ARRÊT du 18 NOVEMBRE 2008
Grosses + ExpéditionsMe Estelle GARNIERla SCP DESPLANQUES - DEVAUCHELLE
APPEL d'un jugement du Juge aux affaires Familiales du Tribunal de Grande Instance de TOURS en date du 25 octobre 2007.
PARTIES EN CAUSE :
COMPOSITION DE LA COUR :
Monsieur FOULQUIER Conseiller faisant fonction de Président de Chambre, désigné par ordonnance du Premier Président en date du 20 juin 2008,Madame GONGORA, Conseiller,Madame RAIMBAUD-WINTHERLIG, Conseiller.
Les débats ont eu lieu en Chambre du Conseil le 07 Octobre 2008, après rapport de Madame RAIMBAUD-WINTHERLIG, Conseiller.
L'arrêt a été prononcé, en audience publique, le DIX HUIT NOVEMBRE DEUX MILLE HUIT (18/11/2008), par Monsieur FOULQUIER, Conseiller faisant fonction de Président de Chambre, qui a signé la minute.
La Cour a été assistée lors des débats et lors du prononcé de l'arrêt par Madame PIERRAT, Greffier.
Sur la requête en divorce déposée par l'épouse, le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Tours, par une ordonnance de non-conciliation du 15 mars 2005, a notamment fixé à 200 euros par mois la pension alimentaire que Michel Y... devra verser à Marie-Christine X... au titre du devoir de secours.
Par jugement du 25 octobre 2007 dont Marie-Christine X... a relevé appel le 11 janvier 2008, le juge aux affaires familiales a rejeté la demande principale en divorce pour faute présentée par l'épouse et accueilli sa demande en divorce pour altération définitive du lien conjugal, présentées toutes deux à titre reconventionnel, après avoir constaté que cette dernière demande avait finalement été acceptée à titre principal par Michel Y..., condamné ce dernier à payer à Marie-Christine X... une prestation compensatoire sous forme d'un capital de 30.000 euros, le capital étant versé en une seule fois, et rejeté les demandes de dommages et intérêts ainsi que celles présentées au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
À l'appui de sa demande principale en divorce, Marie-Christine X... invoque les troubles profonds de la personnalité de son mari qui le rendaient coléreux, imprévisible, irascible, violent et manipulateur, le tout aggravé par une alcoolisation exponentielle, son objectif, peut-être inconscient, étant la destruction psychologique dans un premier temps de son souffre-douleur, son épouse, puis peu à peu de ses deux filles. Contestant le grief d'abandon du domicile conjugal invoqué par Michel Y..., elle prétend qu'elle a tenté en vain d'interpeller son mari sur sa souffrance et l'épuisement physique et psychologique qui en résultait, déclenchant chez ce dernier des réactions toujours plus violentes, qu'elle ne l'a pas quitté du fait de la liaison qu'elle entretenait avec M. C..., son voisin en Haute-Savoie, un constat d'adultère ayant été dressé le 23 mai 2007 alors qu'elle est partie début décembre 2003. Elle considère que le comportement de son époux pendant le mariage est bien la seule et unique cause de l'échec conjugal, mais très subsidiairement conclut à la confirmation du jugement s'agissant du prononcé du divorce sur le fondement des articles 237 et 238 du Code Civil sur la double demande des époux. Elle invoque à l'appui de sa demande de dommages-intérêts le constat d'adultère effectué par son mari qui a provoqué un nouveau choc psychologique pour elle et les conclusions de ce dernier, qui se pose en victime, ayant entraîné une nouvelle hospitalisation pour dépression.
