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13/06/2022 | FRANCE | N°21/01562

France | France, Cour d'appel d'Orléans, Chambre civile, 13 juin 2022, 21/01562


COUR D'APPEL D'ORLÉANS



C H A M B R E C I V I L E





GROSSES + EXPÉDITIONS : le 13/06/2022

la SELARL PRUNIER-D'INDY

la SARL ARCOLE

la SCP THAUMAS AVOCATS ASSOCIES





ARRÊT du : 13 JUIN 2022



N° : - : N° RG 21/01562 - N° Portalis DBVN-V-B7F-GL7M





DÉCISION ENTREPRISE : Jugement du Tribunal de Grande Instance de TOURS en date du 04 Juin 2019



PARTIES EN CAUSE



APPELANTE :- Timbre fiscal dématérialisé N°: 1265 2434 2105 4571



Madame [F

] [L]

née le 05 Juillet 1964 à TOURS (37000)

La Habarderie

37260 ARTANNES SUR INDRE



ayant pour avocat Me Alain PRUNIER de la SELARL PRUNIER-D'INDY du barreau de TOURS



D'UNE PART



...

COUR D'APPEL D'ORLÉANS

C H A M B R E C I V I L E

GROSSES + EXPÉDITIONS : le 13/06/2022

la SELARL PRUNIER-D'INDY

la SARL ARCOLE

la SCP THAUMAS AVOCATS ASSOCIES

ARRÊT du : 13 JUIN 2022

N° : - : N° RG 21/01562 - N° Portalis DBVN-V-B7F-GL7M

DÉCISION ENTREPRISE : Jugement du Tribunal de Grande Instance de TOURS en date du 04 Juin 2019

PARTIES EN CAUSE

APPELANTE :- Timbre fiscal dématérialisé N°: 1265 2434 2105 4571

Madame [F] [L]

née le 05 Juillet 1964 à TOURS (37000)

La Habarderie

37260 ARTANNES SUR INDRE

ayant pour avocat Me Alain PRUNIER de la SELARL PRUNIER-D'INDY du barreau de TOURS

D'UNE PART

INTIMÉS : - Timbre fiscal dématérialisé N°: 1265 2416 4722 4301

La S.A.R.L. [P], immatriculée au RCS de TOURS sous le n° B 349 232 520, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège

3 impasse de Parçay

37100 TOURS

représentée par Me Vincent DAVID de la SARL ARCOLE du barreau de TOURS

- Timbre fiscal dématérialisé N°: 1265 2413 00529132

La S.A. GAN ASSURANCES, inscrite au RCS de PARIS sous le n° 542 063 797, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés audit siège

8-10 rue d'Astorg

75383 PARIS CEDEX

ayant pour avocat Me Sofia VIGNEUX de la SCP THAUMAS AVOCATS ASSOCIES avocat au barreau de TOURS

Monsieur [D] [T]

La Meslée

37340 SAVIGNE SUR LATHAN

n'ayant pas constitué avocat

D'AUTRE PART

DÉCLARATION D'APPEL en date du :24 Mars 2021

ORDONNANCE DE CLÔTURE du : 08 mars 2022

COMPOSITION DE LA COUR

Lors des débats en l'absence d'opposition des parties ou de leurs représentants :

Madame Anne-Lise COLLOMP, Président de chambre,

Monsieur Laurent SOUSA, Conseiller,

Après délibéré au cours duquel Madame Anne-Lise COLLOMP, Président de chambre et Monsieur Laurent SOUSA, Conseiller, ont rendu compte à la collégialité des débats à la Cour composée de:

Madame Anne-Lise COLLOMP, Président de chambre,

Monsieur Laurent SOUSA, Conseiller,

Madame Laure- Aimée GRUA, Magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelle

Greffier :

Madame Fatima HAJBI, Greffier lors des débats et du prononcé.

