COUR D'APPEL D'ORLÉANS
CHAMBRE DES AFFAIRES DE SÉCURITÉ SOCIALE
GROSSE à :
AARPI LIBRAJURIS
URSSAF CENTRE VAL DE LOIRE
EXPÉDITION à :
[B] [P]
MINISTRE CHARGÉ DE LA SÉCURITÉ SOCIALE
Tribunal de Grande Instance d'ORLÉANS
ARRÊT DU : 17 MAI 2022
Minute n°239/2022
N° RG 19/03450 - N° Portalis DBVN-V-B7D-GBRG
Décision de première instance : Tribunal de Grande Instance d'ORLÉANS en date du 13 Juin 2019
ENTRE
APPELANT :
Monsieur [B] [P]
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représenté par Me Jean-Christophe SILVA de l'AARPI LIBRAJURIS, avocat au barreau d'ORLEANS
D'UNE PART,
ET
INTIMÉE :
URSSAF CENTRE VAL DE LOIRE
[Adresse 3]
[Localité 5]
Représentée par Mme [L] [T], en vertu d'un pouvoir spécial
PARTIE AVISÉE :
MONSIEUR LE MINISTRE CHARGÉ DE LA SÉCURITÉ SOCIALE
[Adresse 1]
[Localité 6]
Non comparant, ni représenté
D'AUTRE PART,
COMPOSITION DE LA COUR
Lors des débats :
En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 15 MARS 2022, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Sophie GRALL, Président de chambre, chargé du rapport.
Lors du délibéré :
Madame Sophie GRALL, Président de chambre,
Madame Carole CHEGARAY, Président de chambre,
Monsieur Laurent SOUSA, Conseiller
Greffier :
Monsieur Alexis DOUET, Greffier lors des débats et du prononcé de l'arrêt.
DÉBATS :
A l'audience publique le 15 MARS 2022.
ARRÊT :
- Contradictoire, en dernier ressort
- Prononcé le 17 MAI 2022 par mise à la disposition des parties au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2ème alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.
- Signé par Madame Sophie GRALL, Président de chambre et Monsieur Alexis DOUET, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le Magistrat signataire.
* * * * *
Par requête enregistrée au secrétariat du tribunal des affaires de sécurité sociale d'Orléans le 9 octobre 2017, M. [B] [P] a formé opposition à une contrainte émise par le RSI et l'URSSAF le 19 septembre 2017, et signifiée le 29 septembre 2017, afférente à des cotisations relatives aux 3ème et 4ème trimestres 2016 et au 1er trimestre 2017, pour un montant de 19'733 euros.
Par requête enregistrée au secrétariat du tribunal des affaires de sécurité sociale d'Orléans le 20 décembre 2017, M. [B] [P] a formé opposition à une contrainte émise par le RSI et l'URSSAF le 11 décembre 2017, et signifiée le 18 décembre 2017, afférente à des cotisations relatives au 2ème trimestre 2017, pour un montant de 1 392 euros.
Les affaires ont été transmises au Pôle social du tribunal de grande instance d'Orléans, par l'effet de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016.
Par jugement rendu le 13 juin 2019, le Pôle social du tribunal de grande instance d'Orléans a:
- ordonné la jonction des procédures,
- déclaré les oppositions de M. [B] [P] recevables en la forme mais mal fondées,
- débouté M. [B] [P] de ses demandes,
- validé la contrainte du 19 septembre 2017 pour un montant actualisé de 8 622 euros,
- validé la contrainte du 11 décembre 2017 pour un montant actualisé de 1 118 euros,
- condamné M. [B] [P] à payer à l'URSSAF les sommes de 8 622 euros et 1 118 euros,
- condamné M. [B] [P] à payer à l'URSSAF les frais de signification des contraintes,
- condamné M. [B] [P] aux dépens.
M. [B] [P] a relevé appel de cette décision, signifiée à étude par acte d'huissier du 1er octobre 2019, par déclaration au greffe formée par voie électronique le lundi 4 novembre 2019.
M. [B] [P] demande à la Cour de:
- infirmer entrepris.
- constater l'absence de mise en demeure préalable portant sur le montant et l'objet de la contrainte.
