appel.
Il est référé pour le surplus aux écritures déposées par les parties à l'appui de leurs explications orales devant la cour.
MOTIFS
Sur la demande de caducité de la déclaration d'appel et subsidiairement de nullité de celle-ci
En l'espèce, les consorts [Y] soutiennent que la déclaration d'appel formalisée par M. [N] ne mentionne pas l'objet de l'appel en ce que :
- le courrier du 5 octobre 2021 mentionne que l'appel porte sur l'ensemble du jugement mais ne mentionne ensuite que 4 des 7 chefs attaqués ;
- il ne mentionne pas l'objet de l'appel, qui implique qu'il soit précisé s'il s'agit d'un appel réformation et/ou appel annulation.
Ils en déduisent que la déclaration d'appel est frappée de caducité et de nullité et à tout le moins que l'effet dévolutif n'a pas joué.
Toutefois, en premier lieu, la sanction de la caducité de la déclaration d'appel est propre aux procédures avec représenation obligatoire. Or conformément à l'article 892 du code de procédure civile, l'appel des décisions du tribunal paritaire des baux ruraux est jugé suivant la procédure sans représentation obligatoire de sorte que la caducité de la déclaration d'appel n'est pas encourue.
S'agissant de la demande de nullité de la déclaration d'appel, il est constant que les irrégularités qui affectent les mentions de la déclaration d'appel constituent des vices de forme dont la nullité ne peut être prononcée qu'à charge pour la partie qui l'invoque de prouver l'existence d'un grief (2ème Civ 12 juillet 2001 n°99-19.828 bull n°139). Or en l'espèce, il n'est pas justifié du grief causé aux consorts [Y] par les irrégularités alléguées de la déclaration d'appel.
S'agissant enfin de l'absence d'effet dévolutif, l'article 562 du code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret du 6 mai 2017, dispose que :
'L'appel défère à la cour la connaissance des chefs de jugement qu'il critique expressément et de ceux qui en dépendent.
La dévolution ne s'opère pour le tout que lorsque l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible'.
Ce même décret du 6 mai 2017 a complété l'article 933 du code de procédure civile en ce sens que la déclaration d'appel doit désormais mentionner les chefs du jugement expressément critiqués auxquels l'appel est limité, sauf si l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible.
En l'espèce, la déclaration d'appel mentionne que 'l'appel porte sur l'ensemble du jugement qui l'a :
- débouté de l'ensemble de ses prétentions,
- validé le congé pour reprise du 12 février 2020 à effet au 31 octobre 2021,
- condamné à verser à M. [F] [Y], Mme [H] [E] épouse [Y] et M. [M] [X] la somme de 600 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- laissé les dépens à sa charge'
La déclaration d'appel, si elle mentionne qu'elle porte sur l'ensemble du jugement, détaille ensuite avec précision les chefs de jugement attaqués.
Il sera en tout état de cause observé qu'il est constant qu'il ne peut être exigé le même degré d'exigence en matière de procédure sans représentation obligation qu'en matière de procédure avec représentation obligatoire sauf à faire peser sur les parties une charge procédurale excessive, de sorte que dans la procédure sans représentation obligatoire, la déclaration d'appel qui mentionne que l'appel tend à la réformation de la décision déférée à la cour d'appel, en omettant d'indiquer les chefs du jugement critiqués, doit s'entendre comme déférant à la connaissance de la cour d'appel l'ensemble des chefs de ce jugement (2ème Civ 9 septembre 2021,n° 20-13.673 (...) publié).
Tel est a fortiori le cas lorsque les chefs de jugement critiqués sont précisés dans la déclaration d'appel. C'est vainement dès lors en l'espèce que M. [N] prétend que l'effet dévolutif n'aurait pas opéré, la cour d'appel étant saisie des chefs de dispositif visés dans la déclaration d'appel.