DÉBATS :

A l'audience publique du 28 MARS 2022, à laquelle ont été entendus Madame Anne-Lise COLLOMP, Président de Chambre, en son rapport et les avocats des parties en leurs plaidoiries.

ARRÊT :

Prononcé le 13 JUIN 2022 par mise à la disposition des parties au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

FAITS ET PROCEDURE

Mme [F] [L] a entrepris courant 2008 des travaux d'aménagement d'une ancienne grange en logement à usage d'habitation.

Dans le cadre de ces travaux :

- la société [P] s'est vue confier les travaux de maçonnerie, d'assainissement, de placoplâtre et d'isolation, de carrelage et de menuiserie aluminium ;

- l'entreprise [T] s'est vue confier les travaux de restauration d'une porte extérieure en bois massif.

Mme [L] a emménagé dans la grange restaurée le 13 janvier 2009.

Par actes d'huissier des 18 et 19 janvier 2010, Mme [L], se plaignant de désordres, a saisi le juge des référés du tribunal de grande instance de Tours d'un référé expertise.

Par ordonnance du 16 février 2010, le juge des référés a ordonné une expertise et désigné M. [J] en qualité d'expert. Cette mesure a été étendue par ordonnance du 21 septembre 2010 à M. [K] [U], maître d'oeuvre, à la SAS Bouvet fournisseur de la baie vitrée, ainsi qu'à l'assureur de celle-ci, la compagnie Gan.

L'expert a déposé son rapport le 3 janvier 2012.

Par actes des 21 mars et 5 avril 2016, Mme [L] a fait assigner devant le tribunal de grande instance de Tours M. [D] [T] et la SARL [P] aux fins de voir condamner la SARL [P] à lui payer la somme de 9865 € HT avec indexation, condamner M. [D] [T] à lui payer la somme de 2506,30 € HT avec indexation et condamner les défendeurs au paiement d'une indemnité de 2000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Par acte du 21 décembre 2016, la SARL [P] a fait appeler en intervention forcée et en garantie son assureur, la SA Gan Assurances. Par ordonnance du 9 février 2017, le juge de la mise en état a ordonné la jonction des procédures.

Par jugement en date du 4 juin 2019, le tribunal de grande instance de Tours a :

- dit et jugé prescrite l'action en responsabilité contractuelle formée par [F] [L],

- débouté [F] [L] de l'ensemble de ses demandes fondées sur les articles 1792 et suivants du code civil,

- déclaré prescrite la demande reconventionnelle en paiement de la SARL [P],

- condamné [F] [L] à verser au titre de l'article 700 du code de procédure civile, une indemnité de 2000 € d'une part à la SARL [P] et d'autre part à la société Gan Assurances,

- rejeté toutes autres demandes,

- dit n'y avoir lieu à l'exécution provisoire,

- condamné [F] [L] aux entiers dépens dont distraction au profit des avocats de la cause.

Par déclaration en date du 18 juin 2019, Mme [F] [L] a interjeté appel de tous les chefs de ce jugement sauf en ce qu'il a déclaré prescrite la demande reconventionnelle en paiement de la SARL [P] et dit n'y avoir lieu à l'exécution provisoire.

La déclaration a été signifiée le 16 août 2019 à M. [T] par acte déposé à l'étude.

L'affaire a été enrôlée sous le n° RG 19/02070. En raison de la liquidation judiciaire de M. [T], l'affaire, fixée à l'audience de plaidoirie du 25 mai 2020, a été déprogrammée pour régularisation par Mme [L] de la procédure à l'égard des organes de la procédure collective.

Par ordonnance du 19 janvier 2021, le conseiller de la mise en été a prononcé la radiation de l'affaire.

Par conclusions du 24 mars 2021, Mme [L] a sollicité la réinscription de l'affaire, au motif que le tribunal a prononcé la clôture de la liquidation judiciaire de M. [D] [T] pour insuffisance d'actif, par jugement du 27 octobre 2020, publiée le 5 mars 2021 dans un journal d'annonces légales, de sorte qu'est désormais sans intérêt la mise en cause du liquidateur aux fins de fixation de la créance dans la présente procédure.

