COUR D'APPEL D'ORLÉANS
C H A M B R E C I V I L E
GROSSES + EXPÉDITIONS : le 09/05/2022
Me Coraly VINCENT
ARRÊT du : 09 MAI 2022
N° : - : N° RG 19/02745 - N° Portalis DBVN-V-B7D-GACI
DÉCISION ENTREPRISE : Jugement du Tribunal de Grande Instance d'ORLEANS en date du 15 Mai 2019
PARTIES EN CAUSE
APPELANTS :- Timbre fiscal dématérialisé N°:1265241615571067
Madame [N] [U]
née le 02 Juillet 1968 à GONESSE (95500)
21 rue Saint Germain
95380 VILLERON
ayant pour avocat postulant Me Coraly VINCENT, avocat au barreau d'ORLEANS
ayant pour avocat plaidant Me Anne VENNETIER de la SELARL FALGA-VENNETIER, avocat au barreau de NANTES
Monsieur [M] [S]
né le 02 Mai 1967 à MAISONS ALFORT (94700)
21 rue Saint Germain
95380 VILLERON
ayant pour avocat postulant Me Coraly VINCENT, avocat au barreau d'ORLEANS
ayant pour avocat plaidant Me Anne VENNETIER de la SELARL FALGA-VENNETIER, avocat au barreau de NANTES
D'UNE PART
INTIMÉES :
La SAS SAULNIER - [X] ET ASSOCIES, prise n la personne de Maître [V] [X] , ès qualités de liquidateur judiciaire de la SARL DEMEURES TERRE ET TRADITION (DTT), immatriculée au RCS d'ORLEANS sous le numéro 439 925 694 dont le siège social est situé à route les Vallées 45130 BAULE
6 rue des Anglaises
45000 ORLEANS
n'ayant pas constitué avocat
La SELARL VILLA - FLOREK, prise en la personne de Maître [K] [R], ès qualité de liquidateur judiciaire de la SARL DEMEURES TERRE ET TRADITION (DTT), immatriculée au RCS d'ORLEANS sous le numéro 439925694 dont le siège social est situé à route les Vallées 45130 BAULE
54 rue de la Bretonnerie
45000 ORLEANS
n'ayant pas constitué avocat
D'AUTRE PART
DÉCLARATION D'APPEL en date du :25 Juillet 2019
ORDONNANCE DE CLÔTURE du : 1er Février 2022
COMPOSITION DE LA COUR
Lors des débats, du délibéré :
Madame Anne-Lise COLLOMP, Président de chambre,
Monsieur Laurent SOUSA, Conseiller,
Mme Fanny CHENOT, Conseiller.
Greffier :
Madame Fatima HAJBI, Greffier lors des débats et du prononcé.
DÉBATS :
A l'audience publique du 28 FEVRIER 2022, à laquelle ont été entendus Madame Anne-Lise COLLOMP, Président de Chambre, en son rapport et les avocats des parties en leurs plaidoiries.
ARRÊT :
Prononcé le 09 MAI 2022 par mise à la disposition des parties au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.
FAITS ET PROCEDURE
Se prévalant de trois contrats de construction de maison individuelle conclus en mars et avril 2012 avec la société Demeures Terre et Tradition (DTT), qui a été placée en redressement judiciaire le 21 avril 2016 puis en liquidation judiciaire le 19 mai 2016 alors que les maisons étaient inachevées, Mme [U] et M. [S] ont fait assigner, par acte d'huissier du 8 décembre 2017, Maître [P] [D] et Maître [K] [R], ès qualité de liquidateurs à la liquidation judiciaire de la SARL DTT, aux fins de fixation au passif de la liquidation judiciaire de cette société d'une créance de 10 900 € au titre d'un acompte non restitué, d'une créance de 77 659,35 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de leurs préjudices, d'une créance de 32 729,54 euros à titre d'indemnisation de la sous-évaluation de l'aménagement de l'étage, et afin que la créance invoquée par les liquidateurs à leur encontre soit jugée mal fondée.
Par jugement en date du 15 mai 2019, le tribunal judiciaire d'Orléans a :
- débouté Mme [N] [U] et M. [M] [S] de leurs demandes,
- condamné in solidum Mme [N] [U] et M. [M] [S] aux dépens.
Par déclaration en date du 25 juillet 2019, Mme [N] [U] et M. [M] [S] ont interjeté appel de cette décision en critiquant expressément tous les chefs du jugement en cause.