Par conclusions déposées le 22 septembre 2008, Michel Y... demande à la cour de confirmer la décision entreprise en tous ses chefs, sauf à préciser que la demande formée par Marie-Christine X... sur le fondement de l'article 242 du Code Civil postérieurement à la signification de son acquiescement sur sa demande principale et reconventionnelle fondée sur les articles 237 et 238 du Code Civil était irrecevable, et de condamner Marie-Christine X... à lui payer une indemnité de 4000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Il soutient que le premier juge en se prononçant en premier lieu sur la demande reconventionnelle en divorce fondée sur l'article 242 du Code Civil, telle que formulée par Marie-Christine X..., se réfère aux dispositions de l'article 246 du même code et commet une erreur de droit dans la mesure où il ne pouvait plus exister de « demandes concurrentes » du fait de son acquiescement à la demande reconventionnelle formulée initialement par Marie-Christine X... sur le fondement des articles 237 et 238. Il ne maintient pas devant la cour de demande en divorce sur le fondement de l'article 242 du Code Civil, conteste les griefs avancés par son épouse estimant qu'aucune preuve n'est produite, affirme que l'abandon du domicile familial par son épouse correspond à un choix de vie personnel et invoque l'adultère de cette dernière tout en estimant que le maintien artificiel par Marie-Christine X... de la demande en divorce fondée sur l'article 242 du Code Civil participe d'une « stratégie financière » et conclut à l'irrecevabilité et au manque de fondement de la demande de dommages et intérêts.Sur la prestation compensatoire Michel Y... expose, percevoir une pension de retraite mensuelle de 2493,81 euros, somme à laquelle s'ajoutera à l'âge de 60 ans révolus la retraite complémentaire PREFON de 141,42 euros par mois en valeur 2008 sans pouvoir dépasser un montant de 200 euros mensuels, et supporter des charges fixes dont 450 euros par mois de contribution à l'entretien de sa fille aînée Stéphanie qui finit ses études de médecine dans un cadre universitaire. Il indique que si il a perçu la somme de 61.258,62 euros au moment de la vente de l'immeuble familial intervenu en 2004, Marie-Christine X... a reçu à cette occasion 213.707,82 euros, que les liquidités communes ont été partagées par moitié et lui ont procuré la somme de 30.940 euros, que Marie-Christine X... s'est refusée à lui restituer la somme de 18 000 euros représentant un trop-perçu sur le partage du prix de vente immobilier, que dans le cadre de la succession de son père décédé en 1997 son frère et lui ont laissé à leur mère la disposition de l'essentiel des biens ne recevant chacun qu'une somme de l'ordre de 44.703,20 euros, somme absorbée depuis par la vie du ménage, qu'au décès de sa mère en 2006 ses droits de succession s'élevant à 168 265 euros portent exclusivement sur un appartement dont il est propriétaire indivis avec son frère, ce dernier l'occupant à titre gratuit, aucun acte de liquidation partage n'ayant été régularisé, et qu'enfin dans le cadre de la succession lui revient la moitié du contrat d'assurance-vie soit la somme de 15 000 euros. Michel Y... soutient que l'emploi de Marie-Christine X... à mi-temps seulement à l'hôpital d'Albertville est un choix personnel, que celle-ci ne justifie d'aucune charge courante étant hébergée chez M. C..., que la réalisation de l'ensemble de ses biens tourangeaux démontre son intention de s'installer définitivement en Haute-Savoie avec ce dernier, que son préjudice de carrière n'est pas caractérisé, qu'elle a toujours travaillé pendant la durée du mariage à l'exception de la période brève du séjour en Pologne, que les éléments produits ne permettent pas une appréciation sérieuse de ses revenus futurs, qu'elle aura après sa retraite la possibilité de travailler en libéral, qu'elle ne fait pas état de sa retraite complémentaire ni d'un plan d'épargne-retraite donnant lieu à déduction fiscale, que son patrimoine actuel s'élève au moins à 281.163 euros et qu'elle percevra au moins 160.000 euros de la succession de ses parents. Il estime ainsi que s'il est exact qu'il dispose d'une meilleure retraite que celle que percevra Marie-Christine X..., cette dernière dispose et disposera d'un patrimoine sans commune mesure, et que la situation globale ne met pas en évidence une disparité réelle, mais accepte toutefois de régler la somme de 30.000 euros au titre de la prestation compensatoire fixée par le premier juge, démontrant en cela qu'il respecte ce qui a constitué le centre de son affection et de ses intérêts durant toute la période de la vie commune.