- prononcer la nullité de la procédure.
- renvoyer l'URSSAF, venant aux droits du RSI, à mieux se pourvoir.
Subsidiairement,
- débouter l'URSSAF venant aux droits du RSI de ses demandes.
Encore plus subsidiairement,
- accorder le remise des majorations de retard.
M. [B] [P] soutient:
- au visa des articles L. 244-1 et L. 224-2 du Code de la sécurité sociale, que la mise en demeure préalable à la contrainte, datée du 6 septembre 2016, ne lui permettait pas d'avoir connaissance de l'étendue de ses obligations et notamment du calcul et du montant des cotisations, ne précisant pas l'année, ni le montant des revenus sur la base desquels les cotisations ont été calculées.
- qu'il n'est pas établi que les mises en demeure des 6 décembre 2016 et 15 avril 2017 lui aient été adressées, faute de signature des accusés de réception .
- que les montants portés sur les contraintes litigieuses ne correspondent pas à ceux mentionnés sur les mises en demeure qui les ont précédées, ce qui démontre l'existence d'erreurs manifestes de calcul.
- qu'il est demandé le paiement de cotisations pour le 3ème trimestre 2016 et l'année 2017, alors qu'au dernier trimestre 2016, la société qu'il gérait avait cessé son activité, sa liquidation judiciaire ayant été prononcée le 17 mai 2017 avec une date de cessation des paiements fixée 18 mois auparavant.
- que les justificatifs des revenus qu'il verse aux débats présentent des contradictions avec les calculs établis par la caisse.
L'URSSAF demande à la Cour de:
- débouter M. [B] [P] de son appel et de toutes ses demandes.
- confirmer la décision entreprise en ce qu'elle déclare valide la contrainte du 19 septembre 2017 pour son montant de 8 622 euros et la contrainte du 11 décembre 2017 pour son montant actualisé de 1 118 euros, outre les frais de signification.
- condamner M. [B] [P] aux dépens
L'URSSAF fait valoir:
- que les mises en demeure délivrées à M. [B] [P] satisfont au formalisme requis, en ce qu'elles mentionnent notamment la nature des cotisations réclamées et le montant de ces cotisations, la mention de l'assiette de ces cotisations n'étant pas exigée.
- que la contrainte peut valablement faire référence à la mise en demeure préalable.
- que les mises en demeure sont revenues avec la mention 'pli avisé, non réclamé', ce qui n'entache pas leur validité.
- que les sommes visées aux mises en demeure correspondent à des cotisations provisionnelles qui font ensuite l'objet de régularisation.
- que la date de radiation à prendre en compte est celle de la liquidation judiciaire de la société de M. [B] [P] le 17 mai 2017.
- que les cotisations ont été calculées sur la base des revenus déclarés par M. [B] [P].
En application de l'article 455 du Code de procédure civile, il est renvoyé, pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, à leurs écritures respectives.
SUR CE, LA COUR:
Il incombe à l'opposant à contrainte de rapporter la preuve du caractère infondé du redressement de cotisations (Cass. 2e Civ., 13 février 2014, pourvoi n° 13-13.921).
L'envoi d'une mise en demeure au débiteur constitue une formalité préalable obligatoire à la délivrance de la contrainte dont l'inobservation est de nature à vicier la procédure de recouvrement (Cass. soc., 15 février 1989, n° 86-18.354).
En l'espèce, le RSI a délivré à M. [B] [P], pour chacune des périodes concernées, une mise en demeure, par lettre recommandée avec accusé de réception.
Il résulte des articles L. 244-2 et R. 244-1 du Code de la sécurité sociale que le défaut de réception par son destinataire d'une mise en demeure adressée par lettre recommandée avec demande d'avis de réception n'affecte ni la validité de celle-ci, ni la validité des actes de poursuite subséquents (Cass. 2e Civ., 27 Janvier 2022, pourvoi n° 20-21.538).
En l'espèce, si les accusé de réception des mises en demeure des 8 décembre 2016 (et non 6 décembre 2016 comme mentionné par erreur par M. [B] [P]) et 15 avril 2017 n'ont pas été signés, les plis sont revenus avec les mentions 'avisé, non réclamé', ce qui démontre que les mises en demeure ont bien été adressées par l'organisme social au cotisant et ce qui ne remet en rien en cause la validité de ces mises en demeure.