L'affaire a été réinscrite au rôle de la cour sous le n°RG 21/01562.

Suivant conclusions récapitulatives notifiées par voie électronique le 27 juillet 2021, Mme [F] [L] demande à la cour de :

- rétablir la présente affaire au rôle de la cour,

- donner acte à Mme [F] [L] de ce qu'elle renonce à son appel à l'encontre de M. [D] [T],

- dire et juger Mme [F] [L] recevable et fondée en son appel dirigé contre la SARL [P],

- en conséquence, infirmer en toutes ses dispositions le jugement du tribunal de grande instance de Tours en date du 4 juin 2019 sauf en ce qu'il a déclaré la demande reconventionnelle de la SARL [P] irrecevable car prescrite et statuant à nouveau,

- dire et juger Mme [F] [L] recevable et fondée en ses demandes dirigées contre la SARL [P] et vu le rapport d'expertise en date du 22 décembre 2011,

- condamner la SARL [P] à lui verser la somme de 9 865 € HT à titre de dommages-intérêts, ladite somme étant indexée sur l'indice BT 01 au jour du paiement, l'indice de base étant celui de la date du dépôt du rapport d'expertise contenant l'évaluation des dommages,

- condamner la SARL [P] à lui verser la somme de 2 000 € de dommages-intérêts en réparation de son préjudice de jouissance ainsi qu'une indemnité de 2 500 € en vertu des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouter la SARL [P] de toutes ses demandes,

- dire et juger que les condamnations prononcées à l'encontre de la SARL [P] seront garanties par la compagnie GAN Assurances laquelle sera donc condamnée in solidum à les verser au profit de la partie appelante,

- condamner sous la même solidarité les parties intimées aux dépens qui comprendront les frais de référé et d'expertise.

Suivant conclusions récapitulatives notifiées par voie électronique le 30 juin 2021, la SARL [P] demande à la cour de :

A titre principal,

-Dire et juger irrecevable car prescrites les demandes formées par Mme [F] [L],

-Confirmer le jugement rendu le 4 juin 2019 par le tribunal de grande instance de Tours, en ce qu'il a débouté Mme [F] [L] de l'ensemble de ses demandes et l'a condamnée reconventionnellement à régler à la SARL [P] une indemnité de procédure de 2000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

A titre subsidiaire,

-Réduire les indemnités demandées par Mme [F] [L] à de plus justes proportions,

-Condamner la société Gan Assurances à garantir la SARL [P] de toute condamnation susceptible d'être prononcée à son encontre au profit de Mme [L],

En toute hypothèse,

- condamner Mme [F] [L], à titre reconventionnel et par voie d'exception à régler à la SARL [P] la somme de 2 859,05 € et réformer en conséquence le jugement sur ce point,

- ordonner au besoin la compensation entre les créances réciproques des parties,

- débouter la société Gan Assurances de l'ensemble de ses demandes en ce qu'elles sont dirigées contre la SARL [P],

- condamner tout succcombant à payer à la SARL [P] une indemnité de procédure de

2 500 € (devant la cour) et en tous les dépens dont distraction au profit de Maître Vincent David, membre de la SARL Arcole, Société à responsabilité limitée d'Avocats au Barreau de Tours, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Suivant conclusions récapitulatives notifiées par voie électronique le 19 juillet 2021, la société Gan Assurances demande à la cour de :

-La recevoir en ses conclusions, l'en dire bien fondée et en conséquence,

A titre principal,

-Confirmer le jugement du 4 juin 2019 rendu par le tribunal de grande instance de Tours en toutes ses dispositions,

-Constater en toute hypothèse que la garantie de la société Gan Assurances n'est pas mobilisable,

-Débouter la SARL [P] et Mme [L] de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions dirigées à l'encontre de la société Gan Assurances,

