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26/04/2022 | FRANCE | N°19/00365

France | France, Cour d'appel d'Orléans, Chambre sociale, 26 avril 2022, 19/00365


C O U R D ' A P P E L D ' O R L É A N S

CHAMBRE SOCIALE - A -

Section 1

PRUD'HOMMES

Exp +GROSSES le 26 AVRIL 2022 à

Me Quentin ROUSSEL

la SCP WEDRYCHOWSKI ET ASSOCIES







AD



ARRÊT du : 26 AVRIL 2022



MINUTE N° : - 22



N° RG 19/00365 - N° Portalis DBVN-V-B7D-F3J2



DÉCISION DE PREMIÈRE INSTANCE : CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE MONTARGIS en date du 14 Décembre 2018 - Section : INDUSTRIE







APPELANT :



Mo

nsieur [Y] [J]

né le 04 Décembre 1971 à METZ (57000)

16 rue de la Dandonnerie

45260 LORRIS



représenté par Me Quentin ROUSSEL, avocat au barreau d'ORLEANS

ayant pour avocat plaidant Me Xavier SA...

C O U R D ' A P P E L D ' O R L É A N S

CHAMBRE SOCIALE - A -

Section 1

PRUD'HOMMES

Exp +GROSSES le 26 AVRIL 2022 à

Me Quentin ROUSSEL

la SCP WEDRYCHOWSKI ET ASSOCIES

AD

ARRÊT du : 26 AVRIL 2022

MINUTE N° : - 22

N° RG 19/00365 - N° Portalis DBVN-V-B7D-F3J2

DÉCISION DE PREMIÈRE INSTANCE : CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE MONTARGIS en date du 14 Décembre 2018 - Section : INDUSTRIE

APPELANT :

Monsieur [Y] [J]

né le 04 Décembre 1971 à METZ (57000)

16 rue de la Dandonnerie

45260 LORRIS

représenté par Me Quentin ROUSSEL, avocat au barreau d'ORLEANS

ayant pour avocat plaidant Me Xavier SAUVIGNET de la SELARL BOUSSARD VERRECCHIA ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS,

ET

INTIMÉE :

S.A. ELECTRICITE DE FRANCE (EDF), SA à conseil d'administration dont le siège social est situé 22-30 avenue de Wagram 75008 PARIS

prise en son Centre nucléaire de Production d'Electricité (CNPE) de DAMPIERRE EN BURLY, représenté par son directeur en exercice, domicilié en cette qualité audit établissement

BP 18

45570 OUZOUER SUR LOIRE

représentée par Me Ladislas WEDRYCHOWSKI de la SCP WEDRYCHOWSKI ET ASSOCIES, avocat au barreau d'ORLEANS,

ayant pour avocat plaidant Me Romain ZANNOU, avocat au barreau de PARIS

PARTIE INTERVENANTE :

Fédération DES SYNDICATS SUD ENERGIE prise en la personne de son représentant légal, domicilié en cette qualité au siège,

16 rue de la Dandonnerie

45260 LORRIS

représentée par Me Quentin ROUSSEL, avocat au barreau d'ORLEANS

ayant pour avocat plaidant Me Xavier SAUVIGNET de la SELARL BOUSSARD VERRECCHIA ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS,

Ordonnance de clôture : 3 février 2022 à 9h00

Audience publique du 3 Février 2022 à 9h30 tenue par M. Alexandre DAVID, Président de chambre, et par Madame Florence CHOUVIN-GALLIARD, conseiller, ce, en l'absence d'opposition des parties, assistés lors des débats de Mme Karine DUPONT, Greffier.

Après délibéré au cours duquel M. Alexandre DAVID, Président de chambre et Madame Florence CHOUVIN-GALLIARD, conseiller, ont rendu compte des débats à la Cour composée de :

Monsieur Alexandre DAVID, président de chambre, président de la collégialité

Madame Laurence DUVALLET, présidente de chambre

Madame Florence CHOUVIN-GALLIARD, conseiller

Puis le 26 Avril 2022, Monsieur Alexandre DAVID, président de Chambre, assisté de Mme Karine DUPONT, Greffier a rendu l'arrêt par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

FAITS ET PROCÉDURE

M. [Y] [J] a été engagé le 6 mai 1996 par la S.A. Electricité de France (EDF) en qualité de jeune technicien supérieur (JTS), groupe fonctionnel (GF) 8, niveau de rémunération (NR) 90.

Au dernier état de la relation de travail, il exerçait les fonctions de technicien conduite et était classé GF 11, NR 165.

M. [Y] [J] est titulaire de divers mandats syndicaux et exerce des fonctions de représentant du personnel.

Le 3 septembre 2012, M. [Y] [J], le syndicat Sud Energie et la S.A. Electricité de France ont conclu une convention de gestion du salarié pour la période du 1er octobre 2011 au 31 décembre 2013.

Le 15 décembre 2014, un avenant à la convention de gestion a été régularisé pour la période du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2016.

Par lettre du 10 octobre 2016, M. [Y] [J] a formulé une demande de réintégration en service de quart.

Son employeur s'est opposé à cette réintégration. Le 4 juillet 2017, il a indiqué au salarié que son détachement syndical débuté le 1er mai 2012 entraînait sa sortie définitive du quart au 1er mai 2017 et de ce fait la perte définitive des indemnités de services continus qu'il percevait.

Par requête du 25 octobre 2017, M. [Y] [J], contestant cette décision, a saisi le conseil de prud'hommes de Montargis aux fins de demander sa réintégration en service de quart, obtenir la condamnation de l'employeur à lui verser les indemnités de service continu jusqu'à sa réaffectation ainsi que des dommages-intérêts pour discrimination syndicale.

Par jugement du 14 décembre 2018, le conseil de prud'hommes de Montargis, section industrie, a :

Ordonné à la SA EDF d'organiser les formations requises au bénéfice de M. [Y] [J] pour être en capacité d'occuper un poste haute maîtrise terrain en service continu entre le 1er janvier 2019 et le 31 décembre 2019 ;

Dit que M. [Y] [J] devra adapter ses temps de délégation syndicale pour les adapter au parcours de formation ;

Ordonné à la SA EDF de réaffecter M. [Y] [J] à un poste haute maîtrise terrain correspondant à son classement à compter du 1er janvier 2020 au plus tard, sous réserve que celui-ci ait bien suivi le parcours de formations prévu et obtenu les habilitations nécessaires ;

Débouté les parties de toutes leurs autres demandes ;

Dit n'y avoir lieu à l'application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Laissé aux parties leurs dépens respectifs.

Le 11 janvier 2019, M. [Y] [J] a interjeté appel de cette décision.