La contrainte décernée à un cotisant doit permettre à celui-ci d'avoir connaissance de la nature, de la cause et de l'étendue de son obligation, et à cette fin, cette contrainte doit préciser, à peine de nullité, la nature et le montant des cotisations réclamées, ainsi que la période à laquelle elle se rapporte, sans que soit exigée la preuve d'un préjudice.
L'information est suffisamment assurée par la mise en demeure à laquelle la contrainte fait référence, celle-ci, à condition d'être suffisamment détaillée, permettant au débiteur de connaître la nature, la cause et l'étendue de son obligation.
Contrairement à ce qu'affirme M. [B] [P], le montant ou l'année des revenus sur la base desquels les cotisations ont été calculées n'a pas à figurer sur la mise en demeure, pas plus que sur la contrainte.
En l'espèce, chacune des mises en demeure litigieuses précisent:
- la cause des sommes réclamées: cotisations par année
- la nature de ces sommes'par risque
- leur caractère provisionnel ou la régularisation dont elles font l'objet
- le montant détaillé des sommes réclamées par risque, et celui des majorations de retard
- la période à laquelle ces sommes se rapportent.
Les deux contraintes litigieuses font chacune référence aux mises en demeure précédemment délivrées, reprenant très exactement les montants restant dus en cotisations et majorations de retard, étant précisé que les majorations de retard ont été retranchées du principal dans les contraintes, mais rajoutées à côté. Il apparaît également dans la contrainte du 11 décembre 2017 des déductions correspondant aux 'acomptes versés comptabilisés au 7 décembre 2017, régularisations, remises sur majorations effectuées après envoi de la mise en demeure'.
Par ailleurs, il résulte du décompte figurant aux écritures de l'URSSAF en première instance, produites en cause d'appel, qu'il a été procédé à la régularisation des cotisations réclamées en fonction des déclarations de revenus opérées par M. [B] [P], de sorte que les montants aujourd'hui réclamés sont inférieurs à ceux initialement visés dans les contraintes litigieuses, ce qui explique l'actualisation de la demande de l'URSSAF dans un sens favorable au débiteur.
A cet égard, contrairement à ce que M. [B] [P] semble affirmer, ses revenus en 2017, avant la liquidation judiciaire de sa société le 17 mai 2017, n'ont pas été nuls puisqu'il a déclaré au titre de sa déclaration de revenus 2017 la somme de 9 600 euros, sur la base de laquelle la régularisation de ses cotisations pour l'année 2017 a été opérée.
Les contraintes délivrées à M. [B] [P] sont, en conséquence, parfaitement valables, et les montants actualisés dûment justifiés, le débiteur ayant été valablement informé de la nature, de la cause et de l'étendue de ses obligations.
La demande de M. [B] [P] visant à voir dire que les contraintes délivrées par l'URSSAF sont nulles et à voir prononcer la nullité de la procédure sera, dès lors, rejetée.
Le jugement entrepris sera confirmé en toutes ses dispositions.
S'agissant de la demande de remise des majorations de retard, ladite demande doit respecter une procédure précise prévue par l'article R. 243-20 du Code de la sécurité sociale imposant une demande de remise gracieuse auprès du directeur de l'organisme de recouvrement ou, selon le montant, de la commission de recours amiable. Par ailleurs, une telle demande n'est recevable qu'après règlement de la totalité des cotisations ayant donné lieu à application des majorations. Enfin, cette demande ne peut intervenir à l'occasion d'une opposition à contrainte.
C'est pourquoi elle sera déclarée irrecevable.
Les dépens d'appel seront mis à la charge de M. [B] [P].
PAR CES MOTIFS:
Confirme le jugement rendu par le Pôle social du tribunal de grande instance d'Orléans le 13 juin 2019 en toutes ses dispositions;
Y ajoutant;
Déclare irrecevable la demande de remise des majorations de retard;
Condamne M. [B] [P] aux dépens d'appel.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,