-Prononcer en conséquence la mise hors de cause de la société Gan Assurances es qualité d'assureur de la SARL [P],

A titre subsidiaire,

-Débouter toute demande de condamnation in solidum à l'encontre de la société Gan Assurances pour les raisons sus évoquées,

-Prendre acte que la société Gan Assurances ne saurait être tenue de garantir la SARL [P] que dans les limites de garantie du contrat d'assurance,

-Dire et juger que le montant de la franchise prévu au contrat d'assurance viendra en déduction des condamnations qui pourraient être prononcées à l'encontre de la société Gan Assurances au titre de la garantie de la SARL [P],

En tout état de cause,

-Condamner la partie succombante à verser à la société Gan Assurances la somme de 2500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

-Condamner la partie succombante aux entiers dépens d'appel et qui comprendront notamment les émoluments des Officiers Ministériels en application de l'article 696 du code de procédure civile, dont distraction au profit de Maître Sofia Vigneux, membre de la SCPA Thaumas, Avocat aux offres de droit.

Pour un plus ample exposé des faits et des moyens des parties, il convient de se reporter à leurs dernières conclusions récapitulatives.

MOTIFS

Sur le désistement de l'appel de Mme [L] en ce qu'il a été dirigé contre M. [D] [T]

Mme [L] demande qu'il lui soit donné acte de ce qu'elle renonce à son appel à l'encontre de M. [T].

Il convient de lui en donner acte.

Sur la responsabiltié contractuelle de la société [P]

Mme [L] fonde sa demande, à titre principal, sur les dispositons des articles 1147 et suivants du code civil, dans leur rédaction applicable au présent litige, antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016.

La société [P] et son assureur, la société GAN, demandent la confirmation du jugement qui a considéré cette action prescrite.

* Sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action

En application de l'article 2224 du code civil, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.

En application de l'article 2241 du code civil, une demande en justice, même en référé, interrompt le délai de prescription. Tel est le cas notamment d'une demande d'expertise devant le juge des référés. L'article 2242 du code civil précise que l'interruption résultant de la demande en justice produit ses effets jusqu'à l'extinction de l'instance. Ainsi, en cas d'assignation en référé expertise, le délai de prescription est interrompu jusqu'à l'ordonnance nommant un expert (3ème Civ 19 décembre 2001, Bull n°156).

L'article 2231 du code civil dispose que 'l'interruption efface le délai de prescription acquis. Elle fait courir un nouveau délai de même durée que l'ancien'.

En l'espèce, Mme [L] a fait assigner les 18 et 19 janvier 2010 la société [P] devant le juge des référés afin d'obtenir la désignation d'un expert sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile. Une expertise a été ordonnée par ordonnance du 16 février 2010.

Le délai de prescription s'est donc trouvé interrompu pendant la durée de cette instance, jusqu'au 16 février 2010, date de l'ordonnance de référé. Un nouveau délai de prescription de cinq ans a recommencé à courir à compter de cette date, conformément à l'article 2231 du code civil.

La société [P] et la société Gan en déduisent que le délai de cinq ans était donc expiré lorsque Mme [L] a saisi le tribunal au fond le 21 mars 2016.

Néanmoins, en application de l'article 2239 du code civil, la prescription est suspendue lorsque le juge fait droit à une demande de mesure d'instruction présentée avant tout procès. Le délai de prescription recommence à courir, pour une durée qui ne peut être inférieure à six mois, à compter du jour où la mesure a été exécutée.