Par conclusions du 22 octobre 2021, la Fédération des Syndicats SUD Energie est intervenue volontairement à l'instance.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Vu les dernières conclusions remises au greffe par voie électronique le 26 janvier 2022 auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens et prétentions conformément à l'article 455 du code de procédure civile et aux termes desquelles M. [Y] [J] demande à la cour de :

Déclarer M. [Y] [J] recevable et bien fondé en son appel ;

Infirmer la décision entreprise en ses dispositions suivantes :

Ordonne à la SA EDF d'organiser les formations requises au bénéfice de M. [Y] [J] pour être en capacité d'occuper un poste haute maîtrise terrain en service continu entre le 1er janvier 2019 et le 31 décembre 2019 ;

Dit que M. [Y] [J] devra adapter ses temps de délégation syndicale pour les adapter au parcours de formation ;

Ordonne à la SA EDF de réaffecter M. [Y] [J] à un poste haute maîtrise terrain correspondant à son classement à compter du 1er janvier 2020 au plus tard, sous réserve que celui-ci ait bien suivi le parcours de formations prévu et obtenu les habilitations nécessaires ;

Déboute les parties de toutes leurs autres demandes ;

Dit n'y avoir lieu à l'application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Laisse aux parties leurs dépens respectifs

Statuant à nouveau,

Juger que M. [Y] [J] est victime de discrimination syndicale ;

Ordonner à la société EDF d'affecter M. [Y] [J] à un poste en service de Quart (ou service Conduite) sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter du 30e jour suivant la notification du jugement à intervenir ;

Ordonner à la société EDF d'avoir à verser à M. [Y] [J] les indemnités de service continus jusqu'à sa parfaite réaffectation ;

Condamner la SA EDF à verser à M. [Y] [J] la somme de 91.300 euros brut à titre de rappels de salaire, outre 9.130 euros de congés payés y afférents ;

Par ailleurs,

Ordonner à la SA EDF de repositionner M. [Y] [J] au NR 205 à compter du 1er janvier 2021, et fixer sa rémunération mensuelle à la somme de 4.117,24 euros brut en application de la grille de rémunération applicable, avec rappels de salaire de cette date au jour de la décision à intervenir, et avec production des bulletins de salaire rectifiés afférents ;

Condamner la SA EDF à verser à M. [Y] [J] la somme de 66.860,23 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice financier ;

Condamner la SA EDF à verser à M. [Y] [J] la somme de 10.000 euros de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral subi ;

Ordonner la capitalisation des intérêts conformément à l'article 1343-2 du code civil ;

Condamner la SA EDF à verser à M. [Y] [J] la somme de 5.000 euros d'indemnité en application de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Condamner la SA EDF aux entiers dépens.

Vu les dernières conclusions remises au greffe par voie électronique le 26 janvier 2022 auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens et prétentions conformément à l'article 455 du code de procédure civile et aux termes desquelles la Fédération des Syndicats SUD Energie demande à la cour de :

Juger recevable l'intervention volontaire de la Fédération des Syndicats SUD Energie,

Condamner la société EDF à verser au profit de la Fédération des Syndicats SUD Energie la somme de 10.000 euros nets au titre du préjudice moral et financier, direct ou indirect,

Condamner la société EDF à verser au profit de la Fédération des Syndicats SUD Energie la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamner la société EDF aux entiers dépens

Vu les dernières conclusions remises au greffe par voie électronique le 31 janvier 2022 auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens et prétentions conformément à l'article 455 du code de procédure civile et aux termes desquelles la SA Electricité de France demande à la cour de :

Juger que l'action de la Fédération des Syndicats Sud Energie est irrecevable;

Débouter la Fédération des Syndicats SUD ENERGIE de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions ;

Confirmer le Jugement dont appel, excepté en ce qu'il a dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Débouter M. [Y] [J] de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions ;

Statuant à nouveau,

Condamner M. [Y] [J] à payer à EDF la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens pours les frais de procédure exposée par la Société devant le Conseil de prud'hommes de Montargis ;

En tout état de cause,

Condamner M. [Y] [J] à payer à la EDF la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens des deux instances :

Condamner la Fédération des Syndicats Sud Energie à payer à EDF la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens d'appel.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 3 février 2022.

Le 22 mars 2022, en application de l'article 442 du code de procédure civile, les parties ont été invitées à faire connaître, par note en délibéré, leurs observations sur la possibilité de relever d'office, en application de l'article 910-4 du code de procédure civile, une fin de non-recevoir tirée de l'irrecevabilité des demandes suivantes formées par M. [Y] [J] dans le dispositif de ses conclusions récapitulatives n° 2 du 26 janvier 2022 :

           

ordonner à la SA EDF de repositionner M. [Y] [J] au NR 205 à compter du 1er janvier 2021, et fixer sa rémunération mensuelle à la somme de 4.117,24 euros brut en application de la grille de rémunération applicable, avec rappels de salaire de cette date au jour de la décision à intervenir, et avec production des bulletins de salaire rectifiés afférents ;

condamner la SA EDF à verser à M. [Y] [J] la somme de 66.860,23 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice financier ;

ordonner la capitalisation des intérêts conformément à l'article 1343-2 du Code civil.

Par note en délibéré transmise par RPVA le 4 avril 2022, M. [Y] [J] conclut à la recevabilité de sa demande relative à son repositionnement au NR 205 en faisant valoir qu'il n'avait pu réunir les données de comparaison entre son évolution de carrière et celle d'autres salariés qu'en 2021 et que par conséquent cette prétention est destinée à faire juger une question née de la révélation d'un fait postérieur à ses premières écritures.

Il soutient que sa demande au titre de son préjudice financier n'est pas différente de celle présentée dans ses premières conclusions, dans la mesure où il s'est borné à opérer une distinction entre le préjudice moral et son préjudice financier et à augmenter le quantum de l'indemnisation sollicitée. Il fait valoir que le chiffrage de son préjudice résulte de faits révélés postérieurement à ses premières conclusions.

Il estime que la demande au titre de la capitalisation des intérêts est irrecevable en application de l'article 910-4 du code de procédure civile et y renonce.

Par note en délibéré transmise par RPVA le 5 avril 2022, la S.A. Electricité de France conclut à l'irrecevabilité des prétentions contenues dans le dispositif des conclusions du salarié du 26 janvier 2022 et qui ne figuraient pas dans ses conclusions du 8 avril 2019.

Elle fait notamment valoir que la demande au titre du repositionnement ne procède pas d'un fait nouveau postérieur aux premières conclusions de l'appelant, celui-ci exposant dans ses dernières conclusions qu'il n'avait fait qu'actualiser le panel sur la base duquel il avait obtenu la condamnation de son employeur en 2012.

Elle soutient que la demande d'indemnisation du préjudice financier est distincte de celle formée dans les premières conclusions du 8 avril 2019, dans lesquelles le salarié réclamait un rappel de salaire au titre des indemnités de service continu et l'allocation de dommages-intérêts au titre de la discrimination.

MOTIFS

Sur la recevabilité de l'intervention volontaire de la Fédération des Syndicats SUD Energie

Selon l'article L. 2132-3 du code du travail, les syndicats professionnels peuvent, devant toutes les juridictions, exercer les droits réservés à la partie civile concernant les faits portant un préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif de la profession qu'ils représentent.

La violation invoquée des dispositions relatives à l'interdiction de toute discrimination syndicale est de nature à porter un préjudice à l'intérêt collectif de la profession (Soc., 13 janvier 2021, pourvoi n° 19-17.182, F, P + B).

Par conclusions du 22 octobre 2021, la Fédération des Syndicats SUD Energie est intervenue volontairement à l'instance entre M. [Y] [J] et la S.A. Electricité de France.

