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28/04/2022 | FRANCE | N°19/03199

France | France, Cour d'appel d'Orléans, Chambre sociale, 28 avril 2022, 19/03199


C O U R D ' A P P E L D ' O R L É A N S

CHAMBRE SOCIALE - A -

Section 1

PRUD'HOMMES

Exp +GROSSES le 28 AVRIL 2022 à

la SCP LE METAYER ET ASSOCIES

Me Véronique PIOUX



AD



ARRÊT du : 28 AVRIL 2022



MINUTE N° : - 22



N° RG 19/03199 - N° Portalis DBVN-V-B7D-GA7Z



DÉCISION DE PREMIÈRE INSTANCE : CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE D'ORLEANS en date du 16 Septembre 2019 - Section : ENCADREMENT







APPELANTE :



SAS GILLES LEROUX I

NDUSTRIES agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social

27 rue Bernard Palissy

45800 SAINT JEAN DE BRAYE



représentée par Me Ag...

C O U R D ' A P P E L D ' O R L É A N S

CHAMBRE SOCIALE - A -

Section 1

PRUD'HOMMES

Exp +GROSSES le 28 AVRIL 2022 à

la SCP LE METAYER ET ASSOCIES

Me Véronique PIOUX

AD

ARRÊT du : 28 AVRIL 2022

MINUTE N° : - 22

N° RG 19/03199 - N° Portalis DBVN-V-B7D-GA7Z

DÉCISION DE PREMIÈRE INSTANCE : CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE D'ORLEANS en date du 16 Septembre 2019 - Section : ENCADREMENT

APPELANTE :

SAS GILLES LEROUX INDUSTRIES agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social

27 rue Bernard Palissy

45800 SAINT JEAN DE BRAYE

représentée par Me Agnès MENOUVRIER de la SCP LE METAYER ET ASSOCIES, avocat au barreau d'ORLEANS

ET

INTIMÉ :

Monsieur [U] [H]

né le 17 Septembre 1969 à CAMPEA BILA REAL

441 Rue du Général de Gaulle

45160 OLIVET

représenté par Me Véronique PIOUX, avocat au barreau d'ORLEANS

Ordonnance de clôture : 8 février 2022

Audience publique du 22 Février 2022 tenue par M. Alexandre DAVID, Président de chambre, et ce, en l'absence d'opposition des parties, assisté/e lors des débats de Mme Karine DUPONT, Greffier.

Après délibéré au cours duquel M. Alexandre DAVID, Président de chambre a rendu compte des débats à la Cour composée de :

Monsieur Alexandre DAVID, président de chambre, président de la collégialité,

Madame Laurence DUVALLET, présidente de chambre,

Madame Florence CHOUVIN-GALLIARD, conseiller

Puis le 28 Avril 2022 (délibéré prorogé, initialement fixé au 26 avril 2022), Monsieur Alexandre DAVID, président de Chambre, assisté de Mme Karine DUPONT, Greffier a rendu l'arrêt par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

FAITS ET PROCÉDURE

La SAS Gilles Leroux industrie (G.L.I.), implantée à Saint-Jean-de-Braye, dans le Loiret, a pour activité la fabrication de solutions d'enrôlements biométriques. Elle applique la convention collective nationale des bureaux d'études techniques, des cabinets d'ingénieurs-conseils et des sociétés de conseils du 15 décembre 1987.

Elle a engagé M. [U] [H], qui détenait 3 % des actions de la société, par contrat à durée indéterminée à temps partiel de 25 heures hebdomadaires, à compter du 1er octobre 2013, en qualité de directeur commercial, statut cadre, position 3,1 au coefficient 170 de cette convention collective, et pour un salaire mensuel de 3500 euros, outre une part variable, versée tous les trimestres, équivalant à 1 % du chiffre d'affaires qu'il avait pu réaliser, dans la limite de 5 millions de chiffre d'affaires.

Par avenant du 1er avril 2014, la durée de travail a été portée à 35 heures par semaine, pour une rémunération brute de 5000 €, assortie de la part variable, dans les mêmes termes du contrat initial.

Le 7 septembre 2016, le salarié a assigné son employeur en référé devant la juridiction prud'homale.

Par ordonnance du 4 novembre 2016, le conseil de prud'hommes d'Orléans a condamné la SAS Gilles Leroux industrie à payer à M. [U] [H] la somme de 8500 € au titre des salaires impayés pour les mois de décembre 2013 et février 2015. Le salarié a fait appel au service d'un huissier de justice pour recouvrer cette somme.

Par courrier du 19 janvier 2017, M. [H] a notifié à la société sa décision de démissionner, en raison des différents manquements à son égard.

