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28/04/2022 | FRANCE | N°19/03727

France | France, Cour d'appel d'Orléans, Chambre sociale, 28 avril 2022, 19/03727


C O U R D ' A P P E L D ' O R L É A N S

CHAMBRE SOCIALE - A -

Section 2

PRUD'HOMMES

Exp +GROSSES le 28 AVRIL 2022 à

la SELARL DUPLANTIER - MALLET GIRY - ROUICHI

la SCP SOREL





XA





ARRÊT du : 28 AVRIL 2022



MINUTE N° : - 22



N° RG 19/03727 - N° Portalis DBVN-V-B7D-GCCO



DÉCISION DE PREMIÈRE INSTANCE : CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE MONTARGIS en date du 22 Novembre 2019 - Section : ENCADREMENT







APPELANTE :

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G.I.E. DIALYSE SERVICES prise en la personne de son représentant légal, domicilié en cette qualité au siège social

26 rue Armengaud

92210 SAINT CLOUD



représentée par Me Christophe ROUICHI...

C O U R D ' A P P E L D ' O R L É A N S

CHAMBRE SOCIALE - A -

Section 2

PRUD'HOMMES

Exp +GROSSES le 28 AVRIL 2022 à

la SELARL DUPLANTIER - MALLET GIRY - ROUICHI

la SCP SOREL

XA

ARRÊT du : 28 AVRIL 2022

MINUTE N° : - 22

N° RG 19/03727 - N° Portalis DBVN-V-B7D-GCCO

DÉCISION DE PREMIÈRE INSTANCE : CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE MONTARGIS en date du 22 Novembre 2019 - Section : ENCADREMENT

APPELANTE :

G.I.E. DIALYSE SERVICES prise en la personne de son représentant légal, domicilié en cette qualité au siège social

26 rue Armengaud

92210 SAINT CLOUD

représentée par Me Christophe ROUICHI de la SELARL DUPLANTIER - MALLET GIRY - ROUICHI, avocat au barreau d'ORLEANS

ayant pour avocat plaidant Me Claudia LEROY, d'ACTANCE PARIS, avocat au barreau de PARIS

ET

INTIMÉE :

Madame [F] [R]

née le 18 Février 1974 à GIEN

Lieu-dit Les Caillards

45500 AUTRY LE CHATEL

représentée par Me Franck SILVESTRE de la SCP SOREL, avocat au barreau d'ORLEANS

Ordonnance de clôture : 27 janvier 2022

Audience publique du 15 Février 2022 tenue par Mme Laurence DUVALLET, Présidente de chambre, et par Monsieur Xavier AUGIRON, conseiller, et ce, en l'absence d'opposition des parties, assistés lors des débats de Mme Karine DUPONT, Greffier,

Après délibéré au cours duquel Mme Laurence DUVALLET, Présidente de chambre et Monsieur Xavier AUGIRON, conseiller, ont rendu compte des débats à la Cour composée de :

Madame Laurence DUVALLET, présidente de chambre, présidente de la collégialité,

Monsieur Alexandre DAVID, président de chambre,

Monsieur Xavier AUGIRON, conseiller.

Puis le 28 Avril 2022, Madame Laurence Duvallet, présidente de Chambre, présidente de la collégialité, assistée de Mme Karine DUPONT, Greffier a rendu l'arrêt par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

FAITS ET PROCÉDURE

Selon contrat de travail à durée déterminée, le groupement d'intérêt économique (GIE) Dialyse Services a engagé Mme [F] [R] le 11 septembre 1995 en qualité de secrétaire comptable. Ce contrat a été transformé en contrat à durée indéterminée à compter du 12 octobre 1995.

Après diverses promotions, Mme [R] est devenue directrice des centres de dialyse de Montargis et de Gien, à compter du 1er juillet 2004, et le 1er janvier 2017 elle s'est également vue confier la responsabilité d'un troisième centre situé à Paris.

Elle a bénéficié d'un arrêt de travail pour maladie du 4 avril 2018 au 3 mai 2018.

