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22/01/2009 | FRANCE | N°40

France | France, Cour d'appel d'Orléans, Ct0173, 22 janvier 2009, 40


COUR D'APPEL D'ORLEANS CHAMBRE SOCIALE PRUD'HOMMES

GROSSES le 22 JANVIER 2009 à Me Marie-Pierre CHAZAT-RATEAU Me Marc DUMOULIN

COPIES le 22 JANVIER 2009 à S. A. S. FRANCE RESTAURATION RAPIDE Géraldine Y...

ARRÊT du : 22 JANVIER 2009

N° RG : 08 / 01153
DÉCISION DE PREMIÈRE INSTANCE : Conseil de Prud'hommes de BLOIS en date du 27 Mars 2008- Section : COMMERCE
ENTRE
APPELANTE :
• La Société par Actions Simplifiée. FRANCE RESTAURATION RAPIDE, dont le siège social est 8 Allée Beaumarchais-B. P. 2-18390 SAINT GERMAIN DU PUY, agissant pour

suites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
représe...

COUR D'APPEL D'ORLEANS CHAMBRE SOCIALE PRUD'HOMMES

GROSSES le 22 JANVIER 2009 à Me Marie-Pierre CHAZAT-RATEAU Me Marc DUMOULIN

COPIES le 22 JANVIER 2009 à S. A. S. FRANCE RESTAURATION RAPIDE Géraldine Y...

ARRÊT du : 22 JANVIER 2009

N° RG : 08 / 01153
DÉCISION DE PREMIÈRE INSTANCE : Conseil de Prud'hommes de BLOIS en date du 27 Mars 2008- Section : COMMERCE
ENTRE
APPELANTE :
• La Société par Actions Simplifiée. FRANCE RESTAURATION RAPIDE, dont le siège social est 8 Allée Beaumarchais-B. P. 2-18390 SAINT GERMAIN DU PUY, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
représentée par Maître Marie-Pierre CHAZAT-RATEAU, avocat au barreau de BOURGES
ET
INTIMÉE :
• Madame Géraldine Y..., née le 03 Juillet 1979 à CHÂTEAU DU LOIR (72), demeurant ...
comparant en personne, assistée de Maître Marc DUMOULIN, avocat au barreau de BLOIS

Après débats et audition des parties à l'audience publique du 18 Décembre 2008

LA COUR COMPOSÉE DE :
• Monsieur Daniel VELLY, Président de Chambre • Monsieur Pierre LEBRUN, Conseiller • Madame Catherine PAFFENHOFF, Conseiller

Assistés lors des débats de Madame Geneviève JAMAIN, Greffier,

Puis ces mêmes magistrats en ont délibéré dans la même formation et à l'audience publique du 22 Janvier 2009, Monsieur Daniel VELLY, Président de Chambre, assisté de Madame Geneviève JAMAIN, Greffier, a rendu l'arrêt dont la teneur suit :

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

Géraldine Y... est embauchée par la SAS FRANCE RESTAURATION RAPIDE exploitant sous l'enseigne " PAT A PAIN ", le 2 septembre 2002, sous le régime de la convention collective de l'alimentation et de la restauration rapide, en qualité d'assistante niveau 3 échelon 3, statut agent de maîtrise suivant contrat en date du 25 novembre 2002.
À la faveur de deux promotions en 2003 et 2005, son salaire passé de 1. 300 euros à 1. 575 euros outre les primes de résultats.
Le 16 décembre 2005, elle est victime d'un accident du travail entraînant un arrêt qui sera prolongé jusqu'au 27 décembre 2005.
Le 20 mars 2006, la salariée sollicite une visite de pré-reprise à l'issue de laquelle le médecin du travail conclut " apte aménagement de poste : doit reprendre son travail prochainement. Envisager reprise avec limitation du port de charge à 3 kilos et sans chargement de chariot dans les fours, faire plutôt vente ".

