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24/11/2008 | FRANCE | N°07/02365

France | France, Cour d'appel d'Orléans, Ct0062, 24 novembre 2008, 07/02365


COUR D'APPEL D'ORLÉANS
CHAMBRE CIVILE
GROSSES + EXPÉDITIONS
Me Estelle GARNIER SCP DESPLANQUES-DEVAUCHELLE SCP LAVAL LUEGER
ARRÊT du : 24 NOVEMBRE 2008
N° RG : 07 / 02365
DÉCISION ENTREPRISE : Jugement du Tribunal de Grande Instance d'ORLEANS en date du 11 Septembre 2007

PARTIES EN CAUSE
APPELANTE
La SA POLYCLINIQUE DES LONGUES ALLEES agissant poursuites et diligences de son représentant légal, domicilié en cette qualité audit siège 25, rue de Mondésir 45802 ST JEAN DE BRAYE CEDEX
représentée par Me Estelle GARNIER, avoué à la Cour aya

nt pour avocat la SCP Thierry OUSACI, du barreau D'ORLEANS
D'UNE PART INTIMÉS :
Monsieur Jose...

COUR D'APPEL D'ORLÉANS
CHAMBRE CIVILE
GROSSES + EXPÉDITIONS
Me Estelle GARNIER SCP DESPLANQUES-DEVAUCHELLE SCP LAVAL LUEGER
ARRÊT du : 24 NOVEMBRE 2008
N° RG : 07 / 02365
DÉCISION ENTREPRISE : Jugement du Tribunal de Grande Instance d'ORLEANS en date du 11 Septembre 2007

PARTIES EN CAUSE
APPELANTE
La SA POLYCLINIQUE DES LONGUES ALLEES agissant poursuites et diligences de son représentant légal, domicilié en cette qualité audit siège 25, rue de Mondésir 45802 ST JEAN DE BRAYE CEDEX
représentée par Me Estelle GARNIER, avoué à la Cour ayant pour avocat la SCP Thierry OUSACI, du barreau D'ORLEANS
D'UNE PART INTIMÉS :
Monsieur Joseph X...... 18230 SAINT DOULCHARD
représenté par la SCP DESPLANQUES-DEVAUCHELLE, avoués à la Cour ayant pour avocat Me LATSCHA, du barreau de PARIS

Maître Jean-Paul Z... pris en sa qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de la société CLINIQUE DE SOLOGNE... 45000 ORLEANS
représenté par la SCP LAVAL-LUEGER, avoués à la Cour ayant pour avocat la SCP LE METAYER-CAILLAUD-CESAREO-BONHOMME, du barreau D'ORLEANS
D'AUTRE PART

DÉCLARATION D'APPEL EN DATE DU 28 Septembre 2007
ORDONNANCE DE CLÔTURE DU 10 septembre 2008

COMPOSITION DE LA COUR

Lors des débats, du délibéré :
Monsieur Bernard BUREAU, Président de Chambre,
Madame Marie-Brigitte NOLLET, Conseiller,
Madame Elisabeth HOURS, Conseiller.

Greffier :
Madame Anne-Chantal PELLÉ, Greffier lors des débats.

DÉBATS :
A l'audience publique du 13 OCTOBRE 2008, à laquelle ont été entendus Madame Marie-Brigitte NOLLET, Conseiller, en son rapport et les avocats des parties en leurs plaidoiries.

