C O U R D ' A P P E L D ' O R L É A N S
CHAMBRE SOCIALE - A -
Section 2
PRUD'HOMMES
Exp +GROSSES le 28 AVRIL 2022 à
la SELARL 2BMP
la SELARL A.B.R.S. & ASSOCIES
XA
ARRÊT du : 28 AVRIL 2022
MINUTE N° : - 22
N° RG 19/03709 - N° Portalis DBVN-V-B7D-GCBL
DÉCISION DE PREMIÈRE INSTANCE : CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE TOURS en date du 12 Novembre 2019 - Section : COMMERCE
APPELANTE :
Madame [J] [U]
née le 20 Mars 1960 à ROMORANTIN LANTHENAY (41200)
22 rue Arthur Princé
Appartement 8
44680 CHAUMES EN RETZ
représentée par Me Philippe BARON de la SELARL 2BMP, avocat au barreau de TOURS
ET
INTIMÉE :
S.A.R.L. ROUSSEAU SERVICES prise en la personne de son représentant légal, domicilié en cette qualité au siège social
47 rue du Maréchal de Lattre de Tassigny
37540 SAINT-CYR-SUR-LOIRE
représentée par Me Pierre FEYTE de la SELARL A.B.R.S. & ASSOCIES, avocat au barreau de TOURS
Ordonnance de clôture : 27 janvier 2022
Audience publique du 15 Février 2022 tenue par Mme Laurence DUVALLET, Présidente de chambre, et par Monsieur Xavier AUGIRON, conseiller, et ce, en l'absence d'opposition des parties, assistés lors des débats de Mme Karine DUPONT, Greffier,
Après délibéré au cours duquel Mme Laurence DUVALLET, Présidente de chambre et Monsieur Xavier AUGIRON, conseiller, ont rendu compte des débats à la Cour composée de :
Madame Laurence DUVALLET, présidente de chambre, présidente de la collégialité,
Monsieur Alexandre DAVID, président de chambre,
Monsieur Xavier AUGIRON, conseiller.
Puis le 28 Avril 2022, Madame Laurence Duvallet, présidente de Chambre, présidente de la collégialité, assistée de Mme Karine DUPONT, Greffier a rendu l'arrêt par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
FAITS ET PROCÉDURE
Selon contrat de travail à durée indéterminée, la société Manteaux, aux droits de laquelle vient aujourd'hui la société Rousseau Services, a engagé Mme [J] [U], le 7 mars 1985, en qualité d'agent de propreté.
A la suite de la reprise de la société par la société Rousseau Services en avril 2015, Mme [U] a été l'objet de plusieurs avertissements.
Le 6 mai 2016, Mme [U] a été victime d'un accident du travail, qui a causé un traumatisme du rachis dorsal et cervical, et un traumatisme de l'épaule droite et du rachis lombaire.
Le médecin du travail l'a déclarée inapte à la reprise du travail selon une fiche établie le 3 janvier 2017, une nouvelle visite étant prévue le 13 janvier 2017, date à laquelle Mme [U] a finalement été déclarée apte avec restrictions.
La société Rousseau Services a convoqué la salariée à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé le 8 mars 2017.
Une rupture conventionnelle du contrat de travail a été envisagée mais n'a pas abouti, Mme [U] expliquant dans une lettre du 17 février 2017 qu'elle se rétractait après l'avoir acceptée, dans le délai prescrit par la loi.
Mme [U] a été convoquée à un entretien préalable à licenciement fixé au 8 mars 2017 et par lettre recommandée avec accusé de réception du 13 mars 2017, licenciée pour faute grave pour avoir, le 24 février 2017 quitté son poste " en abandonnant son binôme qui s'est trouvé dans l'incapacité de conduire le véhicule (pas de permis) et de poursuivre le travail ", alors qu'une demande d'absence lui avait été refusée la veille " dans la mesure où cela désorganisait le fonctionnement de l'entreprise ".
Mme [U], indiquant que l'absence qui lui était reprochée était justifiée par une visite au médecin du travail, a saisi le conseil des prud'hommes de Tours, par requête en date du 30 juin 2017, aux fins de voir juger son licenciement pour faute grave dépourvu de cause réelle et sérieuse et de condamner en conséquence la société à lui payer diverses sommes. Elle a demandé en outre, en cours de procédure, l'octroi de dommages-intérêts en raison de manquements de l'employeur à son obligation de sécurité.
