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28/04/2022 | FRANCE | N°19/00076

France | France, Cour d'appel d'Orléans, Chambre sociale, 28 avril 2022, 19/00076


C O U R D ' A P P E L D ' O R L É A N S

CHAMBRE SOCIALE - A -

Section 2

PRUD'HOMMES

Exp +GROSSES le 28 AVRIL 2022 à

la SELARL 2BMP

la SELARL LESIMPLE-COUTELIER & PIRES



-XA-







ARRÊT du : 28 AVRIL 2022



MINUTE N° : - 22



N° RG 19/00076 - N° Portalis DBVN-V-B7C-F2VX



DÉCISION DE PREMIÈRE INSTANCE : CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE TOURS en date du 19 Novembre 2018 - Section : COMMERCE







APPELANT :



Monsi

eur [P] [X]

né le 25 Octobre 1985 à BLOIS (41000)

44 rue de Blois

41330 MAROLLES



représenté par Me Louis PALHETA de la SELARL 2BMP, avocat au barreau de TOURS



ET



INTIMÉS :



Monsieur [U]...

C O U R D ' A P P E L D ' O R L É A N S

CHAMBRE SOCIALE - A -

Section 2

PRUD'HOMMES

Exp +GROSSES le 28 AVRIL 2022 à

la SELARL 2BMP

la SELARL LESIMPLE-COUTELIER & PIRES

-XA-

ARRÊT du : 28 AVRIL 2022

MINUTE N° : - 22

N° RG 19/00076 - N° Portalis DBVN-V-B7C-F2VX

DÉCISION DE PREMIÈRE INSTANCE : CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE TOURS en date du 19 Novembre 2018 - Section : COMMERCE

APPELANT :

Monsieur [P] [X]

né le 25 Octobre 1985 à BLOIS (41000)

44 rue de Blois

41330 MAROLLES

représenté par Me Louis PALHETA de la SELARL 2BMP, avocat au barreau de TOURS

ET

INTIMÉS :

Monsieur [U] [B] mandataire liquidateur à la liquidation judiciaire de la SARL [A] TOURAINE TOITURE, Mandataire Judiciaire

12 place Jean-Jaurès

41000 BLOIS

représenté par Me Catherine LESIMPLE-COUTELIER de la SELARL LESIMPLE-COUTELIER & PIRES, avocat au barreau de TOURS

Association UNEDIC DELEGATION AGS DE RENNES Association décarée, représentée par Madame [D] [K], domicilié au 4 Cours Raphaël Binet - Immeuble le Magister - 35069 RENNES CEDEX

4 Cours Raphaël Binet

Immeuble Le Magister

35069 RENNES

représentée par Me Alexis LEPAGE de la SELARL WALTER & GARANCE AVOCATS, avocat au barreau de TOURS

PARTIE(S) INTERVENANTE (S) :

Monsieur [U] [B] Mandataire Ad Hoc de la S.A.R.L [A] TOURAINE TOITURE, Mandataire Judiciaire

12, place Jean-Jaurès

41000 BLOIS

représenté par Me Catherine LESIMPLE-COUTELIER de la SELARL LESIMPLE-COUTELIER & PIRES, avocat au barreau de TOURS

Ordonnance de clôture : 24 FEVRIER 2022 à 9h00

Audience publique du 24 Février 2022 tenue par Monsieur Xavier AUGIRON, Conseiller, et ce, en l'absence d'opposition des parties, assisté lors des débats de Mme Fanny ANDREJEWSKI-PICARD, Greffier,

Après délibéré au cours duquel Monsieur Xavier AUGIRON, Conseiller a rendu compte des débats à la Cour composée de :

Madame Laurence DUVALLET, présidente de chambre, présidente de la collégialité,

Monsieur Alexandre DAVID, président de chambre,

Monsieur Xavier AUGIRON, conseiller.

Puis le 28 Avril 2022, Madame Laurence Duvallet, présidente de Chambre, présidente de la collégialité, assistée de Mme Fanny ANDREJEWSKI-PICARD, Greffier a rendu l'arrêt par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

FAITS ET PROCÉDURE

M.[P] [X] a été engagé par la société [A] Touraine Toiture (SARL) selon contrat à durée indéterminée, à compter du 27 août 2012, en qualité de couvreur.

