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06/11/2008 | FRANCE | N°622

France | France, Cour d'appel d'Orléans, Ct0229, 06 novembre 2008, 622


COUR D'APPEL D'ORLEANSCHAMBRE SOCIALEPRUD'HOMMES

GROSSES le 06 NOVEMBRE 2008 àMe Danièle BORDRONMe Michelle PIERRARD-SIMONCOPIES le 06 NOVEMBRE 2008 àPhilippe Y...SAS TIMACARRÊT du : 06 NOVEMBRE 2008
N° : 622/08

N° RG : 08/00539
DÉCISION DE PREMIÈRE INSTANCE : Conseil de Prud'hommes de BLOIS en date du 18 Janvier 2008 - Section : ENCADREMENT
ENTRE
APPELANT :
Monsieur Philippe Y..., né le 06 Mars 1971, demeurant ...
comparant en personne, assisté de Maître Danièle BORDRON, avocat au barreau de TOURS
ET
INTIMÉE :
La Société par Actions Sim

plifiée TIMAC, dont le siège social est 27 Avenue Franklin Roosevelt - 35400 ST MALO, agissant poursu...

COUR D'APPEL D'ORLEANSCHAMBRE SOCIALEPRUD'HOMMES

GROSSES le 06 NOVEMBRE 2008 àMe Danièle BORDRONMe Michelle PIERRARD-SIMONCOPIES le 06 NOVEMBRE 2008 àPhilippe Y...SAS TIMACARRÊT du : 06 NOVEMBRE 2008
N° : 622/08

N° RG : 08/00539
DÉCISION DE PREMIÈRE INSTANCE : Conseil de Prud'hommes de BLOIS en date du 18 Janvier 2008 - Section : ENCADREMENT
ENTRE
APPELANT :
Monsieur Philippe Y..., né le 06 Mars 1971, demeurant ...
comparant en personne, assisté de Maître Danièle BORDRON, avocat au barreau de TOURS
ET
INTIMÉE :
La Société par Actions Simplifiée TIMAC, dont le siège social est 27 Avenue Franklin Roosevelt - 35400 ST MALO, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège.
représentée par Maître Michelle PIERRARD-SIMON, avocat au barreau de SAINT-MALO

Après débats et audition des parties à l'audience publique du 09 Octobre 2008
LA COUR COMPOSÉE DE :
Monsieur Daniel VELLY, Président de ChambreMonsieur Pierre LEBRUN, ConseillerMadame Catherine PAFFENHOFF, Conseiller
Assistés lors des débats de Madame Geneviève JAMAIN, Greffier,
Puis ces mêmes magistrats en ont délibéré dans la même formation et à l'audience publique du 06 Novembre 2008, Monsieur Daniel VELLY, Président de Chambre, assisté de Madame Geneviève JAMAIN, Greffier, a rendu l'arrêt dont la teneur suit :

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE
Philippe Y... est embauché par la SA TIMAC suivant contrat à durée indéterminée en date du 13 décembre 1993, en qualité d'attaché commercial.
Il est promu directeur commercial régional (direction centre nord de la région Nord), coefficient 550, le premier janvier 2003 et passe dans le même temps au forfait sans référence horaire avec le statut de cadre dirigeant et une rémunération mensuelle brute de 4.500 euros, augmentée d'une prime annuelle variable pouvant atteindre 6.100 euros dont 3.660 euros garantis.
En octobre 2005, il refuse le nouveau poste qui lui est proposé à l'occasion de la restructuration de la direction commerciale de TIMAC NORD.
Son licenciement lui est notifié le 3 novembre 2005.
Par requête du 20 juin 2006, le salarié conteste son licenciement devant le conseil de prud'hommes de BLOIS qu'il saisit de plusieurs demandes pour le détail desquelles il est renvoyé au jugement du 18 janvier 2008, la cour se référant également à cette décision pour l'exposé des faits, de la demande reconventionnelle et des moyens initiaux des parties.
Débouté de l'intégralité de ses prétentions hormis le versement d'une indemnité de 2.500 euros pour absence d'information sur le DIF, Monsieur Y... relève appel du jugement le 22 février 2008 après notification du 25 janvier 2008.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
A/ Le salarié
L'appelant poursuit l'infirmation du jugement déféré en toutes ses dispositions hormis en ce qui concerne le droit individuel à la formation et demande à la cour de dire son licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Il sollicite la condamnation de la SA TIMAC à lui verser :
- 90.315,96 euros de dommages et intérêts pour rupture abusive- 983,46 euros de complément d'indemnité conventionnelle de licenciement - 15.052,66 euros de dommages et intérêts pour non-respect de la priorité de ré-embauchage- 347,66 euros de solde d'indemnité de non-concurrence- 5.083,33 euros de solde de prime- 4.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Au soutien de son appel, il fait valoir que :
les propositions de l'employeur concernant son nouveau poste correspondent à une modification de son contrat de travail en ce sens qu'il n'avait plus la responsabilité que de deux délégations au lieu de six et qu'il se voyait confier une mission de marketing