Par jugement en date du 12 novembre 2019, le conseil de prud'hommes de Tours a :
-Débouté Mme [J] [U] de l'intégralité de ses demandes ;
-Débouté la SARL Rousseau Services de sa demande reconventionnelle au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
-Condamné Mme [J] [U] aux entiers dépens.
Mme [J] [U] a relevé appel de cette décision par déclaration formée par voie électronique le 2 décembre 2019.
PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Vu les dernières conclusions remises au greffe par voie électronique le 27 avril 2020 auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens et prétentions conformément à l'article 455 du code de procédure civile et aux termes desquelles Mme [J] [U] demande à la cour de :
-Confirmer la décision du 12 novembre 2019 rendu par le conseil de Prud'hommes de Tours en ce qu'il a débouté la SARL Rousseau Services de sa demande reconventionnelle au titre de l'article 700 du Code de procédure civile
-Infirmer la décision du 12 novembre 2019 rendu par le Conseil de prud'hommes de Tours en ce qu'il a :
-débouté M. [J] [U] de l'intégralité de ses demandes ;
-condamné M. [J] [U] aux entiers dépens ;
En cause d'appel,
-Dire et juger M. [J] [U] tant recevable que bien fondée en ses demandes ;
En conséquence,
-Condamner la SARL Rousseau Services au paiement des sommes de :
-28 467 euros au titre de l'indemnité résultant du licenciement sans cause réelle et sérieuse,
-28 362,10 euros au titre de l'indemnité de licenciement ;
-3 036,42 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, outre les congés payés afférents d'un montant de 303,64 euros ;
-5 000 euros au titre du manquement de l'employeur à son obligation de sécurité ;
-Ordonner sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter de la décision à intervenir la remise des bulletins de paie afférents aux créances salariales ainsi que d'un certificat de travail et d'une attestation destinée à Pôle Emploi conformes au jugement à intervenir ;
-Se réserver la faculté de liquider ladite astreinte
-Débouter la SARL Rousseau Services de l'ensemble de ses demandes ;
-Condamner la SARL Rousseau Services aux entiers dépens qui comprendront les frais éventuels d'exécution et au paiement d'une somme de 4000 euros en application de l'article 700 du Code de Procédure civile au titre de la procédure de première instance, ainsi que la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du Code de Procédure civile au titre de la procédure d'appel.
&
Vu les dernières conclusions remises au greffe par voie électronique le 16 janvier 2020 auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens et prétentions conformément à l'article 455 du code de procédure civile et aux termes desquelles la société Rousseau Services, relevant appel incident, demande à la cour de :
-Confirmer le jugement entrepris et de :
-Juger irrecevables, ou a fortiori dépourvues de toute valeur probatoire, les pièces adverses n° 52 et n° 61 ;
-Juger que le comportement de M. [J] [U] justifiait son licenciement pour faute grave ;
-Rejeter, par conséquent, l'ensemble des demandes indemnitaires formulées par M. [J] [U] ;
-Juger irrecevable, ou à défaut infondée, la demande formulée par M.[J] [U] au titre de l'obligation de sécurité ;
-Condamner M. [J] [U] à payer à la SARL Rousseau Services la somme de 2.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
-Condamner M. [J] [U] aux entiers dépens.
MOTIFS DE LA DÉCISION
-Sur la demande de rejet de pièces :
Sur la pièce n°52 : la société Rousseau Services demande que cette pièce, consistant en un email du 24 février 2017, dans lequel Mme [U] avertit son employeur de ce qu'elle a rendez-vous " à la médecine du travail ", soit "jugée irrecevable " au motif qu'il existerait " des forts doutes sur son authenticité. L'employeur affirme qu'un autre email, rédigé en des termes exactement identiques, lui été adressé le 21 mars 2017, de sorte que la date en a été frauduleusement modifiée pour les besoins de la procédure.
