La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

28/04/2022 | FRANCE | N°19/00911

France | France, Cour d'appel d'Orléans, Chambre sociale, 28 avril 2022, 19/00911


C O U R D ' A P P E L D ' O R L É A N S

CHAMBRE SOCIALE - A -

Section 2

PRUD'HOMMES

Exp +GROSSES le 28 AVRIL 2022 à

la SELAS BARTHELEMY AVOCATS

la SCP STOVEN PINCZON DU SEL



-XA-







ARRÊT du : 28 AVRIL 2022



MINUTE N° : - 22



N° RG 19/00911 - N° Portalis DBVN-V-B7D-F4NI



DÉCISION DE PREMIÈRE INSTANCE : CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE D'ORLÉANS en date du 04 Mars 2019 - Section : COMMERCE







APPELANTE :



S

ASU KEOLIS ORLEANS VAL DE LOIRE agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

64 rue Pierre Louguet

45800 ST JEAN DE BRAYE



représentée par Me ...

C O U R D ' A P P E L D ' O R L É A N S

CHAMBRE SOCIALE - A -

Section 2

PRUD'HOMMES

Exp +GROSSES le 28 AVRIL 2022 à

la SELAS BARTHELEMY AVOCATS

la SCP STOVEN PINCZON DU SEL

-XA-

ARRÊT du : 28 AVRIL 2022

MINUTE N° : - 22

N° RG 19/00911 - N° Portalis DBVN-V-B7D-F4NI

DÉCISION DE PREMIÈRE INSTANCE : CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE D'ORLÉANS en date du 04 Mars 2019 - Section : COMMERCE

APPELANTE :

SASU KEOLIS ORLEANS VAL DE LOIRE agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

64 rue Pierre Louguet

45800 ST JEAN DE BRAYE

représentée par Me Damien CHENU de la SELAS BARTHELEMY AVOCATS, avocat au barreau de TOURS, Me Alexis DEVAUCHELLE, avocat au barreau D'ORLEANS

ET

INTIMÉE :

Madame [C] [H] épouse [M]

née le 05 Juin 1966 à TOURS (37000) (37000)

176 rue d'Olivet

45590 SAINT CYR EN VAL

représentée par Me Damien PINCZON DU SEL de la SCP STOVEN PINCZON DU SEL, avocat au barreau D'ORLEANS

Ordonnance de clôture : 23 FEVRIER 2022

Audience publique du 24 Février 2022 tenue par Monsieur Xavier AUGIRON, Conseiller, et ce, en l'absence d'opposition des parties, assisté lors des débats de Mme Fanny ANDREJEWSKI-PICARD, Greffier,

Après délibéré au cours duquel Monsieur Xavier AUGIRON, Conseiller a rendu compte des débats à la Cour composée de :

Madame Laurence DUVALLET, présidente de chambre, présidente de la collégialité,

Monsieur Alexandre DAVID, président de chambre,

Monsieur Xavier AUGIRON, conseiller.

Puis le 28 Avril 2022, Madame Laurence Duvallet, présidente de Chambre, présidente de la collégialité, assistée de Mme Fanny ANDREJEWSKI-PICARD, Greffier a rendu l'arrêt par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

FAITS ET PROCÉDURE

Mme [C] [M] née [H] a été engagée à compter du 30 juin 2000 par la société SEMTAO, aux droits de laquelle vient aujourd'hui la société Keolis Orléans Val de Loire (SAS), dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée, en qualité de conducteur / receveur.

Après avoir été l'objet de plusieurs sanctions disciplinaires, Mme [M] a été convoquée à un entretien préalable à licenciement, avec mise à pied conservatoire, fixé au 18 avril 2017. La société Keolis lui a notifié son licenciement pour faute grave par lettre recommandée avec accusé de réception du 17 mai 2017, en raison de faits d'insubordination. Il lui a été reproché de ne pas avoir respecté la procédure prévue lorsque des agents de contrôle sont montés dans l'autobus qu'elle conduisait, le 6 avril 2017, omettant de saluer leur responsable et refusant qu'ils descendent par l'avant du véhicule. Il était précisé qu'elle avait déjà été rappelée à l'ordre et sanctionnée pour des faits de même nature.