Invoquant un avertissement frappé de nullité, la violation par l'employeur des règles d'hygiène et de sécurité, ainsi qu'un harcèlement moral, M. [X] a saisi le 16 novembre 2016 le conseil de prud'hommes de Tours d'une demande de résiliation judiciaire du contrat de travail.

Parallèlement, considérant que reprendre le travail à la suite d'un arrêt de travail pour maladie jusqu'au 18 novembre 2018 présentait un risque pour lui, il ne s'y présenta plus, ce qui a motivé son licenciement pour faute grave par lettre recommandée avec accusé de réception du 6 janvier 2017. M.[X] a ajouté à ses demandes initiales celle visant à contester son licenciement.

La société [A] Touraine Toiture a été placée en liquidation judiciaire par jugement du tribunal de commerce de Tours du 31 janvier 2017.

Par jugement du 19 novembre 2018, le conseil de prud'hommes de Tours a :

-Dit que l'avertissement infligé à M.[X] est injustifié,

-Fixé la créance de M.[X] à la liquidation judiciaire de la société [A] Touraine Toiture et ordonné à Me [B], ès qualité de mandataire judiciaire à la liquidation judiciaire de celle-ci, d'inscrire au passif la somme de 100 euros à titre de dommages-intérêts,

-Débouté M.[X] de ses autres demandes,

-Déclaré opposable à l'UNEDIC, délégation AGS CGEA de Rennes, la décision, dans les limites prévues par les articles L.3253-17 et D.3253-5 du code du travail,

-Débouté Me [B] de sa demande reconventionnelle au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

-Laissé à chacune des parties la charge de ses propres dépens.

M. [X] a relevé appel du jugement par déclaration notifiée par voie électronique le 17 décembre 2018 au greffe de la cour d'appel.

Par jugement du 26 mars 2019, la clôture de la liquidation pour insuffisance d'actif de la société [A] Touraine Toiture a été prononcée par le tribunal de commerce de Tours.

Une ordonnance du président du tribunal de commerce de Tours du 19 avril 2021 a désigné Me [B] en qualité de mandataire ad hoc de la société [A] Touraine Toiture pour la représenter à la procédure.

Me [B] a été, en cette qualité, assigné en intervention forcée par acte d'huissier du 7 octobre 2021.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Vu les dernières conclusions enregistrées au greffe le 23 février 2022, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé détaillé des prétentions et moyens présentés conformément à l'article 455 du code de procédure civile, aux termes desquelles M.[X] demande à la cour de :

-Réformer le jugement entrepris et ordonner à Me [B], ès qualité de mandataire liquidateur de la société [A] Touraine Toiture d'avoir à faire figurer au passif de la société les sommes suivantes :

-Indemnité de licenciement : 1480,60 euros

-Indemnité de préavis : 3352,34 euros

-Congés payés afférents : 335,53 euros

-Dommages-intérêts pour rupture abusive du contrat de travail : 18000 euros

-Dommages-intérêts pour harcèlement moral : 5000 euros

-Annuler l'avertissement du 31 mai 2016 et allouer à M.[X] la somme de 400 euros à titre de dommages-intérêts

-Ordonner sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter de la décision à intervenir la remise de bulletins de paie afférents aux créances salariales ainsi qu'un certificat de travail et une attestation Pôle Emploi

-Condamner la société [A] Touraine Toiture aux dépens qui comprendront les frais éventuels d'exécution, et au paiement de la somme de 1500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

-Dire et juger le jugement opposable à l'UNEDIC, délégation AGS CGEA, qui devra garantir les condamnations prononcées dans les limites fixées par la loi.