La société Rousseau Services demande également que la pièce n°61 soit " jugée irrecevable " : il s'agit d'une attestation de Mme [W], qui a assisté Mme [U] lors de l'entretien préalable au licenciement. Selon l'employeur, le récit que celle-ci fait de l'entretien préalable n'est pas sincère, ce qu'elle a confirmé dans une attestation produite par la société Rousseau Services dans laquelle elle se " rétracte de l'attestation " qu'elle avait fourni à la salariée, et ce qu'elle a confirmé dans le cadre d'une mesure d'instruction ordonnée par le conseil de prud'hommes.
La cour relève qu'en application de l'article 135 du code de procédure civile, le juge peut écarter des débats les pièces qui n'ont pas été communiquées en temps utile.
Les critiques exprimées par la société Rousseau Services sur ces deux pièces ont trait à leur force probante, et non à la possibilité qu'elle a eu de les examiner et de les discuter de manière contradictoire.
Ces pièces n'ont donc pas lieu d'être écartées des débats, encore moins d'être "jugées irrecevables ", leur force probatoire devant être examinée par la cour dans le cadre de l'examen du dossier.
La demande de la société Rousseau Services sera rejetée.
- Sur l'inaptitude de Mme [U]
Mme [U] prétend qu'elle a été licenciée pour faute grave alors qu'elle avait été précédemment, lors d'une visite du 3 janvier 2017, déclarée inapte par le médecin du travail, ce qui aurait dû conduire selon elle l'employeur à procéder à son licenciement pour inaptitude et l'empêchait de la licencier pour faute. Elle rappelle que depuis le 1er janvier 2017 l'inaptitude, selon les dispositions de l'article R.4624-42 du code du travail, est constatée par le médecin du travail en une seule visite.
L'employeur invoque la visite intervenue postérieurement, le 13 janvier 2017, à l'occasion de laquelle le médecin du travail a, au contraire, émis un avis d'aptitude, avec réserves.
L'article R.4624-42 du code du travail, modifié par décret n°2016-1908 du 27 décembre 2016, en vigueur depuis le 01 janvier 2017, prévoit que :
" Le médecin du travail ne peut constater l'inaptitude médicale du travailleur à son poste de travail que :
1° S'il a réalisé au moins un examen médical de l'intéressé, accompagné, le cas échéant, des examens complémentaires, permettant un échange sur les mesures d'aménagement, d'adaptation ou de mutation de poste ou la nécessité de proposer un changement de poste ;
2° S'il a réalisé ou fait réaliser une étude de ce poste ;
3° S'il a réalisé ou fait réaliser une étude des conditions de travail dans l'établissement et indiqué la date à laquelle la fiche d'entreprise a été actualisée ;
4° S'il a procédé à un échange, par tout moyen, avec l'employeur.
Ces échanges avec l'employeur et le travailleur permettent à ceux-ci de faire valoir leurs observations sur les avis et les propositions que le médecin du travail entend adresser.
S'il estime un second examen nécessaire pour rassembler les éléments permettant de motiver sa décision, le médecin réalise ce second examen dans un délai qui n'excède pas quinze jours après le premier examen. La notification de l'avis médical d'inaptitude intervient au plus tard à cette date. "
En l'espèce, Mme [U] a rencontré le médecin du travail une première fois le 3 janvier 2017, qui a émis un avis d'inaptitude, en précisant cependant la nécessité de la revoir le 13 janvier 2017, comme le texte précité l'y autorisait.
Par ailleurs, le médecin du travail n'a réalisé l'étude de poste imposé par ce texte que le 6 janvier 2017, de sorte que l'avis d'inaptitude rendu le 3 janvier 2017 n'a nécessairement été émis qu'à titre provisoire, étant d'ailleurs précisé qu'à cette date, Mme [U] était encore en arrêt de travail pour maladie et n'avait pas encore repris son travail.
Le 13 janvier 2017, le médecin du travail a déclaré Mme [U] " apte avec restrictions ", précisant : " port de charges limité à 5 kgs, pas de manutention de containers à poubelle, pas de travaux impliquant le maintien en flexion du rachis supérieur à 60°, privilégier les travaux en binôme, privilégier l'utilisation d'un chariot de ménage ou de seaux à roulettes ".
Le 22 janvier 2017, comme annoncé dans son courrier du 17 février 2017, Mme [U] se présentait à son travail.
Le 15 février 2017, le médecin du travail a de nouveau établi une fiche d'aptitude, reprenant les mêmes préconisations.