Par requête enregistrée au greffe le 28 septembre 2017, Mme [M] a saisi le conseil de prud'hommes d'Orléans pour annuler les sanctions disciplinaires, contester son licenciement et obtenir le paiement de diverses indemnités.

Par jugement du 4 mars 2019, le conseil de prud'hommes d'Orléans a :

-annulé la mise à pied disciplinaire du 20 octobre 2015,

-débouté Mme [M] de sa demande d'annulation de toutes les sanctions disciplinaires rappelées à l'appui de son licenciement intervenu le 17 mai 2017,

-requalifié le licenciement pour faute grave en licenciement sans cause réelle et sérieuse,

-condamné la société Keolis à lui verser les sommes suivantes :

-503,75 € au titre de la mise à pied disciplinaire effectuée en novembre 2015,

-30 867 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

-4320 € à titre d'indemnité légale de licenciement,

-4408 € à titre d'indemnité de préavis,

-1000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

-ordonné le remboursement par la société Kéolis à l'organisme Pôle Emploi des indemnités de chômage éventuellement versées à Mme [M] suite à son licenciement, dans la limite d'un mois d'indemnités

-débouté la société Kéolis de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile

-condamné la société Kéolis aux dépens

La société Kéolis a relevé appel du jugement par déclaration notifiée par voie électronique le 15 mars 2019 au greffe de la cour d'appel.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Vu les dernières conclusions enregistrées au greffe le 14 avril 2021, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé détaillé des prétentions et moyens présentés conformément à l'article 455 du code de procédure civile, aux termes desquelles la société Kéolis demande à la cour de :

-Infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :

-annulé la mise à pied disciplinaire du 20 octobre 2015,

-requalifié le licenciement pour faute grave en licenciement sans cause réelle et sérieuse,

-condamné la société Keolis à lui verser les sommes suivantes :

-503,75 € au titre de la mise à pied disciplinaire effectuée en novembre 2015,

-30 867 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

-4320 € à titre d'indemnité légale de licenciement,

-4408 € à titre d'indemnité de préavis,

-1000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

-ordonné le remboursement par la société Keolis à l'organisme Pôle Emploi des indemnités de chômage éventuellement versées à Mme [M] suite à son licenciement, dans la limite d'un mois d'indemnités

-statué sur les dépens.

-et en ce qu'il a :

-rejeté les demandes de l'appelante tendant à voir débouter l'intimée de l'intégralité de ses demandes et condamner celle-ci aux entiers dépens et à verser à la société Keolis la somme de 3500 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

-jugeant à nouveau :

-juger les sanctions disciplinaires notifiées à Mme [M] justifiées et proportionnées,

-juger que le licenciement pour faute grave de Mme [M] est justifié,

-juger que la demande au titre de la nullité de la rupture est une demande nouvelle qui ne peut qu'être écartée,

-en conséquence :

-écarter la demande au titre de la nullité de la rupture,

-débouter Mme [M] de l'ensemble de ses demandes,

-à titre subsidiaire :

-fixer à une plus juste valeur la demande indemnitaire de Mme [M] au seul préjudice dont la preuve sera rapportée,

-reconventionnellement :

-condamner Mme [M] au paiement d'une somme de 3500 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile

Vu les dernières conclusions enregistrées au greffe le 1er février 2022, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé détaillé des prétentions et moyens présentés conformément à l'article 455 du code de procédure civile, aux termes desquelles Mme [M] demande à la cour de :

-débouter la société Keolis de son appel et plus généralement de toutes ses demandes,

-recevoir Mme [M] en son appel incident,

-confirmer le jugement du conseil de prud'hommes du 4 mars 2019 en ce qu'il a annulé la mise à pied disciplinaire du 20 octobre 2015, en ce qu'il a condamné la société Keolis à lui verser les sommes de 503,75 € au titre de la mise à pied annulée, la somme de 4320 € à titre d'indemnité légale de licenciement, celle de 4408 € à titre d'indemnité de préavis et celle de 1000€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile

-l'infirmer pour le surplus et statuant à nouveau :

-annuler toutes les sanctions disciplinaires rappelées à l'appui de son licenciement intervenu le 17 mai 2017,