ARRÊT :
Prononcé publiquement le 24 NOVEMBRE 2008 par mise à la disposition des parties au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.
Le docteur Joseph X..., médecin-anesthésiste, a été lié à la S. A. CLINIQUE DE SOLOGNE, en vertu d'un contrat d'exercice du 15 janvier 1985. Le 27 septembre 1997, cette dernière a procédé à la résiliation du contrat.
Par arrêt du 22 janvier 2001 confirmant un jugement du tribunal de grande instance de BLOIS en date du 22 avril 1999, la chambre sociale de la présente cour a condamné la S. A. CLINIQUE DE SOLOGNE à verser à Joseph X... diverses indemnités pour un montant total de 2. 201. 409, 30 francs.
Le 19 avril 2001, la S. A. CLINIQUE DE SOLOGNE a fait une déclaration de cessation de paiements, laquelle a abouti à la liquidation judiciaire de la société le 25 avril 2002.
Joseph X..., qui a déclaré sa créance entre les mains du liquidateur, mais estime n'avoir aucune chance d'obtenir un quelconque règlement, eu égard au montant du passif, considère qu'à partir de 1997, la S. A. CLINIQUE DE SOLOGNE a engagé, de concert avec la S. A. POLYCLINIQUE DES LONGUES ALLÉES, en fraude de ses droits, un processus aboutissant à la cession, sans véritable contrepartie, au profit de la seconde, de la totalité des actifs de la première. Il a, en conséquence, au visa de l'article 1167 du code civil, saisi le tribunal de grande instance d'ORLÉANS, aux fins de se voir déclarer inopposables les actes passés en fraude de ses droits et de voir ordonner le retour dans le patrimoine de la S. A. CLINIQUE DE SOLOGNE des biens, dont celle-ci s'est illicitement dépouillée au profit de la SA POLYCLINIQUE DES LONGUES ALLÉES.
Par jugement du 11 septembre 2007, le tribunal a :- déclaré Joseph X... recevable et bien fondé en son action,- constaté que la S. A. CLINIQUE DE SOLOGNE avait opéré un transfert de ses éléments d'actif au profit de la SA POLYCLINIQUE DES LONGUES ALLÉES, au mépris des droits de son créancier,- déclaré ce transfert inopposable à Joseph X...,- condamné la S. A. POLYCLINIQUE DES LONGUES ALLÉES à régler à ce dernier le montant de sa créance à l'égard de la S. A. CLINIQUE DE SOLOGNE, sur la valeur des éléments d'actif cédés par cette dernière et à concurrence de leur valeur nette,- ordonné, afin de déterminer le montant de cette valeur, une expertise confiée à monsieur B...,- condamné la S. A. POLYCLINIQUE DES LONGUES ALLÉES à payer à Joseph X... la somme de 2. 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,- condamné la même aux dépens.
La S. A. POLYCLINIQUE DES LONGUES ALLÉES a interjeté appel de ce jugement.
Par conclusions signifiées le 7 mars 2008, elle demande à la cour de l'infirmer, de débouter Joseph X... de l'ensemble de ses demandes, de le condamner à lui verser la somme de 15. 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, et de le condamner aux entiers dépens.
La S. A. POLYCLINIQUE DES LONGUES ALLÉES expose qu'elle a été associée, à compter de fin 1997, aux négociations visant au regroupement des plateaux techniques chirurgicaux de ROMORANTIN, inspiré par le Schéma Régional d'Organisation Sanitaire mis en place en 1994, que le projet de regroupement prévoyait la fermeture de la S. A. CLINIQUE DE SOLOGNE, qui exploitait un établissement à ROMORANTIN, jugé de trop faible capacité pour pouvoir être adapté aux normes de sécurité nécessaires et être économiquement rentable, que c'est dans ce cadre qu'elle a acquis les 500 parts sociales de la société CLINICOL, cette dernière détenant entièrement le capital social de la S. A. CLINIQUE DE SOLOGNE, que l'autorisation de regrouper les lits lui a été accordée par l'Agence Régionale de l'Hospitalisation du Centre, le 14 octobre 1998, que, selon convention avec la S. A. CLINIQUE DE SOLOGNE, elle a été autorisée à exploiter immédiatement lesdits lits, moyennant le règlement d'une redevance mensuelle de 30. 000 francs H. T., que, le 21 décembre 2000, l'assemblée générale des associés de la S. A. CLINIQUE DE SOLOGNE a décidé de la dissolution anticipée de la société à compter du 31 décembre 2000 et de sa liquidation amiable sous le régime conventionnel.