Il est donc démontré qu'à la date du licenciement auquel la société Rousseau Services a procédé ensuite, le 13 mars 2017, Mme [U] avait bien été déclarée apte à la reprise du travail, ce qui autorisait l'employeur à la licencier pour une autre cause.
- Sur le licenciement pour faute grave
Il résulte de l'article L.1232-1 du code du travail que tout licenciement pour motif personnel est justifié par une cause réelle et sérieuse.
Le motif inhérent à la personne du salarié doit reposer sur des faits objectifs, matériellement vérifiables et qui lui sont imputables.
L'article L.1235-1 du code du travail prévoit qu'en cas de litige, le juge, à qui il appartient d'apprécier le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties. Si un doute subsiste, il profite au salarié.
Enfin, la faute grave est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise et qui justifie la rupture immédiate de son contrat de travail, sans préavis ; la charge de la preuve pèse sur l'employeur.
La société Rousseau Services, rappelle en premier lieu que Mme [U] n'avait pas cessé, depuis le transfert de son contrat de travail en son sein, d'adopter " un comportement conflictuel " qui s'est traduit par l'envoi de plusieurs rappels à l'ordre et d'avertissements, à compter du 26 juin 2015.
La société Rousseau Services, s'agissant du motif invoqué à l'appui du licenciement, soutient que Mme [U] avait sollicité une autorisation d'absence le 23 février 2017 pour le lendemain, avec pour seul motif un rendez-vous, sans plus d'explication, ce qui lui a été refusé et qu'en dépit de ce refus, Mme [U], laissant seul son " binôme ", a quitté sa tournée. La société Rousseau Services ajoute que lors de l'entretien préalable, Mme [U] n'a pas fourni plus d'explication sur cette absence et que ce n'est qu'après son licenciement qu'elle a indiqué qu'il s'agissait pour elle de rencontrer une nouvelle fois le médecin du travail. L'employeur invoque à cet égard la déloyauté de Mme [U], évoquant une " stratégie " adoptée par celle-ci pour provoquer son licenciement et pour ensuite le contester.
Mme [U] soutient au contraire que l'employeur avait parfaitement connaissance de ce rendez-vous chez le médecin du travail, évoqué dans sa demande d'autorisation d'absence du 23 février 2017 et dans un email qu'elle a envoyé le 24 février 2017. Elle soutient en outre que contrairement à ce qu'affirme l'employeur, elle a bien fourni le motif de son absence lors de l'entretien préalable, comme le confirme Mme [W], qui l'a assistée à cette occasion. Enfin, elle aurait informé son employeur de cette visite en déposant la feuille de visite dans la boîte aux lettre de l'entreprise.
Il résulte des pièces du débat que :
-par email du 23 février 2017, Mme [U] indique à sa supérieure que son rendez-vous en début d'après-midi a été décalé à 10 h 30 et qu'il faudrait qu'elle " débauche à 10 heures ", ce à quoi il lui est répondu qu'elle n'est pas autorisée à s'absenter et qu'on compte sur elle pour être présente à son poste de travail le lendemain avec son binôme comme prévu initialement. Il n'est pas fait expressément référence à un rendez-vous auprès du médecin du travail.
-trois salariés témoignent de ce que le matin du 24 février 2017, Mme [U] a quitté son poste et qu'interrogée par l'un de ses supérieurs, M.[I], elle a indiqué qu'elle avait rendez-vous sans en préciser le motif, précisant à ce dernier : " cela ne vous regarde pas ".
-deux exemplaires d'un email adressé par Mme [U] à son employeur mentionnent : " j'avais juste un rv à la médecine du travail. J'ai votre feuillet ". L'exemplaire produit par la salariée mentionne une date du 24 février 2017 à 11h20. Celui produit par l'employeur mentionne la date du 21 mars 2017, soit après le licenciement, de sorte que ces documents ne présentent pas de valeur probante sur le point de savoir à quelle date l'employeur a effectivement eu connaissance de l'existence du rendez-vous médical.