Le 2 mars 2018, M. [U] [H] a saisi le conseil de prud'hommes d'Orléans, en sa section de l'encadrement, afin :

- que la société soit condamnée à verser aux débats, et sous astreinte journalière définitive de 100 €, le montant du chiffre d'affaires, certifié par le commissaire aux comptes, réalisé par elle pour la période du 13 septembre 2016 au 30 avril 2017 pour lui permettre de chiffrer ses demandes,

- qu'il soit constaté les manquements de l'employeur à ses obligations contractuelles,

- que la prise d'acte soit requalifiée en licenciement sans cause réelle et sérieuse,

-que la société soit condamnée à lui payer les sommes suivantes :

. 80'000 € de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

. 15'000 € d'indemnité de préavis,

. 8582,18 € d'indemnité légale de licenciement,

. 13'061 € d'indemnités kilométriques pour trois ans,

. 57'270,83 € de rappel de commissions arrêtées au 12 septembre 2016,

. 10'720,56 €de rappel de commissions pour la période du 13 septembre 2016 au 20 février 2017,

. 23'333 € de salaire pour le mois de décembre 2016 et du 1er janvier au 20 avril 2017,

. 2233 € de congés payés afférents,

. 48'880 €de dommages-intérêts pour la clause de non-concurrence non levée,

ces sommes devant porter intérêts du jour où elles sont dues pour les salaires et à compter du dépôt de la requête pour les autres,

. 2000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

De son côté, l'employeur a conclu :

-à titre principal : au constat que la démission de M. [H] est claire et non équivoque et, en conséquence, au débouté de sa demande de 80'000 € de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

-à titre subsidiaire, au constat que la prise d'acte de rupture produit les effets d'une démission et ,en conséquence ,au débouté de sa demande de 80'000 € de dommages-intérêts,

-et en tout état de cause :

. à l'irrecevabilité de toutes ses demandes,

. au constat qu'il a été intégralement rempli de ses créances au titre de l'exécution de son contrat de travail,

. en conséquence, au débouté des demandes suivantes :

-15'000 € d'indemnité de préavis,

-13'061 € d'indemnités kilométriques,

-57'270,83 € de rappel de commissions arrêtées au 12 septembre 2016,

- 23'333 € de rappel de salaires pour décembre 2016 et du 1er janvier au 20 avril 2017,

- 2333 € de congés payés afférents,

- 48'800 € au titre de la contrepartie de la clause de non-concurrence,

. le débouté de toutes les autres demandes de M. [H],

. et sa condamnation à lui régler

- 2318,24 € au titre du remboursement du trop-perçu au titre du rappel de salaire payé,

- 2500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement du 16 septembre 2019, le conseil de prud'hommes d'Orléans a :

Constaté que la SAS Gilles Leroux industrie avait versé aux débats l'ensemble des pièces et documents dont la production lui a été ordonnée par le conseil et notamment le chiffre d'affaires certifié conforme servant au calcul des commissions ;

Déclaré M. [U] [H] recevable :

En sa demande de paiement de la contrepartie de la clause de non concurrence ;

En sa demande de paiement de l'indemnité légale de licenciement ;

En sa demande de paiement des commissions correspondant à la période allant du 13 septembre 2016 au 20 février 2017.

Constaté que la lettre de M. [U] [H] en date du 19 janvier 2017 n'était pas une lettre de démission claire et non équivoque ;

Requalifié la lettre en date du 19 janvier 2017 en une prise d'acte de la rupture du contrat de travail produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

En conséquence,

Condamné la SAS Gilles Leroux industrie à verser à M. [U] [H] les sommes suivantes :

30 000,00 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

8 582,18 euros à titre d'indemnité légale de licenciement ;

Condamné la SAS Gilles Leroux industrie à verser à M. [U] [H] les suivantes :

13 061,00 euros à titre d'indemnités kilométriques,

30 575,55 euros à titre de rappel de commissions pour la période antérieure au 12 septembre 2016 ;

10 720,56 euros à titre de rappel de commissions pour la période allant du 13 septembre 2016 au 20 février 2017,

23 333,00 euros à titre de rappel de salaires pour les mois de décembre 2016 et du 1er janvier au 20 avril 2017, outre la somme de 2 333,00 euros au titre des congés payés y afférents ;

48 880,00 euros au titre de la contrepartie pécuniaire de la clause de non concurrence,

Condamné la SAS Gilles Leroux industrie à verser à M. [U] [H] la somme de 1 500,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Ordonné la SAS Gilles Leroux industrie :

De remettre à M. [U] [H] les documents de fin de contrat conformes à la présente décision,

De rembourser aux organismes sociaux les indemnités de chômage versées au salarié dans la limite de 6 mois d'indemnités de chômage ;

Débouté M. [U] [H] du surplus de ses demandes ;

Débouté la SAS Gilles Leroux industrie de sa demande reconventionnelle ;

Condamné la SAS Gilles Leroux industrie aux entiers dépens.

Ce jugement a été notifié le 19 septembre 2019. La SAS Gilles Leroux industries a interjeté appel de cette décision le 3 octobre 2019.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Vu les dernières conclusions remises au greffe par voie électronique le 24 juin 2020 auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens et prétentions conformément à l'article 455 du code de procédure civile et aux termes desquelles la SAS Gilles Leroux industrie demande à la cour de :

Dire et juger la SAS GLI recevable en son appel et la déclarer bien fondée ;

Infirmer le jugement du Conseil de Prud'hommes d'Orléans du 16 septembre 2019 en toutes ses dispositions ;

Statuant à nouveau,

A titre principal,

Constater que la démission de M. [U] [H] est claire et non équivoque ;

En conséquence,

Débouter M. [U] [H] de sa demande de paiement de 80.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

A titre subsidiaire,

Constater que la prise d'acte de la rupture du contrat produit les effets d'une démission ;

En conséquence,

Débouter [U] [H] de sa demande de paiement de 80.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

En tout état de cause,

Déclarer M. [U] [H] irrecevable :

En sa demande de paiement de la contrepartie de la clause de non concurrence.

En sa demande de paiement de l'indemnité légale de licenciement.