Vu les dernières conclusions enregistrées au greffe le 23 février 2022, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé détaillé des prétentions et moyens présentés conformément à l'article 455 du code de procédure civile, aux termes desquelles Me [B], ès qualité de mandataire ad hoc de la société [A] Touraine Toiture, demande à la cour de :

-Confirmer le jugement sauf en ce qu'il a reconnu l'avertissement du 31 mai 2016 justifié et accordé 100 euros de dommages-intérêts de ce chef à M.[X]

-Statuant à nouveau, dire et juger l'avertissement parfaitement justifié

-Condamner M.[X] à payer à Me [B], ès qualité de mandataire ad hoc de la société [A] Touraine Toiture, la somme de 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

-Condamner M.[X] aux dépens

-A titre subsidiaire, ramener les éventuelles condamnations à de plus justes proportions

-En toute hypothèse, déclarer l'arrêt à intervenir opposable à l'UNEDIC, délégation AGS CGEA, qui devra garantir les éventuelles condamnations prononcées dans les limites fixées par la loi

Vu les dernières conclusions enregistrées au greffe le 19 avril 2019, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé détaillé des prétentions et moyens présentés conformément à l'article 455 du code de procédure civile, aux termes desquelles l'UNEDIC, délégation AGS CGEA de Rennes, demande à la cour de:

-Déclarer mal fondé M.[X] en son appel

-Faisant droit à l'appel incident de l'AGS

-Débouter M.[X] de l'ensemble de ses demandes

-confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a débouté l'intéressé de sa demande en résiliation judiciaire ou en contestation de la mesure de licenciement qui lui a été notifiée

-dire n'y avoir lieu à l'indemnité de préavis, à l'indemnité de licenciement

-débouter M.[X] de sa demande en dommages-intérêts pour rupture abusive des relations contractuelles

-débouter M.[X] de sa demande tendant à ce que l'avertissement qui lui a été notifié soit déclaré injustifié et de sa demande de dommages-intérêts allouée de ce chef

-à titre subsidiaire, confirmer la décision entreprise en ce qui concerne le quantum des dommages-intérêts en sanction de l'avertissement injustifié

-à titre infiniment subsidiaire, réduire à de plus justes proportions les éventuels dommages-intérêts qui pourraient lui être alloués

-déclarer la décision à intervenir opposable au CGEA, dans les limites et plafonds définis aux articles L. 3253-8 et suivants du code du travail et les plafonds prévus aux articles L.3253-17 et D.3253-5 du code du travail, la garantie étant plafonnée, toute créance avancée pour le compte du salarié, à un des trois plafonds définis à l'article D.3253-5 du code du travail (en l'espèce, le plafond 6 étant applicable).

MOTIFS DE LA DÉCISION

-Sur l'avertissement du 31 mai 2016

L'article L.1331-1 du code du travail définit la sanction disciplinaire comme suit : " Constitue une sanction toute mesure, autre que les observations verbales, prise par l'employeur à la suite d'un agissement du salarié considéré par l'employeur comme fautif, que cette mesure soit de nature à affecter immédiatement ou non la présence du salarié dans l'entreprise, sa fonction, sa carrière ou sa rémunération ".

L'avertissement constitue une sanction disciplinaire au sens de ce texte.

L'article L1333-1 du code du travail prévoit :

" En cas de litige, le conseil de prud'hommes apprécie la régularité de la procédure suivie et si les faits reprochés au salarié sont de nature à justifier une sanction.

L'employeur fournit au conseil de prud'hommes les éléments retenus pour prendre la sanction.

Au vu de ces éléments et de ceux qui sont fournis par le salarié à l'appui de ses allégations, le conseil de prud'hommes forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié. "

Enfin, l'article L1333-2 du code du travail prévoit : " Le conseil de prud'hommes peut annuler une sanction irrégulière en la forme ou injustifiée ou disproportionnée à la faute commise ".

En l'espèce, un avertissement " pour insubordination " a été adressé à M. [X] le 31 mai 2016, pour avoir " refusé d'installer un échafaudage chez un client " et pour avoir en cela refusé de se conformer aux directives de l'employeur.

Me [B], sur lequel pèse la charge de la preuve du grief invoqué, produit une attestation de M. [Z], indiquant que M.[X] a refusé de " charger l'échelle sur le camion ", ajoutant qu'il aurait menacé M.[A] en lui disant : " si je te trouve dans la rue, je te fume ".