Contrairement à ce que soutient la société [P], la suspension du délai de prescription, lorsque le juge accueille une demande de mesure d'instruction présentée avant tout procès, peut faire suite à l'interruption de cette prescription résultant de l'application de l'aticle 2241 du code civil (2e Civ., 31 janvier 2019, pourvoi n° 18-10.011 ; 3ème Civ 19 mars 2020 n°19-13.459), de sorte qu'en l'espèce :

- le délai de prescription a été interrompu jusqu'au 16 février 2010, date de l'ordonnance de référé ayant ordonné la mesure d'expertise ;

- que le nouveau délai de cinq ans ayant couru à compter de cette date s'est trouvé suspendu jusqu'au jour où la mesure a été exécutée. Le rapport d'expertise est daté du 22 décembre 2011 et a été déposé, selon le jugement, le 3 janvier 2012.

Mme [L] ayant délivré assignation à la société [P] le 21 mars 2016 ainsi que l'indiquent les parties, donc moins de cinq ans après l'exécution par l'expert de sa mission, sa demande n'est dès lors pas prescrite.

Le jugement sera infirmé sur ce point.

* Sur la demande en paiement d'une somme de 9865 euros HT

Mme [L] soutient que les conclusions de l'expertise mettent en évidence des fautes commises par la société [P] dans l'exécution des travaux et sollicite la condamnation de la société [P] à lui payer une somme de 9865 euros en réparation des désordres affectant la porte d'entrée du logement et la baie vitrée.

Il résulte du rapport d'expertise, en ce qui concerne les travaux réalisés par la société [P], que la porte d'entrée est affectée de malfaçons :

- le seuil de la porte de l'entrée est déformé dans deux sens : il n'est pas rectiligne, formant un 'ventre' vers l'intérieur (ce qui entraîne un jeu anormal du verrou à aiguille du vantail semi fixe) et il est déformé horizontalement, formant un creux central (ce qui nuit à la bonne étanchéité du joint) ;

- le seuil en pierre a été posé trop haut d'environ 1 cm, ce qui obture les évcuations de ce seuil.

Il résulte encore du rapport d'expertise, concernant la grande baie du séjour, posée par la société [P], que l'étanchéité à l'air est très imparfaite en plusieurs points : pénétrations d'air en périphérie du dormant et entre vantaux des coulissants, la traverse horizontale est déformée, le bâti n'est pas vertical du côté gauche. Il en résulte un jeu anormal des coulissants en partie haute et une non étanchéité des vantaux entre eux, les joints n'étant plus écrasés.

L'expert a également constaté, au titre des travaux réalisés par la société [P], une pénétration d'air le long de la charpente du séjour. L'expert explique que le séjour est réalisé sur toute la hauteur du bâtiment sans plafond intermédiaire horizontal, mais avec un plafond en rampant sous toiture, qu'au niveau d'un des entraits de charpente, celui-ci n'étant pas rectiligne, il existe un jour irrégulier entre la cloison placon et le bois de charpente, que la cloison de remplissage située dans la hauteur de la ferme n'a pas été montée dans l'alignement de celle du dessous, mais dans l'axe de cette ferme, et qu'il y a donc un décalage entre les plans de ces cloisons, ce qui conduit à un passage d'air et une discontinuité d'isolation au droit du jour contre l'entrait précédemment mentionné.

La réalité de ces désordres n'est pas contestée par les intimés.

La responsabilité contractuelle de la société [P] se trouve donc engagée en raison de la mauvaise exécution des travaux qui lui ont été confiés.

L'expert préconise, pour résoudre ces désordres, les travaux suivants :

1 - s'agissant de la porte d'entrée :

- la dépose totale du bâti et la fourniture et pose d'un nouveau bâti et la pose d'un joint souple entre placo et dormant. Il évalue le coût de ces travaux de reprise à la somme de 780 euros HT ;

- s'agissant du seuil en pierre posé trop haut, l'expert préconise de 'boucharger le dessus du seuil pour le descendre de la hauteur nécessaire'. Il estime le coût du bouchardage à 700 euros HT.

2 - s'agissant de la baie du séjour : l'expert estime qu'il convient de déposer et de refaire le bpati, y compris la traverse (en conservant les vantaux coulissants et les verres des fixes) et de reposer l'ensemble. L'expert estime le coût des travaux de reprise à 5660 euros HT.

