C O U R D ' A P P E L D ' O R L É A N S
CHAMBRE SOCIALE - A -
Section 1
PRUD'HOMMES
Exp +GROSSES le 26 AVRIL 2022 à
la SELARL 2BMP
Me Caroline RENONCET
AD
ARRÊT du : 26 AVRIL 2022
MINUTE N° : - 22
N° RG 19/03434 - N° Portalis DBVN-V-B7D-GBQC
DÉCISION DE PREMIÈRE INSTANCE : CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE TOURS en date du 01 Octobre 2019 - Section : COMMERCE
APPELANTE :
Madame [H] [W]
née le 25 Mars 1981 à OUAHIGOUYA YATENGA
11 rue du Plessis
37300 JOUE LES TOURS
représentée par Me Louis PALHETA de la SELARL 2BMP, avocat au barreau de TOURS
ET
INTIMÉE :
Caisse CREDIT MUTUEL AGRICOLE DU CENTRE, prise en la personne de son représentant légal, domicilié en cette qualité au siège social
105 rue Faubourg Madeleine
Place de l'Europe
45000 ORLEANS
représentée par Me Caroline RENONCET, avocat au barreau de TOURS
Ordonnance de clôture : 8 février 2022
Audience publique du 22 Février 2022 tenue par M. Alexandre DAVID, Président de chambre, et ce, en l'absence d'opposition des parties, assisté lors des débats de Mme Karine DUPONT, Greffier.
Après délibéré au cours duquel M. Alexandre DAVID, Président de chambre a rendu compte des débats à la Cour composée de :
Monsieur Alexandre DAVID, président de chambre, président de la collégialité,
Madame Laurence DUVALLET, présidente de chambre,
Madame Florence CHOUVIN-GALLIARD, conseiller
Puis le 26 Avril 2022, Monsieur Alexandre DAVID, président de Chambre, assisté de Mme Karine DUPONT, Greffier a rendu l'arrêt par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
FAITS ET PROCÉDURE
Mme [H] [W] a été engagée par la société Caisse de Credit Mutuel Agricole du Centre en qualité de conseiller de clientèle niveau 3, statut technicien, selon contrat de travail à durée déterminée du 27 juin 2016, conclu pour la période du 28 juin 2016 au 28 septembre 2016.
Un second contrat de travail à durée déterminée a été conclu le 26 septembre 2016 entre les parties pour la période du 29 septembre 2016 au 26 avril 2017, la salariée étant engagée dans les mêmes fonctions.
La relation de travail a pris fin à l'échéance du terme du contrat à durée déterminée.
Le 29 janvier 2018, Mme [H] [W] a saisi le conseil de prud'hommes de Tours aux fins de voir requalifier son contrat de travail à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée et d'obtenir la condamnation de l'employeur à lui payer les sommes suivantes :
. 1834,63 € d'indemnité de requalification en contrat à durée indéterminée
. 1834,63 € de dommages-intérêts pour non-respect de la procédure de licenciement,
. 1834,63 € d'indemnité de préavis et 183,46 € de congés payés afférents,
. 8000 € de dommages-intérêts pour rupture abusive du contrat de travail,
. 2000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
La Caisse de Crédit Mutuel Agricole du Centre a conclu au débouté de toutes les demandes adverses et à la condamnation de son adversaire à lui payer 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Par jugement du 1er octobre 2019, le conseil de prud'hommes de Tours, section commerce, a :
Débouté Mme [H] [W] de la totalité de ses demandes ;
Débouté la caisse de Crédit Mutuel Agricole du centre de sa demande faite reconventionnellement sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Condamné Mme [H] [W] aux éventuels dépens d'instance.
Mme [H] [W] a interjeté appel de cette décision le 31 octobre 2019.
PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Vu les dernières conclusions remises au greffe par voie électronique le 9 décembre 2019 auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens et prétentions conformément à l'article 455 du code de procédure civile et aux termes desquelles Mme [H] [W] demande à la cour de :
Dire et juger Mme [H] [W] tant recevable que bien fondée en son appel et en ses demandes ;
En conséquence, réformant le jugement entrepris, et statuant à nouveau :
Condamner la S.A. Coopérative à capital variable Crédit Mutuel Agricole du centre au paiement des sommes de :
Indemnité de requalification égale à un mois de salaire : 1.834,63 euros ;
Indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement : 1.834,63 euros ;
Indemnité de préavis : 1.834,63 euros ;
Congés payés afférents : 183,46 euros ;
Indemnité pour rupture abusive du contrat travail : 8.000 euros ;
Ordonner sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter de la décision à intervenir la remise des bulletins de paie afférents aux créances salariales ainsi que d'un certificat de travail et d'une attestation destinée à Pôle emploi ;
Condamner la S.A. Coopérative à Capital Variable Crédit Mutuel Agricole du centre aux entiers dépens qui comprendront les frais éventuels d'exécution et au paiement d'une somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
La salariée rappelle les règles de droit applicables et, en particulier, les dispositions de l'article L. 1242-12, alinéa premier du code du travail qui prescrivent que le contrat à durée déterminée est établi par écrit et comporte la définition précise de son motif. À défaut, il est réputé conclu pour une durée indéterminée.
La Cour de Cassation ajoute qu'en l'absence du nom et de la qualification du salarié remplacé, le contrat est réputé conclu pour une durée indéterminée.
Elle fait valoir qu'elle a été amenée à remplacer deux salariées non seulement Mme [S], comme prévu dans le contrat à durée déterminée, mais également Mme [P].
Elle fait valoir qu'il n'est pas possible, par un même contrat ,de remplacer deux salariés et en conséquence, il est nécessaire d'établir deux contrats à durée déterminée.
À ses yeux, sa compétence à occuper les fonctions de conseillère particulière reste étrangère au litige, puisqu'elle n'a pas occupé ce poste, mais seulement celui correspondant à l'activité du guichet.
Elle soutient que le contrat à durée déterminée ne prévoyait que le remplacement partiel d'une seule salariée. Selon elle, le motif mentionné au contrat de travail ne porte que sur une partie de son engagement à temps complet. Dès lors, le contrat à durée déterminée doit être requalifié pour absence de motif de recours.
Vu les dernières conclusions remises au greffe par voie électronique le 28 janvier 2020 auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens et prétentions conformément à l'article 455 du code de procédure civile et aux termes desquelles la Caisse de Crédit Mutuel Agricole du Centre, relevant appel incident, demande à la cour de :
A titre principal,
Confirmer en tous points le jugement intervenu par devant le Conseil des prud'hommes de Tours, le 1er octobre 2019, sauf en ce qu'il a débouté le crédit mutuel de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et par conséquent ;
Constater que les contrats à durée déterminée conclus entre Mme [H] [W] et la Caisse de Crédit Mutuel Agricole du centre comportent l'ensemble des mentions obligatoires requises par les articles L.1242-1 et suivants du code du travail
Constater que Mme [H] [W] a remplacé Mme [S], absente de son poste de travail à temps plein, en raison de son affectation sur le poste de Mme [Y], absente pour maladie, puis pour congé maternité ;
Constater que Mme [H] [W] a remplacé partiellement Mme [S] compte tenu de l'impossibilité de Mme [H] [W] de remplir intégralement les fonctions et les missions dévolues à Mme [S] ;
Constater que Mme [H] [W] n'a jamais remplacé Mme [P], qui n'a jamais été absente de son poste de Chargé de Clientèle B/A 2 technicien niveau 5 ;
En conséquence,
Dire que les deux contrats à durée déterminée sont parfaitement licites ;
En conséquence,
Rejeter les demandes initiales, plus amples ou complémentaires de Mme [H] [W] et particulièrement celles conduisant à la requalification de ses contrats de travail à durée déterminée avec toutes les conséquences de droit qui y sont attachées ;
Infirmer le jugement intervenu par devant le Conseil des prud'hommes de Tours, le 1er octobre 2019, en ce qu'il a débouté le Crédit mutuel de sa demande au titre de l'article 700 du code procédure civile ;
Et par conséquent,
Condamner Mme [H] [W] à verser à la Caisse de Crédit Mutuel Agricole du Centre la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile devant les premiers juges et y ajoutant ;
Condamner Mme [H] [W] à verser à la Caisse de Crédit Mutuel Agricole du Centre la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile en appel ;
Condamner Mme [H] [W] aux entiers dépens.