-confirmer le jugement du conseil de prud'hommes du 4 mars 2019 en ce qu'il a requalifié son licenciement en licenciement sans cause réelle et sérieuse,

-condamner la société Keolis à lui verser la somme de 189 000 € à titre de dommages-intérêts,

-en tout état de cause :

-condamner la société Keolis à lui payer la somme de 5000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens,

Un arrêt de la chambre des déférés de la cour d'appel du 24 novembre 2021 a confirmé une ordonnance du conseiller de la mise en état du 20 mai 2021 qui a déclaré irrecevable la demande nouvelle en cause d'appel de Mme [M] tendant à voir dire et juger que son licenciement était nul et de nul effet puisque reposant sur un motif discriminatoire et tendant à voir ordonner sa réintégration et la condamnation de la société Kéolis à lui verser une indemnité d'éviction et des dommages-intérêts en indemnisation de son préjudice moral.

MOTIFS DE LA DÉCISION

-Sur la demande d'annulation des sanctions disciplinaires

L'article L.1331-1 du code du travail définit la sanction disciplinaire comme suit : " Constitue une sanction toute mesure, autre que les observations verbales, prise par l'employeur à la suite d'un agissement du salarié considéré par l'employeur comme fautif, que cette mesure soit de nature à affecter immédiatement ou non la présence du salarié dans l'entreprise, sa fonction, sa carrière ou sa rémunération ".

L'avertissement ou la mise à pied constituent une sanction disciplinaire au sens de ce texte.

L'article L1333-1 du code du travail prévoit :

" En cas de litige, le conseil de prud'hommes apprécie la régularité de la procédure suivie et si les faits reprochés au salarié sont de nature à justifier une sanction.

L'employeur fournit au conseil de prud'hommes les éléments retenus pour prendre la sanction.

Au vu de ces éléments et de ceux qui sont fournis par le salarié à l'appui de ses allégations, le conseil de prud'hommes forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié. "

Par ailleurs, l'article L1333-2 du code du travail prévoit : " Le conseil de prud'hommes peut annuler une sanction irrégulière en la forme ou injustifiée ou disproportionnée à la faute commise ".

Enfin, la qualification de sanction requiert la réunion de deux conditions cumulatives :

- l'existence d'un agissement considéré comme fautif par l'employeur

- la caractérisation d'une volonté de l'employeur de sanctionner cet agissement,

d' imputer des fautes au salarié et formuler des mises en garde ou injonction. (Soc., 9 avril 2014, pourvoi n°13-10.939).

L'article 49 de la convention collective nationale des réseaux de transports publics urbains de voyageurs prévoit la possibilité pour l'employeur d'infliger à ses salariés les sanctions suivantes :

" 1. Sanctions du premier degré :

- avertissement donné pour infraction légère au règlement ;

- réprimande infligée pour infraction légère après avertissement ;

- blâme infligé pour faute sérieuse ou pour récidive de fautes légères ayant donné lieu à des avertissements ;

- mise à pied d'un à deux jours ne pouvant être prononcée que par le directeur du réseau, cette sanction ne pouvant être infligée que pour une faute équivalente ayant déjà donné lieu à un blâme dans les douze mois précédents.

2. Sanctions du deuxième degré :

- suspension temporaire sans solde ;

- mutation ou changement d'emploi par mesure disciplinaire ;

- rétrogradation ;

- licenciement avec indemnité (conforme aux textes en vigueur) ;

- révocation (ou licenciement sans indemnité).

Entraînent la révocation de plein droit, le flagrant délit de vol qualifié, les délits de droit commun et crimes ayant entraîné une condamnation sans sursis.

Sauf révocation de plein droit, les sanctions du deuxième degré doivent être prises après avis motivé du conseil de discipline. "

En l'espèce :

-Le " recadrage " du 7 novembre 2016 pour des faits du 24 septembre 2016 : un courrier a été adressé à Mme [M] lui signalant un retard de 6 minutes de son service, sans que le PCC soit averti, et lui demandant que " ces faits ne se reproduisent plus ". Cet écrit ne caractérise pas la volonté de l'employeur de sanctionner cet agissement. Il ne s'agit pas d'une sanction disciplinaire, qui n'a donc pas lieu d'être annulée ou non, mais la cour doit simplement examiner la réalité des faits énoncés dans ce courrier. A cet égard, la production d'un " journal des horaires " ne permet pas de démontrer la réalité de ce retard, faute de précision sur l'horaire du trajet considéré.