3- s'agissant de la pénétration d'air le long de la charpente du séjour : l'expert estime que le problème pourra être facilement solutionné par mise en oeuvre de mousse expansive depuis les combles perdus ou le séjour et un rebouchage à l'enduit depuis le séjour. Il estime ces travaux de reprise à 300 euros HT.

L'expert a également estimé que des travaux de reprises des finitions intérieures et extérieures étaient nécessaires, dont il a évalué le coût à la somme de 2558,38 euros TTC (2425 euros HT) selon le devis de la société GPP.

Il convient en conséquence de condamner la société [P] au paiement de la somme de 9865 euros HT (780 + 700 + 5660 + 300 + 2425) réclamée par Mme [L].

Conformément à la demande, il y a lieu d'indexer cette somme sur l'indice national du bâtiment tous corps d'état BT01, depuis l'indice publié au jour du rapport d'expertise judiciaire.

* Sur la demande en réparation du préjudice de jouissance

Mme [L] sollicite la réparation de son trouble de jouissance mais ne justifie aucunement de la réalité de son préjudice à ce titre.

Sa demande en réparation de son préjudice de jouissance sera dès lors rejetée.

Sur la demande de la société [P] à l'égard de la société Gan Assurances

* sur le principe de la garantie

La société [P] demande à être garantie par son assureur, la société Gan Assurances.

La société Gan Assurances s'oppose à cette demande.

Elle soutient, concernant les désordres affectant la porte d'entrée à deux vantaux et la baie trois vantaux du séjour, qu'il s'agit de travaux de menuiserie, qui ne sont pas couverts par le contrat d'assurance, les travaux de menuiserie ne faisant pas partie des activités déclarées par la société [P]. Elle estime que seuls les travaux d'isolution se rapportent aux activités déclarées par l'assuré.

Elle soutient qu'en tout état de cause, la responsabilité contractuelle de la société [P] n'est pas couverte par la responsabilité civile professionnelle du contrat d'assurance souscrit, le contrat excluant la reprise des travaux de l'assuré dans le cadre de la responsabilité civile professionnelle générale (chapitre 3, titre IV, article 8 des conditions générales), et que les dommages immatériels ne sont pas en outre pas garantis.

Elle verse aux débats les conditions particulières du contrat souscrit par l'EURL [P] Manuel, à effet du 10 février 2000.

Il résulte de la lecture de ce document que, en paragraphe 4 'Choix des marchés passés', il est mentionné que la société [P] déclare exercer notamment le métier de 'maçon', le contrat précisant que ce métiers comprend, notamment, la pose de renforts bois ou métal nécessités par l'ouvertude de baies ou de reprises en sous-oeuvre, ainsi que la réalisation des travaux accessoires ou complémentaires suivants : 'pose d'huisserie'.

Or les désordres affectant la porte d'entrée concernent en premier lieu le seuil de la porte de l'entrée, qui est déformé. Il ne s'agit donc pas là d'un dommage consécutif à la fourniture ou à la pose de la porte, mais d'un dommage lié à une malfaçon dans les travaux de maçonnerie, puisque sa remise en état nécessite selon l'expert la 'fourniture et pose d'un nouveau bâti'. Ils concernent en second lieu le seuil en pierre de la porte d'entrée qui a été posé trop haut. Il s'agit là encore de travaux entrant dans la catégorie des travaux de 'maçonnerie' tels que définis par le contrat.

S'agissant de la grande baie du séjour, il convient là encore de constater que les désordres ne concernent pas la fourniture ou la pose de ces vitrages, mais le bâti entourant cette baie, qu'il convient selon l'expert de déposer et de refaire, en raison des pénétrations d'air en périphérie du dormant et entre vantaux des coulissants, de la déformation de la traverse horizontale et du fait que le bâti n'est pas vertical du côté gauche. En considération des activités garanties par le contrat d'assurance au titre du métier de 'maçon', qui comprend la pose de renforts vois ou métal nécessités par l'ouvertude de baies ou de reprises en sous-oeuvre, ainsi que la pose d'huisseries, il convient de considérer que les travaux réalisés par la société [P] et affectés de désordres font partie du champ contractuel.