Mme [R] a été convoquée à un entretien préalable en vue d'un éventuel licenciement fixé le 14 juin 2018.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 18 juin 2018, Mme [R] a été licenciée pour " faute simple ", avec dispense d'exécution du préavis, en raison d'un certain nombre de manquements, liées à " l'état de dégradation important " du centre de dialyse de Gien, constaté lors de la visite de son supérieur hiérarchique, Mme [J], et à la fermeture de l'antenne d'Aubigny sur Nère, pour lesquels un " plan d'actions " lui aurait été vainement réclamé, dans un " contexte " où lui est par ailleurs reproché, s'agissant du centre parisien, de ne pas avoir non plus mis en 'uvre des décisions prises à la suite d'un audit qui avait été réalisé.

Mme [F] [R] a saisi le conseil des prud'hommes de Montargis, par requête en date du 11 septembre 2018, aux fins :

-D'une part, de voir juger son licenciement nul en raison d'une absence de visite médicale de reprise préalable, après son arrêt maladie,

-D'autre part et, à titre subsidiaire, de voir juger le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, invoquant la prescription de certains des faits qui lui étaient reprochés,

-De voir condamner en conséquence la société à lui payer des dommages-intérêts,

Par jugement en date du 22 novembre 2019, le conseil de prud'hommes de Montargis a :

-Constaté que les faits survenus en juillet 2017 et mars 2018 sont prescrits;

-Dit que le licenciement de Mme [F] [R] est dépourvu de toute cause réelle et sérieuse ;

En conséquence,

-Condamné le GIE Dialyse Services à payer la somme de 41 680 euros à Mme [F] [R] à titre dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

-Ordonné au GIE Dialyse Services, conformément à l'article L.1235-4 du code du travail, le remboursement aux organismes concernés de six mois d'indemnités de chômage versées à Mme [F] [R] à compter de son licenciement ;

-Condamné le GIE Dialyse Services à payer à Mme [F] [R] la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

-Débouté les parties de toutes autres demandes plus amples ou contraires ;

-Condamné le GIE Dialyse Services aux dépens.

Le GIE Dialyse Services a relevé appel de cette décision par déclaration formée par voie électronique le 3 décembre 2019.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Vu les dernières conclusions remises au greffe par voie électronique le 13 juillet 2020 auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens et prétentions conformément à l'article 455 du code de procédure civile et aux termes desquelles le GIE Dialyse Services demande à la cour de :

-Infirmer le jugement du Conseil de prud'hommes de Montargis du 22 novembre 2019 ;

Statuant à nouveau,

-Juger que la nullité du licenciement n'est pas encourue ;

-Juger que les faits à l'origine du licenciement n'étaient pas prescrits ;

-Constater le comportement fautif de Mme [F] [R] ;

En conséquence,

-Juger le licenciement de Mme [F] [R] bien fondé sur une cause réelle et sérieuse ;

-Débouter Mme [F] [R] de l'intégralité de ses demandes ;

-Condamner Mme [F] [R] à verser au GIE Dialyse Services la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

&

Vu les dernières conclusions remises au greffe par voie électronique le 27 octobre 2020 auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens et prétentions conformément à l'article 455 du code de procédure civile et aux termes desquelles Mme [F] [R], relevant appel incident, demande à la cour de :

-Déclarer l'appel du GIE Dialyse Services sans aucun fondement ;

En conséquence,

-Confirmer que les faits reprochés de juillet 2017 et mars 2018, à les supposer réels, sont prescrits ;

-Juger à titre principal que le licenciement de Mme [F] [R] est nul compte tenu de ce qu'il a été prononcé en l'absence de visite médicale de reprise préalable ;

-Juger à titre subsidiaire que le licenciement est dépourvu de toute cause réelle et sérieuse ;

-Déclarer recevable et fondé l'appel incident de Mme [F] [R] ;

Statuant à nouveau,

-Infirmer partiellement le jugement du 22 novembre 2019 (Minute 93/2019) en ce qu'il n'a accordé qu'une somme de 41680 euros à titre de dommages et intérêts ;

-Condamner le GIE Dialyse Services à payer à Mme [F] [R] la somme de 85 000 euros à titre de dommages et intérêts ;

En tout état de cause,

-Condamner le GIE Dialyse Services à payer à Mme [F] [R] la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel ;

-Condamner le GIE Dialyse Services aux entiers dépens.