Son action tend à l'obtention de dommages-intérêts en réparation du préjudice résultant d'une discrimination dont il est soutenu qu'elle serait opérée à l'égard de M. [Y] [J] à raison de son activité syndicale, d'autres salariés identifiés comme membres du syndicat Sud ainsi que du syndicat Sud.

La violation invoquée des dispositions relatives à l'interdiction de toute discrimination syndicale est de nature à porter un préjudice à l'intérêt collectif de la profession.

Il y a lieu de déclarer la Fédération des Syndicats Sud Energie recevable en son action.

Sur l'existence d'une discrimination

En application de l'article L.1132-1 du code du travail, aucun salarié ne peut faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, en raison notamment de ses activités syndicales.

M. [Y] [J], délégué syndical du syndicat Sud depuis 2010 et membre du bureau national de Sud Energie depuis 2012, soutient avoir subi une discrimination à raison de son activité syndicale.

A l'appui de sa demande (conclusions p. 9 à 25), il invoque :

- que par jugement du 8 juin 2012, le conseil de prud'hommes de Montargis a retenu qu'il avait fait l'objet d'une discrimination dans son évolution de carrière à raison de son engagement syndical ;

- qu'il connaît une stagnation de carrière, n'ayant évolué que de 3 NR depuis 2012 et étant positionné au NR 165 depuis le 1er janvier 2017 ;

- qu'aucun entretien professionnel ou de carrière n'a été organisé ;

- un panel de comparaison qui confirme la faible évolution de sa carrière ;

- l'absence de réaffectation et la perte du bénéfice des primes de quart à la fin de sa convention de détachement ;

- un harcèlement discriminatoire intervenu depuis le jugement de première instance, en alléguant que l'employeur avait tenté de lui imposer des formations incompatibles avec son activité syndicale, qu'il avait été victime d'un accident du travail le 29 avril 2019 que la S.A. Electricité de France avait refusé de reconnaître, que ses primes de quart avaient été supprimées ;

- une situation de discrimination systémique à l'égard des syndicalistes au sein de l'entreprise, notamment ceux membres du syndicat Sud.

Par jugement du 8 juin 2012, le conseil de prud'hommes de Montargis a dit que M. [Y] [J] avait fait l'objet de discrimination syndicale de la part de la S.A. Electricité de France et qu'il devait être classé au NR 150. Il a condamné l'employeur au paiement de dommages-intérêts pour discrimination syndicale de 29 579 euros - cette somme indemnisant le préjudice économique subi par le salarié - et de 4 000 euros au titre du préjudice moral.

Cette décision de justice, définitive, porte sur des faits antérieurs à ceux objet de la demande formée par M. [Y] [J] dans le cadre de la procédure introduite devant le conseil de prud'hommes par requête du 25 octobre 2017. Elle ne peut donc constituer un élément de fait laissant présumer l'existence d'une discrimination.

A l'appui de l'invocation d'une situation de discrimination systémique à l'égard des syndicalistes au sein de l'entreprise, notamment ceux membres du syndicat Sud, M. [Y] [J] produit une question écrite posée au gouvernement en 2003 par un parlementaire, des extraits d'un document relatif à la période octobre 2008-janvier 2011 et intitulé « Management Conduite Moteur Clé de Performances » ainsi qu'un fascicule «CNPE de Penly Cap 2011 » publié en novembre 2010 et un courrier émis le 15 octobre 2012 par l'Autorité de sûreté nucléaire concernant le fonctionnement des institutions représentatives du personnel du site de Penly (Seine-Maritime). Ces documents portent sur une période antérieure aux faits de discrimination dont M. [Y] [J] allègue être victime. Le salarié se prévaut également de diverses décisions de justice. Cependant, celles-ci ne permettent pas de présumer qu'il aurait lui-même fait l'objet des agissements qu'elles constatent.

M. [Y] [J] produit également un communiqué de presse d'EDF daté du 5 août 2016 ainsi que divers articles de presse faisant état de ce que le président directeur général de la société va engager une action en justice contre le syndicat Sud Energie qui, selon le communiqué, « a indûment prétendu qu'il aurait menti aux journalistes en affirmant qu'il ne connaissait pas, lors du conseil d'administration [ du 28 juillet 2016 ] l'intention du gouvernement britannique de procéder à un nouvel examen du projet Hinkley Point ». L'action en justice annoncée n'a pas été engagée. Il n'est pas établi que le communiqué du syndicat a été rédigé par M. [Y] [J] et que ce dernier aurait été visé par une telle action.

La lettre que M. [Y] [J], en sa qualité de secrétaire national de la Fédération des Syndicats Sud Energie, a adressée le 2 avril 2019 à M. [L] [U], président directeur général de la S.A. Electricité de France, afin de dénoncer des discriminations dont feraient l'objet des syndicalistes appartenant au syndicat Sud ne permet pas à elle seule de démontrer la réalité des agissements dénoncés. Il n'est à cet égard produit aucune pièce de nature à établir la matérialité des faits évoqués dans ce courrier, à l'exception de ceux concernant M. [Y] [J] qui seront examinés ci-après.

Il y a donc lieu de considérer que le grief de M. [Y] [J] relatif à l'existence d'une discrimination systémique à l'égard des syndicalistes au sein de l'entreprise, notamment ceux membres du syndicat Sud, n'est pas établi.

Les autres éléments présentés par le salarié, pris dans leur ensemble, laissent supposer l'existence d'une discrimination directe à raison de ses activités syndicales.

M. [Y] [J] allègue trois séries d'agissements de son employeur :

- une stagnation de carrière depuis 2012 ;

- l'absence de réaffectation à l'issue de son détachement le 31 décembre 2016 ;

- un harcèlement discriminatoire depuis le jugement du conseil de prud'hommes du 14 décembre 2018.

Il convient de vérifier si l'employeur rapporte la preuve que les agissements invoqués par le salarié sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

Pour ce faire, il convient d'opérer une distinction entre la période antérieure au 31 décembre 2016 au cours de laquelle les parties au contrat étaient liées par une convention de gestion et la période postérieure au 1er janvier 2017.

Sur l'existence d'une discrimination avant le 1er janvier 2017

M. [Y] [J] a été engagé le 6 mai 1996 par la S.A. Electricité de France (EDF) en qualité de jeune technicien supérieur (JTS), groupe fonctionnel (GF) 8, niveau de rémunération (NR) 90.

Par jugement du 8 juin 2012, le conseil de prud'hommes de Montargis a dit que M. [Y] [J] avait fait l'objet de discrimination syndicale de la part de la S.A. Electricité de France et qu'il devait être classé au NR 150.

Le 3 septembre 2012, M. [Y] [J], le syndicat Sud Energie et la S.A. Electricité de France ont conclu une convention de gestion du salarié pour la période du 1er octobre 2011 au 31 décembre 2013.

Le 15 décembre 2014, un avenant à la convention de gestion a été régularisé pour la période du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2016.

Cette convention a pour objet de définir les modalités de gestion de M. [Y] [J] qui exerçait des activités syndicales ou représentatives à hauteur de 100 % de son temps de travail.

En son article 6, elle prévoit le rattachement du salarié à la direction des ressources humaines.