Elle ajoute que, n'étant pas en mesure de faire face au règlement de la somme de 251. 909, 44 €, que lui réclamait Joseph X... aux termes d'un commandement aux fins de saisie-vente notifié le 16 mars 2001, le liquidateur a effectué, le 19 avril 2001, une déclaration de cessation de paiements au greffe du tribunal de commerce d'ORLÉANS, ensuite de laquelle a été prononcée la liquidation judiciaire de la S. A. CLINIQUE DE SOLOGNE, que sa propre déclaration de créance, pour des avances de trésorerie consenties à cette dernière, dont avaient été déduites les redevances d'exploitation et le montant d'achats de matériel et de pharmacie qui lui restaient dus, a été contestée par le liquidateur, maître Z..., qui l'a assignée devant le tribunal de commerce d'ORLÉANS pour la voir condamner au paiement des redevances, voir constater qu'elle avait eu la qualité de gérant de fait de la S. A. CLINIQUE DE SOLOGNE et la voir condamner au paiement d'une somme de 1. 295. 620, 07 € au titre du comblement de passif, mais que cette procédure avait pris fin par la signature entre les parties d'un protocole d'accord régularisé le 28 novembre 2003 et homologué par le tribunal de commerce le 30 juin 2005. La S. A. POLYCLINIQUE DES LONGUES ALLÉES allègue que la décision de regroupement des deux établissements a été prise, le 14 octobre 1998, par un tiers, en l'occurrence, l'Agence Régionale de l'Hospitalisation du Centre, en considération de la nécessaire réorganisation des plateaux techniques de soins de ROMORANTIN, que cette décision et les démarches qui en ont découlé n'ont jamais été motivées par la volonté de nuire aux intérêts des créanciers, et notamment de Joseph X..., lequel n'avait pas encore cette qualité au jour de la décision, et que la convention d'exploitation alors régularisée entre les deux cliniques n'avait d'autre objet que de permettre l'exploitation immédiate des lits par la S. A. POLYCLINIQUE DES LONGUES ALLÉES, moyennant une contrepartie financière, dans l'attente de la visite de conformité.

Elle soutient que la décision de la S. A. CLINIQUE DE SOLOGNE de se placer en liquidation amiable, par préférence à tout autre cadre juridique, n'était pas de nature à nuire aux intérêts de Joseph X..., que, au jour du rapprochement entre les deux cliniques, le développement des contentieux auxquels a dû faire face la S. A. CLINIQUE DE SOLOGNE et qui l'ont conduit au dépôt de bilan n'était pas prévu, que la déclaration de cessation de paiements n'a pas davantage été prise en fraude des droits des créanciers, que, antérieurement à celle-ci, la S. A. POLYCLINIQUE DES LONGUES ALLÉES avait soutenu financièrement sa filiale en lui octroyant d'importantes avances de trésorerie, et qu'elle lui a, en outre, versé 150. 000 € dans le cadre de l'accord intervenu.

La S. A. POLYCLINIQUE DES LONGUES ALLÉES critique, enfin, la mission d'expertise définie par les premiers juges, au motif qu'elle tendrait à permettre à Joseph X... d'établir l'existence de certains faits au soutien de son action paulienne, plutôt qu'à déterminer les conséquences financières de l'action, si celle-ci devait être accueillie par la cour.
Par conclusions signifiées le 22 mai 2008, maître Z..., agissant en sa qualité de liquidateur de la S. A. CLINIQUE DE SOLOGNE, sollicite l'infirmation du jugement entrepris, le rejet de toutes demandes formées par Joseph X... et la condamnation de ce dernier au paiement de la somme de 3. 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens.
Il soutient que Joseph X... n'apporte pas la preuve de l'existence d'un concert frauduleux entre la S. A. POLYCLINIQUE DES LONGUES ALLÉES et la S. A. CLINIQUE DE SOLOGNE, ni de la connaissance par cette dernière du préjudice qu'elle lui aurait causé, que la créance de l'intéressé n'est devenue certaine dans son principe qu'aux termes du jugement du 22 avril 1999, soit postérieurement aux opérations de rapprochement entre les cliniques qui avaient commencé le 9 avril 1998, qu'elle ne pouvait donc savoir en opérant ce rapprochement qu'elle se trouverait dans l'impossibilité d'honorer la créance de l'intimé un an plus tard, que ce rapprochement répondait à un schéma régional d'organisation sanitaire et qu'il ne résultait pas de l'initiative des cliniques elles-mêmes.

Par conclusions signifiées le 28 avril 2008, Joseph X... sollicite la confirmation du jugement entrepris, la condamnation de la S. A. POLYCLINIQUE DES LONGUES ALLÉES à lui verser la somme de 4. 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, et sa condamnation aux dépens.
Il soutient que le processus de rapprochement mis en oeuvre par la SA POLYCLINIQUE DES LONGUES ALLÉES et la S. A. CLINIQUE DE SOLOGNE a abouti au dépeçage de la seconde par la première, qui a fait main basse sur l'intégralité de l'actif de sa filiale, sans contrepartie onéreuse. Il fait valoir que, dès le 27 septembre 1997, date à laquelle le contrat qui le liait à la S. A. CLINIQUE DE SOLOGNE a été résilié, il disposait d'un principe de créance contre cette dernière, que les faits argués de fraude sont postérieurs à cette date et que la procédure collective ouverte à l'égard de la S. A. CLINIQUE DE SOLOGNE est sans incidence sur la recevabilité de l'action paulienne.