Par courrier du 30 mars suivant, Géraldine Y... revendique auprès de son employeur un nombre important d'heures supplémentaires des frais de déplacement pour le dépôt de versements en banque et déclare faire l'objet de harcèlement moral par le directeur de l'établissement.
Le 3 avril 2006, jour prévu pour sa reprise, le médecin du travail la déclare " inapte au poste, apte à un autre : à muter sur un poste assis ".
Aux termes d'une seconde visite de reprise le 18 avril 2006, il conclut à l'inaptitude de la salariée à tous postes de l'entreprise.
Le 16 mai 2006, elle saisit le conseil de prud'hommes de BLOIS d'une action en résiliation judiciaire du contrat de travail et en paiement d'heures supplémentaires et de dommages et intérêts pour harcèlement moral notamment.
Elle est licenciée pour inaptitude le 14 juin 2006.
Par jugement du 27 mars 2008, auquel la cour renvoie expressément pour l'exposé des faits, le détail des demandes et des moyens initiaux des parties, les premiers juges font partiellement droit aux prétentions de Madame Y... et lui allouent :
• 1. 687, 00 euros de rappel de salaire en paiement d'heures supplémentaires • 13. 566, 00 euros d'indemnité de travail dissimulé • 458, 70 euros de remboursement de frais kilométriques • 1. 500, 00 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

La société FRANCE RESTAURATION RAPIDE relève appel de la décision le 22 avril 2008 et Géraldine Y..., le 25 avril.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

A / L'employeur
L'appelante, poursuit l'infirmation du jugement en ce qu'il a fait partiellement droit aux prétentions de Madame Y... et conclut au rejet de l'ensemble des prétentions de cette dernière.
Elle lui réclame 3. 803, 41 euros en remboursement des indemnités de rupture trop perçues ainsi que 2. 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Au soutien de son appel la société FRANCE RESTAURATION RAPIDE fait valoir que :
elle a anticipé le passage aux 35 heures en accordant aux agents de maîtrise des jours de repos supplémentaires par mois en contrepartie du maintien de 169 heures travaillées ;
Géraldine Y... a réclamé le règlement d'heures supplémentaires concomitamment à la saisine du médecin du travail et à ses démarches pour créer sa propre entreprise de restauration ;
elle n'est pas cohérente lorsqu'elle réclame sous astreinte des copies de plannings dont elle prétend par ailleurs qu'ils ne sont pas fiables et dont elle sait parfaitement qu'ils ont disparu pour des raisons inconnues ;
ces plannings sont le strict reflet de la réalité et la salariée peut d'autant moins les contester qu'elle les a tous émargés et qu'elle en a signé de très nombreux en sa qualité de responsable du module personnel ; ils en ressort que la salariée n'a jamais dépassé son temps contractuel de travail, plus encore qu'elle travaillait moins tout en bénéficiant de ses deux jours de repos supplémentaires ; elle débauchait à 13 heures 30 et non pas 14 heures 30 comme elle l'affirme sans le démontrer ; en tout état de cause, la fonction d'assistant d'ouverture représente un temps de travail de 15 minutes et n'entraîne donc pas de dépassement horaire si l'on considère que Géraldine Y..., n'effectuait pas l'intégralité de son temps de travail contractuel ; le temps de travail revendique ne tient pas compte des pauses d'une demi-heure par jour ;
la preuve n'est pas rapportée qu'elle effectuait des dépôts en banque qui lui occasionnaient des frais ;
le harcèlement allégué ne résulte d'aucune pièce à l'exception du témoignage de son conjoint qui n'est pas objectif ; ses primes ne lui ont pas été supprimées à compter de septembre 2005 ; elles sont restées les mêmes alors que son dilettantisme ressort de sa notation avant même son accident du travail ; au demeurant, il s'agit de prime de productivité liée nécessairement au temps de présence dans l'entreprise et à laquelle la salariée ne pouvait prétendre pour les périodes où elle était absente ;
la société a tout fait pour tenter de la reclasser d'une part en demandant dans un premier temps à l'ensemble des autres salariés qui effectuait des tâches administratives de s'en décharger pour les voir confier à Madame Y... selon les instructions du médecin du travail et d'autre part en sollicitant les autres établissements franchisés sans lien de capital entre eux, qui ont répondu négativement ;
Géraldine Y... avait décidé de créer sa propre entreprise dès le début de l'année raison pour laquelle elle a refusé le poste proposé, ne souhaitant surtout pas être reclassée ;
elle doit rembourser la moitié de l'indemnité de licenciement perçue à tort, le licenciement n'étant pas la conséquence de l'accident du travail du mois de décembre ainsi que l'indemnité de préavis à laquelle elle n'avait pas droit puisque son état de santé l'empêchait de l'effectuer.

B / La salariée

Géraldine Y... forme appel incident s'agissant des demandes auxquelles il n'a pas été fait droit en première instance et réclame à la SAS RESTAURATION RAPIDE :
• 10. 058 euros de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires • 5. 232 euros de repos compensateur • 40. 698 euros de dommages et intérêts pour manquements graves aux obligations contractuelles • 40. 698 euros de dommages et intérêts pour résiliation judiciaire aux torts exclusifs de l'employeur • 40. 698 euros de dommages et intérêts pour licenciement abusif • 5. 000, 00 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile • la remise des documents de fin de contrat rectifiés.