Sur la demande d'annulation du congé signifié le 12 février 2020
M. [N] demande l'annulation de ce congé au motif que M. [X] ne justifie pas remplir les conditions légales pour s'installer en qualité d'exploitant agricole. Il soutient que le projet de M. [X] est obligatoirement soumis à une autorisation administrative préalable, qu'il n'a pas sollicitée, en application de l'arrêté du Préfet de la région Centre portant schéma directeur régional des exploitations agricoles de la région Centre Val de Loire.
En application de l'article L.411-58, alinéa 1 du code rural et de la pêche maritime :
"Le bailleur a le droit de refuser le renouvellement du bail s'il veut reprendre le bien loué pour lui-même ou au profit de son conjoint, du partenaire auquel il est lié par un pacte civil de solidarité, ou d'un descendant majeur ou mineur émancipé".
En l'espèce, M. et Mme [F] et [H] [Y] ont donné congé à M. [N] le 12 février 2020 au profit de leur petit-fils, [M] [X], majeur comme étant né le 18 juillet 1992.
L'article L. 411-59 du code rural et de la pêche maritime subordonne à un certain nombre de conditions la reprise du fonds par le bailleur ou par un de ses proches.
Il dispose :
"Le bénéficiaire de la reprise doit, à partir de celle-ci, se consacrer à l'exploitation du bien repris pendant au moins neuf ans soit à titre individuel, soit au sein d'une société dotée de la personnalité morale, soit au sein d'une société en participation dont les statuts sont établis par un écrit ayant acquis date certaine. Il ne peut se limiter à la direction et à la surveillance de l'exploitation et doit participer sur les lieux aux travaux de façon effective et permanente, selon les usages de la région et en fonction de l'importance de l'exploitation. Il doit posséder le cheptel et le matériel nécessaires ou, à défaut, les moyens de les acquérir.
Le bénéficiaire de la reprise doit occuper lui-même les bâtiments d'habitation du bien repris ou une habitation située à proximité du fonds et en permettant l'exploitation directe.
Le bénéficiaire de la reprise doit justifier par tous moyens qu'il satisfait aux obligations qui lui incombent en application des deux alinéas précédents et qu'il répond aux conditions de capacité ou d'expérience professionnelle mentionnées aux articles L. 331-2 à L. 331-5 ou qu'il a bénéficié d'une autorisation d'exploiter en application de ces dispositions".
Il résulte donc de ces textes que le bénéficiaire de la reprise doit :
- à partir de la reprise se consacrer à l'exploitation du bien repris pendant au
moins 9 ans, soit à titre individuel, soit au sein d'une société. En l'espèce, M. [X], qui justifie exploiter actuellement 2 ha 31 ares de terres en qualité de preneur de ses grands-parents et être inscrit au répertoire SIRENCE en tant qu'ayant une activité de culture de céréales, de légumineuses et de graines oléagineuses, précise qu'il exploitera les terres reprises à titre individuel. Il indique avoir l'intention de se consacrer à l'exploitation des parcelles reprises pendant au moins neuf ans et produit un plan de professionnalisation personnalisé établile 2 juin 2020. Il justifie ainsi de sa volonté réelle et effective de reprendre l'exploitation.
- participer de manière effective et permanente aux travaux agricoles selon les
usages de la région et l'importance de l'exploitation. En l'espèce, M. [X], qui indique avoir l'intention de participer sur les lieux aux travaux de façon effective et permanente, est salarié en qualité d'ingénieur technico-commercial au sein de la société KWS Maïs France mais il résulte de son contrat de travail qu'il exerce ses fonctions à partir de son domicile, ce qui est ainsi compatible avec sa participation aux travaux sur le fonds de façon effective et permanente.
- posséder le cheptel et le matériel nécessaires ou à défaut avoir les moyens de
les acquérir. En l'espèce, M. [X] justifie disposer d'économies lui permettant de faire l'acquisition de matériel agricole et produit par ailleurs un accord d'entraide agricole.