MOTIFS DE LA DÉCISION

-Sur la demande de nullité du licenciement fondée sur l'absence de visite de reprise

Mme [R] soutient que le GIE Dialyse Services ne pouvait pas la licencier pour un motif autre qu'un manquement à son obligation de loyauté, faute pour lui d'avoir réalisé, lors de sa reprise de travail le 4 mai 2018, après un arrêt maladie d'au moins 30 jours, une visite médicale de reprise permettant de lever la suspension du contrat de travail, comme l'impose l'article R.4624-31 du code du travail. Mme [R] invoque un arrêt de la cour de cassation rendu, selon elle, dans ce sens (Soc., 6 mars 2017 pourvoi n°15-27.577).

Cependant, l'hypothèse spécifique évoquée par cet arrêt avait trait à un salarié licencié pour faute en raison d'un refus de reprendre le travail à l'issue de son arrêt maladie, alors que l'employeur n'avait pas organisé une visite de reprise, ce qui n'est pas le cas en l'espèce puisque Mme [R] a bien repris le travail et n'a pas été licenciée pour ce motif.

Par contre, l'employeur peut licencier son salarié, même pendant la période de suspension du contrat de travail, pour un motif étranger à la maladie qui a causé l'arrêt de travail, et notamment pour un motif disciplinaire, étant précisé que le délai de prescription des faits fautifs invoqués à l'appui du licenciement n'est pas interrompu par l'arrêt de travail pour maladie.

C'est pourquoi le GIE Dialyse Services pouvait parfaitement engager une procédure de licenciement pour faute à l'encontre de Mme [R], malgré l'absence de visite de reprise à l'issue de son arrêt de travail pour maladie et le moyen soulevé par Mme [R], à ce titre, est inopérant.

Par voie de confirmation du jugement entrepris, sa demande visant au prononcé de la nullité du licenciement sera rejetée.

-Sur la prescription des faits fautifs de juillet 2017 et mars 2018

L'article L.1332-4 du code du travail prévoit qu'aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l'exercice de poursuites pénales.

C'est la date à laquelle les faits sanctionnés ont été portés à la connaissance de l'employeur qui marque le point de départ du délai de prescription de deux mois, et c'est la date de l'engagement des poursuites disciplinaires qui marque l'interruption du délai de deux mois (soit en l'espèce l'envoi de la lettre de convocation à l'entretien préalable, datée du 14 juin 2018).

Mme [R] soutient que les faits invoqués dans la lettre de licenciement, datés des mois de juillet 2017 et mars 2018, sont prescrits.

La cour constate en effet que dans la lettre de licenciement, le GIE Dialyse Services évoque un " contexte ", liés à des manquements en termes de gestion et de management de l'établissement de Paris, survenus en juillet 2017, ainsi qu'un incident relatif à un courrier de l'architecte de cet établissement du 23 mars 2018.

Ces faits étaient prescrits lors de l'envoi de la lettre de convocation à entretien préalable, ce dont convient l'employeur qui n'entend retenir à l'appui du licenciement, selon les termes de ses écritures, que deux " séries de faits ", révélés à l'employeur pendant son arrêt de travail pour maladie qui a pris fin le 3 mai 2018, et qui ne sont pas visés par l'exception de prescription soulevée par Mme [R], afférents :

- d'une part au site de Gien

- d'autre part aux opérations de fermeture du centre de dialyse d'Aubigny-sur-Nère

Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a retenu que les faits survenus en juillet 2017 et mars 2018 étaient prescrits.

- Sur le licenciement pour faute grave

Il résulte de l'article L.1232-1 du code du travail que tout licenciement pour motif personnel est justifié par une cause réelle et sérieuse.

Le motif inhérent à la personne du salarié doit reposer sur des faits objectifs, matériellement vérifiables et qui lui sont imputables.