-une attestation de Mme [W], produite par la salariée, qui indique que lors de l'entretien préalable, Mme [U] a dit qu'elle était à la médecine du travail le 24 février 2017 et qu'elle l'avait signalé par email du 23 février 2017;
-une attestation de la même Mme [W], produite par l'employeur, mentionnant qu'elle se rétractait de la précédente attestation, ce qu'elle a confirmé lors de son audition par les premiers juges, comme mentionné dans le " rapport d'instruction " réalisé sur l'initiative du conseil de prud'hommes : Mme [W] a confirmé que lors de l'entretien préalable, Mme [U] " a refusé d'indiquer où elle se trouvait le 24 février 2017, date à laquelle elle était absente de son poste de travail ".
-un courrier de Mme [U], daté du 21 mars 2017, en réponse à la lettre de licenciement, qui le premier mentionne expressément : " le 24 février dernier, j'avais rendez-vous à médecin du travail à 10 h 30, et je me suis rendue à ce rendez-vous après vous avoir informé que je m'absentais "
Il résulte de ces éléments qu'il est démontré que Mme [U], contrairement à ce qu'elle affirme, n'a pas averti l'employeur de ce qu'elle avait le 24 février 2017 rendez-vous auprès du médecin du travail, ni la veille de ce rendez-vous, ni lorsqu'elle a quitté son poste de travail le jour du rendez-vous, alors pourtant qu'elle a été invitée à donner des explications, ni lors de l'entretien préalable, ni en tout cas, avant que son licenciement soit prononcé, ce qui aurait éventuellement permis à l'employeur de se raviser sur sa décision de la licencier. La remise de la feuille de visite à l'employeur par la salariée n'est pas plus établie. La société Rousseau Services invoque légitimement la déloyauté de sa salariée à son égard.
Dans ces conditions, les faits reprochés par la société Rousseau Services à Mme [U] sont avérés et présentent un degré de gravité suffisant pour justifier la rupture immédiate du contrat de travail, compte tenu également de ce qu'il lui avait été expressément demandé de ne pas s'absenter ce jour-là, notamment parce que son " binôme ", Mme [C], qui n'avait pas le permis de conduire, ne pouvait donc pas poursuivre la tournée en l'absence de Mme [U], comme Mme [C] l'atteste, ce qui a provoqué la désorganisation du service.
C'est pourquoi le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a débouté Mme [U] de ses demandes afférentes au licenciement abusif.
-Sur le manquement de l'employeur à son obligation de sécurité
La société Rousseau Services soulève l'irrecevabilité de la demande de dommages-intérêts formée par Mme [U] pour manquement à son obligation de sécurité, présentée en cours d'instance, au visa de l'article 70 du code de procédure civile, qui impose qu'un lien suffisant relie la demande additionnelle aux prétentions originaires.
La cour relève en premier lieu que la demande de Mme [U], présentée au cours de la procédure de première instance, visant au paiement de dommages-intérêts en raison des manquements prétendus de la société Rousseau Services à son obligation de sécurité, présente un lien suffisant avec sa demande initiale consistant notamment à invoquer son inaptitude lors de sa reprise de travail.
Cette demande est donc recevable.
Ne méconnaît pas l'obligation légale lui imposant de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, l'employeur qui justifie avoir pris toutes les mesures prévues par les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail.
En vertu des articles L.4121-1 et L. 4121-2 du code du travail, l'employeur est tenu à l'égard de son salarié d'une obligation de sécurité. Il doit prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs (actions de prévention des risques professionnels et de la pénibilité au travail, actions d'information et de formation, mise en place d'une organisation et de moyens adaptés) en respectant les principes généraux de prévention suivants : éviter les risques, évaluer les risques qui ne peuvent pas être évités, combattre les risques à la source, adapter le travail à l'homme, en particulier en ce qui concerne la conception des postes de travail ainsi que le choix des équipements de travail et des méthodes de travail et de production, en vue notamment de limiter le travail monotone et le travail cadencé et de réduire les effets de ceux-ci sur la santé, tenir compte de l'état d'évolution de la technique, remplacer ce qui est dangereux par ce qui n'est pas dangereux ou par ce qui est moins dangereux, planifier la prévention en y intégrant, dans un ensemble cohérent, la technique, l'organisation du travail, les conditions de travail, les relations sociales et l'influence des facteurs ambiants, prendre des mesures de protection collective en leur donnant la priorité sur les mesures de protection individuelle, donner les instructions appropriées aux travailleurs. Il lui appartient de justifier qu'il a satisfait à ses obligations.