l'employeur, en lui adressant un avenant à son contrat de travail pour signature, a nécessairement admis cette modification de son contrat de travail le motif réel de son licenciement est d'ordre économique dès lors que la suppression de son poste était la conséquence d'une réorganisation décidée pour sauvegarder la compétitivité de l'entreprise

la société TIMAC ne lui a pas fait de proposition de reclassement ni de CRP ;
elle ne lui a pas laissé le temps de la réflexion et a omis de l'informer de son droit individuel à une formation
l'indemnité que lui a versée la société TIMAC au titre de la clause de non-concurrence a été calculée sur la base d'un montant de salaire inférieur à sa rémunération mensuelle moyenne pour les douze derniers mois de travail qui s'élève à 7.526,33 euros.

B/ L'employeur
La SA TIMAC demande à la cour de débouter Philippe Y... de l'ensemble de ses demandes et sollicite la condamnation de celui-ci à lui payer 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle réplique que :
- le salarié a été rempli de ses droits s'agissant des primes, de l'indemnité de non-concurrence et de l'indemnité conventionnelle de licenciement, sachant qu'il convient de retenir un salaire mensuel moyen de 7.352,19 euros pour les douze derniers mois travaillés

- la preuve d'un préjudice résultant de l'absence d'information sur le DIF n'est pas rapportée
- le nouveau poste qui a été proposé à Philippe Y... impliquait la modification de ses conditions de travail mais en aucun cas la modification de son contrat de travail et la proposition de signature d'un avenant inutile n'est pas propre à caractériser une modification du contrat de travail d'autant moins lorsqu'il a été rédigé à la demande expresse du salarié, lequel ne peut se prévaloir d'un moyen de preuve obtenu de manière frauduleuse ou déloyale
- il n'a jamais été question de supprimer son poste ni de lui imposer des missions de marketing ou encore de le rétrograder ; il conservait un périmètre régional dont il avait l'entière responsabilité outre celle d'un compte d'exploitation regroupant l'ensemble des intervenants en production végétale, évoluant sur le secteur géographique, sans changement quant à son niveau hiérarchique, son statut de cadre dirigeant, sa classification et les différentes composantes de sa rémunération
- l'employeur dont la bonne foi est présumée en la matière est libre de décider en vertu de son pouvoir de direction, de modifier les conditions de travail d'un salarié, lesquelles peuvent impliquer le cas échéant une réduction des responsabilités dont la qualité et la qualification sont conservées par ailleurs, ou encore d'adjoindre des tâches en rapport avec cette qualification, comme en l'espèce
- le poste de Monsieur Y... n'a pas été supprimé et celui-ci entretient volontairement la confusion entre les discussions ayant concerné l'évolution de ses conditions de travail et la réorganisation des services du siège et industriels de la SA TIMAC ; aucun des postes supprimés ne concernait directement ou indirectement la structure commerciale de la société, les mesures opérationnelles prises visant uniquement à diminuer les coûts de structures fonctionnelles et les coûts sociaux industriels fixes tout en maintenant un fort taux d'investissement industriel afin d'améliorer encore la productivité
- il a été remplacé dans son poste le 1er octobre 2007 après diverses pérégrinations indépendantes de la volonté de l'entreprise qui ont rendu ce recrutement plus difficile et plus long que prévu
- s'il est vrai que le marché des engrais chute régulièrement depuis plusieurs années, la société TIMAC qui a toujours su faire preuve de réactivité et s'est toujours attachée à anticiper le marché, s'est mieux maintenue que ses concurrents ainsi que le démontre l'examen comparé de l'évolution de sa production et de ses marges.