Elle réplique que :
elle a été embauchée sur la base de 151, 67 heures de travail par mois ; l'activité de la société est soutenue en permanence et même en temps normal des heures supplémentaires doivent être réalisées qui ne sont pas payées ; durant les absences pour congés maladie ou maternité ce sont les personnes présentes qui font face ; si les polyvalents ont le droit de récupérer certaines heures ce n'est pas le cas pour les agents ayant un rôle de maîtrise ; des réunions ont lieu en dehors des horaires de travail et les repas sont pris sur le pouce sans véritable pause voire pendant le temps de travail ; les plannings officiels sont totalement faux ;
l'employeur a manqué gravement à ses obligations en lui imposant le déplacement d'une plaque de métal d'un poids supérieur à 20 kg à plusieurs reprises qui a conduit à son accident du travail du 16 décembre 2005, puis en négligeant la reprise progressive de son activité et la visite de première reprise ce qui entraînera une aggravation de son état et son licenciement pour inaptitude alors qu'elle s'était toujours beaucoup investie dans l'entreprise ;
elle a eu à supporter les brimades et les réflexions de son supérieur hiérarchique qui fera tout pour la faire craquer considérant vraisemblablement qu'il ne peut plus compter sur elle ainsi qu'une discrimination de salaires, les primes qu'elle percevait jusque là lui ayant été supprimées sans raison objective ;
dans ce contexte, l'employeur ne peut sérieusement lui opposer d'avoir envisagé un projet d'installation à son compte ni soutenir qu'elle est à l'origine de la rupture ;
son licenciement pour inaptitude est abusif car l'entreprise n'a pas respecté les dispositions de l'article L 1226-10 du code du travail et n'a pas effectué la visite ni pris en compte les avis du médecin du travail ensuite ;
la société n'a pas davantage fait état de la consultation des délégués du personnel et les documents produits ne sont pas crédibles.

Pour le développement détaillé des moyens respectifs des parties la cour renvoie expressément à leurs conclusions conformes aux plaidoiries, déposées le 21 mai 2008 pour la SAS FRANCE RESTAURATION RAPIDE et le 17 décembre 2008 pour Géraldine Y... .

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la résiliation judiciaire du contrat de travail
Géraldine Y... ayant saisi le conseil de prud'hommes d'une demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail antérieurement à son licenciement, celle-ci doit être examinée en premier lieu.
Il ressort de l'article L 120-4 du code du travail que le contrat de travail doit être exécuté de bonne foi.
Les faits reprochés à l'employeur doivent être d'une gravité suffisante pour justifier la résiliation du contrat de travail.
1 / le harcèlement
L'article L 122-49 du code du travail dispose « Aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail, susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale, ou de compromettre son avenir professionnel »
L'article L 122-52 devenu l'article dans la nouvelle codification l'article L 1154-1, qui pose les règles en matière de preuve énonce par ailleurs, que " en cas de litige relatif à l'application des articles L 122-46 et L 122-49, dès lors que le salarié concerné établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement, il incombe à la partie défenderesse, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ".
Géraldine Y... n'apporte pas d'éléments factuels tels que définis par le texte ci-dessus, laissant supposer l'existence d'un harcèlement moral.
Ce grief ne sera pas retenu.
2 / sur les primes
Madame Y... a perçu des primes de rendement chaque mois tout au long de l'année 2005 ainsi qu'en février 2006 et ses arrêts de travail les mois suivants expliquent l'absence de primes.
La discrimination alléguée n'est pas établie.
3 / sur les heures supplémentaires
L'article L 212-1- 1du code du travail devenu l'article L 3171-4 du nouveau code dispose qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail effectuées, l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié et que c'est au vu de ces documents et de ceux fournis par le salarié, à l'appui de sa demande, que le juge forme sa conviction (...).
Le contrat de travail signé entre les parties le 25 novembre 2002 ne mentionne pas de durée de travail.
L'accord d'entreprise relatif à la réduction du temps de travail en date du 4 novembre 1999, prévoit un horaire mensuel de 169 heures et 22 jours de repos supplémentaires par an dont Géraldine Y... a effectivement bénéficié.
C'est sur cette base que seront déterminées les heures supplémentaires éventuelles.
Les plannings :
La salariée a émargé la majorité de ses plannings et indiqué les changements d'horaire, le cas échéant, de sorte qu'il n'y a pas lieu de remettre en cause leur fiabilité d'autant moins qu'il lui est également arrivé de les signer en qualité de responsable.
La modulation mensuelle telle que prévue par l'accord de 1999 n'étant pas conforme aux dispositions des articles L 3122-9 et L 3122-11 du code du travail, les heures supplémentaires doivent être décomptées chaque semaine.
Il en résulte un dépassement horaire de 8, 5 heures en 2005 et 1, 5 heures au cours du dernier trimestre 2004, soit 10 heures pour la période.
Contrairement à ce que soutient l'employeur, Géraldine Y... effectuait 39 heures par semaine au minimum, les semaines de 32 heures travaillées s'expliquant par la journée de repos supplémentaire prévue par l'accord d'entreprise.
Les tâches supplémentaires :
Géraldine Y... affirme avoir effectué des tâches complémentaires non rémunérées en sus des horaires visés dans les plannings.