Les articles 9 et 10 prévoient les modalités d'évolution de la rémunération de M. [Y] [J], fixée par référence à l'évolution moyenne des NR déterminée pour l'entreprise dans le collège de référence de l'intéressé.

Selon la convention de gestion, M. [Y] [J] était positionné GF 9 NR 115 au 1er septembre 2012. Selon la fiche de situation individuelle C01 produite par la S.A. Electricité de France (pièce n° 1) et les bulletins de paie versés aux débats, M. [Y] [J] a été classé GF 9, NR 150 en décembre 2012, avec effet au 1er juin 2012, GF 10 NR 155 en décembre 2015, GR 10 coefficient 160 en octobre 2016.

Il en résulte que la carrière de M. [Y] [J] a connu une évolution favorable pendant la période d'exécution de la convention de gestion.

Il y a lieu de retenir que la S.A. Electricité de France a exécuté le jugement du conseil de prud'hommes de Montargis du 8 juin 2012 et que M. [Y] [J] a bénéficié de la promotion et des avancements auxquels il pouvait prétendre en application de la convention de gestion et de l'accord d'entreprise du 8 octobre 2009 relatif au parcours des salariés exerçant des mandats représentatifs et/ou syndicaux à 100% de leur temps de travail ou conservant une activité professionnelle à 50% de leur temps de travail.

L'évolution de la carrière de M. [Y] [J] entre le 1er septembre 2012 et le 31 décembre 2016 s'est faite selon des considérations objectives, l'employeur ayant appliqué une convention de gestion et un accord collectif ne contenant en eux-mêmes aucune disposition discriminatoire.

L'article 15 de la convention de gestion, relatif aux entretiens pendant la période d'activité représentative ou syndicale à temps plein, prévoit l'organisation d'un entretien, a minima à mi-mandat, ayant pour objet l'examen des projets de M. [Y] [J] et ses souhaits d'information et de formation, en particulier dans la perspective de sa réaffectation.

L'article 16 de la convention, relatif aux conditions de réaffectation après une période d'exercice de mandats représentatifs ou syndicaux à temps plein, prévoit, d'une part que M. [Y] [J] et le syndicat Sud Energie s'engagent à informer avec un préavis de six mois la S.A. Electricité de France de la cessation ou de la réduction de ses mandats et du souhait du salarié de reprise d'une activité professionnelle, d'autre part que M. [Y] [J] bénéficie dans ce délai d'un entretien tripartite avec le responsable du suivi de la convention et un représentant de l'organisation syndicale afin de déterminer « les conditions du parcours professionnel, la proposition du ou des emplois possibles pour l'intéressé, la zone géographique », et éventuellement d'un « bilan de compétences », si l'agent le demande et si les mandats exercés se sont prolongés sur une période d'au moins six ans.

M. [Y] [J] soutient que ces stipulations n'ont pas été respectées.

Il verse aux débats un courrier qu'il a remis en main propre le 10 octobre 2016 à la DRH du CNPE de Dampierre dans lequel il indique avoir eu deux «bilatérales» avec M. [D], salarié chargé du suivi de la convention, les 27 avril et 23 juin 2016 au cours desquelles il a fait part à son interlocuteur de son souhait de réintégrer une équipe de quart (pièce n° 5). Il produit également un courrier de la DRH du CNPE de Dampierre du 8 février 2017 dans lequel celle-ci lui rappelle avoir eu un entretien avec lui le 30 septembre 2016 portant sur les possibilités de réintégration et sur la recherche d'emplois correspondant à son groupe fonctionnel (pièce n° 6). Celle-ci a également indiqué à l'avocat de M. [Y] [J] que l'intéressé avait été reçu par la direction les 9 décembre 2016 et 3 février 2017 (pièce n° 9).

La S.A. Electricité de France ne produit cependant aucun compte-rendu d'entretien. Elle ne fait pas état de l'existence d'entretien avant 2016. Il y a lieu de considérer qu'elle ne justifie pas de s'être acquittée de l'obligation prévue à l'article 15.

Cependant, la défaillance de l'employeur doit être mesurée à l'aune de la position exprimée par le salarié.

En effet, les entretiens prévus par l'article 15 de la convention doivent être organisés dans la perspective de la réaffectation du salarié.

Or, ni M. [Y] [J] ni la Fédération des Syndicats Sud Energie n'ont fait part à la S.A. Electricité de France d'une cessation ou des réductions des mandats de l'intéressé à compter du 1er janvier 2017.

En effet, dans son courrier adressé le 13 février 2017 au président directeur général de la S.A. Electricité de France (pièce n° 7-1 du dossier employeur), M. [Y] [J] indique que les activités syndicales représentent 100 % de son temps.

Il ressort du courrier adressé le 8 mars 2017 par le syndicat Sud Energie à la DRH du CNPE de Dampierre (pièce n° 7-2 du dossier employeur) que M. [Y] [J] demande à être affecté à un poste de quart tout en conservant ses mandats et qu'il ne souhaite pas être lié par une convention de gestion afin que sa rémunération ne soit pas amputée.

Il résulte de ces deux écrits que, selon M. [Y] [J], les indemnités de services continus primes qui lui étaient versés lorsqu'il était affecté au service de quart représentaient 30 % de sa rémunération.

Dans ces conditions, M. [Y] [J] ayant exprimé son souhait de continuer à exercer ses mandats à l'issue de la convention de gestion, l'absence d'entretien portant sur ses projets et ses souhaits de formation et d'information, dans la perspective d'une réaffectation, ne s'analysent pas comme une mesure de discrimination.

L'article 16 de la convention doit s'interpréter comme subordonnant l'obligation faite à l'employeur d'organiser un entretien tripartite à la condition qu'il ait préalablement été informé par le salarié et le syndicat d'une cessation ou d'une réduction des mandats à l'issue de la convention. En effet, les propositions d'emploi ne peuvent être envisagées que si l'employeur a connaissance du temps que le salarié consacrera à son activité professionnelle proprement dite. M. [Y] [J] et le syndicat Sud Energie n'ayant pas exécuté l'engagement pris dans la convention de signaler une cessation ou réduction des mandats, la S.A. Electricité de France n'avait pas à organiser l'entretien tripartite prévu à l'article 16. Il ne ressort pas des pièces du dossier que M. [Y] [J] ait demandé à bénéficier d'un bilan de compétences.

En conclusion, il y a lieu de retenir que l'employeur prouve que les agissements invoqués par le salarié pour la période antérieure au 1er janvier 2017 sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination. Il y a donc lieu de dire que M. [Y] [J] n'a subi aucune discrimination pendant cette période.

Sur l'existence d'une discrimination après le 1er janvier 2017

Sur la réaffectation du salarié à l'issue de la convention de gestion

Ainsi qu'il a été précédemment exposé, en l'absence d'accord entre les parties sur le renouvellement de la convention de gestion, celle-ci est arrivée à échéance le 31 décembre 2016. A cette date, ni M. [Y] [J] ni le syndicat Sud Energie n'avaient formellement fait savoir à la S.A. Electricité de France si les mandats de M. [Y] [J] allaient ou non être réduits.