Pour le développement de l'argumentation des parties et de leurs moyens respectifs, la cour renvoie à leurs écritures, conformes à leurs plaidoiries, déposées le 9 octobre 2008.

MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur les demandes accessoires
1. Les primes
Il s'agit de trois types de primes résultant de l'engagement unilatéral de l'employeur contenu dans une note de service datée du 13 mai 2004 mais dont chacun s'accorde à dire qu'elle a été rédigée le 13 mai 2005.
La réorganisation de la direction commerciale décidée par l'employeur qui avait pour conséquence la réduction du nombre des équipes et des personnes placées sous sa responsabilité a empêché Philippe Y... de réaliser l'objectif qui lui était fixé de 40 collaborateurs en 2005 ouvrant droit pour lui à une prime annuelle de 2.500 euros.
Concernant la prime de 3.500 euros, la SA TIMAC ne produit pas d'éléments relatifs aux objectifs des attachés commerciaux en 2005, de sorte qu'il est impossible de vérifier la réalisation de la condition imposée par l'employeur, à savoir la rentabilité de 80 % des ATC, sachant que cette notion qui n'est pas définie par ce dernier suggère éventuellement d'autres critères d'évaluation dont la cour n'a pas davantage connaissance.
La prime d'exercice pour "une CB " équivalente à 2004 est également due dans son principe dès lors que le licenciement et la dispense d'exécution du préavis n'ont pas permis au salarié de faire ses preuves sur l'année entière.
Il convient en conséquence de faire droit à la demande du salarié à hauteur de la somme de 5.083,33 euros correspondant au montant total des primes promises calculé prorata temporis et déduction faite des 5.000 euros versés à ce titre en octobre 2005.

Compte tenu de ces éléments, le salaire mensuel moyen de Philippe Y... s'élève à 7.526,33 euros.

2. L'indemnité de non-concurrence
Cette indemnisation dont la SA TIMAC s'est déjà acquittée pour sa plus grande part n'est pas contestée dans son principe ; elle doit être complétée en fonction du salaire déterminé précédemment.
À ce titre, il revient à l'appelant la somme de 347,66 euros.

Sur le licenciement
1. L'avenant
Il importe de rappeler que la modification des conditions de travail relève du pouvoir de direction de l'employeur qui peut l'imposer au salarié à la différence de la modification du contrat de travail qui nécessite l'accord de ce dernier.
En l'occurrence, la SA TIMAC a expressément demandé à Philippe Y..., par courrier recommandé daté du 28 septembre 2005 présenté comme valant avenant au contrat de travail, d'accepter ses nouvelles fonctions de directeur du développement grandes cultures, admettant ainsi nécessairement que sa proposition de nouveau poste allait au-delà d'une simple modification des conditions de travail.
Cette lettre faisait suite à un courriel du salarié émis le 23 septembre 2005, aux termes duquel il indiquait qu'il ne serait en mesure de répondre à la proposition de poste qu'après avoir pris connaissance de l'avenant à son contrat de travail précisant ses nouvelles fonctions, attributions, position hiérarchique dans l'entreprise, etc...
Ce fait ne peut être interprété comme une manoeuvre frauduleuse ou déloyale de la part de celui-ci, l'employeur restant parfaitement libre, en réponse à une demande purement explicative, d'établir une note descriptive précise et très détaillée du poste, tout en rappelant au salarié l'inutilité d'un avenant s'agissant d'une simple modification des conditions de travail.
Au surplus, la cour observe que devant le refus de Philippe Y... de signer ce premier avenant, elle a réitéré sa proposition dans les mêmes formes le 12 octobre 2005.
La lettre de convocation à l'entretien préalable prend acte du refus définitif du salarié de l'avenant à son contrat de travail, de même que la lettre de licenciement qui cible le refus de signature de l'avenant comme cause de la rupture du contrat de travail aux torts du salarié, ce qui confirme que l'employeur s'est effectivement placé sur le terrain de la modification du contrat de travail.
Il s'ensuit que le licenciement de Philippe Y... qui était en droit de refuser la modification de son contrat de travail, est sans cause réelle et sérieuse.