L'article L.1235-1 du code du travail prévoit qu'en cas de litige, le juge, à qui il appartient d'apprécier le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties. Si un doute subsiste, il profite au salarié.

En premier lieu, Mme [R] soutient que si les faits qui lui sont reprochés étaient avérés, ils constitueraient une insuffisance professionnelle et non une faute, en l'absence de mauvaise volonté délibérée de sa part, ce qui en soi priverait le licenciement de cause réelle et sérieuse.

La cour relève que l'employeur s'est placé sur le terrain disciplinaire en indiquant dans la lettre de licenciement : " il est particulièrement choquant et fautif que, compte tenu de votre expérience et de votre ancienneté dans notre activité, vous n'ayez pas pris les mesures qui s'imposaient pour maintenir une prise en charge adaptée et conforme ".

Il s'agira donc de déterminer, d'une part, si les faits relevés par l'employeur sont établis et, d'autre part, s'ils constituent une faute ou une simple insuffisance professionnelle, non fautive, privant, dans ce dernier cas, le licenciement de cause réelle et sérieuse.

Le GIE Dialyse Services reproche en premier lieu à Mme [R] d'avoir laissé le site de Gien dans un état de dégradation important, non conforme avec une prise en charge de patients en hémodialyse compatible avec les " standards du groupe " et les normes de l'agence régionale de santé, et non conforme avec l'obligation de sécurité du personnel pesant sur l'employeur. L'employeur aurait demandé à Mme [R] de présenter un plan d'action pour y remédier, lors de sa reprise du travail après son arrêt de travail pour maladie, qu'elle aurait présenté avec retard, ce qui ne la dédouanerait pas pour autant de tout reproche compte tenu de ce qu'elle avait auparavant laissé ce centre dans un état préoccupant. Le GIE Dialyse Services ajoute que de nombreux travaux ont dû être entrepris après le départ de la salariée.

Mme [R] réplique que l'état du centre de Gien était certes vieillissant, mais qu'elle n'a pas souhaité engager des frais dans la perspective d'un transfert vers le " pôle santé Giennois " qui était projeté. Elle affirme avoir agi en accord avec sa hiérarchie, ayant reçu la consigne de ne pas entreprendre de travaux à Gien, mais qu'elle n'a pas pour autant négligé la conformité de l'établissement ni les visites annuelles de vérification du chauffage et de l'électricité. Elle indique que la salle de dialyse avait été repeinte l'année précédant le licenciement. Elle soutient qu'elle n'avait reçu jusqu'alors aucune observation sur l'état des locaux, y compris à l'occasion d'entretiens d'évaluation, et que de nombreuses procédures de contrôle ont été mises en place, et notamment un audit de nettoyage deux jours avant la visite de sa supérieure ou des contrôles opérés par la Haute autorité de santé sur la qualité des soins et par le Comité de lutte contre les infections nosocomiales, auquel participait un cadre de santé de l'établissement, Mme [E], ou encore des audits mensuels sur l'hygiène. L'ARS a également effectué une visite de conformité. Elle souligne qu'aucun professionnel de santé ne l'a alertée et qu'aucune remontée alarmante n'a été faite dans le cadre des enquêtes de satisfaction des patients ou de la part des instances représentatives du personnel. Enfin, elle affirme avoir élaboré un " plan d'actions " à la demande de l'employeur, qu'elle a actualisé ensuite toutes les semaines.

A l'appui de ses allégations, le GIE Dialyse Services produit trois attestations :