Joseph X..., qui souligne que sa créance est désormais irrécouvrable, compte-tenu de l'importance du passif de la S. A. CLINIQUE DE SOLOGNE, ce qui caractérise son appauvrissement, fait valoir que les actes conclus entre le 9 avril et le 25 novembre 1998 ont conduit au transfert des actifs de ladite société sans prise en charge corrélative de ses dettes, que la S. A. POLYCLINIQUE DES LONGUES ALLÉES, qui avait pris le contrôle de la S. A. CLINIQUE DE SOLOGNE, a pris systématiquement les décisions qui servaient ses propres intérêts, au détriment de ceux de sa filiale et des créanciers de cette dernière, que les parties ne pouvaient ignorer que ces opérations rendraient impossible le paiement des indemnités dues au docteur X..., alors en procès avec la S. A. CLINIQUE DE SOLOGNE devant le tribunal de grande instance de BLOIS, et que, d'ailleurs, la décision prise au mois de décembre 2000 d'écarter le cadre juridique de la fusion avec la S. A. POLYCLINIQUE DES LONGUES ALLÉES ou de l'absorption par cette dernière, au profit d'une procédure de liquidation amiable, a été expressément motivée par l'existence des procédures en cours. Il fait valoir que, lorsque la fraude paulienne est établie, mais que le rétablissement de la situation antérieure du débiteur n'est plus possible, il y a lieu à réintégration en valeur, au profit du créancier, des biens entrés par fraude dans le patrimoine du tiers complice, ce qui vise en l'occurrence les actifs, notamment comptables, de la S. A. CLINIQUE DE SOLOGNE, ainsi que ses droits aux indemnités de présentation de clientèle et d'exploitation des lits d'hospitalisation, et que l'évaluation de ces droits nécessite l'organisation d'une expertise judiciaire.

Il allègue, enfin, que les soutiens financiers que la S. A. POLYCLINIQUE DES LONGUES ALLÉES déclare avoir apportés à sa filiale n'ont aucune incidence sur son appauvrissement.

SUR CE, LA COUR :
Attendu que tout créancier peut, en son nom personnel, attaquer les actes faits par son débiteur en fraude de ses droits ;

Que la procédure collective ouverte à l'égard du débiteur ne fait pas obstacle à l'exercice par un créancier, agissant en son nom propre, de l'action paulienne, s'agissant d'une action individuelle, dont les effets (inopposabilité de l'acte entaché de fraude) sont limités aux seules parties en cause ;
Attendu que, lorsqu'il s'agit d'un acte à titre onéreux, le créancier qui exerce l'action paulienne doit prouver la complicité de fraude du tiers acquéreur ; Que la fraude paulienne n'implique pas nécessairement l'intention de nuire et résulte de la seule connaissance que le débiteur et son cocontractant ont du préjudice causé au créancier par l'acte litigieux ;
Attendu, en l'espèce, que, s'il est incontestable que la décision de rapprochement entre les deux cliniques ne résulte pas de leur seule initiative, puisqu'elle s'inscrit dans le cadre des objectifs définis par le Schéma Régional d'Organisation Sanitaire et Sociale et qu'elle est intervenue sous l'égide de l'Agence Régionale de l'Hospitalisation du Centre, les moyens juridiques et financiers mis en oeuvre pour parvenir à ce rapprochement relèvent, en revanche, de la seule responsabilité des intéressées ;

Que les correspondances émanant de l'A. R. H, et en particulier sa lettre du 20 février 1998 dans laquelle elle définit les objectifs poursuivis, témoignent d'ailleurs des limites de son action, celle-ci s'inscrivant dans le cadre de la politique de santé à mettre en oeuvre et s'intéressant essentiellement à l'aspect administratif du projet, mais en aucun cas au montage juridique et financier de l'opération ;
Attendu, à cet égard, qu'il résulte de la lecture du procès-verbal de réunion du conseil d'administration de la S. A. CLINIQUE DE SOLOGNE en date du 14 novembre 2000 que, lors de cette réunion, a été débattu le sort de la société ; Que plusieurs solutions ont été envisagées, dont la confusion des deux établissements dans le cadre d'une transmission universelle du patrimoine, ainsi que l'absorption de la S. A. CLINIQUE DE SOLOGNE par la SA POLYCLINIQUE DES LONGUES ALLÉES ; Que ces deux solutions ont été expressément écartées, au motif qu'elles paraissaient " inopportunes ", " en considération des procédures en cours ", car elles auraient eu pour effet de transmettre directement à la S. A. POLYCLINIQUE DES LONGUES ALLÉES la charge de ces procédures et auraient risqué de " polluer ses comptes ", en conséquence de quoi le conseil d'administration de la S. A. CLINIQUE DE SOLOGNE a fait le choix de la dissolution de la société avec ouverture d'une liquidation conventionnelle ;