LA COUR,
Sur le prononcé du divorce :
En outre l'article 1077 du code de procédure civile précise que la demande en divorce ne peut être fondée que sur un seul des cas prévus à l'article 229 du Code Civil, que toute demande formée à titre subsidiaire sur un autre cas est irrecevable, et hormis les cas prévus aux articles 247 à 247-2 du même code, il ne peut, en cours d'instance, être substitué à une demande fondée sur un des cas de divorce défini à l'article 229 une demande fondée sur un autre cas.
Ainsi, les demandes en divorce pour faute formées, à titre subsidiaire par Michel Y... dans ses conclusions du 25 avril 2007 et pour la première fois dans l'instance par Marie-Christine X... le 26 juillet 2007, seront déclarées irrecevables et le jugement sera confirmé en ce qu'il a prononcé le divorce sur le fondement des articles 237 et 238 du Code Civil pour altération définitive du lien conjugal.
Sur les dommages et intérêts :
Le divorce étant prononcé, sur les conclusions concordantes des parties, pour altération définitive du lien conjugal, l'épouse n'est pas recevable à solliciter l'application de l'article 266 du code civil.
La demande de dommages et intérêts sera en conséquence rejetée, la cour réparant en cela l'absence de motifs du premier juge sur ce chef de demande.
Sur la prestation compensatoire :
L'article 270 du Code Civil dispose que le divorce met fin au devoir de secours mais que l'un des époux peut être tenu de verser à l'autre une prestation destinée à compenser, autant qu'il est possible, la disparité que la rupture du mariage crée dans les conditions de vie respectives.
Selon l'article 271 de ce même code, le juge fixe la prestation compensatoire en fonction des besoins de l'époux à qui elle est versée et des ressources de l'autre, eu égard à la situation au moment du divorce et à l'évolution de celle-ci dans un avenir prévisible, en prenant notamment en considération la durée du mariage, l'âge et l'état de santé des époux, leur qualification et leur situation professionnelle, les conséquences des choix professionnels faits par l'un des époux pendant la vie commune pour l'éducation des enfants ou pour favoriser la carrière de son conjoint au détriment de la sienne, des patrimoines respectifs estimés ou prévisibles, tant en capital qu'en revenu, après la liquidation du régime matrimonial et leurs droits existants et prévisibles, notamment en matière de pensions de retraite.
Les époux, tous deux âgés de 52 ans, ont été mariés 29 ans.
Le mari perçoit une retraite militaire de lieutenant-colonel dans l'armée de terre d'un montant mensuel de 2493,81 euros à laquelle s'ajoutera à l'âge de 60 ans une retraite complémentaire PREFON d'un montant mensuel de 141,42 euros, il justifie de charges notamment d'emprunts et de loyer pour un montant total de 1441 euros par mois, mais ne rapporte pas la preuve d'une aide financière régulière versée à sa fille Stéphanie, seuls deux virements de 450 et 400 euros au cours du mois d'avril 2007 étant justifiés.
En conséquence, l'appréciation du premier juge doit être confirmée sur le principe de la disparité résultant des revenus modestes actuels et futurs de l'épouse rapportés à la retraite très sensiblement supérieure du mari, mais pour parvenir à une juste compensation, il convient de réformer le jugement entrepris en portant le capital alloué à la somme de 50.000 euros.
Sur les autres demandes :
Au regard de la solution donnée au litige, chacune des parties conservera la charge des dépens ainsi que de ses frais non inclus dans les dépens.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, après débats non publics, contradictoirement et après en avoir délibéré conformément à la loi,
Vu l'ordonnance de non-conciliation du 15 mars 2005 ;
Réforme partiellement le jugement rendu le 25 octobre 2007 par le juge aux affaires familiales de Tours et statuant à nouveau :
Confirme le jugement pour le surplus ;
Rejette toutes demandes contraires ;
Dit que chaque partie conservera la charge de ses dépens d'appel et de première instance.
Et le présent arrêt a été signé par Monsieur Y. FOULQUIER, Conseiller, faisant fonction de Président de chambre, et par Madame E. PIERRAT, Greffier.