-l'une de Mme [J], directrice générale, qui explique avoir été nommée à ce poste le 1er mars 2018 et avoir entrepris la visite des 18 centres de dialyse placés sous sa responsabilité, dont celui de Gien. Mme [R] aurait donné son accord à ce qu'elle effectue cette visite en son absence, compte tenu d'une absence pour maladie. Un directeur par intérim en la personne de M.[Z] a été désigné. La visite du 6 avril 2018 s'est opérée en présence de Mme [E], cadre de santé. Mme [J] fait état d'un état " déplorable " : des bureaux encombrés de matériel, un système d'air conditionné en panne, des imprimantes en panne, une " dotation " (salle de préparation) sale et encombrée avec une porte grande ouverte sur l'extérieur, une mezzanine donnant sur la " dotation " extrêmement encombrée et poussiéreuse, rideaux déchirés, fenêtres situées à côté des fauteuils des patients colmatés avec du ruban adhésif, des patients dans tous les recoins possibles y compris une dame âgée en train de se compresser elle-même sa fistule sur une chaise en plastique. Une panne du système de chauffage pendant les mois d'hiver lui a été signalée.

-Une attestation de M.[Z] indiquant un état également qualifié de "déplorable" : encombrement important des locaux, état d'insalubrité des huisseries dans la salle de soins, présence d'infiltrations du toit-terrasse, traces noires à l'intérieur du bâtiment descendant du plafond, travaux non finalisés sur le chauffage en panne depuis le début de l'année, rideaux d'isolement et pare-soleil dégradés, sol non décapé, peinture des murs sales, vestiaires délabrés, lumière extérieure en panne depuis de nombreux mois, matériel de manutention obsolète et inapproprié

-une attestation de Mme [E], cadre de santé " référente hygiène " depuis le début de l'année 2018, indiquant avoir alerté la directrice sur l'état des fenêtres de la salle de dialyse ainsi que sur l'encombrement des locaux, souillures noirâtres apparaissant sur les montants des fenêtres, patients se plaignant du froid, scotch marron positionné sur les fenêtres pour limiter le froid, moisissures en haut des murs. Mme [E] affirme avoir prévenu la direction qui lui a répondu qu'elle prenait en compte sa demande et que le nécessaire serait fait, sans, selon Mme [E], aucune action soit entreprise

Mme [R] a reconnu que les locaux étaient effectivement " vieillissants " et qu'ils avaient besoin d'un " rafraichissement ".

Cependant, Mme [R] produit un document du 13 avril 2017 dont il résulte que la " salle de dotation " avait été réaménagée. Mme [R] produit par ailleurs de nombreux échanges ayant eu lieu à l'occasion d'un dépannage de la chaudière en début d'année 2018. Ces éléments démontrent que Mme [R] n'est pas restée totalement inactive par rapport à l'état des locaux du centre de Gien.

Par ailleurs, aucun élément du dossier ne vient établir que la situation dénoncée par l'employeur ait remis en cause la conformité des installations, notamment du point de vue de la prévention des maladies nosocomiales (compte-rendu du CLIN du 14 février 2018). La conformité des installations a été reconnue par l'ARS en mars 2015 et n'a pas été remise en cause depuis lors. Le nettoyage a fait l'objet d'une " fiche de contrôle " le 4 avril 2018 dont les résultats sont satisfaisants. Aucun patient n'apparaît s'être plaint des conditions d'accueil, notamment par le biais de l'enquête de satisfaction qui a été diligentée, et dont l'indice de satisfaction de 95% a été communiqué lors du comité de direction du 10 avril 2018. Les médecin néphrologues qui interviennent sur le site ont manifesté leur étonnement, lors d'un comité de direction du 22 juin 2018, sur le licenciement de Mme [R] " de façon soudaine ", et ceux-ci n'apparaissent pas avoir à un moment quelconque émis des réserves sur l'état du centre de dialyse. Le compte-rendu de la réunion des délégués du personnel et du CHSCT du 20 février 2018 n'évoque pas plus l'existence d'un danger ou d'un inconfort particulier pour le personnel.

Il résulte de l'ensemble de ces éléments que l'état de " délabrement " du centre de dialyse de Gien est à relativiser, de même que l'inaction de Mme [R] face à cette situation, sachant qu'il est fait état de ce que pendant l'absence de Mme [R], de simples travaux de déblaiement et de nettoyage ont dû être entrepris.

A son retour de congé maladie le 4 mai 2018, il a été demandé à Mme [R] d'élaborer un " plan d'actions ", qu'elle a produit dès le 14 mai 2018. Il mentionne l'ensemble des diligences à effectuer pour une remise en état, ce qui aurait dû satisfaire l'employeur, qui n'affirme en rien que ce plan ne répondait pas à ses attentes.