La SAS Saulnier ' [X] Associés en la personne de Maître [Y] [X], ès qualité de liquidateur judiciaire de la SARL Demeures Terre et Tradition et la SELARL Villa ' Florek en la personne de Maître [K] [R], ès qualité de liquidateur judiciaire de la SARL Demeures Terre et Tradition n'ont pas constitué avocat. La déclaration d'appel leur a été signifiée par acte du 15 novembre 2019 remis à personne.
Suivant conclusions récapitulatives notifiées par voie électronique le 25 octobre 2019, dont il est justifié de la signification à l'intimé défaillant, Mme [N] [U] et M. [M] [S] demandent à la cour de :
-Infirmer le jugement en toutes ses dispositions et, statuant à nouveau :
Sur les créances des consorts [S]-[U],
-Fixer au passif de la liquidation judiciaire de la société DTT une créance de 77 659,35 € à titre de réparation des préjudices des concluants,
-Fixer au passif de la liquidation judiciaire de la société DTT une créance de 32 729,54 € à titre d'indemnisation de la sous-évaluation de l'aménagement de l'étage,
Sur la prétendue créance de DTT,
-Juger que la créance alléguée par le liquidateur est éteinte par prescription,
-Subsidiairement la juger inexigible et mal fondée,
-En conséquence, juger que M. et Mme [S]-[U] ne sont débiteurs d'aucune somme à son égard,
Subsidiairement sur ce point,
-En diminuer le montant à 35 434,15 €,
-Prononcer la compensation des créances connexe réciproques des parties,
Sur les demandes accessoires,
-Fixer au passif de la liquidation judiciaire de la société DTT une créance de 3 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
-Fixer au passif de la liquidation judiciaire de la société DTT la créance de dépens de l'instance.
Pour un plus ample exposé des faits et des moyens des parties, il convient de se reporter à leurs dernières conclusions récapitulatives.
MOTIFS :
Sur les contrats de construction de maisons individuelles
Mme [U] et M. [S] versent aux débats les conditions particulières et les conditions générales de trois contrats de construction d'une maison individuelle :
1 - un contrat en date du 4 avril 2012, portant sur l'édification par la société DTT d'une maison située rue Saint Germain à Villeron (95), moyennant le prix de 218 949 euros ;
2 - un contrat en date du 30 mars 2012, portant le n°6432, ayant pour objet l'édification par la société DTT d'une maison située à la même adresse, moyennant le prix de 120 399 euros (contrat n°2) ;
3 - un contrat en date du 30 mars 2012, portant le n°6452, ayant pour objet l'édification d'une maison par la société DTT à la même adresse, moyannt le prix de 119 526 euros (contrat n°3).
Les conditions particulières sont signées de la société DTT et de M. [S] et Mme [U]. Les conditions générales sont paraphées par M. [S] et Mme [U].
Est également versée la notice descriptive des deux derniers contrats.
La preuve est donc rapportée des liens contractuels ayant existé entre M. [S] et Mme [U] et la société DTT et de l'objet et du contenu des trois contrats par lesquels M. [S] et Mme [U] ont confié à la société DTT la construction de trois maisons individuelles.
Sur la créance de 77 659,35 euros
Mme [U] et M. [S] sollicitent en premier lieu l'indemnisation d'un préjudice lié au retard de livraison des deux maisons destinées à la location (contrats n°2 et 3).
Ils exposent que les chantiers ont été ouverts le 7 novembre 2014, que les maisons devaient être livrées sous douze mois à compter de l'ouverture de chantier, donc au plus tard le 7 novembre 2015, mais que les chantiers ont pris du retard, et que les maisons n'ont pu être réceptionnées que le 8 septembre 2017, soit avec 22 mois de retard.
Ils sollicitent, en réparation de leur préjudice :
- l'allocation d'une somme de 1200 euros par mois pour chacune des deux maisons destinées à la location, pendant 22 mois, soit une somme de 52 800 euros à ce titre :
- l'allocation d'une somme de 3 959,35 euros au titre du surplus des intérêts intercalaires qu'ils ont supportés de ce fait ;
- l'allocation d'une somme de 10 000 euros au titre de leur préjudice moral.