En sa demande de paiement des commissions correspondant à la période allant du 13 septembre 2016 au 20 février 2017 ;

Constater que M. [U] [H] a été intégralement rempli au titre de l'exécution de son contrat de travail ;

En conséquence,

Débouter M. [U] [H] de ses demandes en paiement des sommes suivantes :

15.000 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis.

13.061 euros au titre du paiement des indemnités kilométriques.

57.270,83 euros au titre du rappel de commissions arrêté au 12 septembre 2016.

23.333 euros au titre du rappel de salaire pour décembre 2016 et du 1er janvier au 20 avril 2017.

2.333 euros au titre des congés payés afférents.

48.800 euros au titre de la contrepartie de la clause de non concurrence.

Débouter M. [U] [H] de ses autres demandes, fins et conclusions ;

Condamner M. [U] [H] au paiement des sommes de :

2.318,24 euros à titre de remboursement du trop-perçu au titre du rappel de salaire payé.

2.500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Le condamner aux entiers dépens.

À titre liminaire, la SAS Gilles Leroux industrie affirme que les demandes non chiffrées s'avèrent irrecevables sur le fondement de l'article R. 1452-2 du code du travail.

Elle soutient que son adversaire disposait de tous les éléments nécessaires pour procéder au chiffrage de ses demandes et, notamment, celle de la contrepartie pécuniaire de la clause de non-concurrence.

Sur la demande de requalification de la prise d'acte, elle insiste sur le caractère libre et réfléchi de l'expression de la démission du 19 janvier 2017, qui s'analyse comme une volonté claire et non équivoque, alors que le salarié n'invoque aucune pression de l'employeur qui aurait pu remettre en cause l'expression libre de sa volonté. En réalité, il avait d'autres projets professionnels en tête et c'est cette raison qui l'a poussé à se démettre de ses fonctions.

Elle affirme que M. [U] [H] ne peut prétendre à aucune rémunération, n'ayant, pour la période en cause, fourni aucune prestation de travail comme l'attestent les différents salariés dans les pièces fournies aux débats.

Il n'a pas justifié de son absence et elle soutient que, le salaire étant la contrepartie du travail, la non-exécution de ce dernier, en raison de l'absence injustifiée, autorise l'employeur à réduire la rémunération proportionnellement à la durée de l'absence.

Pendant huit mois, il n'est pas apparu à son bureau à Saint-Jean-de-Braye et les pièces qu'il produit aux débats ne sauraient justifier de son activité effective pour le compte de la société d'octobre 2016 à avril 2017. Les 300 courriels évoqués ne correspondent qu'à deux courriels par jour dont on ne peut déduire une activité effective à temps plein.

Quant aux attestations que M. [H] verse aux débats, elle assure qu'il s'agit d'attestations de complaisance qui ne sauraient justifier d'un travail effectif sur cette longue période.

Pour les commissions postérieures au 12 septembre 2016, comme la demande n'est pas chiffrée ,elle est donc irrecevable. Pour celle arrêtée au 12 septembre 2016, à hauteur de 57'270,83 € ,elle est pour partie prescrite. Des commissions ont été calculées à tort sur des pièces correspondant à des frais de transports.

Elle rappelle que l'ouverture du droit à commission ne peut être réalisée que sur le chiffre d'affaires réalisé par le service commercial et doit être répartie entre les salariés affectés à ce service. Il existait en réalité trois personnes au service commercial qui devaient se partager le 1 % de commissions.

Sur la demande en paiement d'indemnités kilométriques. M. [H] ne justifie pas des frais engagés et ne communique aux débats aucune pièce nouvelle qui justifierait qu'il ait effectué des déplacements pour l'exercice de ses missions au sein de la société.

Sur la demande de requalification de la démission en prise d'acte, elle fait valoir qu'il appartient au juge de vérifier la réalité des faits reprochés alors que les manquements invoqués ont rendu impossible la poursuite de son contrat de travail.

Le salarié ne peut prétendre, au mieux, qu'au versement de la somme de 5972,22 € au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement.

Sur la contrepartie de la clause de non-concurrence, elle soutient que le salarié n'a pas respecté cette clause.

Sur le remboursement du trop-perçu au titre du rappel de salaire payé, elle expose avoir versé 8951,92 € alors qu'elle ne lui devait que 8500 €. Le salarié a, ainsi, indûment perçu la somme de 2318,24 € dont elle revendique le paiement.

Vu les dernières conclusions remises au greffe par voie électronique le 25 mars 2020 auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens et prétentions conformément à l'article 455 du code de procédure civile et aux termes desquelles M. [U] [H], relevant appel incident, demande à la cour de :

Dire l'appel de la SAS Gilles Leroux industrie recevable mais mal fondé ;

Faisant droit à l'appel incident de M. [U] [H] ;

Déclarer M. [U] [H] recevables :

En sa demande de paiement de contrepartie de la clause de non-concurrence,

En sa demande de paiement de l'indemnité légale de licenciement,

En sa demande de paiement des commissions correspondant à la période allant du 13 septembre 2016 au 20 février 2017

Constaté que la lettre de M. [U] [H] en date du 19 janvier 2017 n'était pas une lettre démission claire et non équivoque ;

Requalifié la lettre en date du 19 janvier 2017 en une prise d'acte de la rupture du contrat de travail produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Condamné la SAS Gilles Leroux industrie à lui verser les sommes de :

8 582,18 euros à titre d'indemnité légale de licenciement ;

13 061 euros à titre d'indemnités kilométriques ;

10 720,56 euros à titre de rappel de commissions pour la période allant du 13 septembre 2016 au 20 février 2017 ;