M.[X] explique qu'en réalité, il a commencé à installer l'échafaudage, mais qu'il lui a été indiqué qu'il devait quitter le chantier et retourner à son domicile, et que cette installation nécessitait en tout état de cause deux personnes, pour des questions de sécurité. Il produit une attestation de sa s'ur qui indique qu'elle était présente " au dépôt ", que M. [X] a effectivement refusé de charger l'échelle, qui, selon elle, pesait 90 kgs et qu'il a fait part à M.[A] de ce qu'il " avait l'habitude avec son autre collègue de la charger à deux ", évoquant en outre des problèmes de dos. M.[A] aurait finalement demandé à M.[X] de rentrer chez lui en raison de la " météo ". Il produit une attestation de M. [J], client chez lequel se déroulait le chantier, indiquant que M.[A] a effectivement bien considéré que l'installation de l'échafaudage ne pouvait se faire car la pluie ne le permettait pas, et " qu'ils était repartis ".

La cour remarque que c'est le refus de M.[X] de procéder au montage de l'échafaudage qui lui a été reproché dans la lettre d'avertissement, et non le refus de procéder au chargement d'une " échelle " lors du départ du dépôt, pas plus que les menaces que ce dernier aurait alors proférées, ces derniers faits n'étant pas mentionnés à l'avertissement litigieux.

En effet, les faits visés par l'avertissement ont seulement trait au comportement de M.[X] lorsque l'échafaudage devait être monté chez le client, et non son attitude au dépôt avant son départ sur ce chantier.

A cet égard, le client atteste de ce que la pluie a effectivement conduit l'employeur à demander à M.[X] de rentrer chez lui plutôt que de monter cet échafaudage, de sorte qu'il ne peut lui être reproché aucun refus opposé à exécuter son travail ce jour-là.

L'avertissement qui lui a été notifié est donc injustifié, comme l'a retenu le conseil de prud'hommes.

Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a alloué à M. [X] la somme de 100 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice résultant de l'annulation de cet avertissement.

-Sur la violation des règles d'hygiène et de sécurité

Ne méconnaît pas l'obligation légale lui imposant de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs l'employeur qui justifie avoir pris toutes les mesures de prévention prévues par les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail.

M.[X] affirme avoir travaillé sur des chantiers amiantés sans protection, au mépris de l'arrêt du 7 mars 2013 applicable en la matière et prétend que les matériels de protection que l'employeur justifie avoir acquis pour ses salariés seraient insuffisants, notamment l'absence de certains équipements.

A l'appui de cette affirmation, M.[X] produit une attestation d'une cliente affirmant que ce dernier est venue chez elle pour démonter des velux sur de l'ardoise " 40 x 24 amiantée ", sans aucune protection. Mme [T], autre cliente, atteste dans le même sens. Un ancien salarié ayant quitté l'entreprise en 2014, M. [W], atteste avoir travaillé avec M. [X] sur un chantier à Langeais consistant à changer 130 Velux sur de l'ardoise 40 x 24 amiantée, sans masque, gant, combinaison, " comme sur 4 ou 5 autres chantiers ". M. [W] évoque, dans une autre attestation, un chantier amianté de 3600 m2 à Bléré, avec 2 masques pour 4 salariés.

Me [B] reconnaît que M.[X] a pu être exposé jusqu'en juillet 2014 à l'amiante, lorsque que c'était découvert sur des chantiers, mais affirme avoir fourni à son salarié les équipements de protection nécessaires et que s'il ne les portait pas, c'est que M.[X] a refusé de les porter.

Pour en justifier, il est produit aux débats de nombreuses factures d'acquisition d'équipements de protection, à partir de l'année 2013, tels que des gants, chaussures, pantalons, combinaisons, produits et cabines de décontamination. M. [X] a par ailleurs suivi une formation de " désamiantage pour personnel opérateur de chantier " et a passé une visite médicale auprès d'un pneumologue qui l'a déclaré " apte à réaliser des travaux exposés à l'amiante ".