La fiche de poste prévoit que l'assistant d'ouverture doit effectuer " au plus tôt " à 13 heures 30 :

• la cadencier • la remise en pousse avec le responsable fermeture • les arrêtés de caisse + comptage du versement en banque • enregistrement des pertes du matin • consignes : passation au responsable fermeture-déroulement de la matinée-analyse du rush-chiffre d'affaires-vente de produits leader-point sur les quantités en pousse, sur les commandes, sur la planning • plaquettes pour le lendemain • dépôt versement en banque pour les assistants autorisés

La journée de l'assistant ouverture débutant à 5 heures 30 pour se terminer au vu des plannings à 13 heures 30, il est démontré que l'ensemble de ces tâches constituent des heures supplémentaires.
Dans son courrier du 14 avril 2006 adressé à la salariée en réponse à ses réclamations, l'employeur prétend qu'un assistant est planifié en milieu de journée et effectue la remise en pousse des produits, la passation des consignes avec le " responsable fermeture ", le comptage des caisses et le versement bancaire de la matinée.
Lionel Z..., à ce propos, précise que l'assistant de milieu de journée aide l'assistant d'ouverture mais ne le remplace pas.
S'agissant du directeur de l'établissement mis directement en cause par la salariée pour ses méthodes de management en terme de charge de travail, cette attestation est insuffisante à faire la preuve de cette allégation, sachant que la SAS FRANCE RESTAURATION RAPIDE avait la possibilité, à tout le moins, de faire témoigner les assistants de milieu de journée pour conforter ces allégations.
Au contraire, Marie-Pierre A... explique que la salariée n'était jamais partie avant 16 heures 17 heures.
Pierre B... supérieur hiérarchique de Géraldine Y... confirme qu'elle terminait sa journée au-delà de 13 heures 30.
Au vu des plannings de l'année 2005 il y a lieu de retenir 48 heures supplémentaires par an à ce titre.
Les pauses :
Pierre B... et Romain C..., attestent que Géraldine Y... était régulièrement dérangée pendant ses pauses repas pour des raisons de service tandis que la société FRANCE RESTAURATION RAPIDE ne verse aucune pièce en sens contraire.
Dans ces circonstances, la demi-heure de pause incluse dans le reste des dispositions plannings sera retenue comme du temps de travail effectif ce qui conduit à 107 heures supplémentaires en 2005.
Les réunions :
L'appelante reconnaît dans son courrier du 14 avril que des réunions se tiennent environ une fois tous les deux mois et durent environ une heure qu'elle distingue des réunions d'encadrement ou de briefings entre responsables qui n'ont pas de fréquence définie et ont lieu pendant les heures de travail, ce qui représente 5 heures supplémentaires par an, la salariée n'établissant pas que ces dernières se tenaient en dehors du temps de travail planifié.

La salariée a effectué 170 heures supplémentaires en 2005 qui ne lui ont pas été payées.