-Le " recadrage " du 24 janvier 2017 pour des faits du 13 janvier 2017 : un courrier a été adressé à Mme [M] lui signalant un retard de 4 minutes de son service, sans que le PCC soit averti, et manifestant le souhait que ces faits ne se reproduisent plus. Cet écrit ne traduit pas non plus l'intention de sanctionner un fait fautif. Il ne s'agit pas d'une sanction disciplinaire. Ces faits sont justifiés par la production d'un " journal des horaires " mentionnant un retard de 4 mn 16.

-L'avertissement du 27 janvier 2016 relatif à un accident du 18 novembre 2015: il est reproché à Mme [M] d'avoir été impliquée dans un accident de la circulation pendant son service, sa responsabilité étant totale. Il lui est également reproché d'avoir transmis une déclaration d'accident incomplète. Aucun élément n'est produit à l'appui de cet avertissement par l'employeur, de sorte qu'il doit être annulé, malgré le fait, relevé par la société Keolis, que " Mme [M] aurait pu saisir le conseil bien plus tôt si elle avait considéré que les sanctions étaient dépourvues de fondement ", ce qui ne déchargeait en rien l'employeur de la preuve qui lui incombe.

-L'avertissement du 13 mars 2017 relatif à des faits du 21 janvier 2017 : il est reproché à Mme [M] d'avoir conduit son véhicule avec un manteau et un gilet personnel. Celle-ci l'explique par le froid qui régnait ce jour-là et le caractère défectueux du chauffage : Mme [M] reconnait les faits, contraires au règlement intérieur de l'entreprise, ce qu'elle ne conteste pas. Elle ne produit néanmoins aucun élément justifiant de la panne de chauffage dans le bus. La sanction était donc justifiée.

-La réprimande du 15 février 2016 pour des faits du 18 décembre 2015 : il est reproché à Mme [M] d'avoir pris son service avec 12 minutes de retard. Cette " absence " est signalée sur le décompte de temps produit par la société Keolis. Cette réprimande était donc justifiée.

-La réprimande du 14 mars 2016 pour des faits du 4 mars 2016 : il est reproché à Mme [M] un retard de 12 minutes. Le journal des horaires démontre la réalité de ce retard (11 mn 17), contrairement à ce qu'affirme celle-ci. Mme [M] invoque le fait qu'un entretien préalable du 4 avril 2016, postérieur à cette sanction, est évoqué dans le courrier de notification, ce qui relève d'une erreur matérielle manifeste. Cette sanction était justifiée.

-La mise à pied disciplinaire du 20 octobre 2015 pour des faits du 7 octobre 2015 : il est reproché à Mme [M] d'avoir adopté une attitude déplacée, incorrecte et injurieuse vis-à-vis de collègues de travail et devant la clientèle et de ne pas avoir respecté les procédures applicables en cas de contrôle des titres de transport (conduite, arrêt en station et descente voyageurs). Après convocation à entretien préalable et devant le conseil de discipline le 7 octobre 2015, il lui a été infligé une suspension temporaire sans solde de cinq jours travaillés. Pour en justifier, la société Keolis produit 3 attestations des agents de contrôle. La cour relève que ces attestations ne sont pas en tous points conformes aux exigences de l'article 202 du code de procédure civile, faute notamment de pièce d'identité pour les authentifier. Elles indiquent que Mme [M] leur avait dit qu'ils ne " servaient à rien ", car ils ne contrôlaient pas un groupe qu'elle identifiait comme étant démunis de titres de transport, ce que Mme [M] conteste, et qu'elle a refusé que ceux-ci descendent par l'avant du véhicule. Mme [M] a reconnu, selon M. [V], qui a assisté Mme [M] lors de l'entretien préalable et du conseil de discipline, que celle-ci avait confirmé qu'en la présence supposée de contrevenants qui ont pu s'enfuir parce que les contrôleurs lui avaient demandé d'ouvrir les portes à un arrêt, elle avait proféré les termes : " ben, vous ne faites rien ", ajoutant qu'elle avait effectivement demandé aux vérificateurs d'emprunter les portes du milieu pour descendre. Il résulte de ces éléments que si Mme [M] s'est manifestement mêlée du travail de ses collègues, les propos " injurieux " reprochés à Mme [M] ne sont pas établis, ce qui relativise leur caractère fautif. Par ailleurs, Mme [M] produit le " guide des agents de contrôle " qui précise : " dans le bus, descendre par les portes arrières pour ne pas gêner la montée ", de sorte qu'il ne peut être reproché à Mme [M] d'avoir refusé à ceux-ci de descendre par l'avant, l'important demeurant qu'ils aient pu descendre du véhicule, même par l'arrière. Les faits invoqués à l'appui de la mise à pied litigieuse sont insuffisamment caractérisés pour la justifier.