- occuper lui-même les bâtiments d'habitation du bien repris ou une habitation
située à proximité du fonds et en permettant l'exploitation directe. M. [X] est domicilié à Loury, commune dans laquelle se situent une partie des parcelles reprises
- justifier qu'il remplit les conditions de capacité ou d'expérience professionnelle mentionnées aux articles L. 331-2 à L. 331-5 ou qu'il a bénéficié d'une autorisation d'exploiter en application de ces dispositions. La condition de capacité professionnelle est remplie lorsque l'intéressé justifie être titulaire d'un diplôme ou d'un certificat d'un niveau reconnu équivalent au brevet d'études professionnelles agricoles ou au brevet professionnel agricole (art. R331-1 du code rural et de la pêche maritime). M. [X] justifie qu'il est titulaire d'un 'Brevet de technicien supérieur' option agro-équipement obtentu le 5 juillet 2013, d'un 'Baccalauréat professionnel en conduite et gestion de l'exploitation agricole' obtenu le 7 septembre 2011, d'un 'Brevet d'études professionnelles agricoles' option Agro-équipements, obtenu le 19 août 2009. Il a de plus suivi du 15 au 17 juin 2020 une formation sur le thème suivant 'Construire son projet de création ou de reprise d'exploitation'. Il répond en conséquence à la condition de capacité professionnelle agricole prévue par cet article.
M. [N] soutient que l'opération envisagée par M. [X] est néanmoins soumise à autorisation.
L'article L331-2 du code rural et de la pêche maritime prévoit que sont soumises à autorisation préalable les opérations suivantes :
'I.-Sont soumises à autorisation préalable les opérations suivantes :
1° Les installations, les agrandissements ou les réunions d'exploitations agricoles au bénéfice d'une exploitation agricole mise en valeur par une ou plusieurs personnes physiques ou morales, lorsque la surface totale qu'il est envisagé de mettre en valeur excède le seuil fixé par le schéma directeur régional des exploitations agricoles. La constitution d'une société n'est toutefois pas soumise à autorisation préalable lorsqu'elle résulte de la transformation, sans autre modification, d'une exploitation individuelle détenue par une personne physique qui en devient l'unique associé exploitant ou lorsqu'elle résulte de l'apport d'exploitations individuelles détenues par deux époux ou deux personnes liées par un pacte civil de solidarité qui en deviennent les seuls associés exploitants ;
2° Quelle que soit la superficie en cause, les installations, les agrandissements ou les réunions d'exploitations agricoles ayant pour conséquence :
a) De supprimer une exploitation agricole dont la superficie excède le seuil mentionné au 1° ou de ramener la superficie d'une exploitation en deçà de ce seuil ;
b) De priver une exploitation agricole d'un bâtiment essentiel à son fonctionnement, sauf s'il est reconstruit ou remplacé ;
3° Quelle que soit la superficie en cause, les installations, les agrandissements ou les réunions d'exploitations agricoles au bénéfice d'une exploitation agricole :
a) Dont l'un des membres ayant la qualité d'exploitant ne remplit pas les conditions de capacité ou d'expérience professionnelle fixées par voie réglementaire ;
b) Ne comportant pas de membre ayant la qualité d'exploitant ;
c) Lorsque l'exploitant est un exploitant pluriactif, remplissant les conditions de capacité ou d'expérience professionnelle, dont les revenus extra-agricoles excèdent 3 120 fois le montant horaire du salaire minimum de croissance, à l'exception des exploitants engagés dans un dispositif d'installation progressive, au sens de l'article L. 330-2 ;
4° Lorsque le schéma directeur régional des exploitations agricoles le prévoit, les agrandissements ou réunions d'exploitations pour les biens dont la distance par rapport au siège de l'exploitation du demandeur est supérieure à un maximum qu'il fixe ;
5° Les créations ou extensions de capacité des ateliers de production hors sol au-delà d'un seuil de production fixé par le schéma directeur régional des exploitations agricoles'.
S'agissant de la condition prévue par le 1° de cet article, le schéma directeur régional des exploitations agricoles de la région Centre Val de Loire, résultant de l'arrêté du 20 juillet 2015, fixe à 110 hectares le seuil de surface à prendre en compte pour le contrôle des structures. En l'espèce, la surface que M. [X] envisage de mettre en valeur est de 58,42 hectares, en ce compris les parcelles objet du congé litigieux, la surface de 2,31 ha qu'il exploite actuellement, et une surface de 8,77 hectares pour laquelle congé a également été donné à M. [N], et n'excède donc pas le seuil fixé par le schéma directeur régional des exploitations agricoles. La condition prévue par l'article L.331-2 I, 1° n'est donc pas remplie.