Mme [U] et M. [S] versent aux débats :
- les conditions particulières des contrats n°2 et 3, stipulant que 'la durée d'exécution des travaux sera de 12 mois à compter de l'ouverture du chantier',
- la déclaration d'ouverture de chantier, en date du 7 novembre 2014.
- deux procès-verbaux de réception de travaux et de livraison, pour les villa A et B, en date du 8 septembre 2017.
La preuve est ainsi rapportée, en considération de ces éléments, de ce que les maisons, qui auraient dû être achevées le 7 novembre 2015, ne l'ont été que le 8 septembre 2017, soit avec un retard de 22 mois.
Mme [U] et M. [S] sollicitent en premier lieu l'indemnisation d'un préjudice lié à la perte de revenus locatifs.
Il convient de constater que les deux avenants au contrat de construction établis par la société DTT en date du 9 septembre 2014 mentionnent respectivement pour le contrat 2012 03 1575 'Locatif n°1" et pour le contrat 2012 03 1576 'Locatif n°2', ce qui corrobore leurs allégations quant à la nature locative de l'investissement.
Ils produisent pour justifier de leur préjudice un document intitulé 'Estimation' (pièce n°19), en date du 19 septembre 2013, établi par un agent immobilier qui a estimé à 1200 euros la valeur locative de chacune des deux maisons.
Toutefois, d'une part cette unique attestation de valeur n'est corroborée par aucun autre élément, à défaut de toute autre évaluation ou de la production des contrats de bail le cas échéant consentis après la livraison des maisons, et en tout état de cause, les revenus locatifs ne peuvent être assimilés au montant brut du loyer, compte tenu des charges qui pèsent parallèlement sur le bailleur et qui s'imputent sur les loyers perçus.
Leur préjudice sera en conséquence calculé sur la base d'un manque à gagner de 800 euros par mois.
En conséquence, leur préjudice à ce titre sera fixé à la somme de 800 X 22 mois = 17600 euros par maison, soit 35 200 euros pour les deux maisons.
S'agissant en second lieu de leur demande relative aux intérêts différés trop-versés, Mme [U] et M. [S] produisent la première page d'une offre de prêt immobilier, établie le 21 octobre 2014 au profit de Mme [N] [U] épouse [S], et les deux premières pages du tableau d'amortissement de ce prêt (pièce n°20).
Il résulte de ce tableau d'amortissement portant sur un prêt Habitat modulable consenti par la Banque Postale d'un montant de 113 109,11 euros au taux de 2,5 % :
- qu'à la date du 15 novembre 2015, avait été débloquée une somme de 77 084,11 euros, les intérêts différés réglés à cette date s'élevant à 1091,07 euros ;
- qu'à la date du 8 septembre 2017, l'intégralité du capital de 113 109, 11 euros avait été libéré, les intérêts différés réglés à cette date s'élevant au total à 4 889,35 euros.
Ils rapportent donc la preuve de ce qu'ont été payés, entre le 15 novembre 2015 et le 8 septembre 2017, des intérêts différés d'un montant de 3798,28 euros, intérêts qui n'auraient pas été payés si les maisons avaient été achevées le 7 novembre 2015 comme convenu.
En conséquence, leur préjudice à ce titre sera fixé à la somme de 3798,28 euros.
S'agissant enfin de leur demande au titre du préjudice moral, ils expliquent que le retard de construction et la procédure collective du constructeur les a affectés en ce qu'elle les a privés des revenus locatifs des deux maisons à vocation locative, que cette situation leur a causé des tracas, que les liquidateurs ont rejeté toutes leurs créances déclarées, ce qui les a contraints à saisir le juge commissaire.
S'ils ne justifient pas que la perte de revenus locatifs leur a causé un préjudice distinct de celui réparé par l'allocation d'une indemnité compensant la perte financière subie à ce titre, il est certain en revanche que cette situation les a contraints à un certain nombre de démarches (échanges de courriers, déclaration de créance) et a généré des tracas et contrariétés. Leur préjudice à ce titre sera réparé par l'allocation d'une somme de 500 euros.
La créance de M. [S] et de Mme [U] sera en conséquence fixée à la somme de 39 498,28 euros (35200 + 3798,28 + 500).
Sur la sous-évaluation de l'aménagement de l'étage
Mme [U] et M. [S] sollicitent la fixation au passif de la liquidation judiciaire d'une créance de 32 729,54 euros à titre d'indemnisation de la sous-évaluation de l'aménagement de l'étage.