Au total, le jugement entrepris sera infirmé en ce qu'il a rejeté la demande d'annulation de l'avertissement du 27 janvier 2016 et la cour, statuant à nouveau, prononcera une telle annulation. Le jugement sera confirmé en ce qu'il a annulé la mise à pied disciplinaire du 20 octobre 2015 et en ce qu'il a rejeté la demande d'annulation de l'avertissement du 13 mars 2017 et des réprimandes des 15 février 2016 et 14 mars 2016.

- Sur le licenciement pour faute grave

Il résulte de l'article L.1232-1 du code du travail que tout licenciement pour motif personnel est justifié par une cause réelle et sérieuse.

Le motif inhérent à la personne du salarié doit reposer sur des faits objectifs, matériellement vérifiables et qui lui sont imputables.

L'article L.1235-1 du code du travail prévoit qu'en cas de litige, le juge, à qui il appartient d'apprécier le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties. Si un doute subsiste, il profite au salarié.

Enfin, la faute grave est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise et qui justifie la rupture immédiate de son contrat de travail, sans préavis ; la charge de la preuve pèse sur l'employeur.

En l'espèce, un conseil de discipline a été réuni, conformément à la procédure prévue en la matière l'article 49 de la convention collective, dont 3 membres ont émis un avis favorable au licenciement pour faute grave de Mme [M] et 3 autres un avis défavorable. Mme [M], lors de son audition, a défendu sa position quant à son refus opposé aux contrôleurs de les laisser sortir par la porte avant et affirme leur avoir dit bonjour.

Il a déjà été relevé par la cour que le " guide des agents de contrôle " précise que leur descente doit s'effectuer par l'arrière.

L'employeur ne produit aucun élément démontrant qu'une consigne contraire ait été donnée aux conducteurs.

Il n'a donc pas pu s'agir d'une " insubordination vis-à-vis de la procédure applicable ", selon la formulation de la lettre de licenciement.

Le fait de ne pas avoir dit bonjour, si tant est que cela soit démontré, ne peut à lui seul justifier une mesure telle qu'un licenciement.

Enfin, le dossier disciplinaire de Mme [M], dont se prévaut l'employeur, de surcroît allégé des sanctions annulées par la cour, ne peut fonder une mesure de licenciement, les faits visés ayant déjà fait l'objet d'une sanction.

C'est pourquoi le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a requalifié le licenciement pour faute grave dont Mme [M] a été l'objet en licenciement sans cause réelle et sérieuse.

- Sur les conséquences financières du licenciement sans cause réelle et sérieuse

-sur le rappel de salaire afférent à la période de mise à pied disciplinaire

Le jugement entrepris sera confirmé sur ce point, aucune partie n'ayant contesté ce quantum.

- sur l'indemnité de préavis :

L'article L.1234-5 du code du travail prévoit que l'indemnité de préavis correspond aux salaires et avantages que le salarié aurait perçus s'il avait accompli son travail jusqu'à l'expiration du préavis, indemnité de congés payés comprise.

Le conseil de prud'hommes a alloué à Mme [M] une indemnité de préavis d'un montant de 4408 euros, soit deux mois de salaire, qui n'est contestée en son quantum par aucune des parties.

Ce chef de jugement sera confirmé.