Que, dans sa séance du 21 décembre 2000, l'assemblée générale extraordinaire, convoquée à cet effet, a adopté la résolution qui lui était soumise, avec les mêmes motifs que ci-dessus, et a décidé de la dissolution anticipée de la S. A. CLINIQUE DE SOLOGNE, à compter du 31 décembre 2000, et de sa liquidation amiable, sous le régime conventionnel ;
Attendu, ainsi, que, si la reprise par la S. A. POLYCLINIQUE DES LONGUES ALLÉES de la S. A. CLINIQUE DE SOLOGNE est, en son principe, exempte de critique, cette décision ayant été négociée avec l'A. R. H et apparaissant, du point de vue de la réorganisation des structures hospitalières locales, inéluctable, en revanche, les moyens employés pour y parvenir témoignent d'une réelle volonté de frauder les droits des créanciers de la société dissoute ; Qu'il a, en effet, été délibérément opté pour la solution de la dissolution avec liquidation amiable, à seules fins d'éviter à la S. A. POLYCLINIQUE DES LONGUES ALLÉES d'avoir à supporter le passif susceptible de naître des procédures en cours ;

Que, de cette façon, celle-ci s'est vue transférer tous les actifs de la S. A. CLINIQUE DE SOLOGNE, sans avoir à en supporter la contrepartie normale, qui est la charge du passif, laquelle lui aurait incombé dans les deux autres hypothèses envisagées ;
Attendu que, dès la résiliation du contrat d'exercice du docteur X..., le 27 septembre 1997, se posait la question du versement des indemnités de rupture susceptibles de lui être dues en vertu des dispositions conventionnelles ;

Que, faute de solution amiable intervenue entre les parties, le tribunal a été saisi et, par jugement du 22 avril 1999, la S. A. CLINIQUE DE SOLOGNE a été condamnée à payer au docteur X... la somme de 2. 201. 409, 30 francs, au titre desdites indemnités ;

Que, même si cette décision se trouvait frappée d'appel, de sorte que la créance du docteur X... ne se trouvait pas encore exigible au 21 décembre 2000, date à laquelle a été décidée la dissolution de la S. A. CLINIQUE DE SOLOGNE, il n'en demeure pas moins qu'à cette date, la créance existait et que les parties en étaient d'autant plus conscientes qu'elles ont, de leur propre aveu, opté pour la solution retenue, afin, précisément, de permettre à la S. A. POLYCLINIQUE DES LONGUES ALLÉES d'échapper aux conséquences éventuelles des procédures en cours ;

Qu'il convient d'observer que les appelantes pouvaient d'autant moins ignorer la procédure en cours à l'égard du docteur X..., que, au moment du vote litigieux, les débats avaient déjà eu lieu devant la cour et que l'affaire était en délibéré, l'arrêt confirmant la créance devant, en définitive, être rendu le 22 janvier 2001 ;

Qu'il s'ensuit que l'opération réalisée, reprise des actifs de la S. A. CLINIQUE DE SOLOGNE par la S. A. POLYCLINIQUE DES LONGUES ALLÉES selon une forme juridique excluant un transfert concomitant du passif, l'a bien été en fraude des droits du docteur X..., puisque la S. A. CLINIQUE DE SOLOGNE s'est trouvée dépouillée de tous ses éléments d'actif, sans que personne ne soit plus en mesure, soit pour des raisons économiques (CLINIQUE DE SOLOGNE), soit pour des motifs d'ordre juridique (POLYCLINIQUE DES LONGUES ALLÉES), de faire face au paiement de ses dettes ;
Attendu que la complicité de la S. A. POLYCLINIQUE DES LONGUES ALLÉES dans l'organisation de la fraude est évidente, celle-ci ayant été directement associée à la décision litigieuse, prise dans son propre intérêt, puisque, à cette date, la S. A. CLINIQUE DE SOLOGNE était devenue sa filiale et qu'elle a pris part personnellement, tant au conseil d'administration du 14 novembre 2000 qu'à l'assemblée générale du 21 décembre 2000 ;