L'article 16 de la convention de gestion prévoit :

« [...] en tout état de cause, M. [Y] [J] sera réaffecté au plus tard 3 mois après la fin de son détachement.

En fonction des emplois disponibles, la réaffectation du salarié sera recherchée, en priorité, dans l'unité d'origine ou, à défaut, dans le périmètre du bassin d'emploi d'origine de façon à ne pas conduire le salarié à déménager ».

La S.A. Electricité de France justifie avoir adressé le 8 février 2017 à M. [Y] [J] une proposition d'affectation à un poste de préparateur méthode conduite en service discontinu sur le CNPE de Dampierre. Ce poste correspondait au niveau de classification GF 10 NR 160 du salarié.

Par courrier du 13 février 2017, M. [Y] [J] a refusé cette proposition.

Par courrier du 26 avril 2017, la S.A. Electricité de France a proposé à M. [Y] [J] de reconduire la convention de gestion et de lui verser une indemnité au titre de la sortie définitive de quart. Elle a indiqué au salarié que l'affectation en service de quart ne serait envisageable qu'à la condition de suivre un cursus de formation de 30 semaines lui permettant d'accéder à un emploi correspondant à la classification qui était la sienne.

Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 1er décembre 2017, la S.A. Electricité de France a réitéré sa position et donné à M. [Y] [J] le choix entre ces trois alternatives :

- la conclusion d'une convention de gestion portant sur l'exercice de mandats ou d'activités représentatives à hauteur de 100 % ;

- une reprise d'activité professionnelle sur un poste de service discontinu au sein du CNPE de Dampierre ;

- une reprise d'activité professionnelle sur un poste de service continu au sein du CNPE de Dampierre, à condition de suivre une formation de 30 semaines.

M. [Y] [J] a refusé ces propositions.

Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 4 février 2018, la S.A. Electricité de France a de nouveau fait part à M. [Y] [J] de ses propositions.

Par courriel du 12 février 2018, M. [Y] [J] a proposé d'être réintégré en équipe de quart sur un poste de technicien d'exploitation, conformément selon lui à son contrat de travail, et d'être ainsi repositionné au GF 9 tout en conservant son niveau de rémunération.

Par lettre du 12 mars 2018, la S.A. Electricité de France a opposé un refus à cette proposition.

Il y a lieu de retenir que la S.A. Electricité de France a loyalement exécuté son obligation de recherche d'un poste de réaffectation en proposant le 8 février 2017 un emploi sur le site de Dampierre correspondant à la classification acquise par M. [Y] [J] pendant la période d'exercice de ses mandats.

Il ne ressort d'aucun élément du dossier que la S.A. Electricité de France se serait abstenue de proposer au salarié d'autres emplois disponibles et qui correspondaient à ses compétences.

A cet égard, l'employeur était fondé à prendre en compte les promotions successives dont a bénéficié M. [Y] [J] depuis la conclusion de la convention de gestion, celui-ci étant passé du groupe fonctionnel 9 au groupe fonctionnel 10 puis au groupe fonctionnel 11 le 1er décembre 2017, et à n'envisager la réaffectation qu'à un poste à ce niveau de responsabilité.

A cet égard, l'article 4.3. de l'accord d'entreprise du 8 octobre 2009 subordonne la reprise de l'activité professionnelle sur l'emploi d'origine à la double condition qu'il soit disponible et qu'il corresponde au classement actuel du salarié. Cette dernière condition n'était en l'espèce pas remplie.

C'est donc pour des raisons objectives, tenant au respect de la grille de classification qui s'impose à elle, que la S.A. Electricité de France a refusé de reclasser M. [Y] [J] à un emploi de technicien d'exploitation relevant du groupe fonctionnel 9.

Il ressort du courriel précité de M. [Y] [J] du 12 février 2018 qu'il avait les compétences pour exercer les fonctions de technicien d'exploitation en service de quart et que les promotions successives qui lui ont été accordées pendant la période où il était en situation de détachement résultent des dispositions de la convention de gestion.

La S.A. Electricité de France était donc fondée à lui imposer de suivre une formation avant d'envisager de lui confier l'exercice de fonctions en service de quart à un emploi de niveau GF 10 ou GF 11 correspondant à des responsabilités que M. [Y] [J] n'avait jamais assumées auparavant. La S.A. Electricité de France souligne à juste titre dans ses conclusions que la conduite en quart est la première garante de la sûreté d'une centrale nucléaire (conclusions p. 48 et pièce n° 14). Les formations prévues par l'employeur étaient conformes, dans leur programme et leur durée, aux descriptifs de poste et aux cahiers des charges des parcours de formation.

La décision d'imposer au salarié de suivre des formations, fussent-elles incompatibles avec l'exercice à plein temps d'activités syndicales, procède de raisons objectives, exclusives de toute discrimination, tenant à des impératifs de gestion des ressources humaines, les emplois devant être pourvus par des personnes ayant les compétences requises, et de sécurité des installations nucléaires.

La convention de gestion et l'article 4.3. de l'accord d'entreprise du 8 octobre 2009 font obligation à l'employeur d'effectuer une recherche afin de trouver une affectation au salarié titulaire de mandats et souhaitant reprendre une activité professionnelle. Si la réaffectation doit être recherchée en priorité dans le service d'origine, soit le service de quart pour M. [Y] [J], l'employeur peut également proposer d'autres emplois, notamment en l'absence de poste disponible correspondant au classement de l'intéressé. Il y a donc lieu de débouter M. [Y] [J] de sa demande tendant à ce qu'il soit ordonné à l'employeur, sous astreinte, de l'affecter à un poste en service de quart.

Les chefs de dispositif du jugement du conseil de prud'hommes ordonnant à la S.A. Electricité de France d'organiser les formations requises entre le 1er janvier 2019 et le 31 décembre 2019 afin que M. [Y] [J] soit en capacité d'occuper un poste haute maîtrise terrain en service continu ont épuisé leurs effets. L'employeur et le salarié sollicitent tous deux l'infirmation du jugement en ce qu'il a ordonné à la SA EDF de réaffecter M. [Y] [J] à un poste haute maîtrise terrain à compter du 1er janvier 2020 sous réserve que celui-ci ait suivi le parcours de formations prévu et obtenu les habilitations nécessaires. Il y a lieu donc lieu d'infirmer ces chefs de dispositif.

Sur la suppression des indemnités de services continus

La convention de gestion du 3 septembre 2012, prise en son article 7 premier paragraphe, prévoit : « les sujétions de service liées au travail en service continu auxquelles était assujetti M. [Y] [J] étant devenues incompatibles avec l'exercice de son mandat, elles donnent lieu au rachat de leur indemnisation selon les dispositifs en vigueur dans l'entreprise, c'est-à-dire l'application du principe suivant : utilisation des mesures d'unité relatives à la sortie de quart temporaire à la demande de la hiérarchie [...] »

Par conséquent, M. [Y] [J] a expressément accepté de perdre le bénéfice des indemnités de services continus en contrepartie d'une indemnisation.

Toutefois, l'article 7 de la convention, pris en son deuxième paragraphe, prévoit que le salarié continuera à percevoir à taux plein les indemnités de services continus pendant trois ans à compter de la date de sa prise de mandat à temps plein.