Mme [U] affirme que la société Rousseau Services a manqué à son obligation de sécurité en ce que, d'une part, elle a été amenée à travailler pendant 7 mois seule, son " binôme " étant en arrêt de travail, et qu'elle a dû accomplir des gestes contre-indiqués par le médecin du travail, malgré ses plaintes, et en ce que lors de sa reprise de travail, à la suite de l'accident du travail dont elle a été victime le 6 mai 2016, les préconisations émises par le médecin du travail n'ont pas plus été respectées.
La société Rousseau Services affirme avoir adapté le poste de Mme [U] lors de sa reprise.
La cour constate en premier lieu qu'aucun élément ne permet d'établir que l'employeur ait été avisé par Mme [U], ni par le médecin du travail, de ce qu'elle souffrait d'une fragilité particulière avant son accident du travail du 6 mai 2016, seul un certificat médical émis par son médecin généraliste le 3 octobre 2015, attestant d'une asrhénie (fatigue anormale), dont rien n'indique qu'il ait été communiquée à l'employeur.
Certes, par courrier du 25 février 2016, Mme [U] se plaignait de ses conditions de travail, et notamment de ce qu'elle travaillait seule, mais n'évoquait qu'un " grand ras le bol " sans faire référence à des difficultés de santé.
Le 6 mai 2016, Mme [U] est, selon ce qu'elle indique dans un courrier du 1er juillet 2016, tombée sur les marches " au 4 Bretonneau ".
Le 26 juin 2016, elle faisait état dans un email de son " mal au dos ", ce qui a conduit à un nouvel arrêt de travail.
Lors de sa reprise définitive, l'avis d'aptitude du 13 janvier 2017 mentionnait les réserves suivantes : " port de charges limité à 5 kgs, pas de manutention de containers à poubelle, pas de travaux impliquant le maintien en flexion du rachis supérieur à 60°, privilégier les travaux en binôme, privilégier l'utilisation d'un chariot de ménage ou de seaux à roulettes ".
Jusqu'à ces préconisations, l'employeur n'apparait aucunement avoir été avisé de la nécessité de faire travailler Mme [U] en binôme ou ne pas accomplir certains gestes, ces préconisations n'ayant été évoquées que lors de sa reprise définitive du travail après son accident du travail.
Aucun manquement de l'employeur à son obligation de sécurité ne peut donc lui être reproché à ce stade, jusqu'à ce que Mme [U] reprenne son travail après la cessation du versement des indemnités journalières par la caisse primaire d'assurance maladie, le 22 janvier 2017.
Mme [U] a alors été affectée au nettoyage des locaux de l'entreprise, et non sur des chantiers extérieurs, ce qu'elle ne conteste pas,
Par email du 21 février 2017, elle se plaignait de travailler seule et de faire " de la remise en état ", et évoquait une douleur au dos.
Il n'en demeure pas moins que le médecin du travail, après la visite de reprise du 13 janvier 2017, a revu Mme [U] à nouveau le 15 février 2017, puis encore le 24 février 2017, sans qu'aucune remarque n'ait été émise par celui-ci sur les conditions de la reprise du travail.
Dans ces conditions, il n'est pas établi que l'employeur n'ait pas respecté les préconisations du médecin de travail lors de la reprise par Mme [U] de son travail, ni qu'il ait enfreint son obligation de sécurité jusqu'au licenciement qui a été prononcé, légitimement, pour un tout autre motif.
C'est pourquoi le jugement entrepris, qui a débouté Mme [U] de sa demande de dommages-intérêts à ce titre, sera confirmé.
- Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens
La solution donnée au litige commande de condamner Mme [U] à payer à la société Rousseau Services la somme de 1000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile
PAR CES MOTIFS
La cour statuant par mise à disposition au greffe, contradictoirement et en dernier ressort,
Dit n'y a avoir lieu à déclarer irrecevable les pièces n°52 et n°61 ;
Confirme le jugement rendu le 12 novembre 2019 par le conseil de prud'hommes de Tours en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant,
Condamne Mme [J] [U] à payer à la société Rousseau Services la somme de 1000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne Mme [U] aux dépens d'appel.
Et le présent arrêt a été signé par le président de chambre, président de la collégialité, et par le greffier
Karine DUPONT Laurence DUVALLET