2. Le motif économique
Il incombe à l'appelant de rapporter la preuve que la modification de son contrat de travail et son licenciement subséquent trouvent leur origine dans la réorganisation de l'entreprise nécessaire pour sauvegarder sa compétitivité.
Or, il ne démontre pas que la restructuration de la direction commerciale de TIMAC Nord ait eu pour objet de prévenir des difficultés économiques de l'entreprise et éviter des licenciements à venir, cette thèse, au contraire, étant infirmée par les chiffres communiqués par la société.
Il s'agissait spécialement de développer le créneau grandes cultures qui, géographiquement, coïncidait plus particulièrement, avec le Centre Nord dirigé jusque là par Monsieur Y... lequel s'est vu, assez naturellement, proposé le poste.
Le moyen sera donc rejeté de même que toutes les demandes subséquentes.

3. L'indemnisation
L'indemnité conventionnelle de licenciement s'élève à 39.889,54 euros sur la base d'un salaire de 7.526,33 euros incluant les primes perçues pendant les douze derniers mois travaillés. Il reste dû 922,94 euros de ce chef.
Compte tenu de l'ancienneté de Philippe Y... au sein de la SA TIMAC, supérieure à deux ans, et du nombre de salariés de cette entreprise supérieur à 11, il est dû une indemnité qui ne peut être inférieure à l'équivalent de six mois de salaire.
Dans la mesure où l'appelant ne justifie pas de sa situation ni de la durée pendant laquelle il est resté sans emploi et que les informations données par le salarié lors de l'audience à ce propos ne sont confortées par aucune pièce, il n'y a pas lieu de dépasser ce minimum légal soit la somme de 45.157,98 euros.

4. Le droit individuel à la formation
La lettre de licenciement ne mentionne pas le droit du salarié en matière de DIF, privant ainsi celui-ci d'une chance d'obtenir une formation complémentaire soit un préjudice que la cour évalue à 1.500 euros.

Sur l'article 700 du nouveau code de procédure civile
Il convient d'allouer à Philippe Y... une indemnité de 1.600 euros au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel et en première instance.

PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant publiquement et contradictoirement,
INFIRME le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de BLOIS en toutes ses dispositions
STATUANT À NOUVEAU :
DIT le licenciement de Philippe Y... sans cause réelle et sérieuse
CONDAMNE la SA TIMAC à payer à Philippe Y... :
- 45.157,98 euros de dommages et intérêts pour licenciement abusif - 922,94 euros de complément d'indemnité conventionnelle de licenciement - 5.083,00 euros de rappel de salaire au titre des primes- 347,66 euros de complément d'indemnité de non concurrence- 1.500 euros de dommages et intérêts pour défaut d'information du DIF- 1.600 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
ORDONNE la remise par la SA TIMAC à Philippe Y... de son dernier bulletin de salaire et attestation d'Assedic rectifiés
DÉBOUTE les parties pour les surplus
CONDAMNE la SA TIMAC aux entiers dépens de première instance et d'appel.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Orléans
Formation : Ct0229
Numéro d'arrêt : 622
Date de la décision : 06/11/2008

Références :

Décision attaquée : Conseil de prud'hommes de Blois, 18 janvier 2008


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.orleans;arret;2008-11-06;622 ?
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