- 23.333 euros à titre de rappel de salaires de décembre 2016 et du 1er janvier 2017 au 20 avril 2017 ;

48 880 euros au titre de la contrepartie pécuniaire de la clause de non-concurrence ;

1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

Ordonné à la SAS Gilles Leroux industrie :

De lui remettre les documents de fin de contrat conformes à la présente décision,

Rembourser aux organismes sociaux les indemnités de chômage qui lui ont été versées dans la limite de 6 mois d'indemnité de chômage ;

Débouté la SAS Gilles Leroux industrie de sa demande reconventionnelle ;

Condamné la SAS Gilles Leroux industrie aux dépens ;

Infirmer le jugement en ce qu'il a :

Limité le montant des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à la somme de 30.000 euros,

Limité à la somme de 30.575,55 euros le montant de son rappel de commissions pour la période antérieure au 12 septembre 2016 ;

En conséquence,

Condamner la société G.L.I. au paiement des sommes suivantes ;

Dommages et intérêts pour cause de licenciement sans cause réelle et sérieuse : 80 000 euros ;

Les commissions dues au 12 septembre 2016 pour 57 270,83 euros ;

Condamner la SAS Gilles Leroux industrie à payer à M. [U] [H] un montant de 2.500 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'en tous les dépens ;

Débouter la SAS Gilles Leroux industrie de toutes ses demandes plus amples ou contraires aux termes des présentes.

S'agissant des indemnités kilométriques, M. [U] [H] rappelle que le contrat de travail, en son article 13, évoque ses frais, alors qu'il n'a jamais été remboursé du montant de ces frais-là. Il fait valoir que M. [G], dans son courriel du 8 juin 2016, reconnaît que ces frais sont dus et qu'il allait voir avec son expert-comptable comment procéder. Cet expert avait rédigé une attestation confirmant que le salarié avait effectué 33'488 km, ce qui représentait la somme de 13'061 €.

Concernant les commissions, l'article 6 du même contrat de travail prévoit une part variable de rémunération qui doit être versée chaque trimestre après encaissement total des factures. Il estime qu'au 12 septembre 2016, il lui était dû 57'272,83 € ,et 10'191,85 € pour les commissions postérieures à septembre 2016.

Il dénie toute prescription, alors que la demande en justice, même en référé, interrompt le délai de prescription, comme le délai de forclusion, selon les dispositions des articles 2241 et 2243 du Code civil.

Le fichier de validation concerne 57'270,83 € et constitue la seule référence qui soit, en sorte que cette somme doit lui être allouée.

Il affirme avoir été le seul commercial de la société et n'avoir jamais été avisé de l'embauche d'autres commerciaux, alors que la société s'est abstenue de verser aux débats les registres d'entrée et de sortie du personnel, pas plus que le contrat de travail des deux autres prétendus commerciaux.

En définitive, le contrat de professionnalisation de Mme [R] a été produit et aucune rémunération au pourcentage n' y est prévu.

Quand au contrat de M. [E], celui-ci n'a jamais fait partie des collaborateurs du service commercial et est expatrié aux États-Unis. L'avenant n° 1 de son contrat de travail, supposé signé le 20 mars 2011, n'est pas signé de l'employeur ni par aucune des parties.

Selon lui, ces mascarades ne sont destinées qu'à le spolier de ses droits (conclusions, p. 14, dernière ligne).

Sur les commissions postérieures au 12 septembre 2016, il a dû, à défaut de pièces produites, se fonder sur le bilan de la société qui fait apparaître un chiffre d'affaires de 1'449'562 €, de janvier 2016 à mars 2017 et sur les commandes postérieures à son départ, en avril 2016, dont il a eu connaissance, il en déduit un chiffre d'affaires global, ce qui aboutit à 1072'056,79 €,dont il lui est dû 1 %, soit 10'720,56 €.

Il soutient que ses salaires pour décembre 2016 et de janvier à avril 2017 sont réellement dus, eu égard aux actions qu'il a pu mener pendant tout ce temps-là et qui sont constatées, tant par un constat d' huissier que des attestations de clients.

Sur la requalification de la prise d'acte en licenciement, il expose que, dès lors que des salaires n'avaient pas été versés en temps et en heure, il s'agit de manquements graves de l'employeur qui doivent être sanctionnés par la requalification qui produit en conséquence les effets d' un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

La cause de non-concurrence a été signée le 4 février 2014 et il y était stipulé qu'il devrait percevoir 30 % de son salaire pendant deux ans, alors qu'il n'a jamais été dispensé de l'exécution de cette clause. La moyenne mensuelle de sa rémunération doit s'élever à 6789 €, eu égard aux commissions qui s'ajoutent à la somme de 5000 € mensuels de salaire fixe. 30 % de cette somme sur 24 mois composent une somme de 48'880 euros.

Sur la demande reconventionnelle de la société, il affirme qu'elle ne démontre pas avoir versé plus qu'elle ne devait et ,subsidiairement, il y aurait lieu à compensation entre les sommes dues de part et d'autre.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 8 février 2022, renvoyant la cause et les parties à l'audience des plaidoiries du 22 février 2022.

MOTIFS DE LA DÉCISION

La notification du jugement est intervenue le 19 septembre 2019, en sorte que l'appel principal de la société, régularisé au greffe de cette cour, le 3 octobre suivant, dans le délai légal d'un mois, s'avère recevable en la forme, comme l'appel incident de M. [H], sur le fondement des dispositions de l'article 550 du code de procédure civile.