S'agissant du respect des articles L. 1242-1 et suivants du code du travail, l'employeur soutient que Mme [W] a été recrutée sur un poste de conseillère clientèle niveau 3, statut technicien, en remplacement de Mme [S], absente temporairement de son poste de conseillère clientèle particulière, niveau 4 statut technicien, en raison de son affectation temporaire sur le poste de Mme [Y], absente pour maladie, congé pathologique et pour congés maternité.
Il s'agit ainsi, selon l'employeur, d'un remplacement en cascade.
En réalité, Mme [W] ne pouvait pas assurer l'intégralité des missions du poste de Mme [S], compte tenu de son expérience et de son niveau de diplôme, ce qui explique le remplacement partiel, inscrit dans le contrat à durée déterminée.
En effet, elle ne possédait pas la certification AMF au moment de son embauche et ne pouvait donc vendre d'instruments financiers.
En l'occurrence, le contrat à durée déterminée comporte toutes les mentions exigées par la jurisprudence, soit le nom de la personne remplacée et de celle qu'elle remplace, elle-même en cascade.
Mesdames [S] et [P] occupent, chacune, un poste de chargé de clientèle particulière puisqu'elles gèrent un portefeuille. Etant de dimension restreinte, l'agence d'Amboise ne dispose pas de conseiller accueil guichet : aussi est-il d'usage que les chargés de clientèle particulière effectuent des missions dévolues aux conseillers clientèle qui comportent des activités de guichet ou de maintenance des automates.
Le registre du personnel de l'agence d'Amboise ne comporte d'ailleurs pas d'emploi permanent de conseiller accueil ou de conseiller clientèle. Il s'ensuit que Mme [W] est infondée à prétendre aux indemnisations sollicitées.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 8 février 2022.
MOTIFS DE LA DÉCISION
La notification du jugement est intervenue le 5 octobre 2019, en sorte que l'appel principal de Mme [W], régularisé à ce greffe le 31 octobre 2019, dans le délai légal d'un mois, s'avère recevable en la forme, comme l'appel incident de la Caisse de Crédit Mutuel agricole du Centre, sur le fondement des dispositions de l'article 550 du code de procédure civile.
Sur la licéité des deux contrats à durée déterminée
L'article L. 1242-2 du code du travail dispose que le contrat de travail à durée déterminée ne peut être conclu pour que pour l'exécution d'une tâche précise et temporaire et, seulement dans les cas suivants : remplacement d'un salarié en cas d'absence, de passage provisoire à temps partiel, conclu par avenant à son contrat de travail ou par échange écrit entre ce salarié et son employeur, suspension de son contrat de travail, départ définitif, accroissement temporaire de l'activité de l'entreprise'
L'article L. 1242-12 du même code ajoute que le contrat de travail à durée déterminée est établi par écrit et comporte la définition précise de son motif. À défaut il est réputé conclu pour une durée indéterminée.
Il comporte notamment
-le nom et la qualification professionnelle de la personne remplacée lorsqu'il est conclu au titre des 1°, 4°, et 5° de l'article L 1242-2,
-la date du terme et le cas échéant, la clause de renouvellement lorsqu'il comporte un terme précis,
-la durée minimale pour laquelle il est conclu lorsqu'il ne comporte pas de terme précis,
-la désignation du poste de travail en précisant, le cas échéant, si celui-ci figure sur la liste des postes de travail présentant des risques particuliers pour la santé ou la sécurité des salariés,
-l'intitulé de la convention collective applicable,
-la durée de la période d'essai éventuellement prévue,
-le montant de la rémunération et de ses différentes composantes'
En l'espèce, le contrat de travail à durée déterminée conclu entre les parties le 27 juin 2016 stipule :
-Article 1 « La Caisse de Crédit mutuel agricole du Centre engage Mme [W], en qualité de conseiller clientèle niveau 3, statut technicien, pour assurer le remplacement temporaire et partiel de Mme [R] [S], chargé de clientèle particulier, statut technicien niveau 4, détachée temporairement sur le remplacement de Mme [O] [Y], chargé de clientèle particulier, statut technicien, niveau 4, en arrêt maladie [...] »
Article 2 : « le présent contrat est conclu pour une durée déterminée à compter du 28 juin 2016 jusqu'au 28 septembre 2016 inclus, date à laquelle il prendra fin.»
Article 4 : « La rémunération mensuelle brute de Mme [W], sur la base d'un emploi à temps plein, est fixée à 1809,21 € Elle bénéficiera d'un 13e mois. La rémunération annuelle brute pour un emploi à temps plein s'élève en conséquence à 23'519,73 €. »
-Article 5 : «Mme [W] est affectée au sein de l'agence d'Amboise».
Le second contrat de travail à durée déterminée, conclu le 26 septembre 2016 pour la période du 29 septembre 2016 au 26 avril 2017, reprend les stipulations des articles 1, 4 et 5.
Il est précisé dans ce second contrat qu'à défaut de pouvoir justifier de la certification AMF, Mme [W] ne pourra ni informer, ni conseiller, ni vendre d'instruments financiers.
Il est mentionné dans les deux contrats que la durée du travail est de 35 heures par semaine, cette durée étant effectuée selon les modalités d'aménagement applicables au sein de l'entreprise, la salariée étant soumise aux horaires et jours travaillés de son unité d'affectation, l'agence d'Amboise.
L'employeur démontre, par la production du registre du personnel de l'agence d'Amboise, que Mme [W] a, pendant toute la relation de travail, occupé un poste de conseiller de clientèle, technicien niveau 3, à l'agence d'Amboise.
Il démontre également qu'à compter du 5 juillet 2016 Mme [S], chargée de clientèle particuliers au sein de l'agence d'Amboise, a été affectée à titre temporaire au sein d'une autre agence en remplacement d'une salariée de même niveau de qualification.
Dès lors, il y a lieu de considérer que les contrats litigieux comportent la définition précise du motif de recours au contrat à durée déterminée, à savoir le remplacement d'un salarié absent dont le nom et la qualification professionnelle sont précisés. Ils mentionnent également l'emploi occupé par Mme [W].
Cette dernière ne possédant pas les qualifications de la salariée remplacée, il était loisible à l'employeur de réorganiser le service afin que Mme [W] occupe à temps plein l'emploi de conseiller de clientèle pour lequel elle a été engagée.
La Caisse de Crédit Mutuel Agricole du Centre démontre qu'il a été recouru au contrat à durée déterminée non pour pourvoir un emploi lié à son activité normale et permanente mais pour pallier l'absence temporaire de Mme [O] [Y], en congé maladie puis en congé de maternité.
Par conséquent, par voie de confirmation du jugement, il y a lieu de débouter Mme [W] de sa demande de requalification de la relation de travail en contrat de travail à durée indéterminée et de ses demandes pécuniaires subséquentes.
Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile
Il y a lieu de confirmer le jugement en ses dispositions relatives aux dépens et à l'article 700 du code de procédure civile.
Il y a lieu de condamner la salariée aux dépens de l'instance d'appel et au paiement de la somme de 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Il convient de la débouter de sa demande à ce titre.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt contradictoire, rendu en dernier ressort et prononcé par mise à disposition au greffe :
Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu entre les parties par le conseil de prud'hommes de Tours le 1er octobre 2019 ;
Condamne Mme [H] [W] à payer à la Caisse de Crédit Mutuel Agricole du Centre la somme de 500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile et la déboute de sa demande à ce titre ;
Condamne Mme [H] [W] aux dépens de l'instance d'appel.
Et le présent arrêt a été signé par le président de chambre et par le greffier
Karine DUPONT Alexandre DAVID