COUR D'APPEL D'ORLÉANS
CHAMBRE DES URGENCES
COPIES EXECUTOIRES + EXPÉDITIONS :
SCP GUILLAUMA PESME
SELARL PINCHAUX-DOULET
ARRÊT du 27 AVRIL 2022
n° : 153/22 RG 21/02359
n° Portalis DBVN-V-B7F-GNX3
DÉCISION DE PREMIÈRE INSTANCE : Jugement, Juge des contentieux de la protection, Tribunal Judiciaire d'ORLÉANS en date du 8 juillet 2021, RG 11-20-000786, minute n° 402/21 ;
PARTIES EN CAUSE
APPELANT : timbre fiscal dématérialisé n°: 1265 2670 5506 6450
Monsieur [U] [K]
16 avenue de la rivière des bois - 45380 LA CHAPELLE SAINT MESMIN
représenté par Me Christophe PESME de la SCP GUILLAUMA PESME, avocats au barreau d'ORLÉANS
INTIMÉE : timbre fiscal dématérialisé n°: 1265 2669 7249 4133
SA 3F CENTRE VAL DE LOIRE, prise en la personne de son représentant légal en exercice, domicilié ès qualités audit siège
5 rue Michel Royer - 45100 ORLÉANS
représentée par Me Sophie PINCHAUX de la SELARL PINCHAUX-DOULET, avocats au barreau d'ORLÉANS
' Déclaration d'appel en date du 31 août 2021
' Ordonnance de clôture du 28 février 2022
Lors des débats, à l'audience publique du 9 mars 2022, Madame Carole CHEGARAY, Présidente de chambre en remplacement de Monsieur Michel Louis BLANC, Président de Chambre, régulièrement empêché par ordonnance du Premier Président de la Cour d'appel n°116/2022 en date du 7 mars 2022 modifiant la composition de l'audience de la chambre des urgences, déférés inclus, du mercredi 9 mars 2022, a entendu les avocats des parties, avec leur accord, par application des articles 786 et 910 du code de procédure civile ;
Lors du délibéré :
Madame Carole CHEGARAY, présidente rapporteur
Monsieur Alexandre DAVID, assesseur
Madame Anne-Lise COLLOMP, assesseur
Greffier : Madame Mireille LAVRUT, faisant fonction de greffier lors des débats et du prononcé par mise à disposition au greffe ;
Arrêt : prononcé le 27 AVRIL 2022 par mise à la disposition au greffe, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;
Par acte sous seing privé en date du 28 août 2017, la société d'HLM Immobilière Centre Loire a donné à bail à M. [U] [K] une appartement à usage d'habitation situé à la Chapelle Saint Mesmin (45) moyennant un loyer mensuel hors charges de 370,12 euros.
Par acte d'huissier du 22 octobre 2020, M. [K] a fait assigner la société 3F Centre Val de Loire, venant aux droits de la société Immobilière Val de Loire, devant le juge des contentieux de la protection près le tribunal judiciaire d'Orléans en paiement de dommages et intérêts en raison des désordres affectant le système de chauffage de son appartement.
Par jugement en date du 8 juillet 2021, le juge des contentieux de la protection a :
- rejeté l'ensemble des demandes de M. [K] et notamment ses demandes aux fins d'indemnisation au titre de ses préjudices résultant de la non décence du logement qu'il occupe, situé 16 avenue de la Rivière des bois, 45380 La Chapelle Saint Mesmin, et portées contre son bailleur la société d'HLM 3F Centre Val de Loire ;
- condamné M. [K] à payer à la société 3F Centre Val de Loire, prise en la personne de son représentant légal, la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné M. [U] [K] aux entiers dépens ;
- rappelé que la présente décision bénéficie de l'exécution provisoire.
Le 31 août 2021, M. [K] a interjeté appel de cette décision en visant expressément tous les chefs du jugement attaqué.
Par conclusions notifiées le 2 février 2022, M. [K] demande à la cour de :
Vu les articles 1719 et suivants du code civil,
Vu la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 et le décret n° 2002-120 du 30 janvier 2002,
Déclarer [U] [K] recevable en son appel.
Infirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire d'Orléans en date du 8 juillet 2021 (R.G. n°11-20-000786).
Statuant à nouveau,
Condamner la société 3F CENTRE VAL DE LOIRE à faire réaliser les travaux nécessaires permettant le fonctionnement normal et complet du système de chauffage équipant le logement donné à bail à
[U] [K] sis 16 avenue de la Rivière des Bois à La Chapelle Saint Mesmin (45380), en
procédant si nécessaire au changement des équipements, et ce, sous astreinte de 100 € par jour de retard, passé un délai d'un mois suivant la signification de l'arrêt.
Condamner la société 3F CENTRE VAL DE LOIRE à verser à [U] [K] une somme de 3.300 € à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice de jouissance.
Condamner la société 3F CENTRE VAL DE LOIRE à verser à [U] [K] une somme de 2.000 € à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral.
Condamner la société 3F CENTRE VAL DE LOIRE à verser à [U] [K] une somme de 2.000 € à titre de dommages et intérêts au titre de la résistance abusive.