Les indemnités de services continus ont été maintenues, au-delà de ce terme, pendant toute la durée d'application de la convention de gestion et même après l'expiration de celle-ci.

Par lettre du 4 juillet 2017, la S.A. Electricité de France a informé M. [Y] [J] de ce que son détachement syndical débuté au 1er mai 2012 entraînait sa sortie définitive du service de quart au 1er mai 2017 et de ce fait la parte définitive des indemnités de services continus. Elle lui a précisé qu'il percevrait à titre de compensation une indemnité de 15 080,34 euros brut versée sur le salaire de juillet 2017 ainsi qu'une indemnité complémentaire de 12 671,15 euros brut.

L'article 2.4 de l'accord d'entreprise du 8 octobre 2009 relatif au parcours des salariés exerçant des mandats représentatifs et/ou syndicaux à 100% de leur temps de travail ou conservant une activité professionnelle à 50% de leur temps de travail prévoit : « les éléments de rémunération compensant une sujétion de service (astreinte, service continu...) sont maintenus dès lors que la sujétion perdure. Les sujétions devenues incompatibles avec l'exercice des mandats donnent lieu au rachat de l'indemnisation de la sujétion à la date de prise de mandat selon les dispositifs en vigueur dans l'entreprise ».

M. [Y] [J] exerçant une activité syndicale à hauteur de 100 % de son temps de travail, le maintien puis la suppression des indemnités de services continus ont été effectués en application de l'accord d'entreprise du 8 octobre 2009 et de la convention de gestion conclue avec lui et en conformité avec les règles internes de l'entreprise, la convention de gestion renvoyant à la note D1540/NS/GRH.03.

En tout état de cause, n'étant pas affecté à un service de quart, M. [Y] [J] ne pouvait prétendre à bénéficier, à compter du 1er mai 2017, d'indemnités de services continus destinées à compenser les sujétions inhérentes à un emploi dans ce service.

La suppression des indemnités de services continus, avec le versement d'indemnités substantielles en contrepartie, procède de raisons objectives étrangères à toute discrimination.

Il y a donc lieu, par voie de confirmation du jugement entrepris, de débouter M. [Y] [J] de sa demande tendant à la condamnation de l'employeur à lui verser les indemnités de services continus jusqu'à sa réaffectation ainsi que de sa demande de rappel de salaire à ce titre.

Sur l'existence d'un harcèlement discriminatoire

Aux termes de l'article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir des agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

En application de l'article L. 1154-1 du même code, dans sa rédaction postérieure à la loi n° 2018-1088 du 8 août 2016, lorsque le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement moral, il incombe à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs, étrangers à tout harcèlement.

Il résulte de ces dispositions que, pour se prononcer sur l'existence d'un harcèlement moral, il appartient au juge d'examiner l'ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d'apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer ou laissent supposer l'existence d'un harcèlement moral au sens de l'article L. 1152-1 du code du travail. Dans l'affirmative, il revient au juge d'apprécier si l'employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

M. [Y] [J] invoque un harcèlement discriminatoire intervenu depuis le jugement du conseil de prud'hommes du 14 décembre 2018. Il invoque les faits suivants :

- l'employeur a tenté de lui imposer des formations incompatibles avec son activité syndicale ;

- Il a été victime d'un accident du travail le 29 avril 2019 que la S.A. Electricité de France avait refusé de reconnaître ;

- Ses primes de quart lui ont été supprimées pendant la période d'arrêt de travail consécutive à cet accident.

Il verse aux débats un certificat médical établi le 20 mai 2019 par son médecin traitant ainsi qu'une fiche de visite établie le 29 avril 2019 par le service médical du CNPE de Dampierre.

Les éléments présentés par le salarié, pris dans leur ensemble et compte tenu des documents médicaux, permettent de présumer ou laissent supposer l'existence d'un harcèlement moral.

Il y a lieu par conséquent de vérifier si l'employeur rapporte la preuve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 15 avril 2019, la S.A. Electricité de France a informé M. [Y] [J] de ce qu'il commençait une formation lui permettant d'être affecté dans l'emploi de HMT CC.

Selon la fiche descriptive d'emploi versée aux débats (pièce n° 13 du dossier de l'employeur), l'agent HMT CC (haute maîtrise terrain chargé de consignation) assure les opérations de mise en et hors exploitation des matériels et est agent de terrain référent. Cet emploi, exercé au sein d'une équipe de quart, est rattaché au chef d'exploitation.

La décision de l'employeur de faire effectuer cette formation afin à M. [Y] [J] est en parfaite conformité avec le dispositif du jugement du conseil de prud'hommes du 14 décembre 2018.

Pour les raisons précédemment exposées, la décision de l'employeur d'imposer au salarié le suivi d'une formation afin d'acquérir les compétences requises pour l'exercice de son emploi est objectivement justifiée par des raisons étrangères à tout harcèlement moral.

Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 12 avril 2019, M. [Y] [J] a signalé à son employeur les difficultés qu'il éprouverait à suivre la formation compte tenu de ses fonctions de secrétaire national de la fédération des syndicats Sud Energie. S'il a interrogé l'employeur sur les mesures que celui-ci allait mettre en place afin de garantir une équité de traitement entre les autres stagiaires et lui, il n'a formulé aucune proposition concrète de conciliation entre ses obligations syndicales et le suivi de la formation.

Il résulte des courriels du 17 juin 2019 et du courrier du 21 juin 2019 (pièces n° 28 et 29 du dossier de l'employeur) que la S.A. Electricité de France s'est efforcée d'adapter la formation à la situation particulière de M. [Y] [J].

Cette formation d'une durée de trente semaines regroupant plusieurs stagiaires, la S.A. Electricité de France ne pouvait raisonnablement pas aller au-delà des mesures qu'elle a prises et se plier aux contraintes d'emploi du temps de M. [Y] [J].

Dans une lettre adressée le 2 avril 2019 au président directeur général de la S.A. Electricité de France (pièce n° 48) et dans son courrier précité du 12 avril 2019, M. [Y] [J] s'est plaint des conditions d'organisation de l'examen de «planche». Il ne ressort d'aucune des pièces du dossier qu'il ait été soumis à des conditions d'examen différentes de celles des autres participants à la formation.

Il y a donc lieu de retenir que la S.A. Electricité de France s'est conformée à une décision de justice en mettant en place une formation au bénéfice de M. [Y] [J] et que les conditions dans lesquelles celle-ci a été organisée sont exclusives de tout harcèlement.

Par jugement du 19 août 2021, le tribunal judiciaire d'Orléans a déclaré opposable à la S.A. Electricité de France la décision de prise en charge au titre de la législation professionnelle de l'accident de travail subi le 29 avril 2019 par M. [Y] [J]. Dans les motifs de sa décision, le tribunal a retenu la survenance d'une lésion aux temps et heure de travail, après avoir relevé que M. [Y] [J] avait indiqué « avoir craqué», qu'un membre du CHSCT avait constaté qu'il était « abattu» et que le service médical avait constaté un « mal être ». Cette décision de justice ne permet pas à elle seule de caractériser l'existence d'un harcèlement moral invoqué par le salarié.