Sur la recevabilité des demandes non chiffrées

La SAS Gilles Leroux industrie expose que, dans la requête introductive de l'action du salarié, le 2 mars 2018 devant le conseil de prud'hommes d'Orléans, trois demandes n'étaient pas chiffrées : celle concernant le paiement de la contrepartie de la clause de non-concurrence, celle relative à l'indemnité légale de licenciement et celle concernant les commissions au titre de la période du 13 septembre 2016 au 20 février 2017.

Elle se fonde sur les dispositions des articles R. 1452-2 du code du travail et 58 du code de procédure civile.

Le premier de ces textes dispose que la requête est faite, remise ou adressée au greffe du conseil de prud'hommes et qu'elle doit comporter les mentions prescrites à peine de nullité à l'article 58 du code de procédure civile et doit contenir un exposé sommaire des motifs de la demande et mentionne chacun des chefs de celle-ci.

Le second de ces textes porte sur le contenu de la requête concernant l'indication des noms, prénoms, profession, domicile, nationalité, dates et lieu de naissance et l'objet de la demande.

Il est exact que dans un premier temps, M. [H] ne disposait pas des éléments suffisants pour fixer ses demandes. Cependant, au cours de la procédure, il a pu chiffrer celles-ci qui apparaissent bien dans le corps du jugement rendu par le conseil des prud'hommes le 16 septembre 2019. Il en résulte que le conseil de prud'hommes était bien saisi de demandes chiffrées sur lesquelles il a statué. Tel est également le cas de la cour d'appel.

Dans ces conditions, il convient de rejeter la fin de non-recevoir soulevée par la SAS Gilles Leroux industrie.

Sur les demandes de rappel de salaire de décembre 2016 et du 1er janvier au 20 avril 2017

L'employeur est tenu de payer sa rémunération et de fournir un travail au salarié qui se tient à sa disposition. Il appartient à l'employeur de démontrer que le salarié a refusé d'exécuter son travail ou qu'il ne s'est pas tenu à sa disposition (Soc., 23 octobre 2013, pourvoi n° 12-14.237, Bull. 2013, V, n° 248).

La SAS Gilles Leroux industrie soutient que le non-paiement des salaires serait justifié par l'absence, en contrepartie, d'une prestation de travail.

A titre liminaire, il y a lieu de relever que l'employeur ne justifie pas avoir invité le salarié à reprendre ses fonctions ou avoir considéré que celui-ci avait abandonné son poste.

La pièce 19 du salarié démontre qu'il ne pouvait pas obtenir facilement des informations et que la secrétaire devait obtenir l'autorisation de M. [P] [G], président de la société, pour les lui envoyer. Celle-ci ajoute dans son courriel du 3 octobre 2016 : « je dois passer par [P] pour te donner ces informations. Pour le moment il ne m'y autorise pas. Je suis désolée.»

Et dans la même journée M. [G], cette fois-ci ,directement à M. [H] lui précise dans un autre courriel : « [U], j'attends l'avis de notre conseil sur ce que nous avons à faire et, en fonction de sa réponse, nous t'enverrons ou non ces informations. »

Cette hostilité manifeste de l'employeur envers son propre directeur commercial démontre les difficultés dans lesquelles celui-ci a eu à se débattre au sein même de la société.

Le procès-verbal d'huissier de justice du 7 septembre 2018 démontre, par la connexion aux anciens courriels professionnels adressés au salarié, qu'environ 300 courriels ont été échangés avec lui sur la période du 20 juillet 2016 au 20 avril 2017, date de son départ de la société.

Certains de ces courriels sont relatifs aux entraves mises à son activité de directeur commercial, notamment celui précité du 3 octobre 2016, un courriel du 5 octobre 2016 avec un client, l'Imprimerie nationale, et un échange de courriels du 19 octobre 2016 avec son assistante.

L'huissier de justice a constaté l'existence de badges attestant la participation du salarié à différents salons, le 15 novembre 2016, du 29 novembre 2016 au 1er décembre 2016 ainsi que du 14 au 24 novembre 2016.

Un échange de courriels d'août, octobre, et novembre 2016 atteste de l'activité de M. [U] [H]. Celui-ci a même répondu à un courriel pendant ses congés, au mois d'août 2016.

Il ressort du procès-verbal de constat d'huissier de justice qu'en tant qu'actionnaire de la société, M. [H] a reçu du cabinet d'expertise comptable Michel Creuzot un bilan et que les comptes sont validés par ce cabinet et s'avèrent réels. Ainsi lui a-t-il été communiqué un tableau des comptes annuels sur les cinq dernières années de nature à refléter la réalité de la comptabilité de la société.

L'article 3 du contrat de travail du 4 février 2014 définit les fonctions de M. [U] [H] en qualité de directeur commercial. À ce titre, il devait organiser des opérations marketing de vente dans les régions de vente, participer activement aux opérations marketing régionales, salons et lancement de produits, vers un réseau de revendeurs.

En outre, il devait animer la relation commerciale française internationale grands comptes ainsi qu'un réseau de revendeurs, négocier et signer les contrats et ventes faits en France et à l'international ainsi que motiver, animer des équipes commerciales en France et à l'étranger.