La cour relève l'imprécision des attestations de clients produits par M.[X] et le fait que le seul salarié qui témoigne en faveur de M.[X] a quitté l'entreprise en 2014. Les nombreux éléments produits par l'employeur témoignent du fait que la protection contre les risques liés à l'amiante était prise au sérieux par la société [A] Touraine Toiture. L'arrêté du 7 mars 2013 relatif au choix, à l'entretien et à la vérification des équipements de protection individuelle utilisés lors d'opérations comportant un risque d'exposition à l'amiante n'apparait pas avoir été méconnu. M.[X] n'a jamais protesté auprès de l'employeur de ses conditions de travail ni alerté aucune instance, comme l'inspection du travail ou la médecine du travail, sur les risques supposés que son travail lui faisait courir, et encore moins exercé son droit de retrait, prévu par l'article L.4131-1 du code du travail. Enfin, même lors de son entretien préalable au licenciement, tel que relaté par Mme [R], il apparaît que la question de la sécurité au travail n'a pas été évoquée par M.[X] comme motif à sa décision de ne plus revenir travailler à son retour d'arrêt de travail pour maladie, indiquant seulement que c'était " par rapport à l'ambiance présente et les conflits qui pesaient ce moment ".

Par ailleurs, M.[X] affirme avoir dû accomplir seul et sans matériel adéquat des travaux nécessitant le port de charges lourdes, ce qui lui a causé une discopathie.

M. [X] produit un " bilan de lombalgies " datant du 4 juin 2016, faisant état d'affections du rachis lombaire et d'une discopathie avec déformation des plateaux vertébraux, et une seule attestation de M. [W] qui fait état de ce que l'échelle de 15 mètres était régulièrement portée à 2 employés au lieu de 3.

Cependant, aucune déclaration de maladie professionnelle n'apparait avoir été déposée, alors que le tableau n°98 des maladies professionnelles permet la prise en charge au titre de la législation professionnelle, sous certaines conditions d'exposition, des affections chroniques du rachis lombaire provoquées par la manutention manuelle de charges lourdes. Aucun élément médical ne démontre, en tout état de cause, l'existence d'un lien entre les pathologies invoquées par M.[X] et son travail auprès de la société [A] Touraine Toiture.

Il n'est donc pas établi que l'employeur ait méconnu ses obligations en matière d'hygiène ou de sécurité au travail.

- Sur le harcèlement moral

Aux termes de l'article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation d e ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

En vertu de l'article L. 1154-1 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2018-1088 du 8 août 2016, applicable en la cause, lorsque survient un litige relatif à l'application des articles L. 1152-1 à L. 1152-3 et L. 1153-1 à L. 1153-4, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

Il résulte de ces dispositions que, pour se prononcer sur l'existence d'un harcèlement moral, il appartient au juge d'examiner l'ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d'apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de laisser supposer l'existence d'un harcèlement moral au sens de l'article L. 1152-1 du code du travail. Dans l'affirmative, il appartient au juge d'apprécier si l'employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

A l'appui de sa demande visant à voir reconnaître l'existence d'un harcèlement moral, M. [X] relève l'existence d'un avertissement injustifié et le fait que l'absence de matériel adéquate aurait provoqué ses problèmes de santé.

Cependant, l'avertissement a été prononcé dans un contexte conflictuel dont le comportement de M.[X] n'est pas étranger compte tenu des propos rapportés par M.[Z] dans son attestation, déjà rappelés, qu'il a tenu vis-à-vis de son employeur. Il s'agit en tout état de cause d'un élément isolé et non répété.

Par ailleurs, il a été jugé que le lien entre la pathologie dont souffre M.[X] et son travail au sein de la société [A] Touraine Toiture n'est pas établi.

Ainsi, les éléments invoqués par le salarié ne permettent pas de laisser supposer l'existence d'un harcèlement moral au sens de l'article L. 1152-1 du code du travail.

C'est pourquoi le jugement entrepris, qui l'a débouté de sa demande à ce titre, sera confirmé sur ce point.