Débouter la société 3F CENTRE VAL DE LOIRE de l'ensemble de ses demandes.
Condamner la société 3F CENTRE VAL DE LOIRE à verser à monsieur [U] [K] une somme de 2.500 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés devant le premier juge et en cause d'appel.
Condamner la société 3F CENTRE VAL DE LOIRE aux entiers dépens, dont distraction au profit de Maître Christophe Pesme (SCP GUILLAUMA & PESME) sur le fondement des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Par conclusions notifiées le 22 février 2022, la société 3F Centre Loire demande à la cour de :
Dire recevable les conclusions de la SA 3F.
Confirmer le jugement rendu le 8 juillet 2021 par le juge des contentieux et de la protection près le tribunal judiciaire d'Orléans, en tous chefs de son dispositif.
Y ajoutant
Condamner M. [U] [K] à régler à la SA 3F une somme de 3000 € au titre des frais irrépétibles qu'elle a exposés pour la défense de ses intérêts les plus légitimes.
Condamner M. [U] [K] aux dépens d'appel.
Débouter M. [U] [K] de toutes demandes, fins, prétentions, conclusions plus amples ou contraires.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 28 février 2022.
MOTIFS :
M. [K] reproche à la société 3F Centre Loire d'avoir manqué à ses obligations de délivrance d'un logement décent, et d'entretien et de jouissance paisible.
Sur l'obligation de délivrer un logement décent :
Aux termes de l'article 6 alinéa 1er de la loi du 6 juillet 1989, tel que modifié par la loi du 13 décembre 2000 :
'Le bailleur est tenu de remettre au locataire un logement décent ne laissant pas apparaître de risques manifestes pouvant porter atteinte à la sécurité physique ou à la santé et doté des éléments le rendant conforme à l'usage d'habitation'.
Le décret du 30 janvier 2002 relatif aux caractéristiques du logement décent précise, en son article 3, que le logement doit comporter : 'une installation permettant un chauffage normal, munie des dispositifs d'alimentation en énergie et d'évacuation des produits de combustion et adaptée aux caractéristiques du logement'.
En application de l'article R.111-6 du code de la construction et de l'habitation, jusqu'à son abrogation par le décret du 30 juin 2021 :
'Tout logement compris dans un bâtiment d'habitation au sens de l'article R. 111-1-1 doit pouvoir être chauffé et pourvu d'eau chaude sanitaire moyennant une dépense d'énergie limitée, selon les conditions prévues par les dispositions de l'article R.111-20.
Les équipements de chauffage du logement permettent de maintenir à 18° C la température au centre des pièces du logement. Ils comportent des dispositifs de réglage automatique du chauffage qui permettent notamment à l'occupant d'obtenir une température inférieure à 18° C'.
Cet article a été remplacé depuis cette date par l'article R.171-11 du même code, introduit par le décret du 30 juin 2021, qui prévoit les mêmes obligations.
M. [K] ne démontre pas en l'espèce que les dysfonctionnements allégués du dispositif de chauffage et notamment du radiateur du salon conduisent le logement à être insufffisamment chauffé, alors au contraire qu'il résulte du constat d'huissier en date du 13 janvier 2022 produit par M. [K] que la température, dans cette pièce, était de 19°C à cette date.
Le bailleur n'a dès lors pas manqué à son obligation de délivrer un logement décent.
Sur l'obligation d'entretien et de jouissance paisible :
En application de l'article 6 c de la loi du 6 juillet 1989, le bailleur d'un local d'habitation doit 'entretenir les locaux en état de servir à l'usage prévu par le contrat et y faire toutes les réparations, autres que locatives, nécessaires au maintien en état et à l'entretien normal des lieux loués'.
Le bailleur est donc tenu de procéder, en cours de bail, aux réparations devenues nécessaires pour le maintien des lieux dans leur état initial et qui n'incombent pas au locataire au regard du décret n°87-712 du 26 août 1987, et il engage sa responsabilité en cas de non respect de cette obligation.
Toutefois, l'inexécution de son obligation d'entretien par le bailleur ne peut ouvrir droit à des dommages et intérêts pour le locataire que s'il a informé le bailleur de l'existence des désordres et que celui-ci n'y a pas remédié (Civ 3ème 4 février 2014 n°12-13.653 ; Civ 3ème 15 juin 2010 n°09-15.465 ; Civ 3ème 8 juillet 2009 n°08-15.158 ; Civ 3ème 29 avril 2009 bull n°88).
En l'espèce, il résulte des pièces produites que M.[K] a signalé pour la première fois à la société 3F Centre Loire par un courrier du 15 mai 2018 qu'il avait des soucis avec le thermostat de la chaudière qui était hors d'usage et ne coupait pas le chauffage, ce qui engendrait une surconsommation, et avec le radiateur du salon qui ne chauffait pas suffisamment.