M. [G] lui a adressé un courriel le 8 juin 2016 (pièce n° 19-1 du dossier du salarié) : « J'en prends bonne note (des commissions) et j'ai vu de mon côté avec notre cabinet comptable. Le fait que ce soit indiqué dans ton contrat te protège de droit, mais rien n'empêche que nous faisions un document entre nous ['] Dans tous les cas, il n'y pas de risque pour toi et tu sais que ce n'est pas mon intention que tu perdes cela, quel que soit notre avenir.

Pour tes frais de déplacement il faut que tu me redonnes tes kilomètres et ta formule de calcul qu'on le note aussi. Je vérifierai avec le cabinet sur la manière de faire [...] et donc il faut peut-être qu'on mentionne le fait qu'on a déterminé cette somme d'un commun accord ou autre possibilité.

Idem pour les salaires non payés, il sont aussi bien identifiés mais on pourra le mettre dans le doc. »

Quatre attestations de clients d'avril 2017 démontrent que M. [H] avait développé des relations commerciales avec chacun de ses clients, aussi bien à Bordeaux à Tours, à Abidjan (Côte d'Ivoire) ou au Congo (pièces 15-1, 15-2, 15-3 et 15-4 du dossier du salarié).

Ses clients et ses nouveaux projets exigent de nombreuses interactions : contacts téléphoniques, présences physiques et échange de courriels.

La SAS Gilles Leroux industrie verse aux débats une dizaine d'attestations de ses salariés qui démontrent la quasi-absence complète du directeur commercial à ses bureaux d'octobre 2016 à avril 2017. Ces attestations ne suffisent pas à rapporter la preuve que le salarié ne se consacrait pas à sa tâche, dans la mesure où ses fonctions l'appelaient beaucoup sur le territoire français et à l'international.

L'employeur ne rapporte pas la preuve que M. [U] [H] ne s'est pas tenu à disposition en décembre 2016 et du 1er janvier au 20 avril 2017. Il est donc tenu au paiement du salaire.

Par voie de confirmation du jugement, il y a lieu de condamner la SAS Gilles Leroux industrie à payer à M. [U] [H] les sommes de 23'333 € à titre de rappel de salaire et de 2 333 € au titre des congés payés afférents.

Sur la demande de rappel de commissions

A) Sur les commissions dues au titre de la période antérieure au 12 septembre 2016

L'article 2241 du Code civil dispose que la demande en justice, même en référé, interrompt le délai de prescription ainsi que le délai de forclusion et l'article 2243 du même code ajoute que l'interruption est non avenue, si les demandeurs se désistent de leur demande ou laissent périmer l'instance ou si leur demande est définitivement rejetée.

En se déclarant incompétent en raison de l'existence d'une contestation sérieuse, le juge des référés statue sur la demande, de sorte que cette décision rend non avenue l'interruption de prescription résultant de l'assignation en référé (2e Civ., 14 mai 2009, pourvoi n° 07-21.094, Bull. 2009, II, n° 127).

M. [U] [H] a introduit le 7 septembre 2016 devant le conseil de prud'hommes d'Orléans une requête en référé qui a donné lieu à une ordonnance du 4 novembre 2016 aux termes de laquelle la société a été condamnée à lui payer la somme brute de 8500 € au titre des salaires impayés pour décembre 2013 et février 2015. Le juge des référés a estimé qu'il existait une contestation sérieuse sur les demandes en paiement de commissions impayées ainsi que des indemnités kilométriques et l'a renvoyé à mieux se pourvoir et à saisir le juge du fond.

Il en résulte que l'ordonnance du 4 novembre 2016 a rendu non avenue l'interruption de prescription résultant de la saisine du juge des référés.

M. [U] [H] a saisi au fond la juridiction prud'homale le 2 mars 2018. Il y a lieu de considérer qu'en sollicitant en rappel des commissions dues depuis le début de la relation de travail, soit le 1er octobre 2013, il invoque le maximum des droits qu'il tient de l'article L. 3245-1 du code du travail. Sa demande est donc recevable en ce qu'elle porte sur les commissions dues au titre des trois années qui précèdent la rupture du contrat de travail, intervenue par la démission à effet du 20 janvier 2017, soit à compter du 20 janvier 2014.

L'article 6 du contrat de travail conclu 4 février 2014 par M. [H], applicable à compter du 1er octobre 2013, prévoit qu'à sa rémunération fixe mensuelle s'ajoute une part variable correspondant à 1 % du chiffre d'affaires réalisé en direct par lui et qu'au-delà le taux de commission serait négocié entre les parties.

L'avenant n° 2 au contrat de travail, applicable à compter du 1er avril 2014, prévoit que la part variable, correspondant à 1 % du chiffre d'affaires réalisé par le service commercial - et non pas en direct par le salarié - dans la limite de 5 millions d'euros de chiffre d'affaires serait à répartir entre les salariés affectés au service commercial.

S'agissant de l'assiette de calcul de la part variable - le chiffre d'affaires réalisé -, la SAS Gilles Leroux industrie conteste utilement, par sa pièce n° 17, les éléments de calcul présentés par M. [U] [H]. L'employeur verse aux débats un tableau récapitulatif des affaires traitées par le service commercial et ayant donné lieu à l'émission de factures effectivement réglées par les clients (pièce n° 18). Il y a lieu de retenir ce document et de considérer que la part variable doit être calculée, ainsi que le soutient l'employeur, sur la base d'un chiffre d'affaires de 3 057 554,72 euros.

La SAS Gilles Leroux industrie soutient que la part variable doit être répartie entre les trois membres du service commercial, M. [U] [H], M. [M] [E] et Mme [C] [R].