S'agissant de la condition prévue par le 2° de cet article, M. [N] indique qu'il exploite actuellement une exploitation d'une superficie de 180 ha 97 a 6 ca. Le présent congé, même cumulé au congé délivré par Mme [I], portant sur des parcelles représentant au total 56,11 ha, conduisent à ramener la superficie de son exploitation à 124,866 ha, superficie qui reste supérieure au seuil de 110 ha fixé par le schéma directeur départemental. Il n'est pas justifié que l'installation ou l'agrandissement de M. [X] priverait l'exploitation de M. [N] d'un bâtiment essentiel à son fonctionnement. La condition prévue par l'article L.331-2, I, 2° n'est donc pas remplie.
S'agissant de la condition prévue par le 3° de cet article, M. [X] justifie être titulaire de diplômes lui conférant la capacité profesisonnelle agricole. Il est salarié de la société KWS Maïs France depuis le 15 janvier 2018, et exerce depuis le 20 mars 2019 un emploi d'ingénieur technico-commercial au sein de cette société. Il a perçu en 2019 des revenus d'un montant de 23 209 euros, inférieur à 3120 fois le SMIC, dont le taux horaire brut était de 10,03 euros en 2019.
S'agissant de la condition prévue par le 4°, le schéma directeur régional des exploitations agricoles de la région Centre Val de Loire prévoit, en son article 4, un seuil de distance maximum de 10 kilomètres par rapport au siège de l'exploitation du demandeur, situé en l'espèce à Loury. Les parcelles étant en grande partie à Loury, ainsi qu'à Trainou, Neuville-aux-bois et Chilleur aux bois, la condition de distance par rapport au siège de l'exploitation est respectée.
S'agissant de la condition prévue par le 5°, le projet de M. [X] ne porte pas sur la création ou l'extension de capacité des ateliers de production hors sol au-delà d'un seuil de production fixé par le schéma directeur régional des exploitations agricoles.
Il ne résulte donc pas de ces dispositions que l'opération envisagée par M. [X] est soumise à autorisation.
Le schéma direteur régional des exploitations agricoles ne peut avoir pour effet de soumettre à autorisation des opérations qui n'y sont pas légalement ou réglementairement soumises.
M. [N] souligne enfin que la réduction de la taille de son exploitation de près de 30 % le mettrait en difficulté financière, dans la mesure où il est engagé sur des prêts pour l'achat de matériels d'exploitation jusqu'en décembre 2026.
Toutefois, les dispositions de l'article L411-62 du code rural et de la pêche maritime, qui interdisent au bailleur de reprendre une partie des biens qu'il a loués lorsque cette reprise partielle est de nature à porter gravement atteinte à l'équilibre économique de l'ensemble de l'exploitation assurée par le preneur, ne sont pas applicables en l'espèce dès lors qu'il ne s'agit pas d'un congé partiel.
En conséquence, il convient de confirmer le jugement du tribunal paritaire en ce qu'il a rejeté la demande d'annulation du congé.
Sur les dépens et les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile
M. [N], qui succombe, sera tenu aux dépens d'appel.
Les circonstances de la cause justifient de le condamner à verser à M. et Mme [Y] et à M. [X] une somme de 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, contradictoirement et en dernier ressort,
DIT n'y avoir lieu de prononcer la caducité ou la nullité de la déclaration d'appel,
CONFIRME en toutes ses dispositions critiquées le jugement entrepris,
Y ajoutant :
CONDAMNE M. [N] à payer à M. et Mme [F] et [H] [Y] et à [M] [X] une somme de 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE M. [N] aux dépens d'appel.
Arrêt signé par Madame Anne-Lise COLLOMP, Président de Chambre et Madame Fatima HAJBI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIERLE PRÉSIDENT