- sur l'indemnité de licenciement

Les articles L.1234-9 et R.1234-2 du code du travail, dans leur version antérieure à l'ordonnance n°2017-1387 du 22 septembre 2017, applicable à l'espèce, prévoient une indemnité de licenciement égale à 1/5 de mois de salaire par année d'ancienneté, auquel s'ajoutent 2/15èmes de mois année au-delà de 10 ans d'ancienneté.

Le montant alloué par le conseil de prud'hommes, soit 4320 euros, qui correspond à la demande initiale de Mme [M], que celle-ci n'a pas modifié en cause d'appel, sera confirmé.

- sur l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

Mme [M] comptant plus de deux ans d'ancienneté dans l'entreprise, et celle-ci comportant habituellement plus de 11 salariés, les dispositions de l'article L.1235-3 du code du travail, dans sa version antérieure à l'ordonnance n°2017-1387 du 22 septembre 2017, sont applicables à l'espèce, contrairement à ce qu'affirme l'employeur, le licenciement ayant été prononcé à une date antérieure à son entrée en vigueur.

Ces dispositions prévoient qu'en cas de de licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, le salarié peut prétendre à une indemnité qui ne peut être inférieure aux salaires des 6 derniers mois. Cette indemnité est due sans préjudice, le cas échéant, de l'indemnité de licenciement prévue à l'article L.1234-9.

Mme [M] fait état de ce qu'elle était salariée de la société Keolis depuis 17 années et qu'elle bénéficiait ainsi d'un " plan de carrière " qui a été compromis. Elle fait valoir la chute brutale de ses revenus de sorte qu'elle a dû renégocier ses crédits pour en allonger la durée. Elle évalue à 189 000 euros le montant de son préjudice.

Au regard des éléments soumis à la cour, compte tenu de l'âge de la salariée de son ancienneté, de ses perspectives de retrouver un emploi, il y a lieu d'évaluer à 40 000 euros le préjudice consécutif au licenciement abusif.

Le jugement entrepris sera infirmé dans ce sens.

- Sur l'article L.1235-4 du code du travail

En application de ce texte, il convient d'ordonner le remboursement par la société Keolis à Pôle Emploi des indemnités de chômage versées à Mme [M] du jour de son licenciement au jour du présent arrêt, dans la limite de 6 mois d'indemnités de chômage.

Le jugement entrepris, qui avait limité à 1 mois la durée du versement des indemnités chômage à faire prendre en charge par l'employeur, sera infirmé dans ce sens.

- Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens

La solution donnée au litige commande de confirmer la décision de première instance afférente à l'indemnité allouée au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens, et de condamner la société Keolis à payer en sus à Mme [M] la somme de 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles engagés en cause d'appel, celle-ci étant déboutée de sa propre demande au même titre, ainsi qu'aux dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant par mise à disposition au greffe, contradictoirement et en dernier ressort,

Infirme le jugement rendu par le conseil de prud'hommes d'Orléans le 4 mars 2019 en ce qu'il a rejeté la demande d'annulation de l'avertissement du 27 janvier 2016, en ce qu'il a condamné la société Keolis Orléans Val de Loire à payer à Mme [C] [M] la somme de 30 867 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et en ce qu'il a limité à un mois d'indemnités la condamnation prononcée au titre de l'article L.1235-4 du code du travail ;

Statuant à nouveau des chefs infirmés,

Annule l'avertissement du 27 janvier 2016 ;

Condamne la société Keolis Orléans Val de Loire à payer à Mme [C] [M] la somme de 40 000 euros brut à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Condamne la société Keolis Orléans Val de Loire à rembourser à Pôle Emploi les indemnités de chômage versées à code civil du jour de son licenciement au jour du présent arrêt, dans la limite de 6 mois d'indemnités de chômage ;

Confirme le jugement pour le surplus ;

Et ajoutant,

Condamne la société Keolis Orléans Val de Loire à payer à Mme [C] [M] la somme de 2000 euros au titre de ses frais irrépétibles, et la déboute elle-même de ce chef de prétention ;

Condamne la société Keolis Orléans Val de Loire aux dépens d'appel.

Et le présent arrêt a été signé par le président de chambre, président de la collégialité, et par le greffier

Fanny ANDREJEWSKI-PICARD Laurence DUVALLET


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Orléans
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 19/00911
Date de la décision : 28/04/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-04-28;19.00911 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award