Faute pour l'employeur de produire les plannings des années précédentes sans convaincre quant aux raisons de leur prétendue disparition, le nombre total des heures supplémentaires sera calculé sur cette base.
La salariée a travaillé quatre mois en 2002 soit 62 heures supplémentaires.
L'année 2003 durant laquelle elle a également eu un arrêt de travail de deux semaines est équivalent à 2005, soit 170 heures supplémentaires.
Compte tenu d'un arrêt maladie suivi d'un congé de maternité de 27, 5 semaines en tout, il sera retenu 86 heures supplémentaires en 2004, soit un total de 488 heures supplémentaires.
Ce fait sera retenu à l'encontre de la SAS FRANCE RESTAURATION RAPIDE.
4 / sur l'obligation de sécurité
L'employeur, tenu à une obligation de sécurité de résultat en matière de protection de la santé et de la sécurité des salariés, doit en assurer l'effectivité.
Le port de charges supérieur à 25 kg :
L'article R 4541-1 du code du travail recodifié dispose que " les dispositions du présent titre s'appliquent à toutes les manutentions dites manuelles comportant des risques, notamment dorso-lombaires, pour les travailleurs en raison des caractéristiques de la charge ou des conditions ergonomiques défavorables ".
L'article suivant décrit la manutention manuelle comme " toute opération de transport ou de soutien d'une charge, dont le levage, la pose, la poussée, la traction, le port ou le déplacement qui exige l'effort physique d'un ou plusieurs travailleurs. "
L'article R 4541-4 du dit code impose à l'employeur de prendre toutes les mesures d'organisation appropriées ou utilise les moyens appropriés et notamment des équipements mécaniques afin d'éviter le recours la manutention manuelle.
Lorsque cela est impossible, les femmes ne sont pas autorisées, aux termes de l'article R 4541-9, à porter des charges supérieures à 25 kg ou à transporter des charges à l'aide d'une brouette supérieures à 40 kg.

Il est constant qu'en raison d'une importante consommation d'eau, il a été demandé à Géraldine Y..., dans le cadre d'une procédure de contrôle, de soulever une plaque de métal de 31, 6 kg, soit un poids supérieur à celui autorisé.

Il s'en est suivi un accident du travail le 16 décembre 2005 dont les conséquences sont directement liées à cette charge excessive.
Ce manquement sera donc retenu.
L'absence de visite de reprise après l'accident du travail du 16 décembre 2005 :
L'article R 241-51 du code du travail recodifié sous l'article R 4624-21 3o dispose que le salarié bénéficie d'un examen de reprise du travail par le médecin du travail après une absence d'au moins 8 jours pour accident du travail.
C'est à l'employeur tenu à une obligation de sécurité de résultat à l'égard du salarié d'organiser cette visite, au plus tard huit jours après la reprise ce qui n'a pas été fait dans le cas de Géraldine Y... .
Cette carence fautive est d'autant plus grave que cet accident du travail était déjà la conséquence d'une précédente faute.

Ainsi, il est démontré l'existence de nombreuses heures supplémentaires non payées et des manquements non négligeables de la SAS FRANCE RESTAURATION RAPIDE à son obligation de sécurité et de protection de la santé de sa salariée, fautes suffisamment graves pour justifier la résiliation du contrat de travail aux torts de cette dernière à effet du 14 juin 2006, date de son licenciement qui a concrétisé la rupture des relations contractuelles.

Le jugement sera infirmé en ce qu'il a débouté Géraldine Y... de son action en résiliation judiciaire.

Sur l'indemnisation :

La résiliation judiciaire du contrat de travail produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Il est certain que les fautes qui ont été retenues à l'encontre de la société FRANCE RESTAURATION RAPIDE sont à l'origine d'un préjudice pour la salariée.
En l'absence de pièces relatives à son état de santé actuel qui laisse présumer qu'elle est totalement rétablie, et sachant qu'elle a créé sa propre entreprise dès le mois d'octobre 2006, son préjudice sera évalué sera évalué à 15. 000 euros de dommages et intérêts avec intérêts au taux légal à compter de ce jour, date de leur évaluation. Madame Y... ayant plus de 2 ans d'ancienneté dans une société employant au moins 11 salariés, il convient d'ordonner le remboursement des indemnités de chômage dans la limite de 2 mois.

Sur le rappel de salaire :

La rémunération des heures supplémentaires est augmentée de 25 % jusqu'à 8 heures de travail supplémentaire par semaine et de 50 % au-delà.
Madame Y... a effectué une moyenne de 3, 6 heures par semaine sur 47 semaines de travail effectif annuel.
La majoration applicable étant de 25 % il est dû, compte tenu du taux horaire, différent chaque année, un rappel de salaire de 5. 500 euros.