L'employeur produit l'avenant n° 2 au contrat de travail de M. [M] [E] du 1er octobre 2013, signé par les parties, d'où il ressort qu'à sa rémunération fixe mensuelle s'ajoute une part variable correspondant à 1 % du chiffre d'affaires réalisé en direct par lui et qu'au-delà le taux de commission serait négocié entre les parties (pièce n°20).

Il en ressort que la part variable est calculée sur le chiffre d'affaires réalisé en direct par le salarié, domicilié aux Etats-Unis.

Il ne résulte pas de cet avenant au contrat de travail que M. [M] [E] faisait partie du service commercial. M. [U] [H] produit d'ailleurs un avenant n° 1 au contrat de travail de M. [M] [E], conclu le 20 mars 2011, dont il ressort qu'il exerce les fonctions de directeur du développement international.

Dans son attestation, Mme [C] [R] indique exercer les fonctions d'assistante commerciale, et être présente dans l'entreprise du lundi au mercredi dans le cadre d'une formation en alternance. Il ne résulte d'aucun élément du débat qu'elle avait droit à une rémunération variable, calculée sur le chiffre d'affaires du service commercial.

Ainsi que l'observe avec pertinence M. [U] [H], la SAS Gilles Leroux industrie ne verse pas aux débats les bulletins de paie de M. [M] [E] et Mme [C] [R] qui seraient de nature à démontrer la perception d'une part variable assise sur le chiffre d'affaires réalisé par le service commercial.

Aussi, faute pour l'employeur d'apporter des éléments sur les modalités de répartition de l'assiette de calcul de la partie variable de la rémunération, il y a lieu, par voie de confirmation du jugement, de condamner la SAS Gilles Leroux industrie à payer à M. [U] [H] la somme de 30 575,55 € à titre de rappel de commissions pour la période antérieure au 12 septembre 2016.

B) Sur les commissions dues au titre de la période postérieure au 12 septembre 2016

Selon les éléments de calcul présentés par le salarié, le chiffre d'affaires sur la base duquel doivent être calculées les commissions est de 1'072'056,79 €.

L'employeur n'apporte aucun élément de nature à contredire cette estimation.

Par conséquent, par voie de confirmation du jugement, il y a lieu de condamner la SAS Gilles Leroux industrie à payer à M. [U] [H] la somme de 10'720,56 € à titre de rappel de commissions pour la période postérieure au 12 septembre 2016.

Sur la demande relative aux indemnités kilométriques

L'article 13 du contrat de travail du 4 février 2014 prévoit que les frais de restaurant, hôtel et transport engagés par le salarié dans le cadre de l'exercice de ses fonctions lui seront remboursés sur justificatifs.

Dans son courriel du 8 juin 2016, M. [G] reconnaît que les frais de déplacement sont dus au salarié et l'invite à s'adresser à l'expert comptable de la société.

M. [U] [H] verse aux débats le courriel adressé le 30 juin 2016 à l'expert comptable. Il y a lieu de retenir qu'il établit qu'une somme de 13'061 € lui est due au titre de 33'490 km parcourus avec son véhicule personnel (pièces 10 et 11). Le kilométrage parcouru ne saurait être considéré comme excessif eu égard aux fonctions nationales et internationales que ce directeur commercial assumait.

Dans ces conditions il convient de confirmer la somme allouée à ce titre par les premiers juges, à hauteur de 13'061 €.

Sur la demande de requalification de la démission en prise d'acte produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse

La lettre du 19 janvier 2017 de M. [H], adressée en courrier recommandé à l'employeur, énonce :

« Je regrette de ne toujours pas avoir reçu de votre part le règlement des causes de l'ordonnance de référé du 4 novembre 2016.

Je regrette encore d'être payé en retard de mes salaires et encore ce mois-ci. En effet, à ce jour je n'ai pas reçu mon salaire de décembre.

Je regrette encore que vous ne me permettiez plus de travailler normalement et notamment en détournant à votre profit les contacts et relations commerciales que j'ai pu établir avec les clients de GLI.

Aussi je ne me vois pas continuer à travailler dans ces conditions. Je me vois donc contraint de vous indiquer que je cesserai mon emploi, à l'expiration du délai de préavis applicable.

Je vous informe par la présente de ma décision de quitter l'entreprise et donc les fonctions de directeur commercial que j'occupais depuis le 1er octobre 2013.

Cette décision prend effet le 20 janvier 2017, et sera effective à l'issue du préavis de trois mois prévu par la convention collective soit le 20 avril 2017 au soir...»

La lettre de démission fait expressément état d'un litige entre le salarié et l'employeur, contemporain à la rupture, et s'analyse dès lors comme une prise d'acte.

M. [H] n'a pas été réglé de son salaire de décembre 2013 et de février 2015. Il a dû introduire une requête en référé le 7 septembre 2016 pour obtenir satisfaction le 4 novembre 2016 puisque le conseil des prud'hommes d'Orléans en référé a condamné la société à lui payer la somme de 8 500 euros à ce titre. De surcroît, l'employeur ne s'est pas spontanément acquitté de cette condamnation, un commandement aux fins de saisie-vente lui ayant été signifié le 9 janvier 2017 (pièce n° 4).

Ainsi qu'il a été précédemment exposé, la SAS Gilles Leroux industrie s'est révélée défaillante dans le règlement du salaire de décembre 2016 et des commissions dues au salarié.