La société 3F Centre Loire a fait intervenir son prestataire, la société Servigaz, le 23 mai 2018, lequel a constaté la nécessité de procéder au désembouage de l'installation de chauffage. Il est établi par diffférents courriers versés aux débats que la société Servigaz a sollicité à plusieurs reprises M. [K] afin d'intervenir chez lui, par courriers simples et recommandés (courriers du 6 novembre 2018, du 12 décembre 2018, lettre recommndée du 9 janvier 2019), le prestataire, agissant à la demande du bailleur, ayant même indiqué dans l'un de ses courriers que le 29 novembre 2018, M. [K] avait refusé qu'il rentre chez lui.
La société Servigaz est finalement intervenue le 21 janvier 2019 au domicile de M. [K], et lui a en outre versé une somme de 500 euros pour répondre à la plainte de M. [K] relative à la suconsommation de gaz, de sorte que la société bailleresse était fondée à penser le problème résolu.
Il n'est pas démontré que M. [K] a de nouveau informé son bailleur de difficultés avant le mois de septembre suivant, date à laquelle il a fait parvenir à la société Immobilière 3F, par l'intermédiaire de son conseil, un courrier recommandé qu'elle a reçu le 9 septembre 2019, faisant de nouveau état d'un dysfonctionnement du radiateur séjour et du thermostat, auquel le bailleur a répondu par un courrier du 18 septembre expliquant les difficultés rencontrées pour intervenir au domicile de M. [K]. Le nouveau prestataire du bailleur est intervenu le 26 septembre 2019, et a préconisé le désembouage du radiateur du séjour 'qui ne chauffe qu'à moitié'. Une fiche d'intervention de ce même prestataire en date du 10 déembre 2019 mentionne qu'un désembouage a été réalisé à cette date : 'désembouage, radiateur salon ne chauffe que sur la moitié, prévoir ta tibox'. Le 17 décembre, ce prestataire a mentionné qu'il n'avait pu intervenir en raison de l'absence de M. [K]. Il est de nouveau intervenu le 5 mars 2020 pour 'pose radiateur avec modification', de sorte qu'à cette date, le bailleur était fondé à penser le problème de nouveau résolu.
Il n'est pas établi que le bailleur ait été informé, avant la notification le 2 février 2022 des conclusions de M. [K] dans le cadre de l'instance en appel, de ce que les dysfonctionnements ont perduré depuis lors.
Il en résulte que le bailleur, lorsqu'il a été informé de désordres, a systématiquement réagi en sollicitant l'intervention du prestataire de chauffage, lequel est effectivement intervenu afin de remédier aux dysfonctionnements, et que le délai ayant couru d'une part entre le courrier du 13 mai 2018 et l'intervention du 21 janvier 2019, et d'autre part entre le courrier du 4 septembre 2019 et les interventions des 10 décembre 2019 et 5 mars 2020, s'expliquent par le silence de M. [K], ses absences, voire son refus le 27 novembre 2018 de laisser le prestataire entrer chez lui.
Il n'est donc pas établi que la société 3F Centre Loire, qui n'a pas laissé les doléances de son locataire son réponse et a pris au contraire dès qu'elle en a eu connaissance les mesures pour y remédier, les délais d'intervention étant justifiés par le manque de réactivité voire de collaboration de son locataire, a manqué à son obligation d'entretien et de réparation, pas plus qu'à son obligation de jouissance paisible, ce d'autant moins qu'il ne résulte pas des pièces produites que, malgré le fait que le radiateur du salon diffusait moins de chaleur que les autres radiateurs du logement, le logement ait été insuffisamment chauffé puisqu'il résulte au contraire du procès-verbal de constat d'huissier du 13 janvier 2022 que la température dans cette pièce était de 19 degrés.
Le jugement sera en conséquence confirmé en ce qu'il a rejeté les demandes de dommages et intérêts de M. [K].
Enfin, s'agissant de la demande de M. [K] tendant à voir le bailleur condamner à réaliser des travaux afin de permettre un fonctionnement complet et normal de l'installation de chauffage, formée à hauteur d'appel, force est de constater que la société 3F Centre Loire justifie avoir confié, le 29 novembre 2021, à la société Proxiserve le remplacement des chaudières dans cette résidence, et soutient, sans être contredite sur ce point, que les travaux sont intervenus fin janvier 2022.
M. [K] sera en conséquence débouté de l'ensemble de ses demandes.
Sur les dépens et les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile :
M. [K], qui succombe, sera tenu aux dépens d'appel.
Les circonstances de la cause justifient de condamner M. [K] à payer une somme de 500 euros à la société 3F Centre Loire sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS :
Statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, contradictoirement et en dernier ressort,
CONFIRME en toutes ses dispositions critiquées le jugement entrepris ;
Y ajoutant :
REJETTE La demande de M. [K] tendant à voir la société 3F Centre Loire condamnée à faire réaliser les travaux nécessaires permettant le fonctionnement normal et complet du système de chauffage équipant son logement ;
CONDAMNE M. [U] [K] à verser une somme de 500 euros à la société 3F Centre Loire sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE M. [U] [K] aux dépens d'appel.
Arrêt signé par Madame Carole CHEGARAY, présidente de chambre, et Madame Mireille LAVRUT, faisant fonction de greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire ;
LE GREFFIER,LE PRÉSIDENT,