Sur le repos compensateur :

Aux termes de la convention collective le contingent annuel des heures supplémentaires est de 130 heures dans les entreprises de plus de 20 salariés.
L'article L 3121-26 du code du travail recodifié dispose que dans ces mêmes entreprises, les heures supplémentaires accomplies à l'intérieur du contingent annuel d'heures supplémentaires conventionnel ou réglementaire, ouvrent droit à un repos compensateur obligatoire.
La durée de ce repos compensateur est égale à 50 % de chaque heure supplémentaire accomplie au-delà de 41 heures par semaine civile et à 100 % au-delà d'un contingent de 130 heures de travail supplémentaires.
Le salarié dont le contrat a été rompu avant qu'il ait pu bénéficier du repos compensateur reçoit une indemnité en espèces dont le montant correspond à ses droits acquis.
Madame Y... a effectué 80 heures supplémentaires hors contingent, en 2003 et 2005 qui ouvrent droit à une indemnité de repos compensateur de 100 % soit la somme de 793, 60 euros.
Au vu des pièces produites aux débats et des bases de calcul des heures supplémentaires ci-dessus, il revient à la salariée une indemnité de 1. 225 euros au titre du repos compensateur de 50 % applicable au-delà de 41 heures dans les entreprises employant plus de 20 salariés.

Sur le travail dissimulé :

Aux termes de l'article L 324-10 du code du travail dernier alinéa recodifié sous le numéro L 8221-5 2o, " la mention sur le bulletin de salaire d'un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement effectué constitue une dissimulation d'emploi salarié " sous réserve que soit établi le caractère intentionnel de cette dissimulation. Il ressort de ce qui précède que Géraldine Y... a effectué 450, 50 heures supplémentaires en moins de trois ans que l'employeur n'a pas pu ignorer puisqu'elle s'induisait des horaires de travail de la salariée comparés à la fiche de poste qui imposait des tâches supplémentaires postérieurement au temps de travail indiqué dans l'emploi du temps planifié de la salariée.

L'intention dissimulatrice étant avérée, le jugement doit être confirmé en ce qu'il a fait droit à la demande d'indemnité correspondant à six mois de salaire.
Le jugement sera confirmé en ce qu'il a fait droit à la demande de ce chef sauf à préciser qu'elle n'est pas cumulable avec l'indemnité de licenciement que Madame Y... devra restituer.

La demande reconventionnelle :

La rupture du contrat de travail imputable à l'employeur produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, il n'y a pas lieu à restitution de l'indemnité compensatrice de préavis.
La demande relative à la restitution de l'indemnité de licenciement a été traitée ci-dessus.

Sur l'article 700 du code de procédure civile :

La SAS FRANCE RESTAURATION RAPIDE devra verser à Géraldine Y... une indemnité de 2. 000 euros en dédommagement des frais non compris dans les dépens qu'elle a dû exposer pour faire valoir ses droits tant en première instance qu'en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement et contradictoirement,

INFIRME le jugement hormis en ce en ce qui concerne l'indemnité de travail dissimulé,
Statuant à nouveau pour le surplus,
PRONONCE la résiliation judiciaire du contrat de travail entre la SAS FRANCE RESTAURATION RAPIDE et Géraldine Y... à effet du 14 juin 2006,
CONDAMNE la SAS FRANCE RESTAURATION RAPIDE à payer à Géraldine Y... :
• 5. 500 euros au titre des heures supplémentaires, • 2018, 60 euros au titre d'indemnité de repos compensateur, les dites sommes portant intérêts au taux légal à compter de la convocation devant le bureau de conciliation, • 15. 000 euros de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant de la rupture du contrat de travail et des manquements de l'employeur avec intérêts au taux légal à compter de ce jour, • 2. 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

ORDONNE le paiement par la SAS FRANCE RESTAURATION RAPIDE aux organismes concernés des indemnités de chômage payées à Géraldine Y... du jour de la rupture, dans la limite de 2 mois d'indemnités,
ORDONNE la remise par l'employeur d'un bulletin de salaire et de l'attestation ASSEDIC rectifés conformément au présent arrêt sous astreinte de 10 euros par jour de retard et par document passé le délai d'un mois à compter de la notification de la présente décision,
CONDAMNE Géraldine Y... à payer à la SAS FRANCE RESTAURATION RAPIDE 1. 186, 82 euros correspondant à l'indemnité de licenciement avec intérêts au taux légal à compter de ce jour,
DÉBOUTE les parties du surplus de leurs prétentions,
CONDAMNE la SAS FRANCE RESTAURATION RAPIDE aux entiers dépens de première instance et d'appel.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Orléans
Formation : Ct0173
Numéro d'arrêt : 40
Date de la décision : 22/01/2009

Références :

Décision attaquée : Conseil de prud'hommes de Blois, 27 mars 2008


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.orleans;arret;2009-01-22;40 ?
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