Néanmoins, une procédure de licenciement a été engagée, ce qui apparaît contradictoire avec la demande qui lui a été faite d'établir un tel " plan d'actions" pour remédier à la situation, qu'elle n'a manifestement pas eu le temps de mener à bien.

En second lieu, le GIE Dialyse Services invoque des " négligences " dans le cadre de la fermeture du centre de dialyse d'Aubigny sur Nère, aucun plan d'action concernant la libération des locaux et leur remise en état n'ayant été élaboré, la ligne téléphonique n'ayant pas été résiliée et le transfert du courrier non réalisé.

Mme [R] affirme, au contraire, avoir dès le mois de décembre 2017 entamé les démarches nécessaires.

La cour constate que le centre d'Aubigny sur Nère a fermé le 1er février 2018.

La totalité des démarches nécessaires n'apparaissent pas avoir été entièrement réalisées lorsque Mme [R] a été placée en arrêt de travail pour maladie le 4 avril 2018, ainsi que cela résulte des déclarations du directeur par intérim, M. [Z].

Ces démarches ont néanmoins pu être réalisées pendant cet intérim, et auraient éventuellement pu être réalisées par Mme [R] elle-même si elle n'avait pas été placée en arrêt-maladie. Le GIE Dialyse Services ne caractérise pas le préjudice que ce retard aura pu causer.

Ce grief est donc également à relativiser, étant rappelé que Mme [R] avait la charge des établissements de Montargis et de Paris-Andra, en sus de celui de Gien, dont dépendait celui d'Aubigny sur Nère.

Ainsi, la cour considère que les reproches opposés à Mme [R] à l'appui de son licenciement ne présentent pas un caractère suffisamment sérieux, en sorte que le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a dit le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse.

- Sur l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

L'article L.1235-3 du code du travail, dans sa version issue de l'ordonnance n°2017-1387 du 22 septembre 2017, prévoit, compte tenu de l'ancienneté de l'intéressé dans l'entreprise, et de la taille de l'entreprise, supérieure à 10 salariés, une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse comprise entre 3 et 17 mois de salaire.

Au regard des éléments soumis à la cour, compte tenu de l'âge du salarié, de son ancienneté, de ses perspectives de retrouver un emploi, il y a lieu d'évaluer, par voie d'infirmation, à 50 000 euros le préjudice consécutif au licenciement abusif.

- Sur l'article L.1235-4 du code du travail

En application de ce texte, il convient de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a ordonné le remboursement par le GIE Dialyse Services à Pôle Emploi des indemnités de chômage versées à Mme [R], dans la limite de 6 mois d'indemnités de chômage.

- Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens

La solution donnée au litige commande de confirmer la décision de première instance afférente à l'indemnité allouée à Mme [R] au titre de ses frais irrépétibles, et de condamner le GIE Dialyse Services à lui payer la somme supplémentaire de 1500 euros pour ceux engagés en cause d'appel, ainsi qu'aux dépens.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant par mise à disposition au greffe, contradictoirement et en dernier ressort,

Infirme le jugement rendu le 22 novembre 2019 par le conseil de prud'hommes de Montargis, mais seulement en ce qu'il a condamné le GIE Dialyse Services à payer à Mme [F] [R] la somme de 41 680 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Confirme pour le surplus ;

Statuant à nouveau du chef infirmé, et ajoutant,

Condamne le GIE Dialyse Services à payer à Mme [F] [R] la somme de

50 000 euros, à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Condamne le GIE Dialyse Services à payer à Mme [F] [R] la somme de 1500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles engagés en appel ;

Condamne le GIE Dialyse Services aux dépens d'appel.

Et le présent arrêt a été signé par le président de chambre, président de la collégialité, et par le greffier

Karine DUPONT Laurence DUVALLET


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Orléans
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 19/03727
Date de la décision : 28/04/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-04-28;19.03727 ?
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