Le contrat stipule, en son chapitre 3, titre II intitulé 'responsabilité civile encourue par l'assuré postérieurement à l'achèvement des ouvrages ou travaux ou à la livraison de matériels ou produits', que :

'L'assurance s'applique aux conséquences pécuniaires de la responsabilité civile que l'assuré peut encourir dans l'exercice des métiers et activités mentionnés aux conditions particulières, en raison des dommages corporels, matériels et immatériels causés aux tiers, lorsque ces dommages sont survenus après l'achèvement des ouvrages ou travaux et ont pour origine, de le part de l'assuré ou de son personnel, une faute professionnelle ou une malfçon technique ou résultent d'un vice de conception ou de fabrication des matériels ou produits qu'il a fournis pour l'exécution de ses ouvrages ou travaux'.

Il en résulte que sont garantis les dommages causés aux tiers trouvant leur origine dans une faute ou une malfaçon de la part de l'assuré.

La société Gan Assurances se prévaut des deux clauses d'exclusion suivantes:

- clause 01, m : sont exclus de l'assurance les dommages subis par les ouvrages ou travaux exécutés par l'assuré ou ses sous-traitants ainsi que les dommages subis par les produits, matériaux et composants livrés par l'assuré ou ses sous-traitants ;

- clause 03, b : le coût représenté par le remplacement, le remboursement en tout ou partie, la remise en état ou la reconstruction, la rectification, le perfectionnement des produits, ouvrages ou travaux défectueux, livrés ou exécutés par l'assuré ou par ses sous-traitants (...).

La société [P] demande que l'application de ces clauses soient écartées ainsi qu'elles l'ont été dans un autre litige l'opposant à la société Gan Assurances.

En applicatin de l'article L. 113-1 du code des assurances, une clause d'exclusion doit, pour être valable, être formelle et limitée.

Tel n'est pas le cas de ces deux clauses, dont la mise en oeuvre conduit à écarter, dans la plupart des cas, la garantie relative à la responsabilité civile de l'assuré et prive donc en grande partie d'effet cette garantie contractuellement prévue.

Il ne sera dès lors pas fait application de ces clauses d'exclusion qui ne répondent pas aux conditions légales, et la société Gan Assurances sera en conséquence tenue de garantir la société [P] des condamnations mises à sa charge pour réparer les dommages causés à Mme [L] par les désordres et malfçons affectant les travaux réalisés.

* sur l'étendue de la garantie

La société Gan Assurances soutient qu'il convient de déduire des sommes qu'elle doit à son assuré le montant de la franchise contractuelle.

Il résulte en effet des termes du contrat qu'une franchise de 10% est applicable à la garantie responsabilité civile après achèvement des travaux.

Il convient en conséquence de condamner la société Gan Assurances à garantir la société [P] de la condamnation prononcée à son encontre, en paiement d'une somme de 9865 euros indexée conformément aux termes de la présente décision, déduction faite de 10% de cette somme correspondant au montant de la franchise.

Mme [L] sollicite également la condamnation in solidum de l'assureur et de la société [P] au paiement des sommes dues. Elle ne s'explique pas sur sa demande à ce titre. Il n'y a pas lieu dès lors d'y faire droit.

Sur la demande reconventionnelle de la société [P] tendant au paiement du solde du prix

La société [P] sollicite le paiement d'une somme de 2859,05 euros correspondant au solde du marché, non réglé par Mme [P].

Mme [L] répond que la société [P] n'en justifie pas, et qu'à la supposer établie, cette créance serait soumise à la prescription biennale de l'article L 218-2 du code de la consommation.

Force est de constater de première part que les factures dont le paiement est réclamé ne sont pas produites. Elles sont évoquées par l'expert dans les conclusions de son rapport, puisqu'il indique que 'l'entreprise [P] Manuel n'a pas été réglée de deux factures de travaux supplémentaires, Mme [L] en contestant le coût d'une des deux factures et ne se justifiant pas pour la seconde. Ces deux factures que nous estimons justifiées représentent un montant de 2859,05 euros TTC'.

Mme [L] indique, sans être contredite, que cette créance porte sur des travaux supplémentaires ayant fait l'objet de deux factures en date des 18 mars et 29 mars 2009, et que la demande en paiement auyant été formée par voie de conclusions, le 20 décembre 2016, cette demande est prescrite.

La société [P] répond qu'ayant agi par voie d'exception et non d'action, elle ne peut se voir opposer la prescription de l'article L. 218-2 du code de la consommation.

Néanmoins, si la prescription de l'action en nullité n'éteint pas le droit d'opposer celle-ci comme exception en défense à une action principale, la demande qu'elle forme n'est pas une action en nullité mais une demande en paiement, qui s'anlyse en une demande reconventionnelle, laquelle est soumise aux règles de prescription applicables en la matière.

Aux termes de l'article L137-2 du code de la consommation, abrogé par l'ordonnance du 14 mars 2016 et remplacé par l'article L 218-2 du code de la consommation à compter du 1er juillet 2016, que :

'L'action des professionnels, pour les biens ou les services qu'ils fournissent aux consommateurs, se prescrit par deux ans'.

Il est constant qu'en cas de fourniture de service par un entrepreneur, le délai de prescription court du jour de la facturation (1ère Civ 3 juin 2015 n°14-10.908), y compris en cas de travaux d'entreprise ayant pour objet des travaux de construction immobilière (3ème Civ 15 juin 2017 n°16-16.906 ; 3ème Civ 14 février 2019, pourvoi n° 17-31.466).

Il en résulte que la demande formée en 2016 en paiement de factures émises en mars 2009 est prescrite. Le jugement sera en conséquence confirmé sur ce point.

Sur les dépens et les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile

La société [P] et la société Gan Assurances seront tenues in solidum aux dépens de première instance et d'appel, en ce compris les frais d'expertise.

Les circonstances de la cause justifient de condamner la société [P] et la société Gan Assurances à payer à Mme [L] une somme de 2000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, par défaut et en dernier ressort,

DONNE ACTE à Mme [F] [L] de ce qu'elle se désiste de son appel à l'égard de M. [T] ;

CONFIRME le jugement en ce qu'il a déclaré prescrite la demande reconventionnelle en paiement de la Sarl [P];

INFIRME le jugement en ses autres dispositions critiquées ;

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant :

DIT que l'action en responsabilité contractuelle formée par Mme [L] n'est pas prescrite,

CONDAMNE la société [P] à verser à Mme [L] une somme de 9865 euros ;

DIT que cette condamnation sera indexée sur l'indice BT01, l'indice de référence étant celui publié à la date du dépôt du rapport d'expertise judiciaire, soit le 3 janvier 2012 ;

REJETTE les autres demandes de Mme [L] ;

CONDAMNE la société Gan Assurances à garantir la société [P] de cette condamnation, déduction faite d'une franchise d'un montant égal à 10% de celle-ci ;

CONDAMNE in solidum la société [P] et la société Gan Assurances à payer à Mme [L] une somme de 2000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et rejette les autres demandes formées à ce titre ;

CONDAMNE in solidum la société [P] et la société Gan Assurances aux dépens de première instance et d'appel, en ce compris les frais d'expertise judiciaire.

Arrêt signé par Madame Anne-Lise COLLOMP, Président de Chambre et Madame Fatima HAJBI, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Orléans
Formation : Chambre civile
Numéro d'arrêt : 21/01562
Date de la décision : 13/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-13;21.01562 ?
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