Les manquements de l'employeur à ses obligations sont, par leur gravité, de nature à empêcher la poursuite du contrat de travail. Il y a lieu de dire que la prise d'acte de la rupture produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

La prise d'acte produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, il y a lieu, en application des dispositions de l'article L. 1235-4 du code du travail, d'ordonner à l'employeur de rembourser aux organismes concernés les indemnités de chômage versées au salarié, dans la limite de six mois d'indemnités. Le jugement est confirmé de ce chef.

Il y a lieu de confirmer le jugement en ce qu'il a ordonné la remise des documents de fin de contrat.

Sur les demandes au titre de la rupture

Dès lors que la cour a confirmé que la démission devait être requalifiée en prise d'acte de rupture produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, M. [H] a droit à une indemnité de licenciement ainsi qu'à une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

La base de calcul de l'indemnité de licenciement proposée par l'employeur n'est pas justifiée, puisqu'elle ne prend pas en compte la partie variable de la rémunération. Il y a donc lieu de confirmer le jugement du conseil de prud'hommes fixant l'indemnité de licenciement à 8 582,18 euros.

Compte tenu des effectifs de la SAS Gilles Leroux industrie, il y a lieu de fixer le montant de l'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse en se fondant sur l'article L.1235-5 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 relative à la prévisibilité et la sécurisation des relations de travail.

En considération de la situation particulière du salarié, notamment de son âge, de son ancienneté au moment de la rupture, des circonstances de celle-ci, de sa capacité à retrouver un emploi compte tenu de sa formation, il y a lieu de condamner la SAS Gilles Leroux industrie à verser à M. [U] [H] la somme de 40 000 euros net à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. Le jugement est infirmé de ce chef.

Sur la contrepartie de la clause de non-concurrence

Selon l'avenant n° 1 au contrat de travail signé le 4 février 2014, une clause de non-concurrence a été stipulée entre les parties. En contrepartie de son obligation de non-concurrence, il était stipulé que le salarié percevrait de la société une compensation mensuelle calculée sur la base de 30 % de sa rémunération mensuelle moyenne brute au cours des 12 mois précédant la date de cessation de ses fonctions et pendant une durée de deux ans.

Au moment de sa démission, la société ne l'a pas dispensé de l'exécution de cette clause.

Aucune pièce du dossier n'est de nature à établir le bien-fondé de l'affirmation de l'employeur selon laquelle le salarié n'aurait pas respecté la clause de non-concurrence.

Il y a donc lieu de confirmer le jugement en ce qu'il a condamné l'employeur au paiement de la somme de 48'880 € au titre de la contrepartie de la clause de non-concurrence.

Sur la demande de l'employeur de remboursement d'un trop-perçu

A la suite de l'ordonnance du 4 novembre 2016, M. [U] [H] a fait délivrer à la SAS Gilles Leroux industrie le 9 janvier 2017 un commandement aux fins de saisie vente portant sur un montant de 8 813,57 euros.

La SAS Gilles Leroux industrie se prévaut du versement à l'huissier de justice de deux versements opérés le 22 février 2017, l'un par virement, l'autre par chèque, d'un montant cumulé de 8951,22 euros.

La SAS Gilles Leroux industrie n'explicite pas les modalités de calcul la conduisant à retenir que la somme à payer en net ne s'élevait qu'à 6 633,68 € alors que la condamnation en brut était de 8500 euros.

En tout état de cause, elle n'a pas fait appel de l'ordonnance de référé qui a fixé sa dette à 8500 € brut. M. [H] a été contraint de solliciter un huissier de justice. En plus du principal de la créance, l'entreprise débitrice est donc tenue de s'acquitter, seon les calculs non contestés de l'huissier de justice, les intérêts acquis pour 122,35 €, les frais de procédure pour 3,70 €, les émoluments proportionnels de 17, 75 € et le coût de l'acte de 169,77 €. Les sommes versées à ce titre ne sauraient être considérées comme indues.

En conséquence, par voie de confirmation du jugement, il convient de débouter la société de sa demande de trop-perçu à hauteur de 2318,24 €.

Sur les dépens et frais irrépétibles

Il y a lieu de confirmer le jugement en ses dispositions relatives aux dépens et aux frais irrépétibles.

Les dépens d'appel sont à la charge de la SAS Gilles Leroux industrie, partie perdante.

Il paraît inéquitable de laisser à la charge du salarié l'intégralité des sommes avancées par lui et non comprises dans les dépens. Il lui sera alloué la somme de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles de la procédure d'appel. L'employeur est débouté de sa demande à ce titre.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire, en dernier ressort et prononcé par mise à disposition au greffe :

Infirme le jugement rendu le 16 septembre 2019 entre les parties par le conseil de prud'hommes d'Orléans, en sa section de l'encadrement, mais seulement en ce qu'il a condamné la SAS Gilles Leroux industrie à payer à M. [U] [H] la somme de 30 000 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Statuant à nouveau du chef infirmé et y ajoutant :

Condamne la SAS Gilles Leroux industrie à payer à M. [U] [H] la somme de 40 000 euros net à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse;

Condamne la SAS Gilles Leroux industrie à payer à M. [U] [H] la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et la déboute de sa demande à ce titre ;

Condamne la SAS Gilles Leroux industrie aux dépens de l'instance d'appel.

Et le présent arrêt a été signé par le président de chambre et par le greffier

Karine DUPONT Alexandre DAVID


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Orléans
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 19/03199
Date de la décision : 28/04/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-04-28;19.03199 ?
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