Qu'il convient d'observer au surplus que les fonctions de liquidateur de la S. A. CLINIQUE DE SOLOGNE ont été confiées à Gérard A..., Président de SPHERIA VAL DE FRANCE, principale actionnaire de la SA POLYCLINIQUE DES LONGUES ALLÉES ;
Attendu que l'insolvabilité de la S. A. CLINIQUE DE SOLOGNE n'est pas contestée, celle-ci ayant fait une déclaration de cessation de paiement quelques mois seulement après avoir été placée en liquidation amiable, ayant été mise en liquidation judiciaire le 25 avril 2002 et ne disposant quasiment plus d'aucun actif, alors que son passif apparaît supérieur à 1 million d'euros ;

Qu'il est certain que le docteur X..., qui a déclaré sa créance entre les mains de maître Z... le 14 mai 2001, ne pourra recouvrer le montant de sa créance contre la S. A. CLINIQUE DE SOLOGNE ;
Attendu que les conditions de l'action paulienne se trouvent réunies ; Que le docteur X... doit être accueilli en sa demande ;
Attendu que la fraude paulienne, lorsqu'elle est admise, a pour effet de rendre inopposable au créancier l'acte passé en fraude de ses droits ;

Qu'en l'occurrence, la décision prise, le 21 décembre 2000, par l'assemblée générale des associés de la S. A. CLINIQUE DE SOLOGNE, de dissoudre la société par anticipation, à compter du 31 décembre 2000, et de procéder à sa liquidation amiable, en ce qu'elle a eu pour effet faire bénéficier la S. A. POLYCLINIQUE DES LONGUES ALLÉES de la reprise des actifs de ladite société, sans reprise corollaire de son passif, et, par voie de conséquence, de priver le docteur X... de toute possibilité de recouvrement ultérieur de sa créance, doit être déclarée inopposable à l'intéressé ;

Que, toutefois, dès lors que le rétablissement de la situation antérieure n'est pas possible, la liquidation judiciaire de la S. A. CLINIQUE DE SOLOGNE étant intervenue depuis lors, le docteur X... pourra seulement être admis à poursuivre le recouvrement de sa créance sur les actifs transférés, sans contrepartie, à la S. A. POLYCLINIQUE DES LONGUES ALLÉES, dont la valeur sera, ainsi qu'en a jugé à bon droit le tribunal, déterminée par voie d'expertise ; Que le jugement entrepris sera confirmé, sauf en ce que mission a été donnée à l'expert de décrire les rapports patrimoniaux entre les deux cliniques, ce chef de la mission n'étant pas utile à la solution restant à donner au litige et portant sur des éléments au demeurant déjà largement évoqués et éclairés par les pièces versées aux débats ;
Attendu que la SA POLYCLINIQUE DES LONGUES ALLÉES, qui succombe en son appel, sera condamnée aux dépens, ainsi qu'au paiement au docteur X... d'une indemnité de procédure de 2. 500 € ; Qu'il n'apparaît pas inéquitable de laisser à maître Z..., ès qualités, la charge des frais irrépétibles qu'il a exposés ;

PAR CES MOTIFS :
Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,
CONFIRME, par les motifs ci-dessus exposés et ceux non contraires des premiers juges, le jugement entrepris, sauf en ce que mission a été donnée à l'expert de décrire les rapports patrimoniaux entre la S. A. CLINIQUE DE SOLOGNE et la SA POLYCLINIQUE DES LONGUES ALLÉES,
Y AJOUTANT,
CONDAMNE la S. A. POLYCLINIQUE DES LONGUES ALLÉES à payer à docteur X... la somme de DEUX MILLE CINQ CENTS EUROS (2. 500 €), sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,
REJETTE le surplus des demandes,
CONDAMNE la S. A. POLYCLINIQUE DES LONGUES ALLÉES aux dépens et accorde à la SCP DESPLANQUES-DEVAUCHELLE et à la SCP LAVAL-LUEGER, avoués, le bénéfice des dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile.
Arrêt signé par Monsieur Bernard BUREAU, président et Madame Anne-Chantal PELLÉ, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Orléans
Formation : Ct0062
Numéro d'arrêt : 07/02365
Date de la décision : 24/11/2008

Références :

Décision attaquée : Tribunal de grande instance d'Orléans, 11 septembre 2007


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.orleans;arret;2008-11-24;07.02365 ?
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