-Sur la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur

Lorsqu'un salarié a demandé la résiliation judiciaire de son contrat de travail et que son employeur le licencie ultérieurement, le juge doit d'abord rechercher si la demande en résiliation est fondée. La résiliation judiciaire du contrat de travail est prononcée à l'initiative du salarié et aux torts de1'employeur, lorsque sont établis des manquements par ce dernier à ses obligations d'une gravité suffisante pour faire obstacle à la poursuite du contrat de travail. Dans ce cas, la résiliation du contrat produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, ou nul, lorsque la résiliation judiciaire du contrat de travail est motivée par des faits de harcèlement moral.

A l'appui de sa demande de résiliation judiciaire du contrat de travail, M.[X] invoque les faits précédemment examinés.

En l'absence de harcèlement moral et de manquement de l'employeur à son obligation de sécurité, et en présence d'un avertissement certes injustifié, mais intervenu dans le contexte déjà décrit, qui ne constitue en rien un manquement de l'employeur suffisamment grave de nature à empêcher la poursuite du contrat de travail, cette demande sera, par voie de confirmation du jugement entrepris, rejetée, de même que les demandes afférentes.

- Sur le licenciement pour faute grave

Il résulte de l'article L.1232-1 du code du travail que tout licenciement pour motif personnel est justifié par une cause réelle et sérieuse.

Le motif inhérent à la personne du salarié doit reposer sur des faits objectifs, matériellement vérifiables et qui lui sont imputables.

L'article L.1235-1 du code du travail prévoit qu'en cas de litige, le juge, à qui il appartient d'apprécier le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties. Si un doute subsiste, il profite au salarié.

Enfin, la faute grave est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise et qui justifie la rupture immédiate de son contrat de travail, sans préavis ; la charge de la preuve pèse sur l'employeur.

A titre liminaire, la cour entend faire remarquer que si M.[X] affirme qu'il n'est pas justifié d'une convocation à entretien préalable, il résulte de l'article L.1235-2 du code du travail, dans sa version applicable à l'espèce, antérieure à l'ordonnance n°2017-1387 du 22 septembre 2017, que si une indemnité peut être allouée au salarié en raison d'une irrégularité de la procédure de licenciement, le défaut éventuel de convocation à entretien préalable ne permet pas pour autant d'en conclure que le licenciement est dénué de cause réelle et sérieuse, seule une indemnité spécifique pouvant être réclamée par le salarié et allouée par le juge. Une telle demande n'est pas formée par M. [X].

Par ailleurs, celui-ci ne conteste pas qu'un entretien préalable a eu lieu le 3 janvier 2017, puisqu'il verse au débat une attestation de la personne qui l'a accompagné à cette occasion.

M. [X] a été licencié en raison de son absence injustifiée à l'issue de son arrêt de travail, à compter du 19 novembre 2016.

Ce dernier entend l'expliquer par le fait que cette absence n'était que la conséquence de l'attitude de l'employeur et de la dégradation de ses conditions de travail.

Il vient d'être exposé que les griefs opposés par M.[X] à la société [A] Touraine Toiture n'étaient pas constitués, hormis un avertissement injustifié.

Ce seul élément est insuffisant à justifier l'absence prolongée de M.[X] à son retour de congé de maladie. Cette absence, de nature à désorganiser le focntionnement de l'entreprise, justifie la rupture immédiate du contrat de travail et la faute grave qui lui est reprochée.

Par voie de confirmation du jugement entrepris, M. [X] sera débouté de ses demandes à ce titre.

- Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens

Le jugement étant confirmé en toutes ses dispositions, il y a lieu de condamner l'appelant à payer à Me [B], ès qualité de mandataire ad hoc de la société [A] Touraine Toiture, la somme de 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

M.[X] sera en outre condamné aux dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant par mise à disposition au greffe, contradictoirement et en dernier ressort,

Confirme le jugement rendu, le 19 novembre 2018, par le conseil de prud'hommes de Tours en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

Condamne M. [P] [X] à payer à Me [B], ès qualité de mandataire ad hoc de la société [A] Touraine Toiture, la somme de 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne M. [P] [X] aux dépens d'appel.

Et le présent arrêt a été signé par le président de chambre, président de la collégialité, et par le greffier

Fanny ANDREJEWSKI-PICARD Laurence DUVALLET


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Orléans
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 19/00076
Date de la décision : 28/04/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-04-28;19.00076 ?
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