Ils exposent en effet que par deux avenants du 9 septembre 2014, il a été convenu de mettre l'aménagement de l'étage de la maison à leur charge, et que le constructeur a chiffré à 6100 euros l'aménagement de l'ensemble de l'étage de chaque maison, soit une somme de 12200 euros en tout qui a été déduite du montant total des travaux.
Ils font valoir que le coût de ces travaux s'élevait en réalité à 22 464,77 euros pour chacune des deux maisons.
Ils sollicitent en conséquence l'allocation d'une somme de 32 729,54 euros à ce titre.
Ils produisent pour en justifier un document intitulé 'avenant au contrat de construction et à la notice descriptive', 'travaux en moins value', daté du 9 septembre 2014, dont il résulte qu'ils ont demandé, pour chacune des deux maisons, la suppression de travaux d'aménagement de l'étage et d'une vasque, recevoir douche et WC, prévus dans la notice descriptive, ce qui a généré une 'moins-value' de 6100 euros pour chaque maison.
En revanche, ils ne justifient aucunement que le coût de ces travaux représentait en réalité une somme de 22 464,77 euros pour chaque maison comme ils l'affirment dans leur conclusion.
Ils ne peuvent donc qu'être déboutés de leurs demandes à ce titre.
Sur les appels de fonds n°7
Mme [U] et M. [S] demandent à la cour de déclarer prescrite la demande, qui leur avait été adressée par un courrier du 27 juin 2016 par le liquidateur de la société DTT, en paiement des sommes de 19 458,90 euros et 20 757,25 euros, au titre des appels de fonds n°7.
La société Saulnier [X] et associés, et la société Villa Florek, en leurs qualités de liquidateur de la société DTT, ne forment aucune demande à ce titre dans le cadre de la présente instance.
Il est toutefois établi que par deux courriers en date du 27 juin 2016, la société Villa Florek a sollicité de Mme [S]-[U] le paiement des sommes de 19 458,90 euros et 20 757,25 euros au titre des appels de fonds n°7.
Les appels de fonds n°7 ont fait l'objet de deux factures en date du 4 mars 2016.
M. [S] et Mme [U] invoquent les dispositions de l'article L. 137-2 du code de la consommation, et depuis le 1er juillet 2016 de l'article L218-2 du même code :
'L'action des professionnels, pour les biens ou les services qu'ils fournissent aux consommateurs, se prescrit par deux ans'.
Il est constant qu'en cas de fourniture de service par un entrepreneur, le délai de prescription court du jour de la facturation (1ère Civ 3 juin 2015 n°14-10.908), y compris en cas de travaux d'entreprise ayant pour objet des travaux de construction immobilière (3ème Civ 15 juin 2017 n°16-16.906 ; 3ème Civ 14 février 2019, pourvoi n° 17-31.466).
Il n'est en l'espèce justifié d'aucune autre demande que celle formée le 27 juin 2016 par le liquidateur, de sorte que la demande est en tout état de cause, quel que soit le délai de prescription applicable, biennal ou quiquennal, prescrite.
Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile
Il convient de fixer au passif de la liquidation judiciaire de la société DTT la créance correspondant aux dépens de première instance et d'appel.
Les circonstances de la cause justifient de fixer la créance de Mme [U] et de M. [S] au passif de la liquidation judiciaire de la société DTT à la somme de 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, par arrêt réputé contradictoire et en dernier ressort,
INFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
Statuant à nouveau et y ajoutant :
FIXE la créance de M. [S] et de Mme [U] au passif de la liquidation judiciaire de la société DTT à la somme de 39 498,28 euros en réparation de leur préjudice ;
DEBOUTE M. [S] et Mme [U] de leur demande d'indemnisation au titre de la sous-évaluation des travaux d'aménagement de l'étage ;
DECLARE prescrite la créance de la société Saulnier [X] et associés et de la société Villa Florek, en leurs qualités de liquidateur de la société DTT, au titre des factures du 4 mars 2016 relatives aux appels de fonds n°7 ;
FIXE au passif de la liquidation judiciaire de la société DTT la créance correspondant aux dépens de première instance et d'appel ;
FIXE la créance de Mme [U] et de M. [S] au passif de la liquidation judiciaire de la société DTT à la somme de 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Arrêt signé par Madame Anne-Lise COLLOMP, Président de Chambre et Madame Fatima HAJBI, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT