COUR D'APPEL D'ORLÉANS
CHAMBRE DES AFFAIRES DE SÉCURITÉ SOCIALE
GROSSE à :
SELEURL LL Avocats
CPAM D'INDRE ET LOIRE
EXPÉDITION à :
SAS [7]
MINISTRE CHARGÉ DE LA SÉCURITÉ SOCIALE
Pôle social du Tribunal judiciaire de BLOIS
ARRÊT DU : 17 MAI 2022
Minute n°252/2022
N° RG 20/01528 - N° Portalis DBVN-V-B7E-GF6K
Décision de première instance : Pôle social du Tribunal judiciaire de BLOIS en date du 1er Juillet 2020
ENTRE
APPELANTE :
SAS [7]
[Adresse 5]
[Adresse 5]
[Localité 4]
Représentée par Me Bruno LASSERI de la SELEURL LL Avocats, avocat au barreau de PARIS, substitué par Me Caroline BOSCHER, avocat au barreau d'ORLEANS
D'UNE PART,
ET
INTIMÉ :
CPAM D'INDRE ET LOIRE
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentée par Mme [O] [B], en vertu d'un pouvoir spécial
PARTIE AVISÉE :
MONSIEUR LE MINISTRE CHARGÉ DE LA SÉCURITÉ SOCIALE
[Adresse 1]
[Localité 6]
Non comparant, ni représenté
D'AUTRE PART,
COMPOSITION DE LA COUR
Lors des débats :
En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 15 MARS 2022, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Xavier AUGIRON, Conseiller, chargé du rapport.
Lors du délibéré :
Madame Sophie GRALL, Président de chambre,
Madame Carole CHEGARAY, Président de chambre,
Monsieur Xavier AUGIRON, Conseiller
Greffier :
Monsieur Alexis DOUET, Greffier lors des débats et du prononcé de l'arrêt.
DÉBATS :
A l'audience publique le 15 MARS 2022.
ARRÊT :
- Contradictoire, en dernier ressort
- Prononcé le 17 MAI 2022 par mise à la disposition des parties au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2ème alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.
- Signé par Madame Sophie GRALL, Président de chambre et Monsieur Alexis DOUET, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le Magistrat signataire.
* * * * *
M. [K] [N], salarié de la société [7] (SAS), a établi le 23 octobre 2017 une déclaration de maladie professionnelle désignée comme suit sur le certificat médical initial, daté du 9 octobre 2017: 'tendinopathie d'insertion marquée du sus-épineux à droite comme à gauche'.
Les maladies déclarées ont été prises en charge au titre de la législation professionnelle par la caisse primaire d'assurance maladie d'Indre et Loire, au titre du tableau n° 57 A des maladies professionnelles, après l'envoi de questionnaires aux intéressés, par deux décisions notifiées à l'employeur par lettres recommandées avec accusé de réception du 11 avril 2018.
La société [7] a saisi la commission de recours amiable d'un recours à l'encontre de ces décisions, puis a contesté la décision unique de la commission, datée du 18 septembre 2018, rejetant ses deux recours devant le tribunal des affaires de sécurité sociale de Loir-et-Cher.
L'affaire a été transmise au Pôle social du tribunal de grande instance de Blois par l'effet de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016.
Le tribunal de grande instance est devenu le tribunal judiciaire le 1er janvier 2020 par l'effet de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019.
Par jugement du 1er juillet 2020, le Pôle social du tribunal judiciaire de Blois a:
- déclaré les prétentions de la société [7] recevables,
- dit que la prise en charge de M. [K] [N] au titre de la législation sur les maladies professionnelles faisant suite à une déclaration du 23 octobre 2017 est opposable à la société [7],
- condamné la société [7] aux dépens.
Par lettre recommandée avec accusé de réception adressée au greffe de la Cour le 7 août 2020, La société [7] a relevé appel de ce jugement qui lui a été notifié le 13 juillet 2020.
La société [7] demande à la Cour de:
- la recevoir en son appel et le dire bien-fondé
- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il l'a débouté.
Ce faisant, et Statuant à nouveau,
- constater que la caisse primaire d'assurance maladie ne rapporte pas la preuve que M. [K] [N] était exposé aux travaux limitativement énumérés au tableau n° 57A ni pour son épaule gauche, ni pour son épaule droite.
En conséquence,
- prononcer l'inopposabilité à son égard de la décision de prise en charge, au titre de la législation sur les risques professionnels, des maladies du 9 octobre 2017 déclarées par M. [K] [N].
- condamner la caisse primaire d'assurance maladie d'Indre et Loire à lui payer la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
La société [7] fait valoir principalement ce qui suit:
- M. [K] [N] était exposé aux risques définis par le tableau n° 57 A, bien en deçà des seuils horaires prévus.
- la caisse n'a pas procédé à une enquête dans ses locaux.
- l'enquêteur ne s'est basé que sur les déclarations de M. [K] [N] dans le questionnaire qu'il a rempli, sans reprendre les arguments développés par l'employeur dans son propre questionnaire et ne décrit pas les gestes accomplis par le salarié.
- les gestes étaient accomplis par le salarié à l'aide de moyens mécaniques et non manuels, sans soutien.
- l'enquêteur n'a pas vérifié si le salarié était gaucher ou droitier.
La caisse primaire d'assurance maladie d'Indre et Loire demande à la Cour de:
- débouter la société [7] de l'ensemble de ses demandes.
- confirmer la décision entreprise.
- confirmer l'opposabilité à l'égard de la société [7] de la prise en charge, au titre de la législation professionnelle, des maladies 'tendinopathie chronique de la coiffe des rotateurs de l'épaule droite' (171009459) et 'tendinopathie chronique de la coiffe des rotateurs de l'épaule gauche' (173009457) déclarés par son salarié, M. [K] [N] le 23 octobre 2017.
- condamner la société [7] à lui verser la somme de 800 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
La caisse primaire d'assurance maladie fait valoir principalement que l'enquêteur assermenté qui a procédé à l'instruction du dossier a pris en compte les déclarations de l'employeur comme du salarié pour en arriver à la conclusion que la condition de durée d'exposition au risque prévue au tableau était remplie.
En application de l'article 455 du Code de procédure civile, il est renvoyé, pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, à leurs écritures respectives.
SUR CE, LA COUR:
Aux termes de l'article L. 461-1 alinéa 2 du Code de la sécurité sociale, est présumée d'origine professionnelle toute maladie désignée dans un tableau des maladies professionnelles et contractée dans les conditions prévues à ce tableau.
En l'espèce, la société [7] invoque exclusivement le fait que la condition posée par le tableau n° 57 A du tableau des maladies professionnelles au titre de la liste limitative des travaux susceptibles de provoquer la maladie n'est pas remplie.
Ce tableau prévoit en effet que l'intéressé doit accomplir'des travaux comportant des mouvements ou le maintien de l'épaule sans soutien, en abduction:
- avec un angle supérieur ou égal à 60° pendant au moins deux heures par jour en cumulé
ou
- avec un angle supérieur ou égal à 90° pendant au moins une heure par jour en cumulé.
L'instruction qui a été diligentée a consisté à examiner les questionnaires que la caisse a adressés à l'employeur et au salarié, ce qui n'est pas critiquable, l'article R. 441-11 du Code de la sécurité sociale, dans sa version applicable au litige, n'imposant à la caisse de diligenter une enquête et non de procéder à l'envoi de simples questionnaire qu'en cas de décès de la victime de l'accident du travail ou de la maladie professionnelle, ce qui n'est pas le cas en l'espèce.
L'employeur a défini le poste de M. [K] [N] comme étant celui d'un chauffeur magasinier, dont la description faite est la suivante: chargement/déchargement mécanique + sanglage du chargement, entretien du camion, outre 10 % d'activités de cariste. Pour la société [7], le temps journalier où le bras de M. [K] [N] est décollé du corps d'au moins 90 % est inférieur à une heure par jour lors du sanglage des charges sur le camion, et le temps journalier où le bras est décollé du corps d'au moins 60 % est compris entre une et deux heures par jour lors de la conduite de son camion.
Le salarié confirme ces éléments, en détaillant ses activités, en précisant, s'agissant de son activité de chauffeur d'un véhicule de 14 tonnes, l'accomplissement de man'uvres importantes pour accéder aux chantiers, l'utilisation de sangles à cliquets pour charger les produits sur le camion, ce qui provoquait de mouvements des bras, et l'utilisation de grues ou de chariots élévateurs pour le chargement ou le déchargement. Il précise en outre que dans le cadre de son activité de magasinier, il devait préparer ses commandes à la main (par exemple des parpaings) ou au chariot en fonction de la commande et que les clients étaient servis à la main pour que les matériaux soient chargés dans leurs véhicules.
L'enquêteur en a conclu que les deux épaules étaient sollicitées (de sorte que la qualité de droitier ou de gaucher du salarié importe peu), avec un maintien sans soutien en abduction avec un angle supérieur à 60° au moins deux heures par jour.
Il convient de relever, sur la foi des éléments communiqués par l'employeur dans le questionnaire, que si l'on ajoute aux une à deux heures de conduite, où le décollement des bras du corps supérieur à 60° est effectif, les man'uvres de sanglage des cargaisons, qui nécessitent un décollement supérieur à 90 ° (et donc par hypothèse également supérieur à 60°), estimées à moins d'une heure par jour, les deux heures journalières de sollicitation des épaules moyennant un angle supérieur ou égal à 60° prévues par le tableau peuvent être atteintes, et encore au-delà si l'on tient compte des chargements et des manipulations manuelles de charges lourdes, la société [7] ne pouvant sérieusement affirmer que l'ensemble des manipulations étaient effectuées par chariot élévateur ou transpalette lorsqu'il s'agissait de préparer les commandes et servir les clients, étant enfin précisé dans le questionnaire par l'employeur que le temps journalier de travail de M. [K] [N] s'élevait à 8,75 heures.
Il s'ensuit que les conclusions de l'enquêteur de la caisse primaire d'assurance maladie ne sont pas valablement remises en cause.
Le jugement entrepris, qui a dit que la prise en charge de la maladie professionnelle déclarée par M. [K] [N] demeure opposable à la société [7], sera, en conséquence, confirmé.
Compte tenu de la solution donnée au présent litige, il convient de condamner la société [7] aux dépens d'appel et de la débouter de sa demande au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
Il y a lieu, par ailleurs, de condamner la société [7] à payer à la caisse primaire d'assurance maladie d'Indre et Loire la somme de 800 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS:
Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 1er juillet 2020 par le Pôle social du tribunal judiciaire de Blois;
Y ajoutant;
Condamne la société [7] à payer à la caisse primaire d'assurance maladie d'Indre et Loire la somme de 800 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile;
Condamne la société [7] aux dépens d'appel.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,