Selon la déclaration d'accident du travail qu'il a rédigée, M. [Y] [J] a indiqué que l'accident était survenu le 29 avril 2019 à 8 h 15. Le jour même à 8 h 19, il a adressé un courriel au directeur du CNPE de Dampierre, à son chef de service, au DRH du groupe EDF, à l'inspecteur du travail, à un membre du CHSCT et à l'adresse structurelle du syndicat Sud, relatant avoir été volontairement laissé seul, sans travail à effectuer, pendant deux heures dans une salle alors que des tâches avaient été assignées aux membres de l'équipe de quart. M. [Y] [J] s'est ensuite rendu au service de santé au travail, qui l'a orienté vers son médecin traitant, et s'est fait remettre une copie du cahier de soins.

Les faits tels que relatés par M. [Y] [J] sont contredits par le courriel en réponse adressé le 29 avril 2019 à 10 h 47 par le chef d'exploitation M. [Z] [T]. Celui relate avoir organisé les tâches de son équipe et assure ne pas avoir su qui était M. [Y] [J], qu'il n'avait jamais rencontré auparavant. Il présente ses excuses à l'intéressé pour ce malentendu, en expliquant s'être focalisé sur sa tâche de faire avancer l'arrêt de la tranche 2 en toute sécurité. Il ressort de la déclaration d'accident du travail que celui-ci était ce jour là dans une équipe de personnes qu'il ne connaissait pas. Il y a donc lieu de retenir, comme l'affirme M. [Z] [T], qu'il n'y a eu aucune volonté de la part de l'employeur de laisser M. [Y] [J] sans travail. A cet égard, dans un courriel adressé le 29 avril 2019 à 8 h 56, le chef de service conduite demande expressément à M. [Y] [J] de regagner l'équipe de rattachement et lui fixe des tâches précises en vue de la préparation d'une évaluation.

En contestant la décision de la CPAM reconnaissant l'existence d'un accident du travail, la S.A. Electricité de France n'a fait qu'exercer son droit d'agir en justice. L'action initiée devant le tribunal judiciaire d'Orléans est exclusive de tout harcèlement moral.

Il ressort de la lettre que la DRH du CNPE de Dampierre a adressée le 21 juin 2019 à M. [Y] [J] qu'après son arrêt de travail, celui-ci a repris son activité en mi-temps thérapeutique le 11 juin 2019 avec une restriction médicale temporaire aux travaux en 3 x 8. La DRH précise au salarié avoir demandé au chef de service conduite, compte tenu de ces restrictions médicales, de l'affecter à des activités pouvant être réalisées sur un mi-temps et sur des horaires discontinus et que des périodes de compagnonnage en 3 x 8 ne pourront être réalisées qu'après la levée des restrictions médicales.

En application de la note technique relative aux modalités de gestion administratives des nouveaux arrivants des services conduite pendant les académies de savoirs communs et savoirs spécifiques (pièce n° 39 du dossier de l'employeur), les nouveaux arrivants dans les services conduite ne peuvent prétendre à bénéficier d'une rémunération complémentaire, sur la base d'un forfait de 30 % du nombre de quart réalisé, que lorsqu'ils réalisent des périodes de quart.

Le non-versement de cette rémunération complémentaire est donc objectivement justifié dès lors que M. [Y] [J] travaillait selon des horaires discontinus.

Les pièces médicales versées aux débats ne permettent pas en elles-mêmes d'établir l'existence d'un harcèlement moral, le médecin traitant ayant recueilli les doléances du salarié et fait état d'un ressenti de harcèlement sur le lieu de travail et le service de santé au travail ayant constaté : « l'agent verbalise un mal être en lien avec différents événements professionnels ».

En conclusion, l'employeur rapporte la preuve que les agissements invoqués par le salarié ne sont pas constitutifs de harcèlement moral et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Sur la stagnation de la carrière de M. [Y] [J]

Par courrier du 1er décembre 2017, la S.A. Electricité de France a informé M. [Y] [J] de ce qu'elle procédait à son reclassement à la position GF 11, NR 165 à compter du 1er janvier 2017. Selon la fiche actualisée au mois de novembre 2021 produite par l'employeur (pièce n° 37), son niveau de rémunération n'a pas évolué depuis cette date.

La S.A. Electricité de France ne justifie pas de ce que M. [Y] [J] aurait bénéficié d'entretien professionnel depuis le 1er janvier 2017.

M. [Y] [J] se compare avec un panel de salariés engagés comme lui en tant que jeune technicien GF 8 NR 09 (conclusions, p. 13). Cependant, il n'est pas dans la même situation que ces salariés, puisque ceux-ci ont été engagés en 1998 alors qu'il l'a été en 1996, avec une interruption de carrière de deux ans. Ce panel n'est donc pas pertinent.

De plus, ainsi qu'il a été précédemment exposé, par jugement du 8 juin 2012, le conseil de prud'hommes de Montargis a rétabli M. [Y] [J] dans ses droits s'agissant de la discrimination syndicale subie par lui en ordonnant son positionnement au NR 150.

Aucune discrimination n'a été retenue pendant la période au cours de laquelle la situation de M. [Y] [J] était régie par la convention de gestion arrivée à son terme le 31 décembre 2016.

M. [Y] [J] a refusé de signer une nouvelle convention de gestion de nature à contenir, comme celle du 3 septembre 2012, des stipulations garantissant une évolution de sa carrière et de sa rémunération.

Sa situation était régie, à compter du 1er janvier 2017, par l'article 3.1 de l'accord d'entreprise précité du 8 octobre 2009. Selon ce texte, la rémunération principale des salariés titulaires de mandats représentatifs ou syndicaux leur procurant un volume de crédit d'heures égal à 100 % de leur temps de travail évolue durant la période d'exercice des mandats par référence à l'évolution moyenne des NR déterminée pour l'entreprise dans le collège d'appartenance de l'intéressé.

La S.A. Electricité de France démontre avoir respecté les stipulations de cet accord collectif, de nature à garantir une évolution de carrière aux salariés ayant des activités syndicales.

Ainsi, par courrier du 1er décembre 2017, elle a informé M. [Y] [J] qu'en application de l'article 3 de l'accord du 8 octobre 2009 elle avait procédé à l'examen de l'évolution de sa carrière et de sa rémunération au titre de l'année 2017 et lui avait attribué un GF supérieur, le promouvant au GF 11, et un NR supplémentaire à compter du 1er janvier 2017 (pièce n° 8.4).

Par courrier adressé le 13 février 2017 au président directeur général d'EDF, M. [Y] [J] a refusé un poste de préparateur méthode conduite, opposant à l'employeur qui lui proposait un emploi prenant en compte le classement acquis pendant l'exercice de ses mandats la jurisprudence de la Cour de cassation relative à l'impossibilité d'imposer à un salarié protégé une modification de son contrat de travail.

S'il n'est pas justifié que M. [Y] [J] ait bénéficié d'entretien de carrière depuis 2017, il ressort des nombreuses correspondances entre son employeur et lui, et notamment des courriels du 17 juin 2019 et du courrier du 21 juin 2019, que la S.A. Electricité de France s'est efforcée d'organiser des formations professionnelles lui permettant de développer de nouvelles compétences.

M. [Y] [J] n'a pas suivi avec succès les formations proposées par la S.A. Electricité de France et qui lui auraient permis d'acquérir les qualifications requises pour exercer un emploi en service de quart correspondant à son niveau de classification et ainsi de voir sa carrière progresser.

Dans ces conditions, il y a lieu de considérer que l'évolution de la carrière de M. [Y] [J] s'explique par des considérations étrangères à ses activités syndicales, le salarié n'ayant pas usé des possibilités qui lui étaient données, comme à d'autres salariés, de suivre des formations qualifiantes et ayant manifesté la volonté de demeurer dans son emploi (en ce sens, Soc., 6 juillet 2010, pourvoi n° 09-41.354, Bull. 2010, V, n° 157).

En conclusion, il y a lieu de retenir que l'employeur prouve que les agissements invoqués par le salarié pour la période postérieure au 1er janvier 2017 sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination. Il y a donc lieu de dire que M. [Y] [J] n'a subi aucune discrimination pendant cette période.

Par voie de confirmation du jugement, il y a donc lieu de débouter M. [Y] [J] de sa demande de dommages-intérêts au titre de la discrimination.

Aucune discrimination n'ayant été retenue, il y a lieu, en l'absence de manquement de l'employeur, de débouter la Fédération des Syndicats Sud Energie de sa demande de dommages-intérêts.

Sur les demandes tendant au repositionnement au NR 205 et au paiement de dommages-intérêts en réparation du préjudice financier 

Aux termes de l'article 910-4 du code de procédure civile, à peine d'irrecevabilité, relevée d'office, les parties doivent présenter, dès les conclusions mentionnées aux articles 905-2 et 908 à 910, l'ensemble de leurs prétentions sur le fond.

Dans le dispositif de ses conclusions n° 2 du 26 janvier 2022, M. [Y] [J] forme trois demandes qu'il ne présentait pas dans le dispositif de ses premières conclusions, remises au greffe le 8 avril 2019 :

«- ordonner à la SA EDF de repositionner M. [Y] [J] au NR 205 à compter du 1er janvier 2021, et fixer sa rémunération mensuelle à la somme de 4.117,24 euros brut en application de la grille de rémunération applicable, avec rappels de salaire de cette date au jour de la décision à intervenir, et avec production des bulletins de salaire rectifiés afférents ;

- condamner la SA EDF à verser à M. [Y] [J] la somme de 66.860,23 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice financier ;

- ordonner la capitalisation des intérêts conformément à l'article 1343-2 du Code civil.»

Les premières conclusions du 8 avril 2019 ne contenaient aucun développement relatif à un ralentissement de l'évolution de carrière et de la rémunération depuis 2012, évoqué par M. [Y] [J] dans ses conclusions du 26 janvier 2022 (p. 12). Elles ne faisaient pas état de ce que celui-ci, contrairement à un panel de salariés engagés en 1998, était positionné en GF 11 NR 165 de la classification interne. Il n'était donc pas sollicité le repositionnement du salarié au coefficient NR 205 (conclusions du 26 janvier 2022, p. 30).

M. [Y] [J] ne sollicitait pas non plus l'indemnisation, selon la «méthode Clerc», du préjudice financier résultant de la discrimination qu'il estimait avoir subie entre juin 2012 et 2021 (conclusions du 26 janvier 2022, p. 30 et 31).

Il ne demandait pas non plus la capitalisation des intérêts. Il y a lieu de constater que M. [Y] [J] renonce à cette prétention.

S'agissant des prétentions relatives au repositionnement au coefficient NR 205, dans ses conclusions du 26 janvier 2022 (p.11), M. [Y] [J] rappelle avoir obtenu le 8 juin 2012 la condamnation de son employeur à le classer au NR 150, en se référant notamment à un panel de comparaison. Il précise que ce panel de comparaison était sélectionné d'après le critère de la qualification à l'embauche. Le salarié indique que le panel qu'il produit devant la cour d'appel est une actualisation de ce panel.

Ainsi qu'il a été précédemment exposé, le salarié invoque, parmi les faits de nature à caractériser une discrimination, une stagnation de sa carrière depuis 2012, faisant notamment valoir qu'il est positionné au coefficient NR 165 depuis le 1er janvier 2017. Il disposait donc de tous les éléments utiles pour former, dès ses premières conclusions, une demande au titre de la classification conventionnelle.

Dans ces conditions, la demande, qui n'était pas formulée dans les conclusions du 8 avril 2019, relative au repositionnement ne peut s'analyser comme étant née de la survenance ou de la révélation d'un fait au sens de l'article 910-4 du code de procédure civile. Elle ne vise pas davantage à répliquer aux moyens et prétentions de l'employeur.

Il en est de même de la demande de dommages-intérêts en réparation du préjudice financier, formée au titre d'une discrimination alléguée depuis juin 2012 et sur le fondement d'une classification non revendiquée par le salarié dans ses premières conclusions.

En application de l'article 910-4 du code de procédure civile, ces prétentions sont irrecevables (en ce sens, 1ère Civ., 16 mars 2022, pourvoi n° 20-20.334 et Soc., 4 novembre 2021, pourvoi n° 20-15.687).

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

Il y a lieu d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a laissé à chacune des parties la charge des dépens par elle exposés.

Il y a lieu de condamner M. [Y] [J] aux dépens de première instance et d'appel.

L'équité ne recommande pas de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire, rendu en dernier ressort et prononcé par mise à disposition au greffe :

Infirme le jugement entrepris sauf en ce qu'il a débouté M. [Y] [J] de ses demandes de condamnation de la S.A. Electricité de France à lui verser les indemnités de services continus jusqu'à sa réaffectation et à lui payer un rappel de salaire à ce titre ainsi que des dommages-intérêts pour agissements discriminatoires ;

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant :

Déclare la Fédération des Syndicats Sud Energie recevable en son action ;

Constate que M. [Y] [J] renonce à sa demande tendant à ce que soit ordonnée la capitalisation des intérêts conformément à l'article 1343-2 du Code civil ;

Déclare irrecevables les demandes formées par M. [Y] [J] tendant pour la première à ce qu'il soit ordonné à la S.A. Electricité de France de le repositionner au NR 205 à compter du 1er janvier 2021, et fixer sa rémunération mensuelle à la somme de 4 117,24 euros brut en application de la grille de rémunération applicable, avec rappels de salaire de cette date au jour de la décision à intervenir, et avec production des bulletins de salaire rectifiés afférents, pour la seconde à ce que la S.A. Electricité de France soit condamnée à lui verser la somme de 66 860,23 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice financier ;

Dit que M. [Y] [J] n'a subi aucune discrimination pendant la période antérieure au 1er janvier 2017 ;

Dit que M. [Y] [J] n'a subi aucune discrimination pendant la période postérieure au 1er janvier 2017 ;

Déboute M. [Y] [J] du surplus de ses prétentions ;

Déboute la Fédération des Syndicats Sud Energie de sa demande de dommages-intérêts ;

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne M. [Y] [J] aux dépens de première instance et d'appel.

Et le présent arrêt a été signé par le président de chambre et par le greffier

Karine DUPONT Alexandre DAVID


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Orléans
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 19/00365
Date de la décision : 26/04/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